Point de vue – On l’attendait depuis plusieurs semaines cet événement. Pensez donc, « La Revue Dessinée », qui a su se creuser une niche au milieu de la jungle des kiosques à journaux en proposant un défi éditorial audacieux dans un format soigné, et qui se lance à la télé ! Ça promettait !
Me voilà donc à l’heure au rendez-vous. Et avec un lancement pareil, le présentateur Ziad Maalouf semblait avoir donné le la d’une sacrée émission. (voir en intégralité)
L’Émission Dessinée c’est une production indépendante et libre, c’est une œuvre sonore, graphique, visuelle, toutes les séquences seront dessinées et mises en musique.
Inutile de s’attarder sur les flops, gros et petits, qui ont parsemé cette première émission, même s’ils ont commencé tôt : aucun applaudissement à la fin du chouette « générique » siffloté par Bernardo Cinquetti, pour accompagner à la guitare les traits de crayon de Thibaut Soulcié qui proposait une introduction dessinée de cette soirée.
Premier flop à deux minutes du lancement donc, auquel s’enchaîneront les mauvais réglages sons des invités, dont chaque début d’intervention s’est quasi systématiquement retrouvé étouffé.
Face à ces embûches, le choix du direct n’était peut-être pas le plus judicieux (d’autant que la pause de 40 minutes nous a laissé pauvres ères, désœuvrés derrière notre écran alors la prochaine fois que vous voulez boire une tisane ou faire pipi ça peut être sympa de penser à un vide un peu plus récréatif pour nous aussi).
Dommage enfin que l’affichage des noms ait été plusieurs fois erronés face aux visages correspondants. Tout ça ça peut arriver, et ça donnait même un petit air « les copains parlent aux copains ».
Mais voilà, justement, les auteurs présents sur le plateau de L’Émission Dessinée, (alias les locaux de la rédaction de la revue éponyme), semblaient endormis. Peu enthousiastes ou stressés. Bref, la fan de la première heure que je suis attendais un peu plus d’enthousiasme de certains de ses auteurs préférés.
Le grand entretien avec René Pétillon, pas très anglé, a suffi pour plomber définitivement l’ambiance. Il y pouvait rien René, mais 48 minutes a papoter, sans même un verre de bière pour dérider l’assemblée, ça fait long la parlote.
On aurait préféré que ce grand entretien le soit un peu moins (grand) ou qu’il soit découpé et proposé en guise de fil rouge de l’émission. Idem pour les différentes rubriques. Agencées autrement, elles auraient pu donner plus de rythme.
Tac au tac, La tête à tuto, Plans larges
Les bons points reviennent au Tac au tac, proposé en hommage à Jean Frapat, son légendaire producteur décédé le 8 octobre. En croisant les doigts pour que, hommage ou pas, cette capsule continue et se développe dans les prochaines émissions dessinées !
Un tonnerre d’applaudissements aussi à la Tête à tuto, des leçons rigolotes où Loïc Sécheresse et Thibault Soulcié expliquent chacun LEUR façon de dessiner Jean-François Copé… « Mal dessiné, on dirait Gargamel », et celle de Manuel Valls « quid de son oreille gauche ou droite penche le plus ?! »…
Bonne surprise également avec les Plans larges : trois débats pour présenter trois grands reportages parus dans le dernier et l’avant-dernier numéro de la Revue.
Le premier concernait l’enquête de Catherine Le Gall et Benjamin Adam sur les fameux emprunts toxiques qui font des ravages parmi les collectivités locales. Au cours du visionnage en direct, sur Youtube, un spectateur a exprimé dans le forum en ligne, son regret que la journaliste menant le débat n’ait pas demandé au duo comment ils avaient travaillé à la vulgarisation des termes techniques.
La Revue Dessinée est suffisamment innovante avec son parti pris « d’informer autrement » qu’il est dommage d’utiliser le sujet de l’enquête comme prétexte à l’organisation d’un débat qui creuse finalement peu le travail de narration.
