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La Gazette des confiné·es #5 – Journaux, chloroquine, marchés au pas

Aujourd’hui, une nouvelle prise d’otage : celle des éditeurs de presse par La Poste, qui distribuerait moins vite les journaux papier. Et d’ailleurs, les pigistes sont-iels de vrai·es journalistes ? Et tous ces médias et sources internet, quel charivari font-ils autour des solutions miracles au SRAS-Cov2, de la chloroquine au jus de carotte en passant par l’urine ?

Le remède miracle reste bien irréel, tout comme la fameuse continuité pédagogique que nous vend Blanquer, dénoncée de toute part. Le gouvernement a en tout cas trouvé un traitement radical contre les paysan·nes qui tentent d’échapper à l’agro-business : fermer tous les marchés, en maintenant les grandes surfaces. Allons-nous nous laisser à ces docteur·es Maboul le choix des prescriptions ?

Postièr·es sans masque, éditeurs sans scrupule

« Restez chez vous, mais allez bosser ! ». Au petit jeu des injonctions contradictoires, le gouvernement a donné le la et le patronat s’est accordé. Affolés par l’effondrement de la pub et les fermetures de points de vente, les éditeurs de presse quotidienne se retournent contre La Poste, qui réduit son activité courrier.  Il faut dire qu’au moins 167 agents montraient des signes de Covid-19 dans sa seule branche Réseau au 25 mars et que la direction a préféré livrer ses 300.000 masques à la police…

Quoi de plus naturel que d’employer son propre journal pour relayer une pétition, publier un édito enflammé ou partager le communiqué de son organisation ? Une campagne de presse s’est donc engagée la semaine dernière (lire notre article), avec le groupe Centre France et la famille Baylet (groupe La Dépêche) comme chefs d’orchestre. « Prise d’otage », « désertion »… inspirés par le discours martial du pouvoir, les patrons de presse se sont lâchés.

Le secteur emploie d’innombrables petites mains qui n’ont pas le statut de salarié·e et donc les droits qui s’y rattachent. On pense aux correspondant·es locaux de presse, payé·es à la tâche pour courir à travers leur canton, ainsi qu’aux porteuses et porteurs, véritables combattant·es du cycle circadien. Les imprimeries, ancien bastion CGT, ont été en grande partie externalisées. Autant dire que les éditeurs ont pris l’habitude qu’on les respecte.

Leur lobbying semble payant, puisque la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, annonce, lors de la séance de questions au gouvernement des sénateurs du 1er avril un « renforcement de la distribution de la presse écrite en début de semaine ».

On apprend au détour d’un communiqué de Sud-PTT que c’est Mediapost qui récupère la livraison des canards. Un choix ironique quand on sait que la filiale du groupe La Poste est spécialisée dans la distribution des publicités et qu’elle fait une lecture très singulière du code du travail.

Un choix en tout cas condamné par le syndicat qui rappelle que la direction a justifié la diminution des distributions « au nom de la sécurité des agents de la maison-mère ». Les autres peuvent bien crever !

Les pigistes ? Quels pigistes ?

Étrangement, les patrons de presse sont moins diserts lorsqu’il s’agit des pigistes. Ces journalistes non mensualisé·es mais non moins salarié·es subissent de plein fouet la baisse de pagination des journaux et les annulations d’émissions. Pourtant, certains médias rechignent à les inscrire dans le dispositif de chômage partiel. D’autres appliquent leurs propres critères d’éligibilité, excluant les plus précaires.

Habitué·es au télétravail, ils et surtout elles n’en sont pas moins déstabilisé·es par la fermeture des écoles, collèges et lycées. Quant aux pros basé·es à l’étranger, la baisse des commandes s’accompagne de difficultés diverses pour regagner la France.

Myriam Guillemaud Silenko, animatrice du pôle pigistes du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’adresse au ministère du travail par le biais d’une pétition. Dans ses échanges avec les fédérations patronales, le principal syndicat de la profession ainsi que la CGT, la CFDT et FO menacent d’engager des poursuites contre les entreprises qui oublieraient les pigistes. Le SNJ demande même de suspendre leurs aides à la presse.

