Yves-Marie Le Lay a fait reconnaître cette semaine par la justice administrative le préjudice écologique causé par les marées vertes en baie de Saint-Brieuc. Une victoire qui intervient au moment où le film « Les Algues vertes » de Pierre Jolivet séduit un large public au cinéma. Début juin, nous avions réuni le lanceur d’alerte breton et le réalisateur pour une interview croisée, lors d’une avant-première organisée à Plestin-les-Grèves (22).
Étiquette : film
Ils sont taquins ces écologistes. Dans la lignée des projections des « Algues vertes » de Pierre Jolivet et Inès Léraud programmées à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen, les camarades de Marine Tondelier espéraient tendre une toile au conseil régional de Bretagne. Mais à l’impossible, nul n’est tenu.
« Il est primordial d’organiser une diffusion [des “Algues vertes”] au sein de l’hémicycle régional », plaide la cheffe de file des écologistes, Claire Desmares, le 12 juin. Après un premier refus essuyé en commission permanente, l’élue persiste dans un courrier adressé directement au président (ex-PS) Loïg Chesnais-Girard (pdf). « Cette histoire est la nôtre, et cela représenterait un symbole important vis-à-vis de toutes les associations qui se battent contre la prolifération des algues vertes depuis des années. »
Sans réponse à l’approche du débat sur l’eau prévu le 29 juin, le groupe écologiste rend publique son initiative le 22 juin, forçant l’exécutif régional à se positionner. Ce dernier joue la carte de l’égalité de traitement. « En 2022, la Région Bretagne a financé plus d’une centaine de films ou documentaires, ayant tous un intérêt pour la Bretagne, chiffre le cabinet du président. Il n’est pas équitable de demander la diffusion d’un documentaire ou d’un film, plutôt qu’un autre. »
Et n’allez pas penser que le sujet mette mal à l’aise la (fragile) majorité. « Les élus régionaux ont été invités à se rendre dans la baie de la Fresnaye, en avril dernier, pour étudier la mise en œuvre du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes […] et un débat politique a déjà eu lieu dans l’hémicycle », fait valoir le service presse.
Lors de la session d’octobre 2022, Loïg Chesnais-Girard avait en effet déclaré n’avoir « aucun problème avec le film ». Ce jour-là, le Lamballais Stéphane de Sallier-Dupin avait, au nom du groupe LR, tancé la subvention de 250.000 € accordée par la collectivité, à la suite d’un avis favorable d’un comité d’experts indépendants. « Un jeu de massacre » et « une balle tirée dans le pied », s’étranglait le lieutenant de Marc Le Fur, aka le député des cochons.
« On ne doit pas avoir peur, y compris de certains excès de parole, y compris par moment de certaines caricatures », lui avait répondu l’ex-maire de Liffré (35). De là à autoriser une avant-première à l’Hôtel de Courcy, il y a un pas que l’hériter de Jean-Yves Le Drian ne franchira pas.
Et n’allez pas penser que le sujet mette mal à l’aise la (fragile) majorité. « Les élus régionaux ont été invités à se rendre dans la baie de la Fresnaye, en avril dernier, pour étudier la mise en œuvre du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes […] et un débat politique a déjà eu lieu dans l’hémicycle », fait valoir le service presse.
Lors de la session d’octobre 2022, Loïg Chesnais-Girard avait en effet déclaré n’avoir « aucun problème avec le film ». Ce jour-là, le Lamballais Stéphane de Sallier-Dupin avait, au nom du groupe LR, tancé la subvention de 250.000 € accordée par la collectivité, à la suite d’un avis favorable d’un comité d’experts indépendants. « Un jeu de massacre » et « une balle tirée dans le pied », s’étranglait le lieutenant de Marc Le Fur, aka le député des cochons.
« On ne doit pas avoir peur, y compris de certains excès de parole, y compris par moment de certaines caricatures », lui avait répondu l’ex-maire de Liffré (35). De là à autoriser une avant-première à l’Hôtel de Courcy, il y a un pas que l’héritier de Jean-Yves Le Drian ne franchira pas.
Du drame qui frappa sa famille, Édouard Bergeon tire une fiction coup de poing racontant le glissement de l’agriculture française vers un productivisme qui broie les hommes. Nous avons rencontré le réalisateur du film « Au nom de la terre » lors de son passage à Lannion.
« Un agriculture met chaque jour fin à ses jours. » Édouard Bergeon martèle cette statistique récemment réévaluée par la Mutuelle sociale agricole (MSA). Il y a vingt ans, c’est son père qui disparaissait en avalant des pesticides. Ultime étape d’une dépression causée par l’impossibilité de maintenir à flot l’exploitation familiale.
