Comment se réapproprier la science, la lutte contre l’épidémie, mais aussi nos émotions ? Et que penser de la sortie du confinement ? Nécessaire ou irresponsable ? La gazette vous donne les dernières nouvelles sur l’épandage des pesticides, l’international tout en invitant à la réflexion collective.
À la campagne, urgence sanitaire rime avec pollution de l’air
Le confinement a décidément bon dos. C’est la justification trouvée par le gouvernement pour assouplir la législation sur les pesticides. Les défenseur·ses de l’environnement sonnent l’alarme contre ces pulvérisations, qui s’ajoutent au épandages de déjections animales co-responsables d’un récent pic de pollution aux particules fines.
Des Indien·nes aperçoivent pour la première fois l’Himalaya derrière leur fenêtre. Des Pékinois·es apprécient la palette de couleurs de la nature en fleurs. Des Parisien·es redécouvrent la voûte céleste. Et les populations rurales, notamment en Bretagne, toussent en imaginant ces cartes postales. Si le soudain ralentissement économique fait baisser la concentration du dioxyde d’azote dans l’air, les polluants issus de l’agriculture productiviste ont le champ libre.
Depuis le 30 mars, les nouvelles distances d’épandage des pesticides ont été quasiment abolies. Ces zones de non-traitement (ZNT) qui ulcèrent la FNSEA sont fixées à 10 m des habitations pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses depuis un arrêté du 27 décembre 2019 « relatif aux mesures de protection des personnes ». Une protection qui ne semble plus d’actualité en plein état d’urgence sanitaire.
De l’ordre du symbolique et difficilement contrôlables, ces distances peuvent en effet être réduites par arrêté préfectoral, en cas de signature d’une charte de bon voisinage entre agriculteur·ices et riverain·es. Or, « la difficulté de mener la concertation publique dans le contexte en cours de la crise de Covid-19 », rend caduque cette condition, explique candidement le ministère. Les préfectures se contenteront d’un simple engagement. La « bonne foi » suffit quand vous êtes puissant·es !
« La période n’est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes », conviennent dix-neuf organisations dont Eau & Rivières de Bretagne, l’UFC-Que Choisir ou l’Union syndicale Solidaires. Elles en tirent toutefois la conclusion inverse et demandent l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des habitations. Une campagne d’interpellation des préfets est organisée via la plateforme « Shake ton politique ».
Plus offensive, l’association Sauvegarde du Trégor observe que cette autorisation intervient dans une période où les populations rurales sont sommées de restez chez elles. Elle estime même que les préfets de Bretagne ont choisi « la peste plutôt que le choléra » (lire sur Facebook).
« Cette mesure ne s’inscrit-elle pas dans la droite ligne de la fermeture en 2018 d’une unité de fabrication de masques à Plaintel, dans l’indifférence des pouvoirs publics dont vous êtes un des représentants majeurs en Bretagne, interroge Sauvegarde du Trégor. [Voir notre article sur le sujet, NDR] Comme toujours la même politique imprévoyante et irresponsable, côté pile soutien actif à un lobby, côté face désintérêt pour un enjeu de santé publique. »
Si la chimie de synthèse fait régulièrement les gros titres, les traditionnels épandages printaniers de lisier et de fumier donnent aussi les larmes aux yeux. Littéralement. Sans même parler de leur qualités olfactives, ces déjections animales sont responsables de l’essentiel des émissions d’ammoniac (NH3) en France. Un gaz qui forme du nitrate d’ammonium par combinaison avec l’oxyde d’azote, dont les très petites particules sont nocives pour l’environnement. La Bretagne, terre d’élevage intensif, en est la première région émettrice.
L’observatoire régional de la qualité de l’air, Air Breizh, a enregistré un pic de pollution les 27 et 28 mars, attribué par son président Gaël Lefeuvre au chauffage domestique et à l’activité agricole.
Alors que le ballet des épandeurs ne fait que débuter, quatre organisations bretonnes montent au créneau pour demander l’encadrement de ces pratiques, arguant d’un lien éventuel entre la présence de particules fines et la hausse de la mortalité au Covid-19. L’association Respire est allée plus loin en déposant un référé liberté devant le Conseil d’Etat, mais la requête a été rejetée lundi 20 avril. La haute juridiction reconnaît malgré tout le problème puisqu’elle encourage l’Etat à « faire preuve d’une vigilance particulière […] notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes [en cas de franchissement avéré des seuils] ».
Si les scientifiques restent prudents – des études étant en cours -, la directrice de recherche à l’Inserm, Isabella Annesi-Maesano, et le docteur Thomas Bourdrel, membres du collectif Air santé climat cités par Mediapart le 13 avril (article payant), rappellent que la pollution de l’air fragilise notre système immunitaire. Et donc la capacité de notre corps à répondre à une agression inconnue. Ielles demandent aux préfets des mesures urgentes pour limiter les émissions de particules fines liées aux épandages agricoles.
Quelques nouvelles internationales
En Inde, le confinement, imposé de manière autoritaire le 24 mars 2020 en seulement quatre heures, est une crise humanitaire de grande ampleur : plus de la moitié des indien·nes sont payé·es à la journée et ont donc perdu leur unique source de revenu du jour au lendemain.
La chaîne d’approvisionnement a été coupée de manière brutale et la peur de la faim, notamment pour les plus pauvres, est omniprésente : devant les soupes populaires, on voit des queues immenses de 2000 personnes. Le coronavirus nous rappelle les conditions horribles des bidonvilles : des familles dans 2m2 avec un unique point d’eau pour tout le bidonville…
Quant aux personnes souhaitant retourner dans leur village natal, elles ont marché quelques fois des centaines de kilomètres en étant violenté·es par la police…
Au Mexique, alors que le président de gauche progressiste minimisait les risques et en appellait à Dieu le 18 mars, il a finalement décrété l’état d’urgence sanitaire le 30 mars.
Pendant ce temps, dès le 16 mars, l’armée zapatiste écrivait dans son communiqué : « face à l’absence des mauvais gouvernements, encourager tou·tes, au Mexique et dans le monde, à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur des bases scientifiques, leur permettent d’aller de l’avant et de sortir vivant·es de cette pandémie ». Elle a laissé les communautés choisir les mesures appropriées au contexte local.
Le coronavirus a d’abord touché les centres du capitalisme globalisé, en se transmettant via les voyages en avion, et la situation est en train de s’aggraver en Afrique. La prévalence de maladies comme la tuberculose ou le VIH risquent d’aggraver la sévérité des infections. Comme en Inde, le confinement ne semble pas adapté à la situation africaine et la solution est probablement à chercher dans l’auto-organisation des quartiers ou les traditions d’autogestion des villages comme en Kabylie plutôt que de faire confiance aux élites corrompues qui s’inquiètent de révoltes populaires. Mais il est loin d’être sûr que les décisions prises en haut lieu soient adaptées aux réalités du terrain de la pauvreté car les dirigeants (nationaux et internationaux) ne vivent pas dans le même monde…
Mais n’allons pas croire que les personnes en Europe soient toutes des privilégiées. La situation des migrant·es en Grèce est catastrophique : un WC pour 167 personnes et une douche pour 242…
Avoir peur des dystopies qui s’infiltrent dans le réel
La peur fait aujourd’hui partie de notre quotidien. Les médias assènent des chiffres de morts jour après jour qui sont difficiles à remettre en perspective sans point de comparaison. Le gouvernement communique de façon incohérente et privilégie les annonces de dernière minute, ce qui ne favorise pas la sérénité.
Nous avons peur pour nos proches et moins proches qui sont âgé·es, pour nos proches et moins proches qui sont obligé·es d’aller ou de retourner ou boulot… Nous avons peur aussi devant l’incertitude de quoi sera fait le futur.
Certain·es craignent d’ailleurs que cette période que nous vivons oriente les États dans un tournant totalitaire, comme le mentionne CrimethInc qui envisage que ce changement pourrait avoir lieu pendant la période de confinement.
Et en effet, l’État intensifie son contrôle. Il finance l’achat de drones de surveillance dans une période où l’argent semblerait utilement dirigé vers les hôpitaux, les prisons, les structures d’aide aux plus vulnérables…
Il se penche aussi sur l’application StopCovid développée par Orange, à laquelle La Quadrature du Net oppose une série d’arguments, dont certains nous rappellent bien que des mesures prises en temps d’urgence pour cibler un phénomène spécifique peuvent par la suite étendre leur champ de contrôle bien au-delà (c’est une des caractéristiques que Raphaël Kempf attribue aux lois scélérates, dont il a récemment produit une analyse).
