Catégories
Voir

“C’est plus facile de tourner au Japon qu’en Suisse”

L’ignorance pousse souvent à la bêtise, parfois à la tolérance. C’est la seconde issue, bien plus optimiste, que développe la Suisse Maria Nicollier, habituée des documentaires, dans sa première fiction. Comment trois Japonais se méprennent sur le christianisme et font de l’âne un animal sacré au pays du soleil levant.

La comédie de la réalisatrice genevoise nous transporte loin des alpages, mais sous les cerisiers, dans un pays où Maria Nicollier a longtemps vécu et tourné des documentaires, notamment sur le mariage à la sauce occidentale en 2004. C’est d’ailleurs de nouveau un mélange des cultures, traité avec un regard tendre, qu’elle propose aux spectateurs. Nous l’avons rencontrée à l’issue de la projection de Chasse à l’âne – Roba Gari en japonais – en compétition européenne au festival du Film court de Brest vendredi 16 novembre.

Sylvain Ernault – Votre comédie raconte l’histoire de trois Japonais qui cherchent à manger de l’âne sur leur île. D’où vient ce scénario loufoque ?

J’ai eu l’idée du scénario en Roumanie, parce que j’ai été voir un ami roumain et effectivement il voulait manger de l’âne, de la viande d’âne. Ils sont allés chercher un âne, qui s’appelait Igor, mais finalement ils n’ont jamais osé le tuer, même si c’étaient des chasseurs. Donc finalement le scénario vient d’une histoire véritable, mais je l’ai transposée au Japon, pour la simple raison que les Japonais n’ont rien de chrétien et j’avais envie qu’ils aient un regard sur nous. Je trouvais marrant d’utiliser l’âne, qui est dans la crèche de Jésus. Alors après comment est venue cette association d’idées ? C’est un peu difficile de vous dire pourquoi et comment , mais le fait est que j’ai vécu quand même pas mal d’années au Japon et que je parle japonais, donc c’est aussi une source d’inspiration et mon lieu de tournage de prédilection.

C’est la première fiction que vous avez tourné. Avant vous aviez réalisé des documentaires au Japon ?

J’ai tourné des documentaires, des reportages, des news… J’ai tourné beaucoup de choses au Japon, mais jamais de fiction, c’est ma première fiction et pour moi ça allait de soi que j’allais la tourner au Japon en fait. Je pense que c’est plus facile de tourner au Japon qu’en Suisse, parce que déjà les acteurs sont tellement friands de tourner à un niveau international et j’ai pu faire un casting extraordinaire, c’est à dire j’ai vu à peu près 200 acteurs pendant une semaine, un très bon cru. Alors qu’en Suisse ça aurait été beaucoup plus difficile d’avoir les meilleurs acteurs pour un court métrage.

…pour un court-métrage, qui reste un genre qui est peut-être un genre mineur en Suisse et au Japon. D’ailleurs comment on perçoit le film court au Japon ?

C’est aussi un genre mineur je pense, c’est aussi très difficile d’avoir l’argent pour un court. Mais je pense que si les acteurs se sont intéressés à mon film, c’est avant tout parce qu’il était international et que pour une fois ils pouvaient tourner avec des étrangers et que la réalisatrice parlait japonais, donc ça leur permettait de faire ça parce que la plupart des acteurs ne parlent pas anglais. Mais c’est aussi un genre mineur et très difficile à défendre au Japon.

“J’ai beau avoir vécu au Japon, je ne comprends pas toujours les Japonais”

Et d’ailleurs mon film je savais que soit il allait bien fonctionner en Europe et dans le reste du monde, soit au Japon. Bon, soit pas du tout, hein, ça aurait été une autre option (sourire). Et effectivement il fonctionne très bien en Europe et aux États-Unis, mais très très mal au Japon. Alors voilà, maintenant vous dire pourquoi, comment ? Comme quoi j’ai beau avoir vécu au Japon, je ne comprends pas toujours les Japonais.

Célia Caradec – Dans le film on voit un Français un peu tourné en dérision, est-ce que c’est quelque chose que vous avez pu ressentir là-bas, des a priori sur les Européens, sur les Français ?

Oui, alors c’est vraiment par rapport à mon vécu, c’est plus les étrangers qui veulent être plus japonais que japonais. Et en fait je me moque plus des étrangers qui vivent là-bas, et je trouve que les Japonais, mes protagonistes, ont bien raison de rire de lui. C’est ces étrangers qui se disent tout d’un coup maître de thé ou vivent vraiment à la japonaise, d’une façon que les Japonais ne connaissent plus. Le Japonais moderne ne vit plus vraiment sur des tatamis à genoux et à se courber à peu près toutes les vingt secondes, à part dans des milieux très très traditionnels, donc là je ris un peu de mon vécu effectivement et des étrangers qui vont jusqu’à se brider les yeux.

SE : Connaissiez-vous la région dans laquelle le film a été tourné avant d’y tourner Chasse à l’âne ?

Je ne connaissais pas du tout cette partie du Japon avant, qui est dans la préfecture de Nagano, là où ont été tournés des Jeux Olympiques (en 1998, NDLR), c’est à dire au nord de l’île principale (Honshū, NDLR), mais c’est le seul endroit où j’ai trouvé un âne, parce que tous les autres ânes étaient dans des zoos et pour les Japonais c’était hors de question de sortir leur âne du zoo et j’allais pas tourner le film dans un zoo, donc c’est le seul endroit où j’ai trouvé un âne et un propriétaire qui était prêt à me prêter, enfin plutôt à me louer son âne.

Et lui qu’est-ce qu’il faisait avec son âne ? Il lui faisait brouter l’herbe aussi ?

Oui oui, il adorait son âne et c’est vrai c’est une bonne question parce qu’il n’y a tellement pas d’âne au Japon que c’était vraiment quelqu’un de très original finalement. Pourquoi il avait un âne ? Je ne sais toujours pas, mais il l’aimait beaucoup et il en prenait bien soin et on avait besoin de lui pendant le tournage parce que l’âne sans lui ne voulait rien faire.

Chasse à l'âne, Maria Nicollier. Crédits Rec Production
Shohei Sekimoto, Yuki Okamoto et Shoichiro Akaboshi, les trois acteurs principaux du film, préférés au Japon à 200 autres candidats. Crédits Rec Production

C’était un Japonais lui, pas un Français ni un Européen ?

Non, non, alors toute la régie et une grosse partie de l’équipe c’étaient des Japonais. Mais toute l’équipe technique je l’ai prise de Suisse, c’étaient des Suisses, notamment parce que j’ai eu des fonds de soutien de l’État suisse. C’est donc évident qu’il faut des salaires suisses. Donc j’ai pris une grosse équipe avec moi, on était sept à prendre l’avion, ce qui était quand même un coût considérable.

Parlons justement d’économie, par rapport à votre parcours d’ex-documentariste, est-ce que c’est plus difficile de financer un documentaire ou une fiction ?

Une fiction est quand même beaucoup plus chère, c’est ça qui est plus difficile. Même un court métrage de fiction m’a coûté beaucoup plus cher qu’un documentaire de 83 minutes. Donc c’est évident que c’est une contrainte énorme de trouver l’argent pour une fiction c’est beaucoup beaucoup plus difficile et je pense que c’est pour ça que j’ai mis aussi longtemps à faire le pas et à passer dans la fiction.

“Même un court métrage de fiction m’a coûté beaucoup plus cher qu’un documentaire de 83 minutes”

C’est beaucoup plus cher déjà, pour la simple raison qu’il faut des acteurs et qu’il faut les payer et puis ensuite il faut une équipe technique beaucoup plus conséquente. Un documentaire on peut presque se permettre suivant le genre de partir caméra à l’épaule, une fiction non.

Et en Suisse quelle sont les aides ?

Alors en Suisse, il y a une aide étatique culturelle, qui est assez importante, qui reste difficile à obtenir, comme chez vous en France. Ensuite il y a différentes aides je dirais régionales, comme chez vous aussi. Après il y a des aides automatiques, si vous obtenez les autres aides. Donc en fait c’est un peu “celui qui commence à avoir de l’argent a toujours plus d’argent, celui qui n’a pas d’argent au départ n’a pas d’argent du tout”, donc c’est un peu quitte ou double. Et pour ce film j’ai tout de suite eu l’aide étatique, ce qui fait que d’autres fonds ont découlé et j’ai réussi assez facilement à boucler mon budget, mais ça m’a pris un an quand même.

Entre le début de l’écriture et le tournage, c’est ça un an ?

Ah non là c’est deux ans.

Chasse à l'âne, Maria Nicollier. Crédits Rec Production
Les trois amis chasseurs japonais face à l’objet de leurs fantasmes gustatifs, l’un des seuls ânes du Japon. Crédits Rec Production

CC – Quel est votre ressenti par rapport à ce festival du Film court, où vous venez pour la première fois ?

Ce que j’aime bien avec Brest par rapport aux autres festivals que j’ai fait aussi avec ce film-là, c’est que c’est très tourné vers le public et il y a vraiment des salles importantes pour un public important et visiblement ils font une très bonne publicité, parce qu’il y a du monde et c’est toujours très agréable de voir des salles pleines, donc pour ça c’est vraiment génial. Ensuite, on est très bien accueillis. Souvent j’ai été prise dans des festivals de court et de long. Donc le court, malgré tout, est un peu en seconde zone et être pris dans un festival où ce sont que des courts, c’est assez agréable parce qu’on est un peu plus mis en valeur je dirais.

J’imagine que vous êtes attentive aux réactions des spectateurs ? Comment vous l’avez vécu ?

L’angoisse c’était la première en public. Parce que finalement, il y a des moments comiques dans mon film, mais est-ce que les gens vont rire à ces moments-là, est-ce qu’ils ont compris mon humour ? Et c’est la grande angoisse des comédies. Et finalement les gens rient vraiment au moment voulu et ça c’est un immense plaisir et puis après il y a un effet de salle. Parfois les gens réagissent beaucoup moins, parfois beaucoup plus. Cette dernière projection je l’ai trouvée assez bonne, les gens réagissaient pas mal, n’étaient pas trop timides de rire. Et puis après il y a les surprises, où tout d’un coup les gens rient à des moments où vous ne pensiez pas que c’était drôle (rires) donc ça c’est toujours assez amusant.

“Les gens réagissaient pas mal, n’étaient pas trop timides de rire.”

SE – Vous avez d’autres projets de fiction et si oui est-ce que ce sera dans la comédie ?

Ce sera surement une comédie, parce que je crois que je ne serais pas capable de faire autre chose. Et j’espère un long métrage bien sûr, vu que j’ai quarante ans, faut que je me dépêche, pour les fonds, parce que plus on est vieux, plus c’est difficile de trouver des fonds ! (rires)

+ En bonus pour les cinéphiles, le directeur de la photographie du film livre ses secrets techniques du tournage de la scène de la cérémonie du thé.

Trailer de Chasse à l’âne

Chasse à l’âne, Maria Nicollier, avec Shohei Sekimoto, Yuki Okamoto, Shoichiro Akaboshi, 15 minutes, Suisse-Japon, Rec Production, 2011.

Catégories
Voir

“Découvrir Claire a été un petit miracle”

C’est dans la galerie d’expo du Quartz que je rencontre Nicolas Guiot. Quelques minutes seul à seul dans cette grande pièce pour partager une première bière d’après-compétition, un étage sous le tumulte de la soirée privée où le jeune réalisateur belge aurait pourtant toute sa place. Lors de la cérémonie de clôture du Film court de Brest, il vient d’aller chercher le prix du meilleur premier film pour Le Cri du Homard et le prix d’interprétation de son actrice Claire Thoumelou. Un nouveau succès mérité en festival pour son drame psychologique sur la guerre, présélectionné pour Cannes 2013.

On a senti que vous étiez très touché quand vous êtes monté à deux reprises sur scène, dont la première fois pour le prix d’interprétation décerné à la jeune Claire Thoumelou.

Effectivement, le prix d’interprétation m’a particulièrement touché. C’est la première fois d’abord qu’on a un prix d’interprétation. J’ai toujours considéré que le film reposait en grande partie sur les comédiens même si il y a beaucoup de travail par ailleurs, mais c’est un film de comédiens. Et surtout Claire, la petite qui avait sept ans sur le tournage. On me dit souvent qu’elle est formidable, mais j’ai l’impression qu’elle paye un peu le fait d’être un enfant et que les jurys ont du mal à primer un enfant. Ont du mal à considéré ça comme un travail. Alors qu’elle a travaillé et elle joue effectivement.

Claire Thoumelou, Le Cri du Homard
Claire Thoumelou, prix d’interprétation à Brest pour son rôle de Natalia, petite fille russe qui retrouve son frère à jamais traumatisé par la guerre. Crédits Offshore

Comment avez-vous trouvé Claire Thoumelou ? Avait-elle tourné avant et va-t-elle tourner de nouveau ?

Claire c’est une histoire très particulière puisque j’avais une autre petite comédienne prévue, qui nous a lâché pour diverses raisons une semaine avant le tournage. On n’avait pas de plan B. On a casté en urgence sept-huit petites filles, dont Claire, donc je l’ai découverte six jours avant le tournage et ça a été un petit miracle parce qu’elle est même mieux que celle qui était prévue au départ. Elle n’avait jamais fait de cinéma et je pense qu’elle n’a pas de projet en court pour le moment, mais je crois qu’elle a très bien compris comment ça se passait, comment on jouait, comment on se comportait devant une caméra.

L’histoire du film Le Cri du homard ce sont des retrouvailles familiales russes, qui se déroulent en France. Tout tourne autour du grand frère, qui rentre de la guerre en Tchétchénie et de la petite sœur. Comment vous est venue cette idée ?

L’écriture de scénario est venue d’un docu que j’ai vu sur Arte, qui parlait de ces jeunes soldats russes qui revenaient de Tchétchénie, qui étaient complètement détruits (Les Corbeaux blancs, NDLR). Après le fond m’intéresse, fondamentalement la thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse. Il se trouve que c’était russe parce que c’est parti de cette histoire-là. Et puis je voulais ancrer le film dans une réalité identifiable, en tout cas quelque chose très réaliste. Et la guerre de Tchétchénie était une des guerres contemporaines qui s’étaient passées pas très loin de chez nous. Mais au-delà de ça c’était vraiment la thématique de l’impossible reconversion, l’impossible réadaptation de ces gamins quand ils reviennent de là, après ce qu’ils ont subi et infligé puisque je pense qu’ils ont tous fait des choses abominables, comme quasiment n’importe quel être humain pourrait le faire dans certaines circonstances, si on leur permet de le faire.

“La thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse.”

Famille russe - Le Cri du homard
La famille russe de nouveau rassemblée pour un repas sous tension. Crédits Offshore.

Vous en tant que réalisateur, d’où venez-vous ? Qu’est-ce que vous aviez fait avant ce premier film et quels sont vos projets ?

Moi au départ, ça fait longtemps que je voulais réaliser. Mais j’ai étudié la philosophie et puis je voulais rentrer dans une école de cinéma qui s’appelle l’Insas à Bruxelles, où je n’ai pas été pris, du coup de je me suis retrouvé à faire un master à l’université en écriture de scénario. Et après ça mon but c’était de rentrer absolument dans ce milieu, en tout cas d’intégrer ce milieu et j’ai fait beaucoup de petits boulots, beaucoup de régie, qui est un boulot très ingrat, mais un boulot très intéressant par ailleurs parce qu’on est très clairement dans la réalité du cinéma. On est loin des théories universitaires etcétéra, on est vraiment sur le terrain, on voit ce que c’est de faire un film. Et puis j’ai fondé ma boîte de production qui s’appelle Ultime Razzia Productions avec deux amis, pour nous produire nous-mêmes au départ et voilà. Ça a pris du temps, mais je suis arrivé à ce que je voulais faire au départ, c’est à dire réaliser, mais je continue à produire par ailleurs.

Le Cri du homard, c’est un film qui a muri pendant combien de mois où d’années avant d’être diffusé pour la première fois ?

C’est un projet qui a muri très longtemps, puisque j’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans. Je l’avais laissé de côté parce que je me disais que c’était trop compliqué pour un premier film. Et puis j’y suis revenu parce que ça me taraudait et je l’ai compliqué d’ailleurs, parce qu’au départ il faisait quinze pages, puis c’est devenu un film de quinze-trente-cinq pages ; une page c’est une minute en général dans un scénario. Et puis je me suis dit, “allons-y, tant pis”. En sachant que c’était quand même risqué, le pari était assez risqué, j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs, puisque je me produisais moi-même au départ, mais j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs qui y ont cru aussi et on y est arrivés, mais c’est vrai que c’était assez casse-gueule et après coup j’ai eu quelques sueurs froides quand j’y repense parce que c’était un projet assez compliqué.

“J’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans.”

Mais ça s’est extrêmement bien passé, ça a été beaucoup de préparation, quasiment un an de casting, de recherche de comédiens, des années pour des recherches de financement et beaucoup de post-production aussi. On a passé quasiment six mois en montage, pas à temps plein, mais par intermittence. Pendant six mois on a réécrit complètement le film au montage, ça a été un gros gros boulot oui.

Les festivals c’est un grand moyen de se faire connaître du public, la télévision aussi. Comment ça se déroule de ce côté-là ?

Alors à ce niveau-là ça se passait assez bien. Moi en étant producteur je m’étais fixé dès le départ la limite de trente minutes, parce que je savais qu’au-delà de trente minutes c’est juste inexploitable. On passe à un format de moyen métrage qui est quasiment inexploité et pour lequel il n’y a quasiment pas de festival. On est à trente minutes, tout juste. Après ça se passe plutôt bien jusqu’à présent, c’est à dire qu’on a déjà eu quelques prix et on a RTBF, qui est une chaîne belge, qui l’a acheté et TV5 Monde. Donc ça se passe plutôt bien étant donné la durée.

Et les projets, vous ne m’avez pas dit, sur quoi vous travaillez…

En tant que réalisateurs ? Je n’ai rien pour le moment. Là j’ai des projets en tant que producteur, mais je n’ai pas encore de projet concret en tant que réalisateur. Mais on vient de le terminer, enfin on l’a terminé au mois d’avril, c’est un peu récent.

Trailer du Cri du Homard

Le Cri du homard, Nicolas Guiot, avec Claire Thoumelou et Anton Kouzemin, 30 minutes, Belgique-France, Ultime Razzia Productions, 2012, César du meilleur court-métrage 2013.

Catégories
Voir

Flow, le bodybuilding corps et âme

C’est un film extrême, qui montre le corps qui souffre, qui force. Pour son tout premier festival, Flow est reparti avec le prix Révélation. Il offre à son réalisateur, Hugues Hariche, des aides techniques. Nous avions rencontré ce dernier la veille de la cérémonie de clôture, pour en savoir plus sur son court-métrage.

Flow [flo] : (Psychologie) État mental de concentration lorsque l’on est complètement immergé dans ce que l’on fait.

John est un colosse, une masse. Pour entretenir chaque muscle de son corps, il a fait de sa passion son métier. Chaque jour, c’est le même rituel : salle de gym, coaching, régime strict. Et puis il y a cette fille, Laurie. Mais a-t-il seulement une petite place à lui accorder dans cette vie ordonnée ?

Écoutez la réaction de Hugues Hariche, prix Révélation du festival

[dewplayer:http://reportouest.fr/wp-content/uploads/2012/11/reaction_hugues_hariche.mp3]

Interview de Hugues Hariche, réalisateur de Flow

Report Ouest – Dans Flow, vous filmez John, le bodybuilder, dans son quotidien, à la salle de gym, chez lui. Ça aurait presque pu être un documentaire ?

Hugues Hariche Le personnage de John dans le film est un vrai bodybuilder, ce n’est pas un acteur. Je me suis inspiré de son histoire pour écrire le film. Comme je l’ai pris lui, dans le rôle principal, il y a un forcément un côté documentaire. En dehors de la scène du show, filmée au Georgia Bodybuilding Championships à Atlanta, toutes les scènes sont écrites et donc jouées. C’est une fiction.

flow-hugues-hariche

Quel est le message que vous avez souhaité véhiculer dans Flow ?

Ce que j’ai voulu montrer, c’est la manière dont une personne peut s’impliquer quand elle a une passion. A un point tel que cela prend entièrement son quotidien. L’implication que ça demande, les sacrifices que John fait pour ça… Et en chemin, ce qu’il perd socialement et affectivement. Il n’a pas de vie sociale, son quotidien c’est la salle de gym et chez lui. Il n’a pas la place pour Laurie, dans le film, avec qui il avait une histoire avant et qu’il n’arrive pas à poursuivre, bien qu’il y ait quelque chose d’assez fort entre eux.

Le film a été tourné en Géorgie, aux États-Unis. Est-ce-qu’il aurait pu être tourné en France ?

J’ai construit l’histoire avec John, que je connais depuis une dizaine d’années, et qui m’a inspiré le film. Cela me paraissait évident de le faire avec lui. C’est lui qui m’a introduit dans le monde du bodybuilding, qui m’a expliqué, qui m’a permis d’assister au show à Atlanta.

Et puis aux États-Unis, tout le monde passe par la salle de gym, tous les jeunes soulèvent de la fonte. En France, on a une image beaucoup plus ringarde du culturisme. Cela ne correspondait pas à ce que je voulais montrer, je ne voulais pas ringardiser le bodybuilding. Je voulais juste parler de John à travers sa passion, qui est le bodybuilding, mais qui aurait pu tout aussi bien être autre chose.

Hugues Hariche a remporté le prix Révélation pour son film Flow. Crédits Report Ouest

C’est une histoire assez tragique. Comme John Fournier, l’acteur, a-t-il pris le film ?

Depuis le départ j’avais été clair avec lui, je lui ai expliqué mon intention, il n’y avait pas d’équivoque. Mais il n’avait aucune idée de la façon de faire un film. Nous n’avons pas fait de répétitions. John est assez monolithique dans le film, c’est un personnage qui est assez taiseux, qui montre peu d’émotions… Même s’il n’avait pas été très bon acteur, j’aurais pu travailler avec lui.

Il s’est avéré qu’il est plutôt bon acteur et qu’il a une grosse présence à l’écran, ça m’a beaucoup aidé. Il n’avait aucune idée de ce que cela pouvait donner. On était une petite équipe de tournage, à quatre (preneur de son, chef opérateur, assistant, réalisateur). On tournait avec un 5D, un appareil photo.

Quand John a vu le résultat, il a été étonné par la qualité du film, et il a aussi trouvé ça très juste, on a un peu décrit son quotidien, il était content.

Comment avez vous financé le tournage de Flow, justement ?

J’ai écrit le scénario assez rapidement, fin 2010, ensuite j’ai trouvé un producteur, Kazak productions.

Mais j’avais la dead-line du show, en juillet 2011. Donc on avait trois ou quatre mois pour trouver de l’argent, ce qui est quand même assez court pour demander des subventions, au Centre national du cinéma (CNC, NDLR), etc. On a déposé le dossier au CNC, mais on n’a pas eu d’aides. Le producteur n’était pas prêt à se lancer comme ça, alors que je n’avais jamais travaillé avec eux avant. Donc on a décidé avec ma compagne de produire le film, pour la partie tournage et Kazak s’est occupé de la post-production. On est donc à 50/50 sur le film. Ce sont des montants assez ridicules pour un court-métrage, le film a coûté moins de 20 000 euros.

Habituellement, pour un film de cette durée on monte facilement à 100 000 ou 150 000 euros. L’aide à la post-production de l’Ile-de-France nous a permis de rembourser une partie des frais. Le film vient d’être acheté par France Télévisions.

C’est ça, la plus grande satisfaction, avoir une diffusion télé ?

D’un côté oui, parce que le film va être vu, que c’est de l’argent qui rentre et qui nous permet d’être dans nos frais. Mais la diffusion télé c’est un peu abstrait, je ne suis pas derrière chaque personne qui regarde l’écran, dans son fauteuil.

Les festivals c’est ce que je préfère pour la vie du film. Il est vu en public, sur grand écran, la meilleure façon pour l’apprécier.

Flow de Hugues Hariche. Crédits Kazak Productions.

Flow, de Hugues Hariche, avec John Fournier et Michaela Landay, 22 minutes, Kazak Productions, 2012.

Catégories
Voir

“On trouvait son corps amusant”

L’histoire de deux amis fâchés qui mettent à nu en public leurs différends, c’est ce que raconte Stronger, le premier film d’Hugo Benamozig et Victor Rodenbach. Deux jeunes réalisateurs et surtout amis, qui se sont liés dès leur premier jour à la Fémis, grande école parisienne du 7e Art. Interview du duo depuis le festival du Film Court de Brest, après la projection du film, présenté mercredi 14 novembre en compétition française, quelques jours avant l’obtention du Prix France 2.

Sylvain Ernault – Vous avez co-écrit et co-réalisé Stronger. Vous avez tourné ce film ensemble parce que vous étiez camarades de promo ?

Hugo Menamozig – Oui, en fait Victor est la première personne que j’ai rencontré à la Fémis, et il m’a dit qu’il s’appelait Victor et moi Hugo et je me suis “tiens c’est marrant, on pourrait faire des trucs ensemble” et Stronger c’est notre premier court métrage. Là on vient d’en terminer un, enfin on était en tournage jusqu’à avant-hier et on poursuit la co-écriture et la co-réalisation ensemble.

SE – Qu’est-ce qui vous a inspiré pour faire Stronger ?

Victor Rodenbach – L’envie de départ était de parler d’amitié avant tout, quelque chose qui nous intéressait beaucoup. Après Stronger c’était un cas un peu particulier car c’était d’une certaine manière une commande, puisque c’était dans le cadre du travail de fin d’étude d’un élève producteur de notre école. Et pour ces travaux de fin d’étude de producteur ils font appel à d’autres élèves, qui sont pas forcément destinés à faire un film à ce moment là. Et donc Stronger rentre un projet plus collectif d’un élève qui s’appelle Pierre-Louis Garnon, plus largement autour de la musique et du rock. Il savait qu’on avait un intérêt pour la comédie et il aimait ce qu’on pouvait écrire dans cette veine-là. Avec pas mal de contraintes à la fois budgétaires et de temps, tout s’est fait très vite, notamment en termes de décor, d’où le huit-clos et tout se passe dans un seul lieu. On a écrit et tourné le film en l’espace d’un peu plus d’un mois et demi-deux mois donc vraiment en très très peu de temps.

PP Facebook de Victor Rodenbach
Photo de profil (“volée” sur) Facebook de Victor Rodenbach (à droite), accompagné par Hugo Benamozig.

SE – Les acteurs c’est les camarades de promo aussi ?

VR – Euh, non quasiment, des acteurs qu’on connaissait par ailleurs, qui sont des amis à nous. Et qu’on avait envie de faire jouer. Y’en a un qui est pas du tout acteur et qui nous fait beaucoup rire et qui a un corps qu’on trouvait amusant. C’est vraiment ce truc d’écrire, fin, y’a tout un truc dans l’école qu’on a faite qui est de faire des films sur les corps des acteurs et tout ça et nous on a voulu un peu amener de la dérision. Vraiment, écrire une comédie sur deux jeunes hommes qui a priori ne sont pas du tout fiers de leurs corps mais qui pour cette séance de pose nue sont amenés à dévoiler leurs corps. Et à se mettre à nu. Et à régler leurs problèmes, enfin, une sorte de rupture d’amitié qui a eu lieu entre eux. C’est un peu leur laisser l’opportunité eux de se mettre à nu et d’assumer leurs corps comme ils sont c’est à dire des corps normaux en fait. Et qui sont drôles par moment, émouvants par d’autres. Travailler un peu le truc d’une esthétique qu’on a pas trop l’habitude de voir en général au cinéma.

“On leur a promis beaucoup d’argent pour jouer nus. Ils l’attendent toujours…”

SE – Dans le film les personnages sont convaincus de poser nus pour les beaux yeux d’une jeune fille. Les acteurs ce sont vos amis, c’est donc vous qui avez dû les convaincre de jouer nus. Ça n’a pas été trop difficile ?

VR – Si, si, on leur a promis beaucoup d’argent pour le faire. Ils l’attendent toujours… Non, en fait on les a convaincu sur la base d’un scénario. Eux ne se connaissaient pas du tout. Ils sont devenus potes sur ce projet aussi quoi. Et tout le défi pour nous c’était vraiment d’essayer de travailler une complicité entre eux quoi. Et donc on a fait énormément de répétitions. C’est les acteurs aussi qui ont amené beaucoup de leurs répliques, des dialogues qu’ils avaient envie d’ajouter au scénario. Mais du coup on les a impliqué très tôt dans le processus même, même si ça a été assez court comme processus de réalisation (sourires).

HB – Ça s’est fait progressivement, y’a eu un effeuillage progressif de répétition en répétition. Pour se faire à l’idée.

SE – Ça leur a pas pris beaucoup d’heure de rester nus sur leur petit promontoire ?

VR – Si, si, les premières répétitions nues étaient le plus difficile. Après, le mal était fait. Les mâles étaient faits (rires).

Stronger - pose
Maxime (Tebeka) et David (Caviglioli), amis fâchés, se retrouvent à poser nus dans une école d’art, convaincus par la même fille.

Célia Caradec – Comment est financé le film ?

HB – On a la chance d’avoir été élèves dans une école qui s’appelle la Fémis, qui est une école publique, assez bien dotée, qui a les moyens de produire les films de ses étudiants sur fonds propres. On n’a d’ailleurs pas le droit de chercher des financements ailleurs pour pas porter de concurrence aux sociétés de production qui font appel à des guichets. Donc la production a été entièrement prise en compte par l’école, avec du matériel de l’école en grande partie et voilà.

“C’est une vie qui fait un peu peur, mais qu’on attaque ensemble”

CC – Aujourd’hui vous n’êtes plus étudiants. Vous avez un deuxième projet en cours. Ça fait peur de se lancer vraiment dans le cinéma ?

HB – Oui, ça fait un peu peur forcément, nous on a la chance d’avoir rencontré un partenaire de production en la personne de Pierre-Louis (Garnon NDLR) qui produit Stronger. Et qui du coup est devenu producteur par la suite dans une société de production et qui a produit notre nouveau cours métrage. C’est une collaboration qu’on poursuit. On grandit ensemble. Oui c’est une vie qui fait un peu peur mais qu’on attaque ensemble donc c’est rassurant. Et aussi notre équipe technique autour de nous, le chef opérateur de Stronger est le chef opérateur de notre nouveau film, on avance ensemble quoi. Donc on sait que ça va pas être facile, mais au moins on sait qu’on est un peu en famille.

VR – Et puis y’a quand même quelque chose de très excitant dans le fait de se lancer là-dedans. Et avec une équipe avec qui on a envie de grandir. Et c’est vrai que tous, sur ce deuxième court métrage par exemple, on est tous assez inexpérimentés. C’est tous quasiment notre deuxième expérience. Et mine de rien, faire ce deuxième court métrage, aller plus loin dans la comédie, mais essayer d’avoir plus de fond, de raconter quelque chose qui nous tient à cœur, on est poussés en avant, c’est vraiment quelque chose d’assez enthousiasmant.

SE – Justement, sur ce deuxième film, ça répond à une commande ?

VR – C’est pas du tout une commande, c’est vraiment quelque chose qui vient de nous. Et là pour le coup ça parle de l’enfance, qui est vraiment quelque chose dont on a envie de parler. C’est une journée que passent à la piscine un père et son fils…

HB – Une comédie douce amère sur l’enfance.

VR – C’est l’apprentissage de la séduction.

SE- Et vous une date de fin de production ?

HB – Non, on aimerait bien, là on va commencer le montage dans une semaine.

VR – On devrait finir le film pour le printemps prochain je pense, un peu avant.

SE – Après pour la diffusion, c’est le producteur qui va gérer ?

HB – Ouais voilà, c’est à peu près ça. C’est un peu difficile de savoir pour le moment.

VR – On espère que le film sera de nouveau à Brest. Par exemple. Mais… d’autres festivals, peut-être.

Fémis école cinéma ParisCC – On était avec les Paillowski Brothers plus tôt aujourd’hui, des Français, qui nous disaient “nous, attendre des subventions pendant six mois, ça nous plait pas, nous ce qu’on aime bien c’est avoir une idée, faire avec les moyens qu’on a et tourner”. Vous avez peut-être une vision différente en sortant de la Fémis sur la façon de procéder ?

HB – On a pas vraiment été confrontés à cette attente-là, sur notre nouveau film, on a eu la chance que les choses se fassent assez vite. Je peux comprendre cela. Après nous le temps entre l’idée et l’écriture est quelque chose qui nous plaît aussi. Avant d’être réalisateurs on est peut-être scénaristes. Et donc pour nous c’est un temps important, d’écriture de développement, qui a du sens. Après je pense qu’il est possible d’être impatient par rapport à tout ça. On n’y a pas vraiment été confrontés, ça ne saurait tarder sans doute.

SE – Pour vous le court-métrage, c’est une passerelle vers le long, un passage obligé ou alors en soi déjà un objectif qui peut représenter toute une carrière, ou mener vers d’autres genres comme le clip ou la publicité ?

VR – En fait a priori pour nous c’était pas du tout un objectif de faire un court-métrage, ni même de se dire “il faut qu’on en passe par là pour arriver long métrage”, mais il se trouve que ce premier court on l’a fait dans l’énergie de l’école, avec l’énergie de… voilà, on nous commande ce thème et on avait envie de raconter cette histoire. Mais, le deuxième court pour nous s’est imposé, car il se trouve qu’on a écrit cette histoire, qui se racontait en très peu de temps, et qu’on avait très très envie de raconter. Du coup, en fait c’est pas l’idée de “on va aller le long avec ça”, mais c’est juste que peu importe le temps qu’on a, mais de toutes façons on a envie de raconter cette histoire et ça aurait pas de sens de la raconter en plus de temps. C’est un truc très court et c’est arriver à cette émotion là en moins de vingt minutes. La forme dépendant directement de l’histoire.

“On a aussi des désirs d’histoires plus longues et de formats plus longs”

HB – Ouais c’est ça. Je pense qu’initialement nous notre désir de cinéma et de réalisation vient d’un format long dans lequel on a été exposé en tant que spectateurs, qui nous a donné goût au cinéma plus naturellement et on a plus découvert le court à travers nos études pour des raisons de production et de moyens et on a appris à aimer cette forme-là et donc comme disait Hugo on allait très naturellement vers ce nouveau scénario sans en avoir le besoin, sans se dire, “il faut qu’on fasse un court avant de passer au long” même si c’était sans doute le cas, c’est pas ça qui a motivé notre envie. Y’avait juste un désir d’histoire très forte qui allait là-dedans. Mais on a aussi des désirs d’histoires plus longues et de formats plus longs.

SE – En termes de réalisateurs, de genres cinématographiques que vous appréciez, spécialement, vous avez des goûts différents ?

Réalisateur coréen Hong Sang-SooHB – Ben on est tous les deux, très fans, de Hong Sang-Soo, sur la comédie touristique coréenne (rires) je ne sais pas comment on pourrait décrire le genre d’Hong Sang-Soo. Non mais on s’est très vite rencontré à la Fémis, sur un amour de la comédie en fait déjà. Ou mine de rien, c’est vrai que dans notre école c’est pas très répandu. En fait la plupart des gens aiment ça, mais c’est pas ce qu’ils font spontanément comme cinéma quoi. C’est plus souvent des trucs sur le deuil quoi. Ce genres de choses. (rires) Et du coup ce désir de raconter des trucs de manière drôle, comme la comédie américaine ou la comédie italienne de Dino Risi, la grande année (sic) de la comédie italienne, ça nous a rapproché tout de suite. De films comme Le Fanfaron (1962). Aujourd’hui Hong Sang-Soo fait un truc qu’on aime beaucoup.

VR – Voilà, Comédies de tous horizons.

SE – Vous parliez du deuil comme thème qui revient souvent, c’est pas l’impression laissée par la programmation du festival, mais c’est vrai qu’on dit le format court plutôt sombre. Vous, vous avez quel regard sur les films d’auteurs plus tristes…

HB – C’est une catégorie assez large quand même. Je pense que y’a des bons films et mauvais films qui pourraient répondre à ça.

SE – Mais vous, c’est quelque chose qui vous intéresse ?

“Dès qu’on essaye d’être un peu moins légers forcément on a un truc qui est plus sombre”

HB – On est plus portés par la comédie en tant qu’auteurs effectivement, même si on développe pas que ça non plus ; et en tant que spectateurs on aime, mais on a des goûts très divers et éclectiques. Bien sûr ça ne se limite pas à la comédie.

VR – Mais en l’occurrence…

HB – (le coupe) Je pense que y’a des très mauvais films sur le deuil comme y’a des très bons films sur le deuil…

VR (rires) C’est clair ! Mais le deuxième là qu’on a fait, justement c’est une comédie encore et pour nous c’était important d’affirmer un truc sur… essayer de faire rire quoi, essayer d’être dans cette énergie-là… Un truc humoristique, mais c’est vrai que c’est très difficile quand on veut raconter une histoire qui a du sens, de pas être rattrapé par un truc un peu plus grave… Enfin “grave” non, mais un peu plus lourd. Dès qu’on essaye d’être un peu moins légers forcément on a un truc qui est plus sombre. Et notamment c’est vrai que ce deuxième film a une tonalité qui est plus amère, c’est vrai que y’a un truc qui s’ancre plus.

CC – On parle souvent de l’effet de salle, qu’est-ce que vous avez ressenti ce soir ?

HB – On a été à l’écoute, ouais, bah c’était une bonne projection. La salle était pas pleine.

VR – Ouais, en fait globalement, moins la salle est pleine, moins ça rigole en fait ! (rires) Pour la comédie, enfin pour notre film, c’est assez radical. Plus les gens sont nombreux, plus le rire se propage. Donc là la salle était à moitié pleine. (rires)

HB – Y’a un jugement immédiat dans la comédie c’est celui du rire et ça s’est bien passé ce soir.

VR – C’est vrai que le verdict de la salle qui ne rit pas au moment où on s’y attend, c’est une bonne école aussi.

SE – Vous présentiez où le film avant ?

VR – On l’a présenté dans différents festivals, il était à…

HB – Ici et demain…

VR – Il était à Ici et demain à Paris, il était au festival d’humour de Meudon, puis il a un peu voyagé à l’étranger, on a eu cette chance. Il est parti à Toronto, il est parti en Corée, il est parti aux Pays-Bas…

VR et HB – A Saint-Pétersbourg…

VR – Apparemment les Russes sont très fans du films (rires) ! On n’y est pas allés mais, ça devait rigoler pas mal à Saint-Pétersbourg…

SE – Ils sont peut-être extrêmement pudiques alors c’est ça qui les fait rire ?!

HB – (rires) c’est ça, exactement.

“Stronger” n’étant pas visible sur le web, voici sa BO, interprétée par La Pompe Moderne, collée sur un autre montage court.


Stronger, Victor Rodenbach et Hugo Benamozig, avec Maxime Tebeka et David Caviglioli, 22 minutes, La Fémis, 2011.

Catégories
Voir

À Brest, rencontre avec les Paillowski Brothers

On s’est dit : tant qu’à aller à Las Vegas, autant tourner un film“. Au départ, Loïc Paillard et Arnaud Sadowski, les Paillowski Brothers, avaient rendez-vous dans “la ville du pêché” pour le salon mondial des nouvelles technologies. Les lumières et l’extravagance des casinos leur inspirent un scénario de polar. Mais très vite les casinos sont remplacés par le désert californien. Et le polar par une jolie fable sur la vie. Son titre : Her name is Crazy.

Le pitch : “Mister Angry” est un écrivain raté. Même se foutre en l’air, il n’y arrive pas. Sur la route, en plein désert, il manque d’écraser Crazy. Jolie brune un peu barrée, allongée sur le bitume. Sa devise : “ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage”. Crazy s’installe dans la voiture de Mister Angry. Pour partager un peu plus qu’un bout de chemin avec lui…

Her name is Crazy sera prochainement adapté en long métrage.

Arnaud Sadowski, co-réal’ et Théophile Rivière, ingé-son sur notre divan

On parle beaucoup de crise, de morosité ambiante depuis quelques années. Derrière le drame, votre film porte un message plutôt positif…

Paillowski Brothers à Brest. Crédits Sylvain Ernault
Théophile (à gauche) et Arnaud, à l’aise à Brest comme à Las Vegas. Crédits Sylvain Ernault

Arnaud Sadowski On avait envie de grands espaces, de liberté… A l’heure actuelle, tout le monde se plaint pour quelques euros de découvert, pour les petits tracas du quotidien… Le message qu’on veut faire passer dans Her name is crazy, c’est finalement qu’il y a des choses bien plus graves dans la vie.

Je vais me mettre du monde à dos, mais le côté “masturbation intellectuelle” du cinéma français du type “je me lamente dans une chambre de bonne parce que la vie est difficile”, je ne vois pas l’intérêt. Quand je rentre dans une salle de cinéma, ce n’est pas pour qu’on me raconte la même chose que ce qui passe au 20 Heures.

On peut parler de choses graves, de la vie, de la mort. Mais on peut le passer à travers un film optimiste et joyeux avec un fond intéressant, sans réfléchir pendant des heures… Il y a plein de films qui l’ont prouvé en salle, comme Intouchables, qui part d’un postulat hyper sombre, le handicap, mais qui fait mourir de rire les spectateurs pendant une heure et demie.

Théophile Rivière – On aime l’idée d’un récit filmique qui offre une évasion aux gens… Le cinéma a toujours été une évasion, des pays comme l’Espagne l’ont bien compris. En France, il y a cette obligation d’être ancré dans le réel, de voir son quotidien au cinéma… Les Paillowski Brothers viennent un peu remuer cela.

