Chute dans les algues vertes : le préfet des Côtes-d’Armor aux petits soins des lanceurs d’alerte

Le préfet des Côtes-d’Armor veille sur la santé des lanceurs d’alerte. Dans un courrier signé le même jour que la reconnaissance par la justice d’un préjudice écologique causé par les algues vertes en baie de Saint-Brieuc, Stéphane Rouvé remonte les bretelles d’André Ollivro. À la prochaine promenade du « Che des grèves » sur la vasière du Gouessant, il saisira le procureur de la République.

« En creusant le sol et en perçant, de fait, des poches de gaz, entraînant la libération d’hydrogène sulfuré, vous vous exposez en toute connaissance de cause à des concentrations de gaz importantes ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Cette pratique est dangereuse et irresponsable. […]

Aussi, je vous informe que je serai amené à signaler ces différentes infractions au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale au Procureur de la République près du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, si elles venaient à se reproduire. »

Voici un extrait du mot doux adressé – arrêté municipal à l’appui -, par le préfet des Côtes-d’Armor au lanceur d’alerte André Ollivro, mardi 18 juillet. Stéphane Rouvé fait référence à une scène filmée le 7 décembre 2022, puis diffusée sur W9 le 7 février dans un documentaire à sensation intitulé « 2050 : Le Monde d’après » (voir la vidéo ci-dessus).

230207 - W9 2050 Le Monde d'après chute André Ollivro algues vertes
Le 7 décembre 2022, André Ollivro manque de s’asphyxier dans la vasière de l’estuaire du Gouessant, sur la plage de la Grandville (Côtes-d’Armor). Il est secouru par Yves-Marie Le Lay devant une caméra d’M6/W9.

« Mourir en scène comme Molière »

Ce jour-là, l’autoproclamé « Che des grèves » se rend dans l’estuaire du Gouessant, en compagnie du Trégorrois Yves-Marie Le Lay (voir notre interview ici) et d’une équipe de tournage. « Faisant le comédien devant M6, j’ai mesuré 340 ppm d’hydrogène sulfuré, mais alors la vase s’écroula et je tomba de tout mon long dans la merde puante, raconte-t-il le lendemain sur Facebook. Évidemment, ensuite troubles de la vue et face rouge par l’oxydation H2S. C’est fini, je ne ferai pas le zozo dans les vasières de la baie de Saint-Brieuc. »

Une promesse réitérée début janvier : « Le reportage sur la plage de la Grandville vous démontrera comment j’ai failli mourir en scène comme Molière. […] Le journaliste a voulu démontrer les risques de ces vasières toxiques. Bon, bien joué, mais cela, je ne le referai pas… »

Veillant personnellement sur la santé de l’ancien syndicaliste gazier (ça ne s’invente pas), le préfet des Côtes-d’Armor met du même coup la dangerosité du site en avant. « Je pense qu’il voulait me faire taire, mais sa missive est opportune dans les recours juridiques en cours », rétorque André Ollivro, qui, à 78 ans, en a vu d’autres.

Avec son comparse Yves-Marie Le Lay, l’increvable militant a jeté en mai les bases d’une nouvelle association pour la défense des victimes des marées vertes. Tous deux entendent faire reconnaître par la justice que la mort du traileur Jean-René Auffray dans l’estuaire du Gouessant est due à cette pollution. Un combat raconté par le film de Pierre Jolivet et Inès Léraud, qui déplace actuellement les foules dans les cinémas bretons.

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le tribunal administratif de Rennes a reconnu, de façon inédite, le préjudice écologique causé par les algues vertes pour la réserve naturelle de la baie Saint-Brieuc. Et a enjoint l’État à prendre des mesures contraignantes sous quatre mois pour limiter les apports de nitrate, en ciblant explicitement les exploitations agricoles du secteur. Une décision tombée le jour-même où le préfet signait son courrier.

La lettre du préfet à André Ollivro

230718 - Préfet Côtes-d'Armor Lettre de mise en garde à André Ollivro après l'émission 2050 Le Monde d'après recto
230207 - W9 2050 Le Monde d'après chute André Ollivro algues vertes

Echanges salés avec Yves-Marie Le Lay

Yves-Marie Le Lay également reçu un courrier du préfet (recto et verso en pdf), daté du 18 juillet. Outre le tournage de W9, Stéphane Rouvé accuse le président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre d’avoir organisé, la veille, une randonnée payante (5 euros) pour observer « la biodiversité qui s’effondre », sur la plage de la Grandville, à Hillion. Muni d’un masque à gaz et d’un détecteur d’hydrogène sulfuré, Yves-Marie Le Lay avait relevé un taux de 200 ppm, témoignait un journaliste du Télégramme.

Accusé d’avoir libéré des poches d’hydrogène sulfuré et de s’être mis en danger, le militant réplique :

« Je m’interroge alors sur l’irresponsabilité d’une telle pratique dont je serais l’auteur. Car, il vous a peut-être échappé que l’arrêté municipal ne mentionne jamais ce type de risques, se contentant de mentionner des “amas d’algues échouées non collectées sur ce secteur”. […] Je détourne alors l’accusation d’irresponsabilité vers Madame la maire de Hillion qui, en omettant cette mention importante, donne l’illusion que l’absence d’algues échouées visibles est synonyme de fin du danger. »

Se prévalant d’une démarche de désobéissance civile, Yves-Marie Le Lay fait le lien avec la condamnation de l’Etat pour préjudice écologique.

« Sans cette pratique adaptée, jamais toutes les personnes qui m’accompagnent depuis des années et moi-même n’aurions pu convaincre les juges de ce préjudice écologique. […] À l’issue de ce jugement, le tribunal attend que vous preniez des mesures adéquates avec des contrôles efficaces sur la base d’objectifs d’atteinte des seuils scientifiques de nitrates dans les rivières des baies à algues vertes avec obligation de résultats. Face à l’effondrement général de la biodiversité, vous avez le devoir de ne pas en rajouter en laissant perdurer la destruction massive des habitats des espèces provoqués par les échouages massifs d’algues vertes. »

Article mis à jour le 19 août 2023 afin de mentionner l’échange de courriers entre le préfet des Côtes-d’Armor et Yves-Marie Le Lay.

Rejoignez les 2 677 autres abonnés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *