Figure du capitalisme des données, Blackrock a beaucoup à gagner du Covid-19

BlackRock, c’est ce gestionnaire d’actifs (c’est à dire de produits financiers) qui est devenu un des plus gros investisseurs mondiaux après la crise de 2008 et est actionnaires de quasiment toutes les grosses entreprises. Particulièrement implanté aux États-Unis, il est aussi arrivé sur le champ européen et cherche à se faire une place sur les marchés émergents de certains pays africains. En France, il soutient la redirection des retraites vers des formes de retraite par capitalisation.

BlackRock a refait surface dans les médias très récemment, parce que ce gestionnaire d’actifs vient d’obtenir la charge de travailler sur l’intégration des facteurs sociaux et environnementaux dans la supervision bancaire, suite à un appel d’offres de la Commission européenne. C’est relativement risible lorsqu’on sait que BlackRock investit dans de nombreuses entreprises pétrolières et plus généralement dans les entreprises phare des différentes indices boursiers du monde, peu connues pour leur investissement social ou environnemental.

C’est loin d’être la première fois que BlackRock assure des missions liées aux banques en Europe. Suite à la crise de 2008, plusieurs pays, comme l’Irlande ou la Grèce, avaient fait appel à lui. En 2014, la Banque centrale européenne (BCE) avait dû réaliser une évaluation complète et BlackRock figurait parmi les consultants extérieurs en charge du dossier, comme le rappelle une partie de ce documentaire fourni diffusé par Arte en 2019.

En ces multiples occasions, BlackRock gagne de l’argent par ces activités d’analyse et de conseil mais Sylvain Leder, dans un article du Monde diplomatique, nous rappelle que ces apports ne représentent que peu par rapport aux données économiques, potentiellement sensibles, récoltées.

La puissance de BlackRock provient en effet en grande partie de sa capacité d’analyse d’une masse de données importante. Il dispose d’un ensemble de serveurs, établis dans la petite ville de Wenatchee aux États-Unis, qui a l’avantage de la présence d’un barrage fournissant de l’électricité peu chère. C’est un élément crucial pour BlackRock et son programme d’analyse dédié Aladdin, qui fait de l’analyse de données à grande échelle… le tout permettant de brasser journalièrement des sommes à hauteur du PIB américain (la bagatelle de – environ – 18.000 milliards de dollars).

À côté de ses activités d’analyse et de conseil, BlackRock nous était bien connu jusqu’à présent pour ses activités d’investissement : la réforme des retraites, stoppée en plein vol par Covid-19, prévoyait d’ouvrir la voie aux retraites par capitalisation privée, et le gérant d’actif y avait un rôle clef.

200423 - Brûle Blackrock Sauve un dauphin by Ricochets - La Déviation
Des militant·es ont laissé des souvenirs de leur passage au siège parisien de BlackRock le 10 février 2020, en plein mouvement de grève pour les retraites. Certain·es ont passé 48 heures en garde à vue. (Image issue du compte rendu de Ricochets).

Entre l’activité d’analyse et de conseil qui lui permet de récolter de nombreuses données et l’activité d’investissement qui dépend de l’analyse de ce type de données, quid des conflits d’intérêts et des délits d’initiés chez BlackRock ? Le gestionnaire indique que ces deux secteurs d’activité sont bien séparés… Des doutes ont pu émerger lorsqu’il a acheté en Grèce peu de temps avant la crise et y a gagné : son service d’analyse-conseil venait de passer au peigne fin les comptes de la Grèce à la demande de la BCE (et c’est un exemple parmi d’autres).

Quoi qu’il en soit, BlackRock pratique en tout cas bien le pantouflage : Médiapart résumait ainsi (article payant) que le président de la branche française de Blackrock, Jean-François Cirelli, est un ancien des gouvernements de Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin ; en Suisse ce rôle a échu à l’ancien patron de la banque centrale ; en Grèce, à l’ex-responsable d’un programme gouvernemental de privatisation ; et en Allemagne, à l’ancien chef au Parlement de la CDU (parti d’Angela Merkel).

Et d’ailleurs, Jean-François Cirelli est lui-même membre du Comité action publique 2022, qui doit faire des propositions de réforme de l’État : un comité où se télescopent joyeusement privé et public.

Alors que la situation pandémique fragilise les États et leurs services publics déjà très amoindris, des gérants d’actifs et fonds d’investissement comme BlackRock se manifesteront-ils comme des sauveurs pour l’économie mondiale ? Les secteurs publics constituent des investissement sûrs, prévisibles et à long terme pour eux et donc un engagement rentable. BlackRock, qui connaît moins les marchés des pays du Sud, pourrait aussi en profiter pour prolonger des partenariats lui ouvrant la porte à des marchés en expansion, comme le décrit la fin du documentaire. Ceci alors que, non considéré comme un établissement bancaire, BlackRock échappe aux régulations mises en place pour contrôler ceux-ci après la crise de 2008…

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