A vous écouter raconter l’histoire de ce tournage, on a l’impression que le projet n’en était pas vraiment un au départ, c’est plutôt un coup de tête ?

A. S – Ça a été vingt heures de tournage, des comédiens appelés sur place, des prises de vues dans les casinos sans autorisation, une journée dans le désert… En tout, le film n’a coûté que 400 $. En fait, avec Loïc, nous avons un problème : chaque fois qu’on a l’idée d’un film, on a envie qu’il soit écrit, tourné, monté, étalonné le plus vite possible. Nous on fait des films à l’envers. On regarde ce que l’on a : un trépied, une grue, un appart’ dans Paris pour le tournage, des potes comédiens disponibles… Et ensuite on se demande ce que l’on peut faire avec ce dont on dispose immédiatement.

T. R – Certes, tourner un film c’est compliqué, mais c’est d’abord une envie de changer l’ordre établi. On voit des gens avec un scénario, en attente de subventions du Centre national du cinéma (CNC, NDLR) depuis 4 ans… Mais le but c’est de promouvoir une idée, faire naître un film, que cela soit en deux mois ou en deux ans de préparation. Réaliser des courts-métrages, c’est d’abord un plaisir.

Désert brûlant et gueule de bois : les dessous de Her name is Crazy (Making-off)

Her name is Crazy, The Paillowski Brothers, avec Zack Zublena et Leslie Coutherand, Tracto Films, 2012.

Catégories
Écouter Lire

Les chants marins de Paimpol sur papier glacé

Un festival est éphémère. C’est sa définition. Procurer des émotions avec unité de lieu, de temps. À ce titre, le festival du Chant de Marin remplit pleinement sa tâche. Il célèbre les arts – la musique en premier lieu – autour du port de Paimpol, tous les deux ans. Est-il vain de prolonger l’événement ? Réponse sans emballement.

L’objet débattu c’est un livre, paru cet été. Un album souvenir sur le festival paimpolais, publié par les Rennais de Planète Rêvée éditions, à initiative des organisateurs. Ceux-ci ont confié le projet à Luc Rodaro, photographe-écrivain, installé à Perros-Guirec, autre port costarmoricain. Festival qui soit dit en passant avait fait l’objet d’un dossier sur Report Ouest l’été dernier.

Alors que nous photographions sans pouvoir feuilleter nos souvenirs, l’ouvrage est admirable. Trombinoscope de marins, vrais ou déguisés, clichés de concerts, couleurs du port animé par des centaines de groupes et 130 000 visiteurs, l’ambiance amicale, familiale même, du rendez-vous estival est très bien retranscrite. Jour après jour, de l’arrivée des voiliers le jeudi aux spectacles du dimanche, en passant par les concerts de Moriarty, Carlos Núñez, Dan ar Braz & Cie.

Festival du chant de marin de Paimpol, Planète Rêvée éditions - page des pirates. Crédits Luc Rodaro, Sylvain Ernault

Les têtes d’affiche, parlons-en. Elles attirent de plus en plus de monde tous les deux ans. Elles font rayonner le festival, mais n’en sont pas son âme. Simple Minds, Marianne Faithfull ou Johnny Clegg ont chacun fait vibrer Paimpol, sans voler la vedette au port et ses dizaines d’autres concerts, à cette atmosphère générale de gaité, ou alors juste temporairement. Il n’est d’ailleurs pas question de les épargner. Sinéad O’Connor ? “Affable en coulisses, un peu linéaire sur scène“. Sergent Garcia ? “Catégorie caprice de diva“. Le ton demeure toutefois fort peu grinçant.

Si les photos attirent l’œil, les textes le retienne. Interviews et anecdotes se succèdent au fil des pages. L’ouvrage prolonge le plaisir par l’enseignement. Il répond aux interrogations sur les rayures des chandails marins, liste les superstitions liées aux animaux à bord et rappelle les destinations lointaines et glacées des pêcheurs de morue bretons.

Bien que ce ne soit pas l’ouvrage de la consécration pour le festival, il contentera les festivaliers pressés de plonger dans l’édition 2013. Consacré presque exclusivement aux dernières festivités, il laisse le loisir aux prochains rédacteurs de sonder les origines du rendez-vous paimpolais. Le feuilleton tourmenté de 20 années de labeur associatif mérite cet approfondissement.

La biennale est bien entamée. Le prochain festival arrive à grands pas. Le festivalier devrait tout de même feuilleter pendant longtemps l’ouvrage. Et ce malgré son format.

Car notre regret tient tant dans la taille de l’album que dans son cartonnage. Une couverture rigide et quelques centimètres au garrot le séparent de la catégorie des beaux-livres. Un caractère plus affirmé dans la bibliothèque et les photos prenaient une autre dimension. Elles se seraient en plus dégagées de ces titres et légendes en surimpression. Un peu plus aéré, le livre se serait davantage prêté au plaisir de la contemplation.

Références

Le festival du Chant de Marin de Paimpol, Luc Rodaro, Planète Rêvée éditions, 19,80 €

Visitez notre dossier spécial

Catégories
Écouter

L’Étoile du Roy en escale à Paimpol

Diaporama sonore – S’il est un bateau qui a impressionné les badauds sur le port de Paimpol ce week-end, c’est bien l’Étoile du Roy. Les manœuvres ont été délicates pour faire passer l’écluse au plus grand navire du festival des Chant de Marin 2011.

Réplique d’un navire du XVIIIe siècle, l’Étoile du Roy est aujourd’hui un bateau de cinéma et de fêtes maritimes, sur lequel travaillent une vingtaine de marins. L’un d’entre eux nous fait partager l’histoire et les caractéristiques de cette frégate.

Conseil de lecture : le diaporama est conçu pour être lu la première fois d’une traite, sans intervenir manuellement, afin de profiter de l’interview qui correspond aux images. Vous pouvez ensuite revenir sur certains passages pour approfondir des informations grâce aux boutons en forme de croix.

Klervi Le Cozic et Célia Caradec

Visitez notre dossier spécial

Quitter la version mobile