Un texte poignant pour un récit efficace et militant, le premier roman graphique de Julie Maroh questionne la place des homosexuels dans la société.
Le bleu est une couleur chaude, c’est une histoire d’amour entre deux jeunes filles. Tout commence par une rencontre, un regard échangé dans la rue qui dure quelques secondes seulement et pourtant, Clémentine est perturbée par cette fille aux cheveux bleus. Incapable de mettre des mots sur cette obsession, elle se met à faire des rêves, érotiques, où l’amant est… une femme. Auto-censure, honte, déni, voilà la jeune lycéenne en proie aux doutes. Chaque point bleu qui l’entoure est comme une oriflamme à la mémoire de cette rencontre.
« Je suis une fille et une fille ça sort avec des garçons. »
Le récit se fait à travers le journal intime de Clémentine, les dessins à travers son regard. Afin d’éloigner ses idées qui la surprennent, elle va se jeter dans les bras d’un garçon car après tout, « je suis une fille et une fille ça sort avec des garçons » répète t-elle. L’idylle ne dure pas, et tout bascule un soir, où elle recroise la fille aux cheveux bleus, Emma. Étudiante aux Beaux-arts, plus âgée, plus affirmée aussi, elle considère son orientation sexuelle comme un acte politique, une source d’identification dans un courant artistique.
Clémentine refuse d’admettre qu’elle est « lesbienne » même si elle doute. « J’ai l’impression que tout ce que je fais est contre nature, contre ma nature ». Entre les réflexions homophobes de ses parents, ses amis qui lui tournent le dos, elle réalise que son histoire d’amour ne peut être qu’intime, mais s’inscrit dans un contexte social, où il faut sans cesse s’assumer, revendiquer son droit à une sexualité différente… Parfois elle se laisse gagner par le doute, « Pour Emma, sa sexualité est un lien vers les autres. Un lien social et politique.. Pour moi, c’est la chose la plus intime qui soit. » Peu à peu, Clémentine va se laisser apprivoiser par Emma, l’amitié va se transformer en tendresse, puis en amour, malgré la pression qui l’entoure.
Représenter une réalité qui n’existe pas dans la littérature
L’histoire est une succession de flash-back rondement menés par Julie Maroh : le temps du souvenir est en sépia teinté de bleu parfois, le présent est lui tout en couleur. Tout au long du récit, l’auteur nous suggère des regards, des visages qui souffrent, qui s’interrogent, des mains qui se frôlent, qui s’accrochent. Le couple se cherche, lutte contre l’attirance réciproque puis la partage, enfin. Les scènes d’amour, se situent entre érotisme et poésie et nous ramènent à une réalité : est-ce à ce point tabou pour qu’on en retrouve si peu en bande dessinée ?
Lauréate du prix du public à Angoulême en 2011, l’auteur a déclaré au magazine Têtu (un mensuel gay et lesbien) qu’elle était heureuse « d’avoir reçu, plus particulièrement, le prix du public (…) Je trouve ça bien qu’une thématique lesbienne ait réussi à toucher le public dans son ensemble. Les lecteurs ont reçu cette histoire entre deux femmes comme une histoire d’amour comme toutes les autres. » Dans une autre interview, l’auteur, homosexuelle, a expliqué son envie, son besoin de représenter une réalité qui n’existe pas dans la littérature, une réalité qui est la sienne.
Le Bleu est une couleur chaude, Julie Maroh, Glénat, 15 €.
Édition : Le 26 mai 2013, le film La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, avec les actrices Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, inspiré de cette bande dessinée, a remporté la Palme d’Or, décerné par Steven Spielberg, président du jury du 66e festival de Cannes.
Juste un essai de commentaire pour le test… je manque d’inspiration…
Merci pour les bonnes idées littéraires ! A ce propos, un petit bouquin poignant sur le sujet aussi que je te conseille : “A copier 100 fois” d’Antoine Dole !