Incarné par Guillaume Canet dans « Au nom de la terre », le père d’Edouard Bergeon se confronte au grand-père, hostile aux agrandissements de la ferme bien qu’il ait le premier suivi la course aux rendements.
Alors que l’écologie trône au centre des préoccupations, le réalisateur s’adresse aux consommateurs pour accompagner la transition des agriculteurs vers des pratiques plus respectueuses de la nature et des hommes.
28 jours plus tard (ou presque)
Reportage – Vous faites quoi demain à 16h ?
Si l’on vient à vous poser la question un de ces jours, lors d’un festival ou au beau milieu de la rue, sous le zénith ou dans la pénombre des projecteurs d’une scène en plein air… Peut-être faudra-t’il vous méfier et surtout ne pas répondre illico… rien, pourquoi ?
Lendemain. 22 août. Lieu de rendez-vous : la caserne Niel à Bordeaux. Cette ancienne manufacture a vu débarquer il y a un an, une épicerie bio, un restaurant bobo, des espaces de travail et puis, vu qu’il restait encore de la place, quelques-uns des bâtiments en friche (ou presque) le sont restés. Sans doute le lieu de tournage, me suis-je dit.
À l’entrée de ce royaume de la récup’, un jeune enfoncé dans un canap’ planté au pied du bâtiment principal nous lance, sérieux, « Bienvenue à U Mad Bro production ». Euuuh, merci.
La signature du papier autorisant l’exploitation de mon image commence à m’inquiéter… J’étais censée « filer un coup de main pour le maquillage », m’avait dit un certain Thomas, la veille au soir. Il est en réalité le producteur du film. Celui-ci arrive la bouche en cœur, lunettes de soleil vissées sur le nez et claque la bise à toutes ses proies, les figurants recrutés de ci, de là.
Si la trentaine de badauds qui poireaute n’a pas l’air plus au courant que nous, ce n’est pas un hasard. « À part le résumé qu’on a posté sur le site, on a fait exprès de maintenir le suspense », se félicite Oliver Henchley, le réalisateur. « Ça fait tellement longtemps que je travaille là-dessus que je n’ai pas envie que ça fuite, explique le jeune homme à catogan. C’est pas un Tarantino mais quand même… il faut vraiment que le public ait cette surprise. »
Quid du scénario, donc ? Oliver se lance, prudemment, pour qu’une phrase n’en n’entraîne pas trop vite une autre, et que j’en apprenne trop. On ne sait jamais, il pourrait se venger en me faisant farder en zombie en phase terminale de décomposition…
Notre web-série va se structurer autour d’un journal d’informations diffusé quelque part sur la Ferre (c’est comme la Terre, mais avec un F). Sur cette planète, les zombies sont apparus pour la première fois il y a 400 ans, alors les gens vivent avec eux. À tel point que, quand ils en croisent un, ils font des selfies ensemble ! Les zombies font partie du paysage, et donc de l’actu, on les retrouve au fil des sketchs lancés sous forme de reportages. – Ah tiens, voilà le héros, annonce soudain Oliver.
Qui a pris le flacon de sang ?!
Bastian Paumier, alias George Putain, arrive en treillis, le sourire en coin. Il est aux zombies ce que Bear Grylls est à la nature. Il a son émission, Man VS Zombie, proposée par la très réputée chaîne « U Mad Bro » (du moins sur la Ferre).
Pas le temps d’en apprendre plus, mon heure a sonné, il est temps de se faire grimer. « Est-ce que je pourrais donner l’impression de m’être pris une balle dans le nez s’il vous plaît ? », « Qui a pris le flacon de sang ? », « On dirait que j’ai les entrailles qui sortent, géniaaaal »… Mon manque d’expertise ès zombie commence à se faire sentir, je me contente donc de m’asseoir et d’enlever mes lunettes.
C’est froid, ça coule, ça chatouille, c’est mou. Je n’aurais pas cru que mon premier passage entre les mains d’une maquilleuse professionnelle consisterait en ça, mais le résultat est pas mal. À la sortie un monsieur me propose un peu plus de sang au chocolat, parce que j’ai l’air un peu trop « propre ».
Maintenant, en plus, ça colle.
L’inconnu, qui vient également de m’encourager à m’ébouriffer un peu les cheveux pour plus d’authenticité, c’est Zombie One, mais on peut aussi l’appeler Franck Bonhomme. Pour l’heure, il est encore en civil mais, dans le 1er épisode, c’est lui qui incarnera le plus vieux zombie de la Ferre, une star planétaire là-bas. Le cinquantenaire n’en n’est pas à son coup d’essai, il préside la Zombie Walk de Bordeaux, une association qui organise chaque année, à l’automne, une farandole de morts-vivants. Elle fédère aussi toutes les initiatives sur le sujet et, apparemment, il y en a beaucoup. « Films, BD, romans… on met les gens en relation et on s’amuse. »
Lui est tombé dedans ado, bravant les interdits avec ses copains en visionnant le film de George Romero, alors non autorisé à la vente, Dawn Of The dead. « On avait réussi à récupérer le film sur une VHS, on s’était tous planqués dans une petite chambre pour le visionner de nuit, imaginez l’ambiance ! »
Depuis, Franck Bonhomme n’a jamais cessé de s’intéresser aux zombies, bien qu’il y ait eu un long passage à vide dans la cinématographie du genre. « Heureusement, Dany Boyle a fait le revival avec »
Même si 25 ans le sépare de la moyenne des figurants, Zombie One s’en fout. « Il faut avoir l’esprit ouvert pour s’intéresser à ça, ça suffit. Chacun peut y projeter ses interprétations. »
Le zombie est là pour incarner concrètement l’image de la menace, où l’homme a peur de sa propre extinction
Le zombie incarnerait-il les inquiétudes de notre siècle ? On peut critiquer la société de consommation, les crises financières ou politiques (François Hollande bute du zombie dans la BD Zombies Néchronologies), le business des laboratoires pharmaceutiques (28 jours plus tard, Resident Evil), la peur de l’Autre ou la crainte d’une invasion d’une autre planète (Dead Space).
Avec tout ça, l’heure a sonné. La trentaine de zombies se rassemble devant une porte de hangar. Notre rôle ? Ouvrir la porte, vite, mais pas trop rapidement quand même, et se précipiter tour à tour sur les deux types en tenue d’air soft puis sur la speakerine en ayant l’air d’avoir faim.
Oliver résume : “Vous devez juste avoir les yeux dans le vide, la tête lourde, les bras ballants, être en quête de nourriture, mais pas trop efficacement quand même vu que vous êtes morts… Des questions ?” C’est parti. Mes jambes sont trop raides, j’essaye de me cacher un peu derrière un grand costaud à lunettes dont le maquillage rappelle les séances trash de prévention routière à l’école.
Je tente des trucs, un peu trop molle, un peu trop motivée à aller croquer un mollet, je mixe la crise d’épilepsie et des crampes de gastro avec une situation d’ébriété avancée. Au bout de quatre ou cinq prises ça commence à venir, même si j’ai encore un peu de mal à coordonner la non-coordination de mes membres. Et tandis que je regrette d’avoir lu plutôt que visionné la série Walking Dead et d’avoir uniquement vu le film le moins crédible en la matière (Shaun Of The Dead), la caméra tourne.
Les scènes s’enchaînent dans une ambiance potache. À force de se pousser pour manger de la viande humaine, les figurants deviennent de plus en plus crades… et on s’arrose de Nesquik entre les prises en commençant à avoir faim, pour de vrai cette fois.
Au bout de cinq heures, c’est fini, ne reste plus qu’à compter les jours avant de voir le résultat.
Verdict ici. Qui sait, j’ai peut-être de l’avenir dans le métier, en plus niveau texte c’est plutôt simple… Gaaaaaaaaa.
Crédits photo : Romain Peyrard
Cinéma : Qui a peur de Vagina Wolf ?
Interview – À 40 ans passés, Anna Margarita Albelo endosse les casquettes de réalisatrice, DJ, journaliste et militante féministe et LGBT. Son premier long-métrage de fiction “Qui a peur de Vagina Wolf ?” (sortie en salles le 19 mars) n’est pas seulement le remake lesbien de la pièce de théâtre d’Edward Albee “Who’s afraid of Virginia Woolf ?”, c’est aussi et avant tout l’histoire d’une réalisatrice vivant dans le garage d’une amie qui, le jour de ses 40 ans, n’a toujours pas réalisé le film dont elle rêvait.
Ce dimanche n’aura pas vu le soleil sans raison. Dans les couloirs des cinémas Studios de Tours, le sourire d’Anna Margarita Albelo attire toutes les bonnes humeurs. Elle est venue aujourd’hui présenter son premier long-métrage de fiction au festival Désir Désirs.
Du côté de l’organisation du festival, c’est un véritable bonheur d’accueillir un film LGBT qui respire autant de joie. Un film à l’image de sa réalisatrice. Je suis allé à sa rencontre.
La Déviation – « Qui a peur de Vagina Wolf ? » promet un film lesbien qui ne l’est finalement pas tant que ça. Pourquoi est-il aussi facile de se reconnaître dans Vagina Wolf ?
Anna Margarita Albelo – C’est un film à double tranchant. Je me suis demandée comment écrire un film qui parle à tous. Et je crois que j’ai réussi avec mon film à rester fidèle aux différentes identités de ces femmes lesbiennes et à offrir ce film au public le plus large possible.
Si tu veux, aujourd’hui, pour une réalisatrice comme moi, il s’agit de trouver sa place devant le grand public et de trouver les financements pour diffuser le film en salle et à la télévision. Toucher plus de monde, c’est aussi toucher des jeunes excentrés, en dehors des grandes villes ou de la culture.
J’ai produit ce film moi-même, en coproduction avec un producteur français. Plus de 400 personnes ont participé au financement en apportant 27.000 $. La production s’est faite de manière hybride. Pour moi c’est énorme, car ça veut dire que tous ces gens ont cru en mon scénario et en mon travail de réalisatrice. Même le simple fait d’être aujourd’hui en France est incroyable. Je n’aurais jamais pensé être distribuée. Mon plus grand désir, c’est de continuer à être intègre tout en m’adressant au grand public.
Le film met en scène deux producteurs prêts à donner 4.000 $ pour votre film avec quelques réserves : le film doit être sexy.
L’un des problèmes avec le cinéma lesbien, c’est qu’en général c’est un cinéma très sexy qui excite les hommes hétérosexuels… entre guillemets hein ! Si tu fais un film lesbien et qu’il n’y a pas de scène de cul et de belles actrices sexys, c’est difficile de trouver de l’argent. Pourtant il faut soutenir le cinéma.
Je crois qu’en France, on a très bien compris qu’il fallait soutenir le cinéma d’art et essai indépendant. Si le Centre national du cinéma ne donnait pas d’argent, on ne produirait qu’à peine 10 % de la production indépendante. Car qui donnerait cet argent ?
La sexualisation des gays et des lesbiennes est un problème.
En plus de ça, dans le film, les deux producteurs sont gays. Ce ne sont pas des hétéros qui disent “on veut voir des lesbiennes baiser”. Moi, ça fait quinze ans que je fais des films et que je parcoure les festivals LGBT. C’est la même réalité pour tous. C’est toujours du militantisme que de proposer un film lesbien intelligent qui ne parle pas forcément de cul.
Par exemple, La vie d’Adèle marche très bien et j’en suis contente car je pense que ça donne de la visibilité aux histoires lesbiennes, malgré le fait que ce film soit réalisé par un homme. Car le problème c’est que l’on regarde ces films avec ces scènes de sexe sans jamais penser que l’on pourrait faire sans. La sexualisation des gays et des lesbiennes est un problème. Je pense venir en complément à cette production. Je veux apporter un autre regard.
Est-ce que l’expérience de cette réalisatrice qui vit dans le garage d’une amie pour financer son film est l’expérience d’autres réalisateurs ?
Aux États-Unis, c’est l’histoire du cinéma indépendant depuis toujours. Même John Cassavetes a réalisé ses films indépendants de cette façon dans les années 1970 car Hollywood ne voulait pas produire ses films.
Oui, je suis le cliché de la réalisatrice qui vit dans un garage, qui veut faire un film et qui fait tout avec trois fois rien. Malgré le peu d’argent qu’on avait, on désirait tout de même une production de la plus grande qualité possible. Je ne voulais pas qu’on dise “Ah ! Encore un film lesbien fabriqué avec deux bouts de ficelle !” et que ça soit cet élément là qui nous ferme les portes de la distribution.
Avec mon équipe, qui n’est pas exclusivement lesbienne puisqu’il y a des gays et des hétéros, nous voulions montrer que ce n’est plus un cinéma ghetto. J’adore le cinéma underground, et j’en ai fait. Mais mon évolution, c’est d’accéder au grand public. Et surtout avec de l’humour. Parce que ça n’est pas toujours facile d’être lesbienne et féministe.