Marchés au pas

Le 23 mars, le premier ministre a ordonné la fermeture de tous les marchés du pays (sauf les marchés financiers bien sûr). Pour les rouvrir, il faut une demande argumentée de la mairie, qui sera soumise au bon vouloir de la préfecture.

Suite à la mobilisation des agriculteur·ices et des vendeur·euses, un guide méthodologique a été rédigé pour cadrer ces réouvertures. Ce guide contient une vingtaine de consignes à respecter pour avoir le droit de continuer à tenir un marché.

200402 - Fais tes courses en évitant les prunes by auteur inconnu - La Déviation

En plus des consignes sanitaires de bon sens, déjà appliquées par la plupart des marchand·es qui n’ont pas attendu les ordres de l’État pour prendre des précautions, le nombre de stands est largement limité : 15 au marché des Lices de Rennes par exemple, contre 200 en temps normal. De même, seuls les stands alimentaires seront autorisés.

La mise en place de ces règles et le flicage pour les faire appliquer revient aux mairies. Pas étonnant que nombre d’entre elles y renoncent. Par ailleurs, les préfet·es gardent le dernier mot et semblent pour certain·es considérer que la présence d’un supermarché dans une ville rend inutile l’ouverture du marché. Résultat, seul un marché sur quatre est rouvert.

Heureusement, la mobilisation semble porter ses fruits. Dans les villes où les habitant·es insistent auprès des élu·es, les marchés rouvrent plus vite.

Il est normal de prendre des précautions pour éviter des contaminations inutiles, mais l’accès à l’alimentation fait partie des besoins essentiels. La différence de traitement entre les marchés et les grandes surfaces, qui permettent tous les deux de combler ce besoin est donc particulièrement choquante.

La plupart des mesures du guide méthodologique pour les marchés ne sont pas appliquées dans les supermarchés, notamment l’interdiction de toucher les produits. De même, aucune surveillance de l’application des distances de sécurité n’y est faite, alors qu’il s’agit d’endroit plus confinés, conçus pour mettre les consommateur·ices au plus près des produits.

Alors que nous sommes au milieu d’une crise mondiale qui met en évidence les limites de notre modèle de production et de distribution, profitons-en pour repenser la consommation comme le proposent ces appels de la Confédération paysanne et de paysan·nes de Loire-Atlantique. Le modèle actuel, promu par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA est complètement dépassé par la situation, notamment parce qu’il repose sur l’exploitation de travailleur·euses détaché·es pour les récoltes.

S’approvisionner en vente directe, locale et de saison, assurer un salaire décent aux paysan·nes grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, organiser des chantiers agricoles collectifs pour éviter le recours à des machines qu’il faut acheter à crédit et aux hydrocarbures qui les font tourner, faire les courses en commun pour aider les personnes qui sont dans l’incapacité de le faire, penser la récupération et la redistribution des invendus pour aider les plus vulnérables, etc.

Toutes ces actions permettent de mettre en place des alternatives, en construisant une autre économie, qu’il faut défendre face au capitalisme mondialisé et à l’État.

Le piège de la continuité pédagogique

Alors que de nombreuses personnes pointent la gestion catastrophique par Blanquer (ministre de l’Education nationale) de la pandémie, un syndicat de parents d’élèves (FCPE) appelle le ministre à arrêter de faire semblant que tout se passe bien.

C’est vrai que Blanquer est un habitué des mensonges éhontés : alors qu’il était confronté à une mobilisation importante contre les épreuves de contrôle continu du Bac (E3C en langage techno : épreuves communes de contrôle continu) dernièrement, il a osé prétendre que 99,9 % des enseignant·es étaient d’accords avec lui. Peut-être que réclamer sa démission est maintenant la solution la plus simple.

En plus de demander aux enseignant·es un surplus de travail considérable, il se pourrait bien que les lobbies et le gouvernement profitent de la crise pour progresser dans une éducation nationale de plus en plus envahie par le numérique.

