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On a vu Fauve ≠

Ils sont de toutes les playlists branchées qui se sont déversées dans nos téléphones, transistors ou autoradios cet été. FAUVE. Un prénom unisexe, générique, commun à tout ce collectif d’artistes, dont les membres viennent et s’en vont.

FAUVE. Une marque de fabrique “pas fait exprès” composée de textes crus, qui collent à la vie des jeunes. Qu’ils nous parlent de drague ratée, de plans culs blasés ou de cette sempiternelle peur de la routine et d’une vie dont ils ne voudraient pas, ou plus, le message coule, comme une poésie susurrée, vomie, crachée, libérée.

La Déviation les a rencontrés cet été, au festival du Chant de Marin de Paimpol. Pas de photo, pas de vidéo, le groupe tient à préserver son anonymat, alors on a respecté la consigne, bien calés au fond d’un petit voilier anglais en bois vernis, bercés par la houle légère qui soufflait parmi la centaine de bateaux amarrés dans la cité des Islandais. Ambiance.

Écoutez maintenant. Après tout, FAUVE, c’est une rencontre musicale, alors, pour une fois, satisfaisons-nous du son.

L’interview a été réalisée avec Gwenaël Kéré, l’animateur de l’émission Pop Skeud sur Radio Bro Gwened.

Et même si ce n’est pas forcément leur registre, on a demandé à Fauve de nous chanter un petit air marin… Ils ont dit oui.

Agglutinés sur le ponton, leurs copains se sont joints à la chorale improvisée, pour nous interpréter (sans se tromper dans les paroles), l’intégralité de Fanny de Laninon.

Fauve c’est qui veut. Et si ça se trouve demain on sera nombreux ≠.

Au cas où vous seriez passé à côté, petite session rattrapage.

Naviguez dans notre dossier spécial

Chant Marin de Paimpol 2013 dans La Déviation (ladeviation)

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Call Me Señor, gentlemen de la pop-electro

“On préfère que le live soit un truc où on envoie, où les gens s’amusent, puissent danser”. Interview vidéo des Call Me Señor.

Le mélange entre la pop et les sons électro/claviers marche à merveille. Et ça, les Call Me Señor l’ont bien compris. À l’origine en duo, actuellement en quatuor, ces Parisiens pondent des titres à refrains très catchy. De quoi bouger tout l’été.

Call Me Señor - Sex With You - La Déviation
Réviser l’anatomie avec la pochette de l’EP Sex With You.

Et pourtant… pourtant, officiellement, ils n’en sont qu’à leur premier EP, sorti tout juste le 1er Juillet. Et déjà, les Solidays se sont ouverts à eux cette année. Ce petit succès est compréhensible, notamment au vu du travail fourni par le duo Alex-JB en amont de la formation définitive. À eux seuls, ils composent  deux EP, qui cernent déjà l’identité du groupe.

Plus tard, à quatre, l’idée reste, le duo avance, se charge toujours de la composition des titres qui arrivent même jusqu’aux oreilles délicates des spectateurs de Canal +, via la “Short List” de Damien Cabrespines. Et ce, avec un clip où les trois-quarts du groupe essayent de se suicider. Chapeau bas les gars.

Loin du Call Me Maybe/Baby, Alex, JB, Julien et JB sont frais et entraînants. Cela grâce au chant, toujours avec cet accent mi-anglais mi-je parle-avec-mon-nez, à leurs arrangements electro-pop et leurs rythmiques atypiques.

On retient, des compositions précédentes, – outre la naissance d’une formation déjà pleine d’idées – l’aspect un peu honteux/porno de la pochette de l’EP (I’m Not Saying This) Just To Have Sex With You. Rigolo de faire de l’anatomie tout en écoutant un groupe sur internet.

Call Me Señor, en session live, interprête Chilling In Chile. Enregistré le 9 juin, à Paris.

Découvrez Sandstorm en session live sur Talents Frais.

Par rapport à l’EP qui vient de sortir, on a clairement deux titres qui sortent du lot : Begging for Trouble – single-phare du groupe, avec un clip énorme derrière – et Graduation, très electro, beaucoup de synthé et de rythmiques, pour un refrain hyper entêtant. Allez, tous en cœur “Last night, you talked too much…” Avec un petit coup de vocaliser à la Daft Punk à la fin.Ça passe crème.

Du côté des autres morceaux, on a We Get By. La chanson en soi tire son originalité par le mini-passage pendant lequel c’est une autre personne que JB qui chante. Sinon on reste dans ces sonorités très “Pony Pony Run Run et cie”.

Enfin, pour finir le petit tour de cette création à quatre, on a Brand. Le titre le moins représentatif de la créativité du groupe, un peu trop répétitif à mon goût, même si l’on retrouve ce même schéma couplet-refrain.

Cependant, les créations du quatuor ne s’arrêtent pas là. À la base, pas fan de tout ce qui est reprises, tremplins et compagnie, le groupe a réussi à créer sa propre version de  Take Me Out de Franz Ferdinand (écouter plus bas). Une reprise extra par son originalité, qui complète et redonne du dynamisme à ce classique rock, avec l’ajout de cet electro si particulière qui entoure la musique de Call Me Señor. Pas étonnant qu’ils se soient retrouvés finalistes du tremplin organisé par Virgin Radio.

Bref, avec leur allure d’hipsters-gentlemen de la pop, ces mecs vont aller loin, comme des boss. Call them Señor.

«On s’appelle Call Me Señor car on aimait bien l’idée de brouiller les pistes.»

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« Les Ogres de Barback nous ont directement contacté »

Le Pont du Rock détient l’une des plus belles programmations du grand Ouest. Chaque scène a sa pointure. Tenez plutôt : Kavinsky pour l’électro, Wax Tailor pour le hip-hop, Arno côté rock, Les Ogres de Barback pour la chanson française et The Bellrays pour le soul-punk.

C’est injustement que le festival, qui se déroulera les 26 et 27 juillet à Malestroit dans le Morbihan, reste dans l’ombre des plus grands, malgré son ancienneté. Tout ça pourrait bientôt changer. Interview de son programmateur, Tony Brulé.

Pourrais-tu nous raconter rapidement l’histoire du plus ancien festival breton de l’été, le Pont du Rock ?

Tout commence par un pont. Celui du 15 août 1989. Une bande de potes décident de secouer la torpeur de leur village, le Roc-Saint-André (à environ 10 km de Malestroit) en organisant un festival. Ils fondent une association, Les enfants du Roc’k en hommage à l’émission du même nom, diffusée sur Antenne 2 dans les années 1980.

Le festival se déroule au Roc-Saint-André jusqu’en 1992. Après deux années sans, il réapparaît en 1995 à Malestroit, avec la fusion de deux associations : Les Enfants du Roc’k et Malestroit Arts et Culture pour créer Aux Arts Etc., qui organise le festival jusqu’à aujourd’hui.

Le Pont du Rock au Grand Journal de Michel Denisot (détournement) - La Déviation
Mais non ! Le Pont du Rock n’a pas besoin de reconnaissance parisienne pour exister. (détournement chopé sur Facebook)

Comment le Pont du Rock a-t-il réussi à tenir aussi longtemps ?

Si le festival continue à exister, c’est par la motivation de nos membres et de nos bénévoles. On est des passionnés de musique et on continue à prendre énormément de plaisir à organiser notre festival.

Peux-tu nous présenter la programmation ?

Cette année, on a voulu mélanger des artistes confirmés comme Olivia Ruiz, Arno ou Wax Tailor à des groupes moins médiatisés. On a également voulu équilibrer la soirée du vendredi avec celle du samedi.

Le vendredi avec Wax Tailor, Kavinsky, Stupeflip et Breton entre autres, on n’avait jamais réussi jusque-là à caler une telle soirée et le samedi on a également une très belle prog’ avec Olivia Ruiz, Les Ogres de Barback, Arno et Féfé par exemple. On est très fiers de tous les groupes calés et pour nous, chaque groupe a été pleinement choisi. Il n’y a pas eu de choix par défaut.

Le visuel de cette année nous annonce une affiche rugissante. Qui, pour toi, est digne d’un tigre sur l’affiche ?

Le tigre cette année irait bien aux Jim Jones Revue, étant donné leur sauvagerie sur scène, un pur moment de Rock’n Roll.

La troisième scène c’est une manière pour vous de vous faire un peu plaisir en programmation avec des coups de cœurs ?

Le côté découverte nous a vraiment motivé et c’est pour ça que l’on a ajouté cette troisième scène sous chapiteau, car depuis quelques temps nous étions un peu frustrés de ne pas pouvoir caler certains groupes, faute de place.

Des groupes comme Birth of Joy, The Struts ou Little Trouble Kids n’auraient pas pu être programmés s’il n’y avait pas eu ce chapiteau.

En parlant de coups de cœurs, quel est LE groupe que tu attends de pied ferme cette année à Malestroit ?

Pour l’édition de cette année, j’ai déjà vu presque tous les groupes sur scène à part Carbon Airways, donc je dirais eux, même si tous les autres sont bons sur scène, ce qui est aussi un critère dans nos choix.

Souvent, les têtes d’affiche étrangères arrêtent leur tournée aux Vieilles Charrues.

Quelles sont les difficultés pour mettre en place une programmation comme la vôtre ?

Les difficultés pour notre programmation viennent en partie de notre date (26 et 27 juillet, NDLR), car beaucoup de têtes d’affiche étrangères ne sont pas en tournée fin juillet. Souvent, elles arrêtent leur tournée aux Vieilles Charrues et pour ceux qui y sont encore, ils jouent au Paléo Festival en Suisse le même week-end que nous.

Souffrez-vous de la concurrence des autres festivals et si oui, comment ?

Avec les autres festivals bretons, cela se passe bien, en général on réussit y à s’arranger.

La journée du vendredi était déjà vraiment bien… Et vous nous annoncez Kavinsky et Breton pour enfoncer le clou, pas mal non ?

Oui, on a eu de la chance de pouvoir caler ces deux artistes, même si cela nous à pris un certain temps, on voulait bien clôturer notre programmation et je pense que l’on y est parvenu.

L’association a-t-elle d’autres activités que le Pont du Rock sur l’année ?

Dans l’année, on organise le tremplin pour le festival, car pour nous, il est nécessaire de pouvoir aider un jeune groupe à se faire connaître.

Un scoop pour RockFanch ?

Pour l’édition de cette année, ce sont les Ogres de Barback qui nous ont directement contacté pour venir jouer et depuis le temps que l’on voulait les faire, on était assez flattés qu’ils nous choisissent.

Découvrez toute la programmation du Pont du Rock 2013.