Camille Espedite et Anna Borrel décrivent quant à elles un processus de domination douce de l’État via la domiciliation : faire du domicile le nouveau lieu d’assujettissement, nœud modal pour le boulot (pour celleux en télétravail), la consommation (grâce à Amazon), les loisirs (via Netflix), la sociabilité (merci Zoom)…
Devant tous ces phénomènes qui semblent aujourd’hui s’accélérer, nous pouvons avoir peur, dans un « pire scénario qui serait déjà là ». Nous pouvons aussi avoir peur que nos réponses militantes, dans le contexte du Covid-19, divergent et nous divisent : CrimethInc voit deux façons de répondre qui peuvent s’opposer, entre « celles et ceux qui sont investi·es dans la résistance à tout prix et celles et ceux qui considèrent que prendre le risque de propager le virus est irresponsable si bien qu’ils et elles préfèrent une capitulation totale ».
Pouvons-nous nous proposer de prendre en compte cette peur, de la reconnaître et de nous en servir ?
Par exemple, certain·es d’entre nous avons peur devant les morts causés par Covid-19 : pouvons-nous étendre l’attention que nous portons aux conséquences de cette pandémie aux autres maladies épidémiques et pandémiques qui touchent le monde (VIH, Ebola, etc.) ?
L’idée n’est pas de nier l’importance de nos peurs et émotions actuelles, ni d’instaurer une compétition entre maladies pour un nombre de morts record (tout comme trouver qui est le ou la plus opprimé·e n’est pas pertinent). Nous pouvons en revanche donner à ces peurs et émotions une dimension politique, réfléchir à la façon dont nous pouvons, avec nos affects, transformer nos rapports au monde, au politique, à la maladie, comme le suggère Aïcha Liviana Messina.
Cela nous permet aussi d’accueillir ces peurs en nous et aussi certaines de leurs contradictions (vouloir agir de façon solidaires avec les soignant·es dans une réelle empathie avec elleux vs. souffrir de ne pas rencontrer des personnes proches et rompre le confinement pour une ou deux d’entre elles par exemple).
Dans une analyse du récent recueil de textes de Donna Haraway publié en français, Laura Aristizabal Arango souligne que D. Haraway nous dit que « toute réponse [face à des temps douloureux] se fait à partir des contradictions d’une situation, c’est-à-dire en composant avec ses troubles ».
Reconnaître nos craintes et les utiliser pour ouvrir notre attention serait un moyen de rendre visible d’autres histoires, d’autres pratiques. C’est l’appel de D. Haraway qui nous propose de dévoiler de nouvelles histoires pour notre présent, des histoires qui ouvrent des brèches. C’est une démarche issue du féminisme que de proposer des histoires alternatives à notre monde, pour y ouvrir de nouvelles perspectives (comme le fait par exemple Silvia Federici dans Caliban et la Sorcière ou le résume Émilie Hache ici).
Et il semble bien que nous ayons besoin de nouvelles perspectives pour inventer comment nous voulons vivre aujourd’hui et demain, comme y appellent des articles récents (ici ou là, par exemple).
Peut-être devons-nous aussi penser un temps qui ne sera pas un après mais restera un pendant la pandémie, penser une façon d’agir qui ne soit pas une dichotomie entre « résistance à tout prix » et « capitulation totale ».
D’un âge à l’autre dans la vie confinée
Quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on trouve le temps long.
Quand on a 70 ans, on a la menace, brandie par le président du conseil scientifique puis balayée par l’exécutif, que le temps du confinement soit encore rallongé, pour sa propre sécurité. Toutefois, l’avocat en droit du travail Jacques Hardy rappelle qu’obliger les seniors à se confiner relèverait d’une mesure discriminatoire ; le droit de la santé précise clairement que le corps médical ne peut imposer des soins sans le consentement de la personne (sauf soins psychiatriques), chacun·e dispose de son propre corps et peut décider ou non de prendre des risques. Les plus grands risques étant peut-être l’ennui et la solitude.
Quand on a 90 ans, le confinement, c’est comme du temps volé aux peu d’années qui restent à parcourir.
Quand on a 15 ans et qu’on est géré par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), les temps sont durs. Comme l’explique cette tribune, de nombreux enfants, confinés chez leurs parents ou en chambres d’hôtels, ne rencontrent plus leurs éducateur·ices que par Whatsapp. Et les centres manquent de personnel, forcé·es de rester chez elleux pour garder leurs propres mômes.
Quand on a quelques jours, qu’on est né·e prématuré·e pendant le confinement, la peur des soignant·es peut priver de la présence de ses parents, du contact en peau à peau, de l’allaitement, comme raconté dans cette tribune de la présidente de SOS préma.