Dans la région Grand Est, de nombreux collectifs se battent contre un plan de développement des outils numériques : le lycée 4.0. Alors que des lobbies d’experts influencent les politiques et disent que le numérique bouscule le modèle de l’école traditionnelle (sic), les enseignant·es et des personnes proches de l’éducation produisent elleux aussi des analyses qui font entendre une autre réalité.

Il est bon de rappeler quelques évidences : trop de temps d’écran a des effets néfastes sur la santé des plus jeunes, les Gafam investissent sur le marché de l’éducation et la volonté d’utiliser le numérique est incompatible avec l’impératif écologique.

God save the chloroqueen

Le professeur Raoult, infectiologue à l’IHU Marseille et ancien membre du conseil scientifique mandaté par l’Élysée, le répète : la chloroquine, ou son dérivé, l’hydroxychloroquine, guérirait du coronavirus. Sa position a été largement relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Au point que les hôpitaux testant les traitements contre le coronavirus peinent à convaincre les patient·es de participer aux études en cours.

Mais des problèmes majeurs dans l’étude du Dr Raoult ont été pointés par le reste de la communauté médicale : aucune comparaison sérieuse n’a été faite entre des patient·es traité·es et non traité·es ; par ailleurs, certaines données auraient été supprimées de l’étude car en défaveur de l’hydroxychloroquine… Plusieurs autres articles publiés par le passé par l’IHU étaient truqués ou d’une éthique douteuse.

Le professeur Raoult a réalisé une deuxième étude, qui n’est, à nouveau, pas interprétable faute de patient·es témoins (non traité·es par hydroxychloroquine) à comparer aux patient·es recevant l’hydroxychloroquine. Deux études chinoises, ici et , trouvent quant à elles des résultats contradictoires ; néanmoins, ce sont des études réalisées avec très peu de personnes, qui permettent donc difficilement de conclure et qui sont aussi contestées.

Pour le moment, nous ne pouvons être convaincu·es ni de son efficacité, ni de son absence d’efficacité. Restons prudent·es devant les « expert·es » mis·es en avant par les médias ou le gouvernement, fussent-iels médecins ou scientifiques de formation…

Faux espoirs et vrais dangers

Si la plupart des « conseils » dispensés sur internet sont relativement inoffensifs (boire de l’eau, des boissons chaudes ou du jus de carotte, méditer…), certains « remèdes miracles » contre le coronavirus ont été à l’origine de drames. Ainsi, en Iran, 210 personnes seraient mortes après avoir consommé de l’alcool frelaté. Parmi les conseils plus ou moins dangereux et sans fondement rationnel, certains incitent à boire sa propre urine, de l’eau de Javel, des solutions d’argent colloïdal, ou à prendre de la cocaïne.

L’(hydroxy)chloroquine, qui peut induire de graves troubles cardiaques, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres médicaments courants (antibiotiques, traitements psychiatriques ou cardiologiques) n’est pas en reste : en France, dix personnes au moins seraient en réanimation après en avoir ingéré en auto-médication. Aux États-Unis, une personne est morte après avoir consommé le phosphate de chloroquine contenu dans le produit destiné à laver son aquarium.

Et il ne faut pas croire que l’on rend service aux gens en leur prescrivant de la chloroquine même avant la fin des essais cliniques : dans le contexte d’une épidémie, la chose la plus éthique à faire est de tester les médicaments avant de les prescrire à cause des nombreux effets secondaires.

En fait, quand on teste des médicaments (un groupe auquel on donne le médicament et un autre groupe auquel on donne un placebo et on traite de la même manière les patients en dehors de ce médicament particulier), il est souvent plus sûr d’être dans le groupe placebo plutôt que de prendre des molécules dont on ne connaît pas les effets !

Le technicisme ambiant nous pousse à ne percevoir que les effets positifs espérés des médicaments ; attention à ne pas sous-estimer les dangers des solutions miracles, d’où quelles viennent !