On a tous en tête le stéréotype de la nana pas drôle, agressive, méchante et bornée. Pourtant ça fait 25 ans que je suis féministe et lesbienne et que j’adore la comédie. J’utilise la comédie pour trouver une universalité entre nous. Ici il s’agit de l’histoire d’une nana qui veut faire un film. Mais ça aurait pu être l’histoire d’un mec qui veut construire un bateau ou d’une femme qui veut construire une maison pour sa famille. On a tous des buts et ce film démontre qu’on peut y arriver malgré un environnement hostile.
L’évolution du cinéma lesbien que vous évoquez, c’est la votre ou celle de la production lesbienne ?
Je pense qu’il y a de moins en moins de films lesbiens car il est de plus en plus difficile de trouver de l’argent. Et ça n’a jamais été facile. Ça, c’est juste la réalité. Mais on est plusieurs, à l’international, à continuer à faire des films et à y mêler nos vies… J’ai quand même vécu dans un garage.
L’intérêt, c’est de continuer à communiquer avec le monde. Il y a énormément de gens qui n’ont pas fait leur coming-out. Et ce n’est qu’à la télévision ou dans le cinéma grand public qu’ils peuvent voir des tranches de culture gay ou lesbienne.
Si tu dis que tu es lesbienne, les gens pensent tout de suite à deux femmes en train de baiser.
Certaines personnes ont peur d’aller dans les festivals et librairies LGBT, ou tout simplement d’en parler autour d’eux. Et en même temps quand tu découvres ton homosexualité, les images que tu voies sont très sexualisées. Si tu dis que tu es lesbienne, les gens pensent tout de suite à deux femmes en train de baiser. Il faut s’approprier cette sexualisation des identités et proposer d’autres alternatives.
Quel regard portez-vous sur les dernières manifestations françaises autour des questions du genre ?
Je suis étonnée car lorsque j’ai fini l’université, j’ai immigré en France en 1993, et j’ai vécu ici pendant seize ans. Aux Etats-Unis, on associe la France aux droits de l’homme. On voit la France comme un pays avant-gardiste car il y a beaucoup d’artistes et de têtes pensantes en avance sur leur temps. Et en même temps il y a une culture très conservatrice.
Je n’avais pas imaginé qu’elle pourrait en arriver au point d’organiser les Manifs Pour Tous.
Du coup j’ai amené mon grand costume de vagin en France pour la sortie du film. Je vais manifester devant l’Assemblée nationale et devant le siège social du PS avec une pancarte et des slogans pour la PMA et tout simplement pour l’égalité.
La devise de la France, c’est tout de même Liberté, Égalité, Fraternité. Et tu te rends compte que certains ne comprennent pas ce qu’est l’égalité. Si tu commences à choisir qui est égal et qui ne l’est pas, ça n’est plus l’égalité. Je suis juste étonnée de voir que c’est en France qu’il y a ce débat et qu’il faut combattre des gens qui pensent que l’égalité est une histoire de sélection.
Qui a peur de Vagina Wolf, d’Anna Margarita Albelo, avec Anna Margarita Albelo, Guinevere Turner, Janina Gavankar, 1 h 24, Local Films, 2014.
J’attendais La Vie rêvée de Walter Mitty avec tellement d’impatience que la bande originale et ses trésors nordiques n’avaient déjà plus aucun secret pour moi avant sa sortie en salles le 1er janvier. À la fois drôle et poétique, cette cinquième production de Ben Stiller est LA solution pour commencer 2014 du bon pied.
Walter Mitty (Ben Stiller) a une vie bien rangée. Voilà seize ans qu’il travaille pour le prestigieux magazine Life où il est responsable des archives photos. Salarié modeste et effacé, il n’a jamais trouvé le courage d’approcher sa collègue Cheryl (Kristen Wiig), pour qui il fond littéralement.
Sa plus grande réussite jusqu’à présent, c’est son amitié épistolaire avec Sean O’Connell (Sean Penn), un photographe mondialement connu. Il est son contact privilégié au sein du magazine et Sean a toujours loué le talent de Walter pour le traitement de ses photographies.
Seulement un jour, tout bascule : Life cesse sa diffusion pour ne devenir qu’un site internet. Walter Mitty va alors se lancer dans la quête d’un cliché mystérieusement perdu, destiné à illustrer l’ultime couverture du journal. Lui qui a toujours réfréné ses envies d’aventures va devenir un héros digne des plus beaux reportages de Life. Finies “les déconnections” pendant lesquelles il se rêvait aventurier et super-héros. Place à la réalité. Et quelle merveilleuse réalité !
C’est sur les terres du Groenland, d’Islande et d’Afghanistan que Walter Mitty part à la recherche de Sean O’Connell. Je vous préviens, les paysages sont à tomber et vous donneront qu’une envie : remplir votre sac de 60 L (ou votre petite mallette) pour la première destination venue.
