Martin Hirsch aurait mieux fait de se taire ! Dans la Gazette numéro 12 nous vous parlions de l’annonce des résultats positifs du tocilizumab dans l’étude Corimmuno scandée par le patron de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris).
Sauf que l’équipe de surveillance de l’étude a démissionné massivement depuis pour dénoncer une communication hasardeuse de résultats entachés de malhonnêteté intellectuelle. Les critères d’évaluation ont en effet été modifiés en cours de route – sans doute parce que les premiers critères choisis ne permettaient pas de trouver une différence entre le traitement et le placebo.
Les données en question ne sont par ailleurs toujours pas publiées et on ne sait pas précisément quels sont les nouveaux critères retenus, ce qui jette un peu plus le doute sur cette nouvelle molécule miracle – qui contrairement à la chloroquine n’est heureusement pas accessible directement dans toutes les pharmacies, ce qui évitera des empoisonnements.
Cela nous servira de leçon : nous aurions dû garder plus de distance critique vis-à-vis d’une information qui ne se trouvait pas encore dans la presse scientifique, et qui s’est avérée n’être qu’une vaine marque d’autosatisfaction du directeur de l’AP-HP. Par ailleurs, dans l’article que nous citions, publié sur le site du Vidal, pourtant supposément sérieux puisqu’il constitue la référence en matière de médicaments en France, il était fait mention d’une étude chinoise qui non seulement n’avait pas de groupe témoin pour comparer les effets du traitement par rapport au placebo (comme les études du professeur Raoult), mais en plus s’extasiait de la disparition de la fièvre des patient·es traité·es.
Il s’agit en fait d’un effet direct bien connu des anti-IL6, comme du paracétamol, et donc pas du tout d’un signe de régression de la maladie ! La fièvre est un des systèmes de protection de l’organisme, qui peut s’emballer, mais la baisse de la température ne signifie pas que les phénomènes inflammatoires disparaissent… D’ailleurs on peut aussi développer une hypothermie dans une infection sévère.
Il a été proposé de traiter les malades du Covid-19 par des immunosuppresseurs (molécules qui atténuent plus ou moins fortement la réponse immunitaire) comme le tocilizumab car il semblerait que dans certains cas, le Covid-19 entraîne un emballement de la réponse immunitaire, comme dans les formes graves d’hépatite A, par exemple. Cet emballement serait responsable de la destruction pulmonaire par de la fibrose.
Dans d’autres maladies où un sur-emballement du système immunitaire aggrave le pronostic, (par exemple la méningite bactérienne), un immunosuppresseur est ajouté aux antibiotiques qui vont tuer la bactérie. À noter cependant que contrairement aux bactéries, on n’a actuellement pas de traitement qui vienne directement tuer le Coronavirus à la place du système immunitaire qu’on réduit au silence…
Mais admettons que les immunosuppresseurs soient la bonne solution : pourquoi avoir choisi une de ces nouvelles molécules « high-tech », dont le prix journalier est de presque 30 euros et non pas un corticoïde comme la dexaméthasone (environ un euro par comprimé), qui est utilisée dans la méningite ?
N’oublions pas que de nombreux·ses médecins, en particulier dans les centres hospitalo-universitaires (CHU), reçoivent des financements par l’industrie pharmaceutique ; vous pouvez ainsi savoir combien tel·le ou tel·le professionnel·le de santé a touché et de quel labo sur le site transparence.gouv.
Si la recherche médicale concentre beaucoup d’espoirs, souvenons-nous qu’elle n’est exempte ni des jeux d’ego et de la course à la publimétrie qui minent le monde scientifique, ni de conflits d’intérêts avec le privé.