Carnet de croqueurs
Imaginez, le talent d’aquarelliste et de maître du récit dessiné qu’est le grand Jacques Ferrandez, croisé au joyeux franc-parler du chef étoilé Yves Camdeborde… ça donne Frères de terroir, un ouvrage qui rend hommage au savoir-faire français, et que le cuisinier n’aurait pas imaginé autrement qu’en bande dessinée.
“Je me suis dit que la BD, c’était la meilleure façon de faire toucher du doigt à la jeunesse, un métier qui, s’il est très médiatisé aujourd’hui, n’est pas un métier individuel mais collectif, car il faut une chaîne alimentaire pour arriver à faire la qualité qu’on fait.”

Yves Cambeborde et Jacques Ferrandez. Crédits : Olivier Gonin
Cette louange du bien manger est d’abord celle du bon produit. Apiculteurs, maraîchers, vignerons, bouchers, chaque fournisseur d’Yves Camdeborde est habilement croqué par son compère gastronome.
Car le sous-titre de cette bande dessinée ne trompe pas : « Carnet de croqueurs » c’est bien la rencontre entre deux épicuriens, tant du côté du chef cuisinier que de celui de l’aquarelliste. Les yeux gargouillent autant que l’estomac lorsqu’on savoure les couleurs fraîches et délicates du beurre du Rennais Jean-Yves Bordier : le dernier artisan à travailler à la main son beurre de baratte dans un malaxeur en bois, et à le saler à l’ancienne, à la volée.
Même réveil des papilles quand on arpente les terres de l’ex-rugbyman Jean-Charles Orso, qui, après sa carrière sportive, s’est investi pleinement dans l’exploitation maraichère familiale, aux portes de Cannes.
Bref on peut dire que le chef Yves Camdeborde et le dessinateur Jacques Ferrandez se sont bien trouvés… d’ailleurs c’est encore une histoire de cuisine qui les a réuni.
“J’ai eu la chance de croiser Jacques Ferrandez à table. On avait les mêmes convictions, le même plaisir de manger et de manger de la qualité, le même plaisir de boire des vins nature, de parler de l’artisanat et un respect de l’environnement et des hommes. Quand je lui ai soumis l’idée, je savais qu’il allait nous faire des aquarelles extraordinaires et j’ai pas été déçu.”
Frères de terroir est une belle entrée en matière pour découvrir le travail de Jacques Ferrander, pourtant connu pour signer à la fois au scénario ET aux dessins, comme dans sa fameuse saga des Carnets d’Orient, ou sa relecture de l’Étranger ou de l’Hôte, d’Albert Camus.
Pour ce qui est du récit, Yves Camdeborde a beau s’être fait connaître du grand public par sa participation au jury de l’émission culinaire télé « Masterchef », il le jure, Frères de terroir, ce n’est pas du cinéma, tout est à l’image de sa cuisine : authentique. “On a passé une cinquantaine de jours sur le terrain, ce n’est pas de la fiction ou des dessins d’après photos, nos paroles et celles des producteurs rencontrées… c’est de la BD-réalité”.
Une chose est sûre, on desserrera un autre bouton de pantalon en septembre prochain, car il s’agit là que du premier volume d’un dyptique. Après hiver et printemps, Yves Camdeborde et Jacques Ferrandez proposeront une nouvelle balade à la rencontre du savoir-faire et de la convivialité, cette fois à l’été et à l’automne… ça laisse déjà imaginer les bons petits plats qu’ils nous feront manger… avec les yeux bien sûr.
Frères de terroirs, carnet de croqueurs : Hiver et Printemps, de Yves Camderborde et Jacques Ferrandez, Rue de Sèvres, 22 €.