Si d’un côté, l’on peut critiquer avec raison Macron qui souhaite déconfiner les écoles pour remettre les parents au boulot et a choisi de consulter Raoult et Nicolas Sarkozy plutôt que le conseil scientifique pour prendre sa décision… De l’autre côté, les risques sociaux, psychologiques liés au confinement tel qu’il est mis en place aujourd’hui sont légion : inégalités accentuées, confinement dans des appartements serrés qui créent des situations dangereuses dans les familles, etc.
Tout dépend donc de la finalité du déconfinement qui influencera la manière dont celui-ci est mis en place.
Si on déconfine pour permettre aux gens de retourner au travail et de continuer à faire marcher la machine économique, alors il faut être clair : nos vies valent plus que leurs profits !
En revanche, si on le fait pour soulager les plus pauvres, les plus précaires en leur permettant de sortir, de permettre la solidarité de se mettre en place, alors c’est une urgence vitale !
Mais comment réagir alors aux appels de précaires à avoir le droit de travailler pour gagner de l’argent, comme cette pétition de salarié es d’Amazon qui regrette l’action en justice de Solidaires contre Amazon dont nous vous parlions dans la Gazette numéro 8 ? Doit-on y voir une négation de la domination liée à l’aliénation ou tout simplement un appel à l’aide de personnes obligées de mettre en danger leurs vies pour continuer à survivre dans ce monde capitaliste sans pitié ?
Sans indépendance vis-à-vis de l’argent, il paraît compliqué de proposer d’arrêter l’économie comme horizon politique.
Et comment ne pas parler des risques de surveillance généralisée ou de catégorisation de la population liées au déconfinement possible dont nous avons déjà parlé dans notre septième Gazette : passeports selon nos données sanitaires, drones, robots policiers, etc. ?
Mais de quel déconfinement parle-t-on exactement ?
De nombreux·es scientifiques nous préviennent que nous devrons vivre avec l’épidémie pendant très longtemps (nous vous avions déjà parlé de l’article de Terrestres à ce sujet et on a peur d’une seconde vague en Chine actuellement) et qu’il faudra continuer à maintenir des mesures strictes de distanciation sociale.
Tout cela dépend fortement de deux choses que nous n’avons actuellement pas assez : des informations précises sur le virus et des outils pratiques pour limiter la diffusion du virus.
Les informations qui nous permettraient d’y voir plus clair sont par exemple : le taux de mortalité exact du virus (par exemple pour avoir une idée du nombre de personnes infectées selon le nombre de morts), la durée moyenne pendant laquelle on est immunisé·e (par exemple pour savoir si il y a des risques de vagues régulières de coronavirus, voir cette interview d’une chercheuse du CNRS à ce sujet), la rapidité de mutation du virus (par exemple pour savoir s’il sera comme la grippe saisonnière dont une nouvelle souche apparaît tous les ans), le taux de reproduction du virus c’est-à-dire le nombre de personnes moyennes contaminées par une autre (c’est sur ce chiffre que se basent les différentes modélisations que l’on voit dans les médias or celui-ci étant encore imprécis, cela rend toute modélisation douteuse), etc.
Les outils pratiques pour limiter la diffusion du virus dont nous avons besoin sont des masques, une maîtrise collective des gestes barrières et des tests. Plus on aura de masques et plus on maîtrisera les gestes barrières, plus on baissera le taux de contamination et moins l’on aura besoin d’une distanciation sociale stricte.
Pour faire des masques, Streetpress recense plusieurs ressources. Plus on aura de tests, plus on pourra détecter les personnes asymptomatiques qui propagent le virus et les informer pour qu’elles limitent leurs contacts le temps d’être guéri comme le montre l’exemple allemand, voir à ce sujet l’analyse du groupe Jean-Pierre Vernant qui estime que les tests permettent de limiter les morts d’un facteur de 1,7 de manière très empirique.
Si le mouvement émancipateur veut être écouté, réfléchissons collectivement à proposer une façon d’organiser la société qui permette de limiter la mortalité liée à la pandémie tout en préservant les libertés et en n’accentuant pas les inégalités. Ne pensons pas uniquement l’après-confinement mais aussi le pendant car cela risque de durer !