Les paysages présents à l’écran m’ont rappelé pourquoi je ne cesse de parler de ce pays avec une telle passion depuis plus de 6 ans. Seyðisfjörður, Grundarfjörður, Stykkishólmur… Toutes ces villes ont servi de décors grandeur nature pour accueillir le périple de Walter Mitty. Et quand Ben Stiller vous fait croire que Walter est au Groenland ou en Afghanistan, il n’en est rien, c’est toujours l’Islande qui crève l’écran avec la ville d’Höfn ou les sommets enneigés du parc national de Vatnajökull.
Scénario, OK. Décors, OK. Humour, je ne reviendrai pas dessus, on peut compter sur le talent de Ben Stiller pour amuser la galerie.
Non, la cerise sur le gâteau c’est bien la bande originale du film.Personnellement, elle m’a captée de la première seconde à la dernière. Pêle-mêle, on retrouve les Islandais d’Of Monsters and Men, le groupe suédois Junip et leur chanteur José Gonzalez, mais aussi d’autres noms moins nordiques comme David Bowie, Rogue Wave, Rogue Valley.
L’une de mes scènes préférées restera sans doute le passage où l’on entend Wake Up d’Arcade Fire. Ce moment marque le saut de Walter Mitty vers de nouvelles aventures. Magique.
Donc si vous ne l’aviez pas encore compris, je vous encourage grandement à voir La Vie rêvée de Walter Mitty pour faire plus ample connaissance avec cet anti-héros parfait et irrésistible. Alors certes, on pourra reprocher à Ben Stiller de ne pas exploiter plus le côté psychologique de son personnage, mais la recette miracle fonctionne, on sort de la salle détendu, avec le sentiment d’avoir passé un très bon moment.
On reste dans la comédie légère, mais ce feel-good movie est une grande bouffée d’air frais dont je ne peux dire que du bien. Walter Mitty est incroyablement génial tout simplement.
La Vie Rêvée de Walter Mitty, de Ben Stiller, avec Ben Stiller, Kristen Wiig, Shirley MacLayne, 1 h 54, 20th Century Fox, 2014.
Et si nous nous prenions pour les jurés d’un prix cinématographique ? France Télévision et la Scam nous permettent cette expérience, grâce au concours de mini-documentaires vidéo Infracourts, pour lequel le public est appelé à voter. Nous relevons le défi.
Le comité de présélection a gardé 30 films parmi les 468 qui lui ont été adressés. Aujourd’hui, 28 restent en compétition. Tous doivent répondre à la problématique imposée : “qu’est-ce qu’on attend ?” et durer moins de 3 min 15.
Les internautes peuvent voter sur cette page jusqu’au 5 janvier pour décerner le prix du public. Le règlement indique que le lauréat recevra un contrat d’aide à l’écriture pour une forme documentaire et qu’il rencontrera des professionnels du documentaire.
Sylvain Ernault
J’ai regardé la totalité des films d’une traite, sans m’attarder ni sur le total des votes déjà attribués, ni sur les noms des auteurs et sans savoir à l’avance de quoi il en retournait.
Mon coup de cœur c’est La tente suspendue de Barthélémy Olivier. C’est le portrait de Kader, un sans-abris qui vit près de la Place de la République, à Paris, donc près du canal Saint-Martin, mais aussi du 4 étoiles Crowne Plaza.
Un bonnet vert vissé sur la tête, assis près de quelques journaux, Kader regarde les Parisiens passer, sans aigreur, a priori sans envie. Certains le saluent, discutent et plaisantent avec lui. L’homme n’est pas en colère, il est plutôt amusé par ceux qui lui ont apporté un gros matelas dont il ne fera rien. Il est surtout désabusé et n’attend plus rien de la vie.
Bathélémy Olivier a posé sa caméra près de Kader avec modestie, sans ajouter un mot. Il a rencontré l’humain que la ville déshumanise. Même si Kader affirme s’être lui-même exclu, on y voit processus de mise au ban que subissent ceux qui n’aiment pas les normes.
J’aime ce documentaire parce qu’il raconte une histoire actuelle, sans truchement, car on ne pourra pas dire que le film est mis en scène.
C’est le premier film du concours que j’ai visionné, je m’efforce de penser que ça n’a pas influencé mon choix.
Dans une toute autre forme, j’ai également apprécié Foi, espérance et efficacité, par l’association ACTE Cinéma.
