Le patronat aimerait bien rendre le monde d’après plus pourri encore

Baisse de 35 % de la consommation, instabilité des cours de la bourse, chute prévue de six points du PIB, la décroissance s’est brutalement invitée dans notre monde et les économistes suent à grosses gouttes.

Au point de faire peur au patronat suisse qui s’inquiète que « certaines personnes soient tentées de s’habituer à la situation actuelle, ivoire se laissent séduire par ses apparences insidieuses […], beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d’agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la société de consommation… »

Certain·es écologistes voyaient dans la crise du Covid l’occasion pour l’État de se lancer dans la transition écologique ; iels en seront quitte pour un peu plus de greenwashing. La loi de finance rectificative pour 2020, attribue aux « entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables » une somme de 20 milliards d’euros.

L’article 12 dispose bien que « l’Agence des participations de l’État (APE) veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ».

Hélas, une recherche rapide dans le bilan d’activité 2018-2019 de l’APE, dont la tâche est de gérer les actions détenues par l’État dans diverses entreprises, nous apprend que le mot-clé « transition écologique » peut s’appliquer à EDF ou Engie. Soit parmi les fournisseurs d’énergie les plus polluants d’après le guide de Greenpeace. Ajoutons-y des pontes de l’industrie minière comme Eramet et le tableau est complet. « Écologie libérale, mensonge du capital », scandait-on aux manifs climat !

200423 - Affiche film Pas Res Nos Arresta by Amassada - La Déviation
Le film Pas res nos arresta réalisé par l’Amassada propose une critique sans concessions du capitalisme vert et de l’éolien industriel.

Ce collectif budgétaire vient s’ajouter à un premier plan, validée le 18 mars et en précède en autre, probablement discuté en mai. Cent-dix milliards seront déjà reversés aux entreprises sous différentes formes : chômage partiel, garantie sur des prêts, « fonds de solidarité », etc.

Et nouveau bonus lors du passage au Sénat : une exonération de charge sur les heures supp’ ! En guise de consolation, on se contentera d’une prime pour les soignant·es et les professionel·les de l’aide sociale à l’enfance, et d’un maigre fonds d’un million d’euros pour lutter contre les violences conjugales…

Le patronat, qui mange à tous les râteliers, profite par ailleurs de la crise pour tenter d’infléchir les objectifs de baisse d’émission de CO2 de l’Union européenne.

Dans une lettre interceptée par Le Canard enchaîné, le Medef demande au gouvernement français, de suspendre toute sa politique en matière d’environnement, dont la loi mobilité, la loi sur l’économie circulaire ou la loi anti-gaspillage. Un décret sur la qualité de l’air est aussi dans son viseur, au motif qu’il faille préserver la filière automobile. Sans parler de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas carbone, deux textes qui constituent « la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique », de l’aveu même du gouvernement, cité par Le Journal du Dimanche.

Or, une reprise accompagnée d’une surconsommation d’énergie fossile menace car le cours du baril de pétrole s’est effondré avec la diminution de la consommation, atteignant des prix négatifs, et ce malgré une baisse de l’extraction décidée conjointement par les pays producteurs de l’Opep.

Dans le même genre, l’industrie du plastique tente de tirer les marrons du feu en s’attaquant aux réglementations futures sur le plastique à usage jetable au nom de la lutte contre le Covid-19.

L’économie peut-elle être éthique ? Rien n’est moins sûr, mais certains pays comme le Danemark, font moins pire que d’autres, en soumettant les entreprises bénéficiaires des largesses de l’État à des conditions strictes : pas de dividende pour les actionnaires, ni de rachat de leurs propres actions par les entreprises (ce qui est une manière de rémunérer les actionnaires), et pas de sous pour les entreprises ayant des fonds dans les paradis fiscaux. Sur ce dernier point des amendements centristes et communistes, à la portée relative, ont été votés au Sénat dans le cadre du projet de loi de finance rectificative. Avant d’être retiré du texte final jeudi, à la demande expresse du gouvernement. On y a presque cru.

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