Il fut un temps où les épidémies se combattaient à coups de longues processions pendant lesquelles les fidèles se flagellaient en signe de pénitence. De nos jours, et bien que de subtiles améliorations technologiques aient permis le remplacement des lanières des fouets par les gaz lacrymogènes, les spécialistes recommandent plutôt d’éviter les grands rassemblements pour apaiser les dieux et déesses courroucé·es.
Les organisateur·ices du congrès évangéliste de Mulhouse l’ont appris à leurs dépens : ce rassemblement de 2.000 personnes fin février a probablement fortement contribué à la diffusion du virus en France.
Malgré ce fâcheux précédent, diverses mouvances religieuses ont tenté par la suite de contrer le coronavirus en organisant messes et autres bénédictions publiques, comme le raconte cet épisode de Tronche de Fake sur Youtube. Les intégristes ne manquent d’ailleurs pas d’explications farfelues pour expliquer la pandémie : jusqu’à Daesh, qui y voit une malédiction destinée à détruire l’Occident, et recommande prudemment à ses fidèles de ne pas trop voyager…
Mais les fausses rumeurs ne sont pas la chasse gardée des religieux·ses. Comme recensé sur le site Hoaxbuster qui traque les manipulations sur internet, une déferlante de théories complotistes s’est abattue sur les réseaux : un quart des Français·es penserait ainsi que le Covid sort d’un laboratoire selon un sondage, la chloroquine continue à être un grand succès médiatique sans réelle preuve scientifique d’efficacité, etc.
Comme évoqué dans nos numéros précédents (ici et là), ces idées, parfois véhiculées par des scientifiques ou des médecins, peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
La « fake news », information non vérifiée ou volontairement trafiquée, est devenue l’emblème du mandat de Donald Trump. Si aucun milieu n’est épargné, les infaux sont particulièrement utilisées par l’extrême-droite. Les cadres du Rassemblement national ont par exemple détourné d’anciennes vidéos de rixes pour faire croire à des scènes de pillage à Aubervilliers au début du confinement. Dans le même genre, le syndicat de police Synergie-Officiers dénonce un non-respect du confinement avec des vidéos datant en fait d’août 2019.
Ici, la « fake news » prépare le terrain à la justification de la répression violente dans les quartiers populaires.
De manière paradoxale, le pouvoir médiatique et politique, lui-même pourtant grand producteur de « fake news », s’est réapproprié le concept et s’en sert désormais pour discréditer toutes sortes d’informations, y compris véridiques ; comme expliqué dans cet article sur lundi.am, c’est une manière de cadenasser la parole, de laisser le privilège d’informer à une petite caste de « professionel·les », journalistes ou politiques de métier.
Si certaines informations nous semblent séduisantes ou proviennent de figures d’autorités (scientifiques primés, grands médias etc.), sachons garder une distance critique : les infaux, qu’elles manipulent nos opinions politiques ou qu’elles servent juste de distraction, ne sont jamais innocentes…