Comme dans L’attente suspendue, les documentaristes traitent de la question du mal-logement en France, en présentant cette fois la cité du Haut-du-Lièvre, à Nancy. C’est un quartier de grandes tours qui abritent des logements sociaux depuis les années 1950.
La barre la plus impressionnante du “Haudul”, et, disons-le, la plus monstrueuse aussi, fait 400 mètres de long, compte quinze niveaux pour 917 logements. Le quartier comporte en son point central une prison, ce qui vue du ciel rend, comme vous pouvez l’imaginez, l’ensemble architectural des plus esthétiques, dans le style jardin à la française.
Le discours politique de critique sociale du documentaire est affirmé. Il s’inscrit dans un montage original. Le tout dure deux petites minutes. Ici, le temps court n’est pas un handicap. Il devient même un allié, sans pour autant faire du film un clip militant, car il appelle surtout à réfléchir.
Mon dernier vote va vers Jules (1918 -), de Julien Cabon et Marina d’Été.
Beaucoup de films traitent de la fin de vie des anciens dans cette sélection. Signe des temps moroses ? Ce n’est donc pas un sujet original. Toutefois ce film sort de l’ordinaire car son héros et personnage unique est tout à fait atypique.
Jules Ollivier – nous dirons Jules pour respecter la simplicité de l’homme – a 95 ans. Il se considère lui-même “dans l’antichambre de la mort”, bien qu’il ne “soit pas pressé”. Il est originaire de Gouarec, un village costarmoricain du Kreiz Breizh dont la page Wikipédia est illustrée par une photo du cimetière.
Sur la tombe de son père devant laquelle Jules va se souvenir, la croix est catholique. Mais Jules ne croit pas à l’au-delà. Il croit en revanche à l’amour, bien que le temps de chien “n’y soit pas très propice”. Chantant Carmen, il vit toujours, en quelques sortes, avec sa femme.
Cet homme singulier, toujours vif , ce “caractère breton” délivre paradoxalement face à la mort un message d’espoir, à la manière des vieux sages, dont Stéphane Hessel était l’un des plus éminents représentants. J’aime ce portrait émouvant sans être larmoyant.
Jules (1918 – ) est co-réalisé par Marina d’Eté, ancienne étudiante en journalisme de l’IUT de Lannion, c’est-à-dire l’école de laquelle je sors. Je pensais l’exclure d’office de mes coups de cœur pour conflit d’intérêt, mais comme je trouve qu’il est vraiment bon, je le laisse, tout en vous avertissant.
Justine Briot
Pour apprécier au mieux les 28 films restants en compétition, j’ai fractionné mes instants de visionnage en trois fois. Je les ai regardés dans l’ordre, sans me soucier des votes déjà obtenus et du sujet qui allait être traité.
Mon coup de cœur revient à 52 km réalisé par Nicolas Djian et Arthur Rifflet. Alors que la question des migrants revient régulièrement à la Une avec l’île de Lampeduza, ce mini-documentaire nous rappelle que dans le Pas-de-Calais, ils sont toujours autant à espérer et à attendre un départ pour l’Angleterre. La page du centre de Sangatte s’est peut-être tournée le 16 décembre 2002, mais les migrants sont toujours présents et se réfugient le long du littoral dans des abris de fortune.
Pour ce migrant syrien, son “5 étoiles” français, c’est une tente. Il passe ses journées à attendre la bonne opportunité pour gagner les terres britanniques.
Malgré le froid, les doutes et la peur, il sait qu’en Syrie ses proches comptent sur lui. “J’ai parcouru plus de 6.000 km depuis mon départ mais ce sont les 52 km les plus difficiles qu’il me reste à franchir”. Un constat implacable.
Par sa musique, ses images mais aussi son titre, c’est ce mini-documentaire qui m’a le plus touché, peut-être parce que je connais Calais et ses rues. Il me fait inévitablement penser au film Welcome de Philippe Loiret, même lieu, même espérance. Ce film en 2009 m’avait profondément touchée, il en est de même ici en un peu plus de 3 minutes.
En deuxième position, c’est ma corde artistique qui a vibrée. Place à Louise Traon et son film La pose. Un mini-documentaire tout en simplicité où Alice, modèle de nu, nous explique avec ses mots comment elle est arrivée à dévoiler son corps aux regards d’inconnus pendant de longues heures.
Pour la jeune femme, cette action permet de “revenir à une certaine naissance”. D’elle, nous ne connaîtrons que son prénom, ses formes et quelques détails de son visage. C’est à travers les statues réalisées ce jour-là par les élèves de l’atelier d’art de Rrose Sélavy qu’on peut mettre un visage sur cette voix. J’ai beaucoup aimé ce parti pris.