Illustration : Boîtes aux lettres à Ravenne en Italie by Chris Blonk licence Unsplash

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Ces 50 masques par foyer qui nous manquent, ou l’affaire du rapport enterré

Un rapport remis en mai 2019 à Santé publique France recommandait de fournir, en cas de pandémie, une boîte de 50 masques par foyer, soit un milliard d’unités au total. Dix mois plus tard et faute de stocks suffisants pour faire face au Covid-19, le gouvernement dissuade les citoyens de se couvrir le visage, y compris dans un magasin. En revanche, veuillez remettre vos exemplaires en pharmacie messieurs-dames !

« On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire », défendait la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur CNews, lundi 23 mars. Pourtant, cette semaine encore, la pénurie de masques, de tests et de réactifs pèse sur la capacité de la France à lutter correctement contre l’épidémie de coronavirus Covid-19, dont le nombre de victimes dépassera probablement les 2.000 d’ici 24 ou 48 heures.

Devant la représentation nationale, le ministre de la Santé concédait d’ailleurs mardi que des marchandises étaient encore attendues en provenance des Etats-Unis et de Chine.

De l’aveu même d’Olivier Véran, interrogé le 17 mars sur France Inter, l’Etat ne dispose alors plus que de 110 millions de masques chirurgicaux dans ses stocks stratégiques, malgré les réquisitions annoncées quatre jours plus tôt par le premier ministre.

Pis, aucun masque FFP2, plus performant, ne traîne dans ses greniers. Jusqu’en 2011, un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de FFP2 étaient entreposés en permanence à travers le pays.

Des instructions ministérielles passées à partir de 2011, sous les mandats de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, ont causé ce désarmement. L’après-H1N1 est marqué par de vives accusations de gabegie visant Roselyne Bachelot. Les gouvernements successifs mènent une politique de réduction des dépenses publiques, qui conduit l’Etat à transférer la charge des équipements de protection vers les employeurs.

Les pouvoirs publics misent sur la capacité des usines chinoises à irriguer le marché en cas de crise. Sans anticiper l’effet qu’aurait une pandémie apparaissant précisément dans ce pays !

Les responsabilités sont collectives, mais Emmanuel Macron ne peut toutefois pas se défausser sur ses prédécesseurs. Il était informé du problème. L’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, avait remis une note de cinq pages au futur candidat à la présidentielle le 5 septembre 2016.

« Le risque doit être considéré comme important »

Une alerte encore plus récente aurait pu, ou dû, amener le gouvernement à revoir sa doctrine.

Un rapport commandé par la Direction générale de la Santé (DGS) [1] en 2016 et remis à l’agence nationale de santé publique en mai 2019 établi noir sur blanc la nécessité d’équiper la population en masques.

Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France

Consultez le rapport du 20 mai 2019 intitulé « Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale »

Le groupe d’experts présidé par le Pr Jean-Paul Stahl formule plusieurs recommandations. Celles relatives aux masques sont exprimées en deuxième position, immédiatement après la question des antiviraux.

« En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Cela équivaut donc à un milliard de masques. Le même nombre qu’il y a dix ans.

« Le risque [de pandémie] doit être considéré comme important », soulignent les scientifiques, qui alertent dès la quatrième page de leur rapport sur la nécessité de faire primer les enjeux sanitaires sur les considérations d’ordre économiques.

« Un stock peut arriver à péremption sans qu’il y ait eu besoin de l’utiliser. Cela ne remet pas en cause la nécessité d’une préparation au risque. La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser. Sa constitution ne saurait ainsi être assimilée à une dépense indue. »

« Rapidité d’intervention »

Ils ne précisent cependant pas la taille de ce stock, estimant qu’elle est « à considérer en fonction des capacités d’approvisionnement garanties par les fabricants ». Capacités qui, on l’a vu, se sont révélées pour le moins défaillantes, la production ayant été délocalisée en Asie. Ce rapport ne propose pas de modélisation médico-économique, en l’absence des données nécessaires, selon ses auteurs.