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Ben Ellis, au top de la pop

C’est après avoir enchaîné les salles de concerts et festivals avec son ancien groupe, Brooklyn, que l’on retrouve aujourd’hui Ben Ellis dans son projet solo. En solo, oui, mais toujours bien accompagné sur scène par des musiciens tout aussi talentueux. Et cela fonctionne.

Le groupe, formé par Ben, Étienne Loiseau (guitare), Sébastien Richelieu (basse) et Éléonore Tallet- Scheubeck nous offre une musique rythmée, pop, dansante. Bref, tout ce qu’on aime.

Cette formation, de tout juste neuf mois, nous fait découvrir une pop hyper dynamique et super bien rodée. Le fruit d’une musique quasiment complétement enregistrée/produite par Ben lui même. Des morceaux écrits sans prise de tête, selon l’inspiration du moment, les rêves de la nuit, les idées sorties de nulle part. Pour, au final, donner des sons qui te font bouger en même temps que te donner de l’espoir.

De l’espoir , du courage, de la volonté d’aller de l’avant. Oui. Et en particulier (gros coup de cœur) avec le titre « Into the light », disponible en ligne et bientôt sur le prochain EP. Des frissons, beaucoup de joie, beaucoup de plaisir.

Pour écouter quelques morceaux de plus, ça se passe ici et .

En parlant EP, la qualité des sons se ressent aussi par le fait qu’il n’y ait « officiellement » qu’une seule chanson en ligne. Et, déjà, les concerts de la formation se remplissent plutôt très bien ! En plus de profiter de ce bouche à oreille fulgurant, Ben Ellis peut se vanter d’être hyper bien relayé via la presse (les Inrocks, notamment), Radio France ; ainsi que par les médias en ligne.

Côté concert, on retrouve le groupe à l’aise, hyper dynamique, qui nous offre jusqu’à trois percussions en même temps. Toujours très rythmé et hyper mélodique. Des chansons à texte soutenues par des refrains entraînants.

Bref, on aime, on danse dessus seul chez soi , avec des amis, en concert. Partout. Et ça fait du bien.

Côté actu, on attend avec impatience le premier EP, le 2 juillet, la sortie d’un clip tourné à Pékin, et la tournée de septembre à janvier pour soutenir l’EP.

« La musique comme un exercice de psychothérapie. »


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Le Quatre Heures, “que la forme serve le fond”

On connaissait le slow food et le slow travel, voici maintenant la slow info. Treize jeunes journalistes, tout juste diplômés du CFJ Paris, ont lancé Le Quatre Heures, le 29 mai, un site de grand reportage qui offre le temps de digérer l’information sur Internet. Ce qui est pour l’heure un projet étudiant pourrait devenir dans quelques mois une entreprise médiatique, si tant est que des investisseurs se manifestent. 

Le parti pris est radical. Graphiquement, le site se présente sans page d’accueil. Il s’ouvre sur le dernier reportage publié. La navigation se fait sans clic, seulement au scroll de la souris. Une barre latérale peut toutefois être déployée par les lecteurs pour accéder aux reportages précédents. On est très loin de la course aux clics à coups de titres optimisés pour le référencement par Google et de papiers prêts à mâcher.

Le Basque Romain Jeanticou est l’un des fondateurs du Quatre Heures. Âgé de 23 ans, ce passionné de la scène punk et alternative se verrait bien travailler dans une rédaction américaine. Après un stage au Monde, il enchaîne cet été par deux mois à France TV Info. Il travaillera à la rentrée au Parisien, grâce au Prix de l’innovation qu’il vient de remporter, pour son idée de rubrique communautaire et participative autour de la culture locale,  inspirée du site Last.fm.

Slow interview.

D’où vient ce projet du Quatre Heures ?

Le projet est né en janvier 2013. Nos enseignants du CFJ nous ont demandé “à quoi ressemblerait le média de vos rêves ?”. Nous, on s’est rendu compte que ce qu’on aimait dans le journalisme, c’était vraiment le terrain, le grand reportage, le long court, raconter des histoires, faire quelque chose d’assez immersif. Des revues comme XXI n’ont pas d’équivalent sur le web.

Le Quatre Heures - La DéviationDonc on a eu cette volonté de faire du grand reportage sur Internet. On s’est dit qu’aujourd’hui pour que ça marche, il fallait utiliser les outils du web au maximum, c’est-à-dire faire du multimédia à fond, faire de la belle photo, faire de la vidéo, faire du son. Et surtout faire un site qui serve l’histoire, que la forme serve le fond.

On voulait un site sur lequel les gens puissent prendre le temps de lire une histoire et de rentrer dans l’histoire. On a cherché à faire quelque chose de très esthétique, pour que les gens aient envie de resteret de lire l’histoire, que ce soit beau et immersif. C’est pour ça que notre page est techniquement très, très simple. Il n’y a pas de menu, pas de lien, pas de barre de navigation, etc. Il n’y a pas non plus de clic à faire. Les vidéos et les sons se lancent tout seuls. C’étaient un peu les motivations derrière ce projet.

Vous avez travaillé avec un graphiste (Grégory Leduc) et un développeur (Jonathan Fallon). Quelle place ont-ils exactement dans ce projet ?

Pour la version bêta, les treize membres de la rédaction ont fait six reportages, qui sont publiés chaque semaine. Le graphiste est un intervenant de l’école. Il est intervenu après les reportages. Il n’est pas journaliste, donc il avait un point de vue uniquement esthétique. Plus qu’un graphiste on a dit qu’il était directeur artistique, car il s’est aussi occupé de voir si les photos et les vidéos étaient bien, si tout était en harmonie visuellement.

Je le connaissais car je suis aussi l’auteur d’un webdoc qui s’appelle Le Mystère de Grimouville (produit grâce aux dons des internautes, NDLR) et je travaille avec lui.

Et le développeur c’est pareil. Il est arrivé une fois qu’on avait fait les reportages. On lui a donné notre cahier des charges. On lui a dit qu’on voulait de la parallaxeL'effet de parallaxe dans la conception web est la technique qui permet de faire déplacer des images disposées sous différentes couches. L'interaction se fait à partir de la souris ou du scroll afin de créer un effet de vitesse/perspective pour donner une illusion agréable et intéressante de 3D., etc. Et lui est intervenu dans les dernières semaines. Pour nous c’était important d’avoir quelqu’un qui fasse les finitions.

Après les six semaines de bêta, que va devenir Le Quatre Heures ?

Là, c’est une version bêta qui est financée par le CFJ (la directrice de publication est Julie Joly, directrice de l’école parisienne, NDLR). Ça comprend les reportages et le développement. L’objectif avec la bêta c’est de trouver des financements, des bourses, créer une communauté pour pouvoir lancer un vrai média. Que Le Quatre Heures devienne un vrai média, qui fonctionne comme une rédaction et non plus un projet étudiant.

Quel serait votre modèle économique ?

Pour l’instant on cherche des financeurs. On aimerait obtenir des bourses d’entrepreneuriat. Avec cette version bêta, à la fin des six semaines, on enverra des sondages aux lecteurs, pour savoir si ils sont prêts à s’abonner et combien ils seraient prêts à donner.

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Le deuxième reportage du Quatre Heures porte sur les transsexuelles en Turquie, qui subissent une atroce répression policière encouragée par l’État.

Selon si on arrive à trouver des financements, on pourrait faire du crowdfunding, avec une collecte sur Kiss Kiss pour financer non pas le site, mais les reportages. Parce qu’évidemment il y a les reportages à l’étranger, qui sont super chers. Aucun média ne paye des reportages comme ça, chaque semaine, ce serait impossible. Au niveau du coût ce n’est pas du tout rentable.

Dans l’absolu ce qu’on aimerait faire, c’est qu’il n’y ait pas de publicité, pas d’annonceur, qu’on ne soit pas dépendants éditorialement parlant d’entreprises et que le site ne soit pas pollué par des pubs. Ça fonctionnerait donc sur le système d’abonnement. Les gens payeraient soit à l’unité le reportage, ou alors à l’année. On voudrait quelque chose qui ne soit pas très cher. Et on garderait le principe du reportage chaque mercredi, à seize heures.

C’est important de créer un rendez-vous ?

Oui, ça a pas mal marché. On s’est rendu compte que les gens aimaient bien ce concept de rendez-vous. Sans aller jusqu’au goûter, on n’a pas non plus jouer à fond sur le truc culinaire. C’est mieux que d’envoyer des papiers qui tombent dans tous les sens.

On veut prendre le temps de rentrer dans des histoires. Les gens apprécient qu’on casse la frénésie du “tout info”.

Quels retours avez-vous quelques jours après le lancement ?

On a quelques médias qui commencent à nous contacter. Le premier jour on a eu un peu plus de 1.000 visiteurs uniques. On était assez satisfaits car il n’y a pas eu de buzz particulier pour annoncer le lancement. On a envoyé des dossiers de presse aux médias. Les retours sont positifs, on est contents.

Les gens trouvent ça beau, un peu nouveau et intéressant dans le fond. Nous, on a un parti pris, c’est de ne pas faire du “tout info”, avec des alertes actu. On veut casser le rythme de l’actualité et de l’info en continu. On veut prendre le temps de rentrer dans des histoires, dans des thèmes, à fond, sur le terrain. Les gens apprécient qu’on casse la frénésie du “tout info” et qu’on vienne leur raconter des histoires.

Le site s’inscrit dans le mouvement de la slow info. Quelle consommation as-tu personnellement des sites d’information ?

Je ne suis pas très représentatif, je pense, de mes collègues. Je suis assez branché réseaux sociaux, j’y passe du temps. Les infos qui tombent tout le temps je les vois, mais je les lis peu.

Par contre effectivement, depuis qu’on est dans ce projet, on guette un petit peu les innovations dans le reportage sur le web. Donc nous, clairement dans ce projet, on a été influencés par Snow Fall, qui est un projet du New York Times. Qui a non seulement fait le buzz, car ça a ramené beaucoup de visiteurs, qui sont venus pour voir la gueule que ça avait, mais qui en plus était un objet journalistique hyper réussi, hyper abouti, qui a gagné un prix Pulitzer. C’est du journalisme dans sa plus belle forme et c’est ça qui nous a donné envie.

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Le New York Times a mis en ligne Snow Fall le 20 décembre 2012. Le reportage raconte le récit d’un groupe de skieurs surpris par une avalanche. Les infographies, vidéos et photographies côtoient le texte sans prendre le dessus et de façon très esthétique. Pendant six mois, 17 personnes ont travaillé sur ce projet, qui a valu un prix Pulitzer à John Branch.

Non seulement il revient aux sources du journalisme, c’est à dire le terrain, mais en plus avec les outils d’aujourd’hui. C’est ce qu’on voulait faire avec Le Quatre Heures, dans le fond, revenir aux fondamentaux du journalisme, c’est pour nous là où on prend le plus de plaisir. Faire du reportage, ça nous paraît vraiment indispensable, mais en plus utiliser le multimédia et les réseaux sociaux.

Au fur et à mesure qu’on a commencé le projet, on a vu que tout le monde tâtonnait un peu et essayait de faire ça. L’Équipe a lancé L’Équipe explore. Ça ne nous a pas influencé, car on était déjà partis, mais ça nous a conforté dans l’idée que les gens voulaient de longs reportages. Il y en a eu plus à l’étranger qu’en France.

lequipe-explore-la-deviation
L’Équipe Explore, nouvelle rubrique du quotidien sportif L’Équipe, a mis en ligne le portrait de l’alpiniste Carlos Soria, le 26 avril 2013. D’autres volets sont prévus.

Là où on veut être innovants, c’est qu’on veut lancer un média que ne fasse que ça. Que du slow info et que du reportage, une fois par semaine.

Pourquoi, selon toi, les médias français sont si lents à innover ?

Je pense que depuis le début du numérique et la chute des journaux papier, les médias sont un peu en panique sur Internet. À la fois ils ne savent pas où aller et à la fois ils partent dans tous les sens. Comme ils voient les lecteurs partir, ils tentent un peu tout, et dès qu’il y a un truc qui marche, ils s’y ruent à fond sans recul.

Au niveau du slow info, je crois que maintenant tous les médias travaillent là-dessus. Le Monde.fr a récemment sorti un papier sur le gaz de chiste aux États-Unis qui ressemble à Snow Fall avec du multimédia et du long reportage.  Je sais que Libé travaille là-dessus aussi et Rue89 aussi, il me semble, mais ils n’ont rien sorti pour l’instant.

Le plus grand défi, c’est d’arriver à faire lire les gens du long sur leur écran d’ordinateur.

Clairement c’est dans les tuyaux et il y a une demande des internautes de lire des histoires sur leur ordinateur avec du multimédia. Le plus grand défi, c’est d’arriver à faire lire les gens du long sur leur écran d’ordinateur. C’est quelque chose que quasiment personne n’arrive à faire.

Notre version bêta ne marche que sur ordi, elle n’est adaptée ni pour les tablettes, ni pour les mobiles. On n’en a ni les moyens, ni le temps. Mais dans l’absolu, on voudrait que Le Quatre Heures soit adapté multisupports, car aujourd’hui les gens vont lire sur leurs tablettes. J’imagine que les gens ne vont pas le lire à l’arrache en marchant ou en réunion, mais si ils veulent le lire sur leur canapé, sur leur tablette, c’est vraiment ce qu’on vise.

Je pense que pour les mobiles, c’est un peu plus compliqué, car c’est petit et c’est long à scrollerAnglicisme informatique - Faire défiler verticalement le contenu d'un document sur un écran d’ordinateur à l'aide de la molette d'une souris, d’un pavé tactile (touchpad, trackpad), mais également sur un écran tactile de téléphone portable ou de tablette à l’aide d’un doigt.. Moi bizarrement j’aime bien lire sur mon mobile plutôt que sur mon ordi, mais je pense que les tablettes se prêtent encore mieux à ce profil.

Les deux premiers reportages en Grèce et en Turquie sont à découvrir sur Le Quatre Heures. Pour découvrir les prochains, rendez-vous chaque mercredi, à 16 heures.

Vous pouvez découvrir l’équipe du Quater Heures en action dans cette vidéo :

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“Quand on s’ennuie, on remixe des titres qu’on aime”

La France n’a pas que Mireille Mathieu et les Daft Punk qui s’exportent à l’étranger. Colt Silvers, dont l’album Red Penda est sorti en mars, commence à se faire un nom en outre-Rhin, où son indie rock à tendance électro est salué. Colt Silvers voyage comme ils nous font voyager. Le groupe revenait de la Grande Muraille de Chine quand Nicolas, alias Liet, le bassiste, nous a répondu. Y étaient-ils allés caresser les pandas ?

Pourquoi ce nom de Colt Silvers ?

Je ne sais plus… haha. Évidemment, c’est une référence à l’homme qui tombe à pic. On est fans. On préfère cette orthographe différente pour le côté cinéma, l’argent ajoute du danger. Le “Colt”, c’est le revolver certes, mais aussi le poulain. On est fascinés par les chevaux. On aime bien faire revenir ces thèmes, en clin d’œil.  Silver Horses, c’est notre pamphlet sur l’album, le titre qui nous définit en opposition. Dans le clip d’As We Walk, Tristan met fin à ses jours avec un Colt argenté. Mais il n’y avait pas de balles dedans, hein.

Comment s’est formé le groupe ?

On s’est rencontrés au Festival du film fantastique de Strasbourg il y a cinq ans. Les premières discussions tournaient autour des zombies et de l’électro. On avait eu d’autres projets avant, chacun de son côté. Mais celui-là est passionnel, on s’aime vraiment.

Quelles sont vos influences ?

Notre influence majeure est le cinéma. On est très sensibles à l’image et l’imaginaire. Les films de Spielberg, Aronofsky, Gondry… L’année dernière on a créé un ciné-concert sur Blade Runner, c’était comme s’attaquer à un monstre pour nous. On aime les mélodies grandioses, qui te transportent. Sur Red Panda, on a eu recours à des orchestrations et des arrangements classiques pour certains titres. Après, tout ça est mêlé à notre background rock. On a grandi avec les sons de The Cure, Depeche Mode, Bowie, Peter Gabriel… puis on a écouté Daft Punk, The Faint, TV On The Radio…

Je ne sais pas si la France est exclusive, mais en tout cas, nous, on ne l’est pas.

Vous venez de Strasbourg, c’est rare de voir un groupe éclore là-bas. De la scène alsacienne on ne connaissait que Matt Pokora nous ?

Tu oublies Cookie Dingler là ! Ecoute, on espère que ça va se généraliser, et on fait tout pour au sein de notre label Deaf Rock Records, qui est plutôt un collectif quand on y pense. On essaye de faire les choses bien, entre potes, mais de manière professionnelle. Ça fait 3 ans maintenant qu’on en vit. Il se passe vraiment des trucs cool à Strasbourg, il y a énormément de bons groupes qui ne demandent qu’à exploser.

Le truc aussi ici, c’est qu’on joue sur les deux tableaux, il y a l’Allemagne juste à côté et on y tourne beaucoup, notre musique marche à fond là-bas. Alors je sais pas si la France est exclusive, mais en tout cas, nous, on ne l’est pas. Ça commence à bien prendre et ce n’est que le début on espère.

Vous aimez les pandas ?

Red Panda Network - La Déviation
On en profite pour faire un signe de la patte à tous nos lecteurs pandas. Ne lâchez rien !

On a un peu bloqué sur le panda roux, qui est une espèce vraiment à part. Plus proche du raton-laveur que du panda en fait. On aimerait en avoir un, mais c’est impossible. On est en contact avec le Red Panda Network, et on a fait apparaître une femelle du zoo d’Amnéville dans As We Walk. C’était super long à tourner, elle était super timide. Le soigneur l’attirait près du crâne, lentement, avec des grains de raisin. On était fascinés.

De quels groupes français (ou étrangers) vous sentez-vous les plus proches musicalement parlant ?

On se sent très proches de 1984, on se retrouve sur beaucoup de points dans notre façon d’écrire. On a d’ailleurs écrit le titre Youth avec Étienne, le chanteur. De manière plus générale, on aime l’approche des Shoes, très esthétique. Woodkid aussi, même si on n’a toujours pas écouté l’album. Et plus simplement, on a toujours aimé Daft Punk, Phoenix, Air…

Les Inrocks ont dit de vous que vous étiez la “Réponse française à Alt-J”, que pensez vous de cette comparaison ?

Alt-J, c’est très, très différent quand même. Mais on aime beaucoup leur album, alors tant mieux. Je trouve ça plus justifié pour Foals à la limite.

Vous avez même remixé leur titre Breezeblocks. Comment vous est venu l’idée ? Vous êtes fans du groupe ?

Quand on s’ennuie, on aime remixer des titres qu’on aime. Breezeblocks est super catchy, avec cette vibe hip-hop, mais ce chant qui reste très mélancolique. On voulait creuser.

Un scoop pour Rockfanch ?

As We Walk n’est pas le seul clip qu’on a tourné ce mois-ci !

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« Y’a autant de Plogoff que de gens qui ont vécu les événements »

C’est une bande dessinée engagée que signent le dessinateur Alexis Horellou et sa compagne Delphine Le Lay. Le récit d’une part de l’histoire contemporaine de la Bretagne, racontée du côté des militants antinucléaires. Ces militants, ce sont les habitants de Plogoff, ce village de la Pointe du Raz, qui s’est soulevé, il y a plus de trente ans, contre l’implantation d’une centrale nucléaire sur ses terres.

C’est l’histoire érigée en légende des Plogoffites. De leur prise de conscience des dangers de l’atome, au moment où la Bretagne se lasse de laver ses côtes souillées par le pétrole, au renoncement de l’État sous la nouvelle présidence Miterrand, en 1981. Des années marquées par des combats épiques contre les forces de l’ordre, des rassemblements géants qui marquent les débuts de l’écologie politique, mais aussi des coup de blues et des trahisons. “Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait“, aurait pu écrire d’eux Mark Twain. Delphine Le Lay souhaitait mettre en valeur cet exemple de résistance populaire. Interview.

Sylvain Ernault – Vous êtes originaire de Quimper, mais vous n’aviez qu’un an lors des événements de Plogoff. Qu’est-ce que cette lutte représente pour vous ?

Delphine Le Lay.
Delphine Le Lay est née à Quimper en 1979. Après de multiples expériences professionnelles, elle rencontre Alexis Horellou, dessinateur de bandes dessinées, à Bruxelles, en 2007. Elle met ainsi le pied dans le monde la BD.

Delphine Le Lay – C’était vraiment une légende pour moi Plogoff, le petit village d’irréductibles qui avait résisté à l’envahisseur et qui était sorti vainqueur ; ça n’allait pas très loin, mais ça faisait rêver. Et puis il y a deux ans, il y a eu évidemment la catastrophe à Fukushima et puis en même temps Plogoff fêtait ses trente ans. Là, j’ai entendu une émission de radio qui retraçait les événements. Ça m’a éclairé et ça m’a enthousiasmé bien plus. J’ai découvert une mobilisation, un acte de désobéissance civile très fort et qui était arrivé à une victoire.

Votre ouvrage s’inscrit dans un corpus déjà assez riche, il y a déjà eu un film, des reportages télé, des livres…

…Mais pas encore de BD. Voilà c’est chouette, on est contents de compléter le tableau. J’ai lu, je le pense, tous les ouvrages qui existent sur le sujet et chacun apporte, je trouve, un éclairage différent sur les événements. Il y a deux reportages (télé, NDLR) et chaque personne qui s’est intéressée au sujet pour un média ou pour un autre apporte quelque chose de différent et j’espère qu’on apporte aussi un éclairage par la BD.

Vous avez été surprise de la violence de l’opposition entre les antinucléaires et les policiers, lors de l’enquête d’utilité publique, au printemps 1980 ?

Oui, c’est même choquant. Le film des Le Garrec (Des Pierres contre des fusils, NDLR) est vraiment étonnant. Je le dis assez souvent, même c’est vrai que si notre génération n’avait eu que les témoignages des gens qui ont vécu les événements, moi je ne les aurai pas cru. Je me serais dit “oui bon, l’émotion prend le dessus. Ils ont cru qu’ils allaient mourir mais c’était pas vrai“. En fait quand on voit les images et le son du film des Le Garrec on se dit “mais c’est dingue“, c’est vraiment des scènes de combat et d’affrontements hyper violents et qui n’ont pas eu lieu qu’à Plogoff. Dans d’autres endroits aussi.

“Trois ans après Creis-Malville,
ils faisaient la même à Plogoff.
C’est dingue, c’est énervant en fait.”

À Creis-Malville il y a eu un mort, et c’était trois ans avant les événements à Plogoff, et quelqu’un était déjà tombé, un manifestant sous les grenades offensives des gardes mobiles. Trois ans après, ils faisaient la même à Plogoff et c’est dingue, c’est énervant en fait. Du coup c’est chouette si cette histoire peut en réveiller d’autres et se transmettre.

Plogoff de Delphine Le Lay et Alexis Horellou, affrontements.
De nombreuses pages sont sans dialogue, laissant parler les images qui sont souvent très fortes. Elles laissent aussi une grande place aux paysages.

Nicole et Félix Le Garrec ont écrit la préface de votre BD. Ils sont donc les auteurs d’un film, réalisé pendant la guérilla rurale qui s’est tenue pendant l’enquête d’utilité publique dans le canton de Plogoff en 1980. Comment ont-ils apprécié votre ouvrage ?

Eux, je crois qu’ils sont contents de passer le flambeau, d’après ce qu’ils mettent dans leur préface. Et puis ils sont contents qu’on s’y soit intéressés. Ils y voient un intérêt que des jeunes générations, qui n’ont pas connu les événements, s’emparent du sujet et le racontent. Et puis à la fois que ce soit une BD parce que c’est aussi un médium qui est approché par d’autres générations, par des gens qui ne se sont peut-être pas intéressés par le sujet et qui par la BD vont y venir.

Après, j’ai des retours de gens qui ont vécu les événements et la plupart disent qu’ils s’y retrouvent bien et ils reconnaissent bien les événements et l’ambiance de l’époque et, du coup, on est contents de ne pas avoir trahi les personnes, que ce soit juste.

Vous rencontrez de nouveaux témoins des événements depuis la sortie du livre ?

J’ai rencontré des gens en dédicace. Alexis est allé à Rennes et ensuite, ensemble, on est allés à Brest et à Quimper. On a rencontré des gens qui ont vécu les événements, même parfois très proches. Il y a un tas d’anecdotes qui sont revenues et que j’ignorais, donc je crois que je n’ai pas fini d’en apprendre sur le sujet. Je crois qu’il y a autant de Plogoff que de gens qui ont vécu les événements. C’est assez marrant.

“Un deuxième tome ?
C’est une idée que je laisse à d’autres.
Mais bon, pourquoi pas ?”

J’ai découvert un tas de documentation supplémentaire. On pourrait presque faire un autre livre, avec tout ce que je recueille en dédicaces pour l’instant (rires).

Un deuxième tome, c’est une idée !

Une idée que je laisse à d’autres. Mais bon, pourquoi pas. Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet, j’ai dû quand même faire des choix et je n’ai pas pu tout raconter. Déjà tout ce que je savais, je n’ai pas pu tout raconter, alors tout ce que j’ignorais et que j’apprends maintenant, c’est très riche.

Vous avez des contacts avec des policiers qui se sont opposés aux Plogoffites, parfois violemment, pendant l’enquête d’utilité publique ?

Non, je n’ai pas de contact. Je n’ai pas cherché à en avoir parce que leur point de vue était mis en images dans le documentaire de Brigitte Chevet, qui a fait un reportage vingt ans après les événements, et qui est allée à la rencontre de différents acteurs de tous bords. Donc ça rend son reportage très intéressant.

Bon, j’avais ce point de vue là, je devais choisir une trame, donc je suis restée sur ma lignée de départ. Par contre, des gens qui ont vécu les événements m’ont dit que de leur point de vue – c’est un témoignage qui revenait souvent – certains gardes mobiles n’étaient pas bien d’être là.

C’était compliqué pour eux à vivre, ils étaient là parce que c’était leur métier et qu’ils devaient le faire, mais ils étaient mal à l’aise et pas très heureux d’être là. Ça, je l’ai mis dans l’histoire parce que ça me semblait important. Ça revenait beaucoup. C’était pas eux les méchants, en tout cas pas tous (rires), malgré les apparences.

Plogoff de Delphine Le Lay et Alexis Horellou, affrontements.
Les violences policières et le désiquilibre d’armement avec les manifestants antinucléaire est abondamment illustré.

Plogoff reste une lutte emblématique pour les écologistes et altermondialistes bretons. Comment vous l’expliquez ?

Même au niveau national ça reste le combat populaire contre le nucléaire qui a été finalement victorieux. Il n’y a pas eu de centrales à Plogoff. Après, c’est à mettre un peu en demi-mesure parce qu’il y a eu un certain nombre d’éléments qui se sont bien accordés et puis une conjoncture qui a fait qu’en fin de lutte, la victoire est arrivée.

La mobilisation n’a pas été aussi simple que ça. C’est pas comme je le pensais enfant, une bande d’habitants de Plogoff qui ont jeté quelques cailloux à la tête des CRS et les CRS qui ont dit “d’accord on s’en va“. Ça a été, évidemment, bien plus complexe que ça, bien plus long et il y a eu beaucoup d’acteurs qui ont tissé la mobilisation, mois après mois, années après années et puis le contexte politique de la fin avec l’élection de Mitterrand qui a fait que l’opportunité était là, après cette résistance, de finalement mettre un terme au projet.

“C’est plein d’espoirs et, en même temps,
on se rend compte que c’est compliqué,
le pouvoir est quand même très fort.”

Donc ça reste une lutte emblématique au niveau de la Bretagne, mais aussi hors de la Bretagne ; et au niveau du nucléaire et au niveau de toutes les oppositions qu’on peut avoir envie de faire vivre. Celle-ci a abouti par plein d’événements intéressants. C’est pas si simple de réussir une mobilisation comme ils ont réussi la leur. Il a fallu pas mal d’ingrédients qui se connectent les uns avec les autres et au bon moment pour arriver à ça. C’est plein d’espoirs et, en même temps, on se rend compte que c’est compliqué, le pouvoir est quand même très fort.

Mitterrand avait promis que Plogoff ne se ferait pas, mais vous rappelez que depuis 1982, 39 réacteurs ont été mis en service en France.

Malgré des oppositions aussi, des gens se sont opposés partout où des centrale devaient être construites et dans les territoires frontaliers des centrales. Le Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ont soutenu la France dans ces oppositions. Pour le coup, ça ne s’est pas passé comme à Plogoff…

Plogoff de Delphine Le Lay et Alexis Horellou, manifestation.
Plogoff, ce furent aussi des fêtes et des manifestations géantes, tenues sur ce bout du monde qu’est la Pointe du Raz.

Malgré la promesse de Mitterrand, d’autres projets de centrales ont été sérieusement étudiés en Bretagne. Finalement, c’est la catastrophe de Tchernobyl qui a réglé la question. Dans ce flou, comment avez-vous décidé de poser le crayon ?

Le nucléaire en Bretagne - Sortir du Nucléaire
Le nucléaire est bien présent en Bretagne, en particulier à l’Île Longue, près de Crozon. Cliquez sur l’image pour l’agrandir. Crédits Sortir du Nucléaire

Le sifflet de l’arbitre, c’était clairement Mitterrand, malgré le fait qu’il y a eu des rebondissements après ça, la fin n’a pas été aussi simple que ça effectivement. Pour installer quelque chose en Bretagne, depuis c’est compliqué. Je pense qu’on montre les dents assez facilement sur ce territoire là, surtout qu’il y a quand même du nucléaire en Bretagne, militaire ou civil.

Dans l’écriture de la BD, ça s’arrête à 81. En 81, Mitterrand dans ses propositions il y a une proposition qui a trait aux énergies. Ça coupe là et après on arrive à 2012, puisque c’est en 2012 qu’on a terminé notre album. On fait le bilan de la situation énergétique en France, avec 39 réacteurs nucléaires depuis et puis un référendum qu’on attend toujours, des crédits alloués aux énergies renouvelables, des choses comme ça. C’est un bilan finalement assez gris par rapport aux promesses.

Aujourd’hui, Notre-Dame-des-Landes représente une nouvelle lutte des écologistes en Bretagne. Vous avez pensé en faire une BD ?

Non, peut-être dans trente ans, on verra, pour l’instant déjà je ne connais pas très bien le sujet, je sais qu’il y a des parallèles de faits, mais qui ne sont pas évidents non plus. Et puis, il y a un collectif qui a sorti une BD sur Notre-Dame-des-Landes aussi.

Il n’est jamais question de Radio Plogoff dans votre BD. Pourquoi ?

Oui c’est vrai. Non, malheureusement. J’ai quelques regrets de gens que j’ai vite fait mentionné, mais qui avaient une part plus importante que celle que je leur ai laissée dans le bouquin et la radio en fait partie. J’ai eu assez peu d’infos a priori sur ce sujet et du coup je n’en ai pas cherché davantage. J’avais beaucoup beaucoup de choses et c’est passé à côté. Comme Jean Kergrist, le “clown atomique”, ça fait partie des personnages forts de l’histoire que j’ai à peine montré. J’espère qu’ils ne m’en voudront pas trop !

Sur Radio Plogoff, j’ai trouvé très peu d’infos dans les livres. Et puis les gens qui m’ont parlé de Plogoff ne m’ont pas trop parlé de la radio, sauf à dire qu’il y avait une radio. Je ne sais pas qui l’animaient, je ne sais pas combien de temps par jour, par semaine, je n’en sais rien du tout.

Votre prochain projet de BD, il a un rapport avec l’actualité, les luttes…

On a tout le temps plein de projets avec Alexis, mais celui qui, a priori, se fera le plus facilement c’est aussi une forme de mobilisation et c’est aussi en Bretagne. Mais bon, pour l’instant je ne sais pas exactement sous quelle forme ni rien, donc je n’en parle pas tout de suite. Le premier livre qu’on avait fait (Lyz et ses cadavres exquis, NDLR) va être réédité par un autre éditeur et assorti de la suite et fin de l’histoire, donc en 2014 normalement le bouquin sortira, avec 100 pages supplémentaires.

Le couple sera en dédicace, à Lannion, le 25 mai, de 15 h à 18 h, à la librairie Gwalarn.

Plogoff, Delphine Le Lay et Alexis Horellou, Delcourt, mars 2013, 14,95 €.

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« Des noms un peu fou, comme DJ Serpent Noir Sarkozy »

Une plage, du bon son et (parfois) du beau temps, en pleine Franche-Comté ? Aux Eurockéennes de Belfort bien sûr. Pour ses 25 bougies, le festival s’étend sur quatre jours, du 4 au 7 juillet. 100.000 festivaliers sont attendus pour réitérer le record de l’an dernier. Les grands noms des nineteens seront accompagnés par une solide scène française, même si les Eurocks jouent face à plus forts qu’eux, comme nous l’explique sans langue de bois son programmateur Kem Tatot.

Comment as-tu réussi à monter la programmation des 25 ans des Eurockéennes ?
Pour monter une affiche de festival, ça prend une année, voire un peu plus, notamment pour les têtes d’affiches, où là on commence les tractations avant d’avoir fini la programmation de l’édition en cours. Donc oui, c’est quasiment le travail d’une année complète.

On a aussi un travail de recherche que l’on fait pour les programmations. Des artistes qu’on préfère attendre de programmer l’année suivante parce qu’on pense qu’ils sont trop jeunes, on attend de les voir évoluer, ou simplement parce qu’on a d’autres priorités à ce moment-là.

kem-lalotAvez-vous souffert de la concurrence des festivals en face de vous ?
La concurrence vient principalement de deux gros festivals : le Rock Werchter (Belgique) et le Roskilde Festival (Danemark) ce week-end-là, qui sont deux énormes poids lourds européens. Ce sont eux qui choisissent les dates des artistes et aussi ceux qui les intéressent. Après, tous les autres festivals comme le Beauregard, les Eurockéennes ou le Hove en Norvège prennent un peu ce qu’il reste.

La notoriété des Eurockéennes est établie désormais depuis 25 ans, on existe dans la tête des agents, des groupes, qui du coup viennent facilement chez nous. Ça vient plutôt d’histoire de routing ou de gros sous lorsque certains groupes ne viennent pas. L’affiche peut aussi faire la différence et décider certains groupes à venir au final en voyant les groupes programmés à leurs côtés. Blur, on a le fait qu’ils soient déjà venus, donc ils nous connaissent. Mais l’affiche leur plaisait également.

L’ajout d’un quatrième jour c’est juste pour cette année ou ça va être durable ?
Pour le moment, ce serait juste pour les 25 ans. Un cadeau qu’on fait aux festivaliers avec un forfait au prix abordable (129 € le pass quatre jours, NDLR). A priori on est parti juste pour cette année, mais si ça se passe bien pourquoi ne pas adopter la formule par la suite.

Pourquoi le choix du Mexicain sur l’affiche ?
inrocks-mexicainC’était pour clôturer un triptyque qu’on avait commencé avec des personnages rebelles ou révolutionnaires sur l’affiche. On a eu Mohamed Ali l’an passé, c’était d’ailleurs une photo assez particulière,  prise pendant un combat au Nigeria. Et là pour finir le triptyque on a choisi Zapata. De plus, la photo nous plaisait bien parce qu’on a l’impression qu’il est habillé de manière très actuelle.

Tu pourrais nous présenter la programmation dans ces grandes lignes ?
C’est très difficile ! J’ai du mal à en parler comme ça juste en sortant des groupes. L’idée c’était vraiment d’avoir une affiche éclectique ce qui est de mise sur chacune de nos éditions. Cette année, pour les 25 ans, on a une tendance à programmer des groupes qui ont marqué les années 1980–1990 comme Blur, Jamiroquai ou les Smashing Pumpkins.

On essaye toujours d’un autre côté d’être moderne dans les choix des groupes et peu importe leur style. On a tout de même une tendance en ce moment à revenir dans le old school, comme un groupe qu’on a programmé The Strypes, un groupe anglais qui sonne très seventies malgré leurs seize ans de moyenne d’âge. À les écouter on se croit avec les Yardbirds ou les Stones d’il y a quarante ans. C’est incroyable de voir les jeunes repartir comme ça.

Un coup de cœur dans la programmation ?
Impossible d’en dire un seul… Je peux en citer un par jour si tu veux. Le jeudi ce serait Gary Clark Jr, un bluesman d’Austin qu’on a découvert au South by Southwest et qu’on a pas pu faire venir l’an dernier parce que c’était un peu compliqué. Du coup on est vraiment ravis de l’accueillir cette année, certains le voient comme le nouveau Hendrix, ce qui est selon moi un peu exagéré mais sur scène c’est incroyable et il envoie du gros son !

Le vendredi ce serait plutôt Trash Talk, un groupe de hardcore de San Francisco, qui a la particularité d’être signé sur un label hip-hop avec Odd Future, qui sont des amis à eux. Selon moi, c’est inratable pour les fans du genre, parce que ça va être une des grosses sensations de l’année.

Le samedi on a Valérie June une américaine qui fait un mélange de country et de soul dans la veine du  groupe Alabama Shakes, qu’on avait programmé l’an passé à Belfort.

Enfin, le dimanche on aura le groupe Neurosis qui me tient beaucoup à cœur parce que ça fait depuis 2001 et mon arrivée aux Eurockéennes que j’essaye de les programmer. Ce groupe a vraiment révolutionné la scène metal dans les années 1990, ils ont débarqués avec un son nouveau avec des riffs très lourds et lancinants. On ne sort jamais indemne leur concert. Ils clôtureront la scène de la Plage le dimanche et j’en suis ravi.

Des projets spéciaux de prévus pour les 25 ans ?
Non, ce sera plutôt le quatrième jour où on aura certainement des guest qui viendront pour jouer avec des artistes mais là on travaille dessus actuellement. On a aussi un projet assez fun qui s’appelle le Club des Justiciers Milliardaires d’Abidjan, c’est une réunion d’artistes de la scène ivoirienne. Ils ont pris des noms assez fous pour réaliser ce projet comme DJ Serpent Noir Sarkozy par exemple. Ils ont bien délirés pour faire ça, ce sera vraiment fun. Mais autrement on a pas de projet spécial 25 ans à part entière.

La Plage à Pedro c’est un projet qui s’est monté suite à la tempête de l’an dernier ?
Oui, tout à fait. On avait monté ce projet l’an passé avec Pedro Winter. Il y avait un line up bien précis avec des groupes électro mais pas que… On est plutôt sur une soirée avec les coups de cœurs de Pedro Winter. On a vu toute la programmation avec lui et ça aura lieu de 18h30 à 3 heures du matin avec Dinosaur Jr, un groupe de grunge, mais aussi de l’électro comme Kavinsky et Cassius.

On fait aussi ainsi un gros clin d’œil aux dix ans du label Ed Banger de Pedro. C’est quelqu’un qu’on apprécie beaucoup, un musicien français qui est un passeur de sons hors pair avec une grosse culture musicale.

Comment est venue l’idée du retour des anciens gagnants du tremplin ?
En ce moment on bosse sur une nouvelle formule de notre opération tremplin appelée Repérages. On a dû le mettre en stand-by cette année pour préparer ce projet qui est ambitieux. On a eu besoin de bien voir les choses avant de le lancer en septembre 2013.

Après on s’est dit que c’était dommage de n’avoir aucun groupe régional sur les 25 ans avec l’absence de tremplin. Du coup on a eu l’idée de regarder dans le rétroviseur des tremplins depuis dix ans et de prendre quatre groupes (Electric Electric, Chapelier Fou, Oy et Yules) qui sont passés chez nous avant. Voir ce qu’ils ont pu faire comme bonhomme de chemin, soit en trouvant un tourneur, en signant un album ou en jouant à l’étranger.

Justement en parlant d’Electric Electric vous avez déjà essayé de programmer leur projet en quadriphonie « La Colonie de vacances » avec aussi Pneu, Marvin et Papier Tigre ?
C’est trop compliqué pour nous de faire ça aux Eurockéennes, ça demande une installation complexe. On aurait pu le faire à un moment donné, mais ça aurait voulu dire leur laisser une scène pendant trop de temps de préparation pour monter la Quadriphonie pour leur montage… et on ne peut malheureusement pas se le permettre.

Les Eurockéennes font partie de l’association « De Concerts ». Est-ce qu’il y a une  sélection de groupes faites au sein de l’association ?
Chaque année tous les festivals se réunissent et on propose tous deux groupes qui nous paraissent essentiels mais ce n’est pas forcément des groupes français. On va plutôt au coup de cœur. Après on met ça sur une base de données et chaque festival peut aller puiser s’il le souhaite des infos sur ces groupes… et ensuite on sélectionne entre un, deux… voir sept ou huit projets pour certains ! C”est une bonne manière de faire circuler des infos et découvrir des groupes.

Quels sont les groupes proposés par les Eurockéennes cette année ?
On a proposé Art District (présent aux Répérages l’an dernier) et JC Satan.

Un scoop pour Rockfanch ?
Je pense que ce sera lors du concert de la Plage à Pedro qu’on aura le plus de surprise, mais pour le moment rien n’est défini, c’est surtout dans sa tête en fait !

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This is not a Love Song festival, la Route du Rock comme modèle

On connaissait de Nîmes son festival au cœur d’arènes. Voici qu’il faut maintenant compter avec un nouvel rendez-vous très alléchant. This is not a Love Song, festival indé, investira la nouvelle salle Paloma du 22 au 25 mai. Son directeur Fred Jumel nous dessine l’affiche.

D’où est venue l’idée de créer ce festival ?
L’idée est née de la rencontre entre les membres de Paloma et l’association Come On People, nous étions fans des mêmes groupes et nous sommes très vite projetés sur ce que nous pourrions monter ensemble avec l’arrivée d’une nouvelle salle sur Nîmes.

Fred Jumel, directeur de Paloma, la nouvelle salle de concerts de Nîmes métropole dédié aux musiques actuelles.
Fred Jumel, directeur de Paloma, la nouvelle salle de concerts de Nîmes métropole dédié aux musiques actuelles.

Au niveau de la programmation, nous sommes séduits depuis de nombreuses années par des festivals comme le Primavera à Barcelone, La Route du Rock à Saint-Malo et aussi plus récemment par des événement comme le Pitchfork à Paris.

Nous étions cependant convaincus qu’un festival « à taille humaine » restait le meilleur moyen d’apprécier des groupes exceptionnels : pas trop loin de la scène, avec une bonne qualité acoustique, dans un environnement ludique, entre amis avec une ambiance « bon enfant ». Un festival qui ne se prend pas au sérieux, qui ne se revendique pas comme LE nouveau défricheur de « talents », mais capable de présenter autant nos nouveaux coups de cœur, curieux et insolites, que les références attendues mais néanmoins exceptionnelles de la musique Indie.

Pourquoi ce nom de This is not a Love Song ? Un hommage au groupe Public Image Limited (PiL) ?

C’est une blague, nous ne savions pas quoi mettre, nous avons établi des listes de noms tout aussi décalés les uns que les autres. Nous cherchions des titres d’albums qui nous avaient marqué, des morceaux qui font référence sans être convaincu de ce que nous listions. Puis This Is Not A Love Song est sorti, comme ça tout seul, en référence à PiL évidemment, mais aussi pour le sens que cela évoque. On a trouvé ça drôle et l’avons gardé.

Peux-tu nous présenter la programmation de ces quatre jours de festival ?

Quatre jours présentés comme une année test mais déjà ambitieuse, une programmation de rêve, originale et explosive avec du lourd et du très lourd, des groupes indé de la scène électro, hip hop, pop, rock et folk. Une touche de fraîcheur dans les festivals qui mise sur la nouvelle scène indé, avec des groupes émergents ou confirmés.

Une grande salle, un club, un patio à ciel ouvert, de la bière fraîche, un rosé pamplemousse, quelques grillades et des artistes comme Égyptian Hip Hop, Connan Mockasin, Death Grips, Animal Collective, The Intelligence, Nick Waterhouse, Amon Tobin, Birth of Joy, Miles Kane, Dinosaur Jr, Jesse Boykins III, Guards, TNGHT, Daniel Johnston, The Breeders, Fauve, La Femme et bien d’autres encore !

Un coup de cœur dans les artistes ?

Pas facile, nous sommes un collectif et chacun aura ses propres coups de cœur, ils seront tous différents, mais pour ma part ce sera Hanni El Khatib, TNGHT, Death Grips, Nick Waterhouse, The Intelligence…

Pour la construction de la programmation avoir la Villette Sonique et le Primavera le même weekend ça été un avantage ou un inconvénient ?

Nous n’avons pas choisi cette période par hasard, beaucoup de groupes sont présent en Europe fin mai et permettaient de proposer un choix affiné de ce que nous avions envie de porter. Ce n’est donc pas un inconvénient, charge à nous d’articuler la programmation artistique, la manière de la poser, de la présenter différemment, pour avoir notre propre identité et de ne pas ressembler aux autres propositions.

Des souhaits de programmation pour les années qui viennent ?

My bloody Valentine, The Cure, et … non je blague ;-)

Un scoop pour Rockfanch ?

Nous sommes en train de travailler sur un contest skate qui pourrait se dérouler sur le parvis devant Paloma en journée, ça va rouler !

Rock Fanch

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« On va de plus en plus entendre parler de Gaël Faye »

La programmatrice du Bout du Monde, Marie Clavier, nous commente l’affiche du festival, version 2013, qui se tiendra les 2, 3 et 4 août. Entre jolies prises, telles que Ska-P, Jacques Higelin ou Kool & The Gang, belles promesses comme Watcha Clan ou Gaël Faye et projets avortés, à l’image de Tracy Chapman, Dionysos et Damon Albarn. Où l’on apprend, entre les lignes, que Rokia Traoré, “l’une des plus belles voix de l’Afrique de l’Ouest”, présente le 19 juillet aux Vieilles Charrues, sera du voyage. Mais chut… Interview.

Pouvez-vous nous présenter l’affiche 2013 du festival du Bout du Monde ?

Cette année, pour sa quatorzième édition, le Bout du Monde reste fidèle à ce qu’il a toujours été : un lieu de métissage et de rencontres, un festival où se côtoient les grands noms de la scène internationale et de belles découvertes des quatre coins du monde.

Ainsi, on pourra retrouver des géants de la scène française : Jacques Higelin ou Cali, également un grand nom du blues de Chicago, le groupe Taj Mahal, les papes disco-funk de Kool & The Gang, les espagnols de Ska-P, qui reviennent à la charge suite au mouvement des Indignés, les papis du reggae d’Israël Vibration, etc.

Autant de grosses pointures qui côtoieront des pépites telles que les Marseillais de Watcha Clan qui symbolisent la fusion alternative entre cultures du monde et électro, jungle, des voix féminines aussi envoûtantes que marquées comme Sandra Nkaké, digne descendante de Nina Simone ou Myriam Makeba, Amparo Sanchez, ancienne chanteuse d’Amparanoïa, amie de Manu Chao, qui redonne ses lettres de noblesse à la chanson espagnole, Yasmin Levy, israélienne émouvante et charmeuse…

Côté projet spécial, Manu Dibango et Cheick Tidiane Seck présenteront un programme spécial « Hommage au Mali », projet qui fera sens au regard de la situation actuelle de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Enfin, et la liste n’est pas exhaustive, bien au contraire, il y aura une création entre le franco-congolais Ray Lema et l’Orchestre symphonique universitaire de Brest, projet jusque là inédit, qui rassemblera pour l’occasion plus de 80 musiciens sur scène !

Il y a t-il des changements par rapport à l’édition 2012 ?

Nous restons sur les mêmes bases que les années précédentes : la capacité d’accueil ne change pas, on reste à 20.000 personnes par jour, soit 60.000 en trois jours, afin de garder une taille humaine et conserver la convivialité qui caractérise l’événement ! Chacun doit être accueilli dans les meilleures conditions, les améliorations sont donc de l’ordre de l’offre faite aux festivaliers !

Cette année, on agrandit les structures de repos couvertes avec tables et bancs, on reconduit la proposition de mise à disposition de casques de protection auditive pour les enfants, on proposera aussi un bar à yaourts (avec Malo). On a noté que l’offre d’une restauration alternative a beaucoup de succès auprès de nos festivaliers (bar à soupes lancé en 2011, bar à fruits en 2009…).

Des coups de cœur dans cette programmation ?

Oui, une formation canadienne qui oscille entre afrobeat, soul, funk et jazz, The Souljazz Orchestra, un groupe qu’on voit peu en Europe et qui est le fer de lance d’un mouvement musical particulièrement brillant et inventif, basé sur une section de cuivres ravageuse, des claviers et basses vintage… ça risque d’être un grand moment. Il y a aussi le brésilien Criolo, adoubé par Caetono Veloso, ce chanteur est un ancien éducateur des rues de Sao Paolo, qui s’est mis au hip-hop pour arriver peu à peu à un slam chaloupé, inspiré des rythmiques et musiques brésiliennes (bossa, samba…). C’est très très bien produit et l’instrumentation est inventive et vraiment très belle et très variée. Le concert est donc très prometteur !

A vrai dire, nous programmons vraiment au coup de cœur, donc tous les artistes invités cette année ont fait l’objet d’un choix tout particulier et nous sommes vraiment ravis de les accueillir… c’est donc difficile de n’en retenir que quelques uns !

A la sortie du festival 2012 on avait parlé de Tracy Chapman, Dionysos ou de Damon Albarn. Était-ce seulement des rumeurs ou il y a eu des contacts ?

C’étaient des envies des organisateurs, mais cela n’a pas pu se concrétiser. Damon Albarn est un musicien qui connait très bien la scène musiques du monde, particulièrement les musiciens africains et c’était ça qui nous intéressait… mais cette année, il ne tournera qu’avec Blur ! Pour Tracy Chapman, la prise de contact était très avancée, mais elle a dû annuler toute sa tournée en Europe ! Dommage ! Nous n’abandonnerons pas et réessayerons à l’avenir ! Nous sommes assez tenaces de ce côté-là !

L’an dernier vous avez sorti Asaf Avidan avant tout le monde. Un coup de cœur à nous faire découvrir dans la programmation ?

Je pense qu’on va de plus en plus entendre parler de Gaël Faye, le MC franco-burundais, membre du groupe Milk Coffee and Sugar, il a un parcours très intéressant… déraciné du Burundi dans sa jeunesse, il a outrepassé le choc de l’exil pour en faire sa force et sa marque de fabrique. Sa musique est énergique, percutante, marquée par plusieurs cultures et les arrangements sont très réussis. En effet, il sait particulièrement bien s’entourer : Guillaume Poncelet a signé ses arrangements (Ben L’Oncle Soul, Electro Deluxe, Beat Assailant), il a collaboré avec Oxmo Puccino ou Hocus Pocus, etc.

Comment s’organise le festival pour trouver des têtes d’affiche. Vous voyagez beaucoup ?

Nous nous rendons à beaucoup festivals : Printemps de Bourges, Transmusicales, Babel Med, et surtout, nous écoutons énormément d’albums et suivons de très près l’actualité discographique. Nous sommes aussi sensibles aux conseils, ou recommandations diverses et variées qu’on peut recevoir, cela va du mail de festivalier à la discussion autour d’un café avec des amis. A vrai dire, nous ne nous limitons pas du tout et ne nous interdisons rien !

Pouvez vous nous parler des créations de cette année avec Ray Lema et Lyannaj notamment. Comment se sont mises en place ces rencontres ?

En ce qui concerne le projet avec Ray Lema, il a été présenté en 2009 au Brésil, à l’occasion de l’année de la France au Brésil. Son répertoire a été arrangé pour l’Orchestre de Sao Paolo. Plusieurs années après, nous avons rencontré sa manageuse qui nous a parlé du projet incidemment… Ray Lema, installé en France, souhaitait vraiment monter ce programme avec un orchestre français. En parallèle, nous sommes très sensibles aux initiatives locales et à ceux qui font bouger la Bretagne… c’est le cas de l’Orchestre Universitaire de Brest, dirigé par Jean-Philippe Brun, que nous connaissons bien et qui est très actif par chez nous. Nous avions aussi l’envie de faire jouer un symphonique sur la scène du festival depuis très longtemps ! Toutes les conditions étaient donc rassemblées pour prendre ce pari un peu fou !

