L’écologie sans l’anticapitalisme c’est du jardinage

Lors de ce déconfinement, le vélo semble s’ériger en nouveau roi de la circulation. Contrairement aux transports en commun, la bicyclette facilite la distanciation physique. Du moins, quand cette option est possible pour se rendre à son travail, critère majeur dans une métropole comme Paris.

Plusieurs villes ont réalisé, ou prévoient de le faire sous peu, des aménagements pour les deux roues. Une bonne nouvelle au regard de leurs atouts pour l’environnement. Alors que la période du confinement a permis de constater l’amélioration d’un certain nombre de paramètres comme le nombre record d’oiseaux nichant en Camargue, les associations tentent de se faire entendre pour que cette période de répit perdure, et s’accentue.

D’autant plus que même les grandes entreprises françaises nous le disent : « Mettons l’environnement au cœur… de la reprise économique » (pdf) [1]. Raté. Malgré les belles paroles de Macron, sa seule façon d’envisager l’écologie est de la mettre en cases, de la mesurer et de l’évaluer c’est-à-dire de la faire entrer dans une logique de marchandisation, d’investissements et de bénéfices, comme le détaille Jacques Fradin sur Lundi matin.

Alors oui, le déconfinement, c’est la relance. La relance des projets d’aménagements, la relance des grands projets inutiles et imposés, ou tout simplement leur poursuite, puisqu’on vous avait déjà dit que le confinement n’arrêtait pas certaines dynamiques, par exemple sur la Zad de la Dune, en Vendée.

Les multinationales n’ont pas chômé pendant le confinement. Une partie d’entre elles a mis ses finances à contribution face à la crise sanitaire, ce qui est analysé par cet article du site Equal Times comme pouvant résulter soit d’une stratégie de communication pour garantir leur moralité, soit du reflet d’une idéologie libertarienne où elles refusent que seul l’État s’occupe de l’intérêt général. S’il ne s’agit pas des deux « en même temps ».

Quelles que soient les raisons des multinationales, cette sorte de responsabilité et d’indépendance affichée leur permet surtout de peser aujourd’hui dans les prises de décisions, en tant qu’acteurs pertinents et respectueux. Plus de chances de les écouter donc si elles nous disent de foncer vers la reprise économique, environnement au cœur ou non d’ailleurs. La deuxième loi de finances rectificative pour 2020 inclut un fond de 20 milliards d’euros pour les « entreprises stratégiques », dont plusieurs organisations avaient réclamé qu’il soit conditionné par des critères sociaux et environnementaux. Finalement, ce n’est pas le cas et c’est l’État, via son Haut conseil pour le climat – qui demandait des transformations structurelles pour une transition bas-carbone suite à la crise -, qui devra s’assurer que tout se passe bien.

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Le confinement n’a pas arrêté les manœuvres des agrochimistes dans le domaine des pesticides, à coup de pathos instrumentalisant le contexte de la crise.

En tout cas, reprendre et aller au boulot, c’est bien ce que ces grandes entreprises nous demandent. « Il faut travailler plus tout au long de la vie », nous assène Agnès Verdier-Molinié, parmi d’autres mesures pour sortir de la crise (la tribune est en accès payant, mais de toute façon on vous conseille plutôt d’aller lire cette critique de Acrimed, sur Agnès Verdier-Molinié et son think-thank l’Ifrap). L’Institut Montaigne, autre think-thank gravitant autour du Medef, vient de publier deux notes listant des pistes pour « Rebondir face au Covid-19 ». Elles concernent l’investissement et de nouveau le temps de travail. Sans surprise, elles appellent à l’allègement de la fiscalité des entreprises, l’assouplissement du droit du travail et incluent aussi une série de recommandations concernant les fonctionnaires (et pas pour leur bien).

Sans surprise non plus, ces notes ont été reprises, diffusées, commentées dans toute la presse généraliste grand public, donnant à l’Institut Montaigne une visibilité, une aura et surtout une légitimité sans commune mesure, comme l’analyse longuement Acrimed. En particulier, au fur et à mesure des reprises, s’ancre l’idée que ce think-thank est un acteur expert pertinent et neutre pour conseiller sur ces sujets, ce qui est loin d’être le cas comme le montre cet article du Monde diplomatique de décembre 2019. Par comparaison, le rapport (bien plus détaillé) rendu par l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac) le 4 mai n’a déclenché que deux articles de presse. L’un dans L’Humanité et l’autre dans Reporterre. Deux médias, il est vrai, qui échappent encore à la mainmise des milliardaires.

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