Plus loin, les professionnels insistent sur la « rapidité d’intervention ». L’exemple de nos voisins helvètes guide leur préconisation.

« La Suisse a recommandé à ses habitants de constituer un stock de 50 masques disponibles en préventif au domicile. Pour cela, la Suisse a dû créer le marché et nouer un accord avec l’industrie pour réduire les coûts d’achat (pour le fixer à environ 7 centimes). Cette recommandation a été relativement bien suivie par la population. »

Loin d’écouter ce conseil, la France demeure en situation de pénurie plus de deux mois après la première alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le Covid-19. Bien que le pic épidémique ne soit pas encore atteint et que le bilan officiel fasse déjà état, au 26 mars, de 1.696 morts dans l’hexagone, le gouvernement demande aux Français de remettre leur stock personnel en pharmacie afin d’équiper les soignants.

Sur l’île de La Réunion, ce sont des matériels de protection périmés et parfois même moisis qui ont été livrés dans les officines par l’Agence régionale de santé.

Autre écueil identifié par les rapporteurs, le manque de coordination entre pays voisins. Leur septième principe préalable concerne en effet « le besoin d’une collaboration européenne ». C’est pourtant tout le contraire qui s’est produit, la Commission en étant toujours à l’élaboration d’un « marché public conjoint » au 26 mars, bien après que le vieux continent est devenu l’épicentre mondial de la pandémie.

Les pays asiatiques absents du rapport

Ces recommandations auraient pu être encore plus strictes, mais le rapport n’est lui-même pas dépourvu de biais.

Il s’appuie en effet sur une comparaison internationale des performances, un « benchmark », qui ne s’appuie que sur cinq pays occidentaux : le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse.

190520 - Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France 08

Le tableau comparatif ne comporte aucun pays d’Asie, zone pourtant confrontée au premier chef par l’épidémie de Sras en 2003-2004. Aujourd’hui, les données montrent que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, le Japon et même la Chine savent bien mieux répondre à la crise que les pays choisis par le sous-groupe d’experts.

Le compte rendu de l’audition du Pr Fabrice Carrat est en cela révélatrice. S’il estime, au regard d’un faible corpus d’études, que « peu d’éléments factuels permettent d’affirmer que le masque est une protection très efficace dans la communauté » [l’ensemble de la population, NDR], il observe aussi que « le port du masque n’est pas culturellement admis en Europe, contrairement à ce qui est observé en Asie ».

Notre prophylaxie déficiente nous mène au confinement

« L’adoption du masque diffère donc de façon très significative suivant les zones géographiques, contrairement à l’utilisation de la solution hydro-alcoolique qui est désormais mieux admise en communauté, poursuit-il. De ce fait, les recommandations devront être assorties de mesures sociales en vue d’inciter les personnes à rester à leur domicile. »

En d’autres termes, notre prophylaxie déficiente et en particulier l’absence de campagne de prévention nous mène au confinement. Avec son cortège de défaillances économiques.

Une étude portant sur ces différences culturelles rapidement balayées aurait-elle permis d’adapter nos méthodes ? Les experts insistent sur « l’impérieuse nécessité de communication et de pédagogie coordonnée, à destination du grand public ».

L’intégration de spécialistes des sciences humaines et sociales dans le groupe d’experts aurait-elle corrigé cet angle mort ? On peut l’imaginer.

Quoi qu’il en soit, il est surtout permis de douter des capacités du gouvernement à en tenir compte. Jean-Paul Stahl se demande lui-même dans Le Canard Enchaîné du 25 mars si son rapport « n’a pas servi à caler une table au ministère ». Le dogme libéral dominait toujours jusqu’au déclenchement de « la plus grave crise sanitaire qu’ait connu la France depuis un siècle ». Parole de président.

[1] Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale, Santé Publique France, 20 mai 2019, consulté en ligne le 26 mars 2020.

Illustration : Masks by Daniel Foster CC CC BY-NC-SA 2

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