La création Lyannaj-Névé est née de la rencontre entre des musiciens bretons, dont Hervé Le Lu et des musiciens Guadeloupéens. Ils ont décidé de fusionner les cultures du fest-noz et du lewoz pour une album.

Vous connaissez des festivals découvertes de world music à l’instar des festivals rock et électro qui ont les Transmusicales par exemple ?

Babel Med à Marseille !

J’avoue que j’ai pas tout compris au niveau de l’artiste “fantôme” du vendredi, c’est une affaire d’exclu par un gros festival, c’est ça ?

Oui, en fait, ce qu’on peut dire, c’est que c’est une des plus belles voix de l’Afrique de l’ouest ; elle sort un nouvel album et a beaucoup d’actu. Effectivement, un festival voisin ne souhaite pas que nous communiquions dessus avant le 20 juillet. Il souhaitait une exclusivité, nous avons réussi à la faire sauter à la condition de ne pas dévoiler le nom avant fin juillet. Nous déplorons ce genre de procédé, mais il était important pour nous de présenter cette artiste cet été, nous avons du nous incliner. No comment !

Est ce qu’un tremplin pourrait voir le jour à Crozon pour le Bout du Monde ?

Par forcément, cela implique une logistique particulière… Par contre, dans le cadre du soutien de la Fondation Orange, un vote va être mis en place autour de la thématique « voix du monde ». Plusieurs artistes seront en compétition et seront soumis au vote en ligne par les festivaliers. L’artiste retenu se verra offrir 5.000 € de soutien pour la création et la diffusion de sa musique.

Concernant les trois derniers noms de l’affiche. Ils seront annoncés quand ?

Quand nous aurons finalisé la programmation ! Nous souhaitions attendre un peu pour annoncer et valider certains artistes, car nous avions des envies et des projets mais souhaitions les voir en live avant de les programmer… ça ne tardera pas !

Des souhaits de programmation pour les années à venir ?

En 2012, le groupe américain Pink Martini avait dû annuler sa venue… on aimerait beaucoup les voir revenir pour une tournée européenne, qui pourquoi pas, passerait par la presqu’île de Crozon ? Et puis, Tracy Chapman, qui représente vraiment l’artiste qui plairait à tous nos festivaliers, sans exception… mais nous sommes tenaces et patients ! L’espoir est permis !

Découvrez la programmation du festival du Bout du Monde en un seul coup d’œil ici.

Rock Fanch

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“C’est plus facile de tourner au Japon qu’en Suisse”

L’ignorance pousse souvent à la bêtise, parfois à la tolérance. C’est la seconde issue, bien plus optimiste, que développe la Suisse Maria Nicollier, habituée des documentaires, dans sa première fiction. Comment trois Japonais se méprennent sur le christianisme et font de l’âne un animal sacré au pays du soleil levant.

La comédie de la réalisatrice genevoise nous transporte loin des alpages, mais sous les cerisiers, dans un pays où Maria Nicollier a longtemps vécu et tourné des documentaires, notamment sur le mariage à la sauce occidentale en 2004. C’est d’ailleurs de nouveau un mélange des cultures, traité avec un regard tendre, qu’elle propose aux spectateurs. Nous l’avons rencontrée à l’issue de la projection de Chasse à l’âne – Roba Gari en japonais – en compétition européenne au festival du Film court de Brest vendredi 16 novembre.

Sylvain Ernault – Votre comédie raconte l’histoire de trois Japonais qui cherchent à manger de l’âne sur leur île. D’où vient ce scénario loufoque ?

J’ai eu l’idée du scénario en Roumanie, parce que j’ai été voir un ami roumain et effectivement il voulait manger de l’âne, de la viande d’âne. Ils sont allés chercher un âne, qui s’appelait Igor, mais finalement ils n’ont jamais osé le tuer, même si c’étaient des chasseurs. Donc finalement le scénario vient d’une histoire véritable, mais je l’ai transposée au Japon, pour la simple raison que les Japonais n’ont rien de chrétien et j’avais envie qu’ils aient un regard sur nous. Je trouvais marrant d’utiliser l’âne, qui est dans la crèche de Jésus. Alors après comment est venue cette association d’idées ? C’est un peu difficile de vous dire pourquoi et comment , mais le fait est que j’ai vécu quand même pas mal d’années au Japon et que je parle japonais, donc c’est aussi une source d’inspiration et mon lieu de tournage de prédilection.

C’est la première fiction que vous avez tourné. Avant vous aviez réalisé des documentaires au Japon ?

J’ai tourné des documentaires, des reportages, des news… J’ai tourné beaucoup de choses au Japon, mais jamais de fiction, c’est ma première fiction et pour moi ça allait de soi que j’allais la tourner au Japon en fait. Je pense que c’est plus facile de tourner au Japon qu’en Suisse, parce que déjà les acteurs sont tellement friands de tourner à un niveau international et j’ai pu faire un casting extraordinaire, c’est à dire j’ai vu à peu près 200 acteurs pendant une semaine, un très bon cru. Alors qu’en Suisse ça aurait été beaucoup plus difficile d’avoir les meilleurs acteurs pour un court métrage.

…pour un court-métrage, qui reste un genre qui est peut-être un genre mineur en Suisse et au Japon. D’ailleurs comment on perçoit le film court au Japon ?

C’est aussi un genre mineur je pense, c’est aussi très difficile d’avoir l’argent pour un court. Mais je pense que si les acteurs se sont intéressés à mon film, c’est avant tout parce qu’il était international et que pour une fois ils pouvaient tourner avec des étrangers et que la réalisatrice parlait japonais, donc ça leur permettait de faire ça parce que la plupart des acteurs ne parlent pas anglais. Mais c’est aussi un genre mineur et très difficile à défendre au Japon.

“J’ai beau avoir vécu au Japon, je ne comprends pas toujours les Japonais”

Et d’ailleurs mon film je savais que soit il allait bien fonctionner en Europe et dans le reste du monde, soit au Japon. Bon, soit pas du tout, hein, ça aurait été une autre option (sourire). Et effectivement il fonctionne très bien en Europe et aux États-Unis, mais très très mal au Japon. Alors voilà, maintenant vous dire pourquoi, comment ? Comme quoi j’ai beau avoir vécu au Japon, je ne comprends pas toujours les Japonais.

Célia Caradec – Dans le film on voit un Français un peu tourné en dérision, est-ce que c’est quelque chose que vous avez pu ressentir là-bas, des a priori sur les Européens, sur les Français ?

Oui, alors c’est vraiment par rapport à mon vécu, c’est plus les étrangers qui veulent être plus japonais que japonais. Et en fait je me moque plus des étrangers qui vivent là-bas, et je trouve que les Japonais, mes protagonistes, ont bien raison de rire de lui. C’est ces étrangers qui se disent tout d’un coup maître de thé ou vivent vraiment à la japonaise, d’une façon que les Japonais ne connaissent plus. Le Japonais moderne ne vit plus vraiment sur des tatamis à genoux et à se courber à peu près toutes les vingt secondes, à part dans des milieux très très traditionnels, donc là je ris un peu de mon vécu effectivement et des étrangers qui vont jusqu’à se brider les yeux.

SE : Connaissiez-vous la région dans laquelle le film a été tourné avant d’y tourner Chasse à l’âne ?

Je ne connaissais pas du tout cette partie du Japon avant, qui est dans la préfecture de Nagano, là où ont été tournés des Jeux Olympiques (en 1998, NDLR), c’est à dire au nord de l’île principale (Honshū, NDLR), mais c’est le seul endroit où j’ai trouvé un âne, parce que tous les autres ânes étaient dans des zoos et pour les Japonais c’était hors de question de sortir leur âne du zoo et j’allais pas tourner le film dans un zoo, donc c’est le seul endroit où j’ai trouvé un âne et un propriétaire qui était prêt à me prêter, enfin plutôt à me louer son âne.

Et lui qu’est-ce qu’il faisait avec son âne ? Il lui faisait brouter l’herbe aussi ?

Oui oui, il adorait son âne et c’est vrai c’est une bonne question parce qu’il n’y a tellement pas d’âne au Japon que c’était vraiment quelqu’un de très original finalement. Pourquoi il avait un âne ? Je ne sais toujours pas, mais il l’aimait beaucoup et il en prenait bien soin et on avait besoin de lui pendant le tournage parce que l’âne sans lui ne voulait rien faire.

Chasse à l'âne, Maria Nicollier. Crédits Rec Production
Shohei Sekimoto, Yuki Okamoto et Shoichiro Akaboshi, les trois acteurs principaux du film, préférés au Japon à 200 autres candidats. Crédits Rec Production

C’était un Japonais lui, pas un Français ni un Européen ?

Non, non, alors toute la régie et une grosse partie de l’équipe c’étaient des Japonais. Mais toute l’équipe technique je l’ai prise de Suisse, c’étaient des Suisses, notamment parce que j’ai eu des fonds de soutien de l’État suisse. C’est donc évident qu’il faut des salaires suisses. Donc j’ai pris une grosse équipe avec moi, on était sept à prendre l’avion, ce qui était quand même un coût considérable.

Parlons justement d’économie, par rapport à votre parcours d’ex-documentariste, est-ce que c’est plus difficile de financer un documentaire ou une fiction ?

Une fiction est quand même beaucoup plus chère, c’est ça qui est plus difficile. Même un court métrage de fiction m’a coûté beaucoup plus cher qu’un documentaire de 83 minutes. Donc c’est évident que c’est une contrainte énorme de trouver l’argent pour une fiction c’est beaucoup beaucoup plus difficile et je pense que c’est pour ça que j’ai mis aussi longtemps à faire le pas et à passer dans la fiction.

“Même un court métrage de fiction m’a coûté beaucoup plus cher qu’un documentaire de 83 minutes”

C’est beaucoup plus cher déjà, pour la simple raison qu’il faut des acteurs et qu’il faut les payer et puis ensuite il faut une équipe technique beaucoup plus conséquente. Un documentaire on peut presque se permettre suivant le genre de partir caméra à l’épaule, une fiction non.

Et en Suisse quelle sont les aides ?