« Un lien doit s’établir, avec la volonté d’associer le meilleur des deux rives où chacun joue sa partition : le journaliste, avec sa rigueur de l’info, la qualité de ses sources ; le dessinateur avec la puissance de son imaginaire, sa poésie, ses ficelles narratives », précise l’éditorial du numéro 5 de La Revue Dessinée. C’est cette danse à deux qu’a bien réussi à présenter le deuxième Plan large de la soirée, concernant le long travail d’enquête de Benoît Collombat et Étienne Davodeau sur l’assassinat du Juge Renaud (abonnés Le Monde).
C’est pas le tout de vous voir parler et dessiner, chers auteurs adorés, on veut que vous nous ouvriez la porte de ce laboratoire enthousiasmant qu’est La Revue Dessinée !
Et toi ? T’en as pensé quoi ?
Comment apporter une critique à cette émission dessinée sans rappeler l’initiative salutaire de cette revue ? Impossible. On est bien trop heureux de voir que le journalisme se réinvente et laisse place à des formats longs de qualité.
J’espère que l’équipe de la revue n’y verra pas une mauvaise chose que de lire ces lignes qui me semblent plus constructives que tenant d’une émission dessinée bashing. Mais je leur fais confiance.
Il y a donc des déceptions. On ne comprends pas bien l’intérêt du direct quand on sait que le programme ne pourra être vu d’une traite. Le programme est fait pour être vu en plusieurs fois. Qui reste 5H30 devant son PC ? J’ai beau plébisciter les formats longs et immersifs, je n’ai pas été convaincu. Parce qu’il y a des temps morts pendant lesquels il est facile de décrocher. Même pendant les interviews, il y a des longueurs, on tourne en rond.
Le programme est encore trop hyper-concentré sur sa propre production. On imagine bien que le bd-reportage n’est pas un objet qu’on retrouve facilement. Mais voir des journalistes de l’émission dessinée interviewer d’autres journalistes sur leur production pour la revue dessinée nous donne un goût d’auto-promo dans la bouche. Comme une tête brûlée, c’est sucré jusqu’à ce que cela devienne un peu amer. Alors on ne sait plus très bien quel est l’objectif de cette émission. Apporter du contenu informatif nouveau en utilisant la bédé télévisée ou recycler la production papier ?
Pourtant les sujets en soi sont passionnants. Je ne suis pas un pro de la bande-dessinée et j’étais loin de connaître tous les auteurs. Par contre, pour une émission qui s’intéresse à la bande dessinée, vous êtes de vrais radins en matière d’images. J’aurais bien aimé que soient illustrés les différents travaux des auteurs que je ne connais pas.
J’ai tout de même passé un bon moment. J’ai aimé l’ambiance un peu “on est tous copains”. J’ai ri lors des différents couacs inévitables d’une première, en pensant à mes années radio campus. On fait des erreurs mais on avance.
Rendez-vous dans 3 mois.
Bonjour !
Merci d’avoir regardé cette première de L’Émission Dessinée et pour cet article constructif.
Créer de toutes pièces un nouveau rendez-vous sur un format inédit est toujours un défi.
Nous avons voulu relever celui du direct et prendre pour décor la rédaction de La Revue Dessinée.
Et bien que les équipes de Small Bang et de La Revue Dessinée aient beaucoup travaillé pour limiter les risques attenants à de tels partis pris et maîtriser les aléas techniques du direct, une première comporte naturellement une certaine dose d’inconnu et d’inattendu.
Cette première de L’Émission Dessinée était un pilote qui nous a servi à tester un certain nombre de choses, des points de vue techniques et éditoriaux.
Ce qui explique en partie la durée du programme.
Généralement un pilote n’est jamais diffusé mais nous avons décidé de le faire, à la fois pour des raisons financières ( L’Émission Dessinée est une production 100 % indépendante ) mais aussi pour pouvoir prendre la mesure des retours des personnes qui nous ont suivis ce soir là.
Nous tirons actuellement les conclusions de notre expérience et de celles de nos audiences.
La prochaine Émission Dessinée, qui sera diffusée en direct et en public le 29 janvier prochain, depuis le Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême conservera son ADN mais se présentera sous un format plus ramassé avec encore plus de place pour le dessin.
Nous espérons vous retrouver lors de ce nouveau rendez-vous indépendant, dédié à la Bande Dessinée et à l’actualité.
L’équipe de L’Émission Dessinée