Autour d’elle, on entend les murmures du prof et des élèves. Les yeux vont et viennent. Comme elle le conclut si bien : “Je sens une énorme énergie, mais je ne sens pas pas un regard posé sur moi et c’est plutôt rassurant”.
Pour finir, mon dernier vote est pour l’un des premiers films que j’ai visionné : Entre elle et moi de Yann Belguet. Il est le premier a avoir retenu mon attention à la fois car il n’y a aucun mot de prononcé, mais aussi pour l’émouvante fin qu’il réserve.
À l’intérieur, assise sur différents sièges, à différents instants de la journée, une femme attend. Mais quoi ? Le mystère reste entier. Son regard est fuyant, elle semble absente et réagit peu aux bruits qui l’entourent : on comprend par certains détails qu’elle souffre d’un handicap.
Alors que la même séquence semblait se dessiner à nouveau un sourire vient éclairer son visage. Une belle déclaration d’amour et de tendresse d’un frère pour sa sœur.
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L’écume des jours reste dans le vague
Depuis le 24 avril, L’écume des jours est enfin sur grand écran. Dans cette adaptation du chef-d’œuvre de Boris Vian, l’imaginatif Michel Gondry peine à toucher le spectateur, faute à la trop grande présence d’effets visuels dont il est friand, frôlant l’abus.
Lecture obligatoire lors des études pour certains, découverte sur le tard pour d’autres, il est certain que L’écume des jours, œuvre la plus connue de Boris Vian, est la voie royale pour plonger dans l’univers bien particulier de l’auteur.
Cette bulle de poésie courant sur 68 chapitres, Michel Gondry n’y est pas resté insensible. Le réalisateur évoque même avoir eu un déclic lors de sa première lecture et en être ressorti avec une imagination et une créativité renforcée. Si tout ça a pu l’aider à concevoir l’inclassable et sublime Eternal Sunshine of the Spotless Mind, je n’ai qu’une chose à dire : ” Merci Boris ! “.
La trame de l’histoire est fort simple et Boris Vian, avec un sens du résumé exemplaire, la décrivait comme ceci : “Colin aime Chloé, Chloé tombe malade, elle meurt. Colin ne pourra pas vivre longtemps.“
L’intrigue du roman se situe dans un univers réaliste, mais parsemé de touches fantastiques. Ici, les nénuphars sont des maladies, les murs rétrécissent quand la fin est proche et les expressions de la langue française comme “prendre dix ans en une semaine” sont plus vraies que nature. Un défi visuel et sonore qui n’a pas freiné l’imaginatif Gondry.
Trop de génie, tue le génie
L’écume des jours est donc une grande histoire d’amour débordante de jazz, de tendresse et de démesure. Mais malheureusement, la démesure, le réalisateur en abuse pendant une heure et demie. La cascade d’inventions, la myriade de trucages et le puits de créativité sans fond finissent par nous donner une sérieuse indigestion visuelle.
Pourtant pris une à une, ces techniques “gondryennes” frôlent le génie dans certaines scènes.
Le “pianocktail”, cet instrument farfelu que tout bon amateur de boissons rêverait d’avoir, n’aurait pu être mieux transposé à l’écran. De même pour les mets que dégustent Colin et ses amis, ils sont tous réalisés en matériaux textiles, confectionnés par la brillante Bénédicte Charpiat. Et que dire de ce Duke Ellington à la trompette lors des premières minutes du film ou de ces prototypes de véhicules créés par Peugeot tout spécialement pour le film?
Ce trop plein de bonheurs visuels éphémères débouche sur une absence cruelle d’émotions, elles y sont étouffées. De même pour le jeu des acteurs. Romain Duris (Colin), Audrey Tautou (Chloé), Omar Sy (Nicolas), Gad Elmaleh (Chick), les acteurs les plus bankables du moment nous ont habitué à mieux. Au final, le spectateur risque de n’éprouver que très peu d’intérêt pour les personnages.
“Ce qui m’intéresse ce n’est pas le bonheur des hommes, c’est le bonheur de chacun“, évoque Colin dans ces deux œuvres. Alors Michel, si tu me permets, je quitte la salle obscure pour revenir au bon vieux livre papier, c’est mon bonheur à moi. Sans rancune.
L’écume des jours, Michel Gondry, avec Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh, Charlotte Le Bon, Aïssa Maïga. Distribution StudioCanal. En salles depuis le 24 avril.