Alors en Suisse, il y a une aide étatique culturelle, qui est assez importante, qui reste difficile à obtenir, comme chez vous en France. Ensuite il y a différentes aides je dirais régionales, comme chez vous aussi. Après il y a des aides automatiques, si vous obtenez les autres aides. Donc en fait c’est un peu “celui qui commence à avoir de l’argent a toujours plus d’argent, celui qui n’a pas d’argent au départ n’a pas d’argent du tout”, donc c’est un peu quitte ou double. Et pour ce film j’ai tout de suite eu l’aide étatique, ce qui fait que d’autres fonds ont découlé et j’ai réussi assez facilement à boucler mon budget, mais ça m’a pris un an quand même.

Entre le début de l’écriture et le tournage, c’est ça un an ?

Ah non là c’est deux ans.

Chasse à l'âne, Maria Nicollier. Crédits Rec Production
Les trois amis chasseurs japonais face à l’objet de leurs fantasmes gustatifs, l’un des seuls ânes du Japon. Crédits Rec Production

CC – Quel est votre ressenti par rapport à ce festival du Film court, où vous venez pour la première fois ?

Ce que j’aime bien avec Brest par rapport aux autres festivals que j’ai fait aussi avec ce film-là, c’est que c’est très tourné vers le public et il y a vraiment des salles importantes pour un public important et visiblement ils font une très bonne publicité, parce qu’il y a du monde et c’est toujours très agréable de voir des salles pleines, donc pour ça c’est vraiment génial. Ensuite, on est très bien accueillis. Souvent j’ai été prise dans des festivals de court et de long. Donc le court, malgré tout, est un peu en seconde zone et être pris dans un festival où ce sont que des courts, c’est assez agréable parce qu’on est un peu plus mis en valeur je dirais.

J’imagine que vous êtes attentive aux réactions des spectateurs ? Comment vous l’avez vécu ?

L’angoisse c’était la première en public. Parce que finalement, il y a des moments comiques dans mon film, mais est-ce que les gens vont rire à ces moments-là, est-ce qu’ils ont compris mon humour ? Et c’est la grande angoisse des comédies. Et finalement les gens rient vraiment au moment voulu et ça c’est un immense plaisir et puis après il y a un effet de salle. Parfois les gens réagissent beaucoup moins, parfois beaucoup plus. Cette dernière projection je l’ai trouvée assez bonne, les gens réagissaient pas mal, n’étaient pas trop timides de rire. Et puis après il y a les surprises, où tout d’un coup les gens rient à des moments où vous ne pensiez pas que c’était drôle (rires) donc ça c’est toujours assez amusant.

“Les gens réagissaient pas mal, n’étaient pas trop timides de rire.”

SE – Vous avez d’autres projets de fiction et si oui est-ce que ce sera dans la comédie ?

Ce sera surement une comédie, parce que je crois que je ne serais pas capable de faire autre chose. Et j’espère un long métrage bien sûr, vu que j’ai quarante ans, faut que je me dépêche, pour les fonds, parce que plus on est vieux, plus c’est difficile de trouver des fonds ! (rires)

+ En bonus pour les cinéphiles, le directeur de la photographie du film livre ses secrets techniques du tournage de la scène de la cérémonie du thé.

Trailer de Chasse à l’âne

Chasse à l’âne, Maria Nicollier, avec Shohei Sekimoto, Yuki Okamoto, Shoichiro Akaboshi, 15 minutes, Suisse-Japon, Rec Production, 2011.

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“Découvrir Claire a été un petit miracle”

C’est dans la galerie d’expo du Quartz que je rencontre Nicolas Guiot. Quelques minutes seul à seul dans cette grande pièce pour partager une première bière d’après-compétition, un étage sous le tumulte de la soirée privée où le jeune réalisateur belge aurait pourtant toute sa place. Lors de la cérémonie de clôture du Film court de Brest, il vient d’aller chercher le prix du meilleur premier film pour Le Cri du Homard et le prix d’interprétation de son actrice Claire Thoumelou. Un nouveau succès mérité en festival pour son drame psychologique sur la guerre, présélectionné pour Cannes 2013.

On a senti que vous étiez très touché quand vous êtes monté à deux reprises sur scène, dont la première fois pour le prix d’interprétation décerné à la jeune Claire Thoumelou.

Effectivement, le prix d’interprétation m’a particulièrement touché. C’est la première fois d’abord qu’on a un prix d’interprétation. J’ai toujours considéré que le film reposait en grande partie sur les comédiens même si il y a beaucoup de travail par ailleurs, mais c’est un film de comédiens. Et surtout Claire, la petite qui avait sept ans sur le tournage. On me dit souvent qu’elle est formidable, mais j’ai l’impression qu’elle paye un peu le fait d’être un enfant et que les jurys ont du mal à primer un enfant. Ont du mal à considéré ça comme un travail. Alors qu’elle a travaillé et elle joue effectivement.

Claire Thoumelou, Le Cri du Homard
Claire Thoumelou, prix d’interprétation à Brest pour son rôle de Natalia, petite fille russe qui retrouve son frère à jamais traumatisé par la guerre. Crédits Offshore

Comment avez-vous trouvé Claire Thoumelou ? Avait-elle tourné avant et va-t-elle tourner de nouveau ?

Claire c’est une histoire très particulière puisque j’avais une autre petite comédienne prévue, qui nous a lâché pour diverses raisons une semaine avant le tournage. On n’avait pas de plan B. On a casté en urgence sept-huit petites filles, dont Claire, donc je l’ai découverte six jours avant le tournage et ça a été un petit miracle parce qu’elle est même mieux que celle qui était prévue au départ. Elle n’avait jamais fait de cinéma et je pense qu’elle n’a pas de projet en court pour le moment, mais je crois qu’elle a très bien compris comment ça se passait, comment on jouait, comment on se comportait devant une caméra.

L’histoire du film Le Cri du homard ce sont des retrouvailles familiales russes, qui se déroulent en France. Tout tourne autour du grand frère, qui rentre de la guerre en Tchétchénie et de la petite sœur. Comment vous est venue cette idée ?

L’écriture de scénario est venue d’un docu que j’ai vu sur Arte, qui parlait de ces jeunes soldats russes qui revenaient de Tchétchénie, qui étaient complètement détruits (Les Corbeaux blancs, NDLR). Après le fond m’intéresse, fondamentalement la thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse. Il se trouve que c’était russe parce que c’est parti de cette histoire-là. Et puis je voulais ancrer le film dans une réalité identifiable, en tout cas quelque chose très réaliste. Et la guerre de Tchétchénie était une des guerres contemporaines qui s’étaient passées pas très loin de chez nous. Mais au-delà de ça c’était vraiment la thématique de l’impossible reconversion, l’impossible réadaptation de ces gamins quand ils reviennent de là, après ce qu’ils ont subi et infligé puisque je pense qu’ils ont tous fait des choses abominables, comme quasiment n’importe quel être humain pourrait le faire dans certaines circonstances, si on leur permet de le faire.

“La thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse.”

Famille russe - Le Cri du homard
La famille russe de nouveau rassemblée pour un repas sous tension. Crédits Offshore.

Vous en tant que réalisateur, d’où venez-vous ? Qu’est-ce que vous aviez fait avant ce premier film et quels sont vos projets ?

Moi au départ, ça fait longtemps que je voulais réaliser. Mais j’ai étudié la philosophie et puis je voulais rentrer dans une école de cinéma qui s’appelle l’Insas à Bruxelles, où je n’ai pas été pris, du coup de je me suis retrouvé à faire un master à l’université en écriture de scénario. Et après ça mon but c’était de rentrer absolument dans ce milieu, en tout cas d’intégrer ce milieu et j’ai fait beaucoup de petits boulots, beaucoup de régie, qui est un boulot très ingrat, mais un boulot très intéressant par ailleurs parce qu’on est très clairement dans la réalité du cinéma. On est loin des théories universitaires etcétéra, on est vraiment sur le terrain, on voit ce que c’est de faire un film. Et puis j’ai fondé ma boîte de production qui s’appelle Ultime Razzia Productions avec deux amis, pour nous produire nous-mêmes au départ et voilà. Ça a pris du temps, mais je suis arrivé à ce que je voulais faire au départ, c’est à dire réaliser, mais je continue à produire par ailleurs.

Le Cri du homard, c’est un film qui a muri pendant combien de mois où d’années avant d’être diffusé pour la première fois ?

C’est un projet qui a muri très longtemps, puisque j’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans. Je l’avais laissé de côté parce que je me disais que c’était trop compliqué pour un premier film. Et puis j’y suis revenu parce que ça me taraudait et je l’ai compliqué d’ailleurs, parce qu’au départ il faisait quinze pages, puis c’est devenu un film de quinze-trente-cinq pages ; une page c’est une minute en général dans un scénario. Et puis je me suis dit, “allons-y, tant pis”. En sachant que c’était quand même risqué, le pari était assez risqué, j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs, puisque je me produisais moi-même au départ, mais j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs qui y ont cru aussi et on y est arrivés, mais c’est vrai que c’était assez casse-gueule et après coup j’ai eu quelques sueurs froides quand j’y repense parce que c’était un projet assez compliqué.

“J’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans.”

Mais ça s’est extrêmement bien passé, ça a été beaucoup de préparation, quasiment un an de casting, de recherche de comédiens, des années pour des recherches de financement et beaucoup de post-production aussi. On a passé quasiment six mois en montage, pas à temps plein, mais par intermittence. Pendant six mois on a réécrit complètement le film au montage, ça a été un gros gros boulot oui.

Les festivals c’est un grand moyen de se faire connaître du public, la télévision aussi. Comment ça se déroule de ce côté-là ?

Alors à ce niveau-là ça se passait assez bien. Moi en étant producteur je m’étais fixé dès le départ la limite de trente minutes, parce que je savais qu’au-delà de trente minutes c’est juste inexploitable. On passe à un format de moyen métrage qui est quasiment inexploité et pour lequel il n’y a quasiment pas de festival. On est à trente minutes, tout juste. Après ça se passe plutôt bien jusqu’à présent, c’est à dire qu’on a déjà eu quelques prix et on a RTBF, qui est une chaîne belge, qui l’a acheté et TV5 Monde. Donc ça se passe plutôt bien étant donné la durée.

Et les projets, vous ne m’avez pas dit, sur quoi vous travaillez…

En tant que réalisateurs ? Je n’ai rien pour le moment. Là j’ai des projets en tant que producteur, mais je n’ai pas encore de projet concret en tant que réalisateur. Mais on vient de le terminer, enfin on l’a terminé au mois d’avril, c’est un peu récent.

Trailer du Cri du Homard

Le Cri du homard, Nicolas Guiot, avec Claire Thoumelou et Anton Kouzemin, 30 minutes, Belgique-France, Ultime Razzia Productions, 2012, César du meilleur court-métrage 2013.

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