Du coup, même quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on se dit qu’il est peut-être temps de chercher des solutions différentes, non coercitives. Temps aussi de nous confronter aux fractures générationnelles et à notre propre peur de vieillir, et de nous demander : dans quelle société voudrions nous fêter nos 70, 80 ou 90 ans ?
Le conseil scientifique fait-il encore de la science ?
Être scientifique, ce n’est pas avoir des titres et des diplômes ; c’est avoir une méthode, des faits, et, bien souvent, des doutes.
Dans ses trois premiers rapports, le conseil scientifique s’appuyait sur une large bibliographie. Dès le quatrième, ses seules références semblent être Santé publique France et des sondages d’opinion, et ce alors que de nombreux papiers de recherches sont publiés chaque jour sur le Covid-19.
Or, la science n’est pas neutre ; le choix des données qu’un·e scientifique juge pertinente ou non est éminemment politique.
Ainsi, le conseil scientifique fait porter ses espoirs sur les tests de dépistage PCR (Polymerase chain reaction), pour déconfiner ou pour isoler les contaminé·es dans les Ehpad et prisons. Pourtant, des études mentionnent 30 % de faux négatifs[1] parmi les malades ayant des lésions pulmonaires au scanner (donc des taux de virus sans doute plus élevés que les personnes peu ou pas symptomatiques), voire plus de 50 % au premier test pour des personnes testées plusieurs fois.
De même, on n’a encore aucune donnée sur la fiabilité d’un éventuel test sérologique. Si ces examens sont utiles à l’hôpital pour prendre en charge une personne, à titre individuel, fonder ses espoirs dessus à l’échelle populationnelle, sans mentionner leurs failles pourtant bien démontrées, relève d’un idéal techniciste un peu naïf et malheureusement très répandu parmi les chercheur·euses.
Ne pas citer ses sources a d’autres conséquences.
Dans le rapport du 2 avril, le conseil scientifique estime ainsi qu’au maximum 10 ou 15 % des habitant·es des départements les plus touchés ont contracté le Covid-19, sans que l’on sache comment le calcul a été fait, les tests sérologiques n’étant pas disponibles à grande échelle.
C’est là que la lacune bibliographique se fait pesante : en effet, si les premières séries qualitatives chinoises donnaient des taux de mortalité allant parfois jusqu’à 2 %, en Islande, où le dépistage a été massif, et donc où l’on est moins passé à côté de patient·es peu ou pas symptomatiques, le taux de mortalité est de l’ordre de 0,3 % (néanmoins, la population islandaise n’est pas forcément totalement comparable à la population française).
Dans le Haut-Rhin, avec une population de 764.000 habitant·es et 548 mort·es au 12 avril, si on pense que 2 % des personnes touchées par le virus en meurent, on arrive à la conclusion que 3,6 % de la population du département a été touchée. Mais si on prend un taux de mortalité à 0,3 %, on arrive à un taux de personnes contaminées de 24 % ; si on ajoute, par exemple, 40 % de faux négatifs, on peut arriver jusqu’à 40 % de personnes contaminées, peut-être plus si on avait des données exhaustives concernant les Ehpad.
Selon la manière dont les calculs sont faits, dont les données pertinentes sont choisies, on peut conclure que l’action du gouvernement est efficace ou au contraire que le confinement a échoué. La science ne peut pas toujours fournir immédiatement des données univoques, et le doute doit parfois primer…
Les faux négatifs du test PCR viennent non pas des laboratoires mais du prélèvement lui-même : il s’agit d’enfoncer un coton tige très profondément dans les narines, ce qui est très douloureux et souvent difficile si le ou la soignant·e n’a pas l’habitude de le faire. Certain·es patient·es pourraient également n’avoir que très peu de virus dans les sécrétions nasales. Les prélèvements pulmonaires, qui consistent à injecter de l’eau dans les poumons pour récupérer le virus, sont nettement plus compliqués à réaliser.
Déconfiner ou ne pas déconfiner ?..
Telle est la question ! Si d’un côté, l’on peut critiquer avec raison Macron qui souhaite déconfiner les écoles pour remettre les parents au boulot et a choisi de consulter Raoult et Nicolas Sarkozy plutôt que le conseil scientifique pour prendre sa décision… De l’autre côté, les risques sociaux, psychologiques liés au confinement tel qu’il est mis en place aujourd’hui sont légion : inégalités accentuées, confinement dans des appartements serrés qui créent des situations dangereuses dans les familles, etc.
Tout dépend donc de la finalité du déconfinement qui influencera la manière dont celui-ci est mis en place.
Si on déconfine pour permettre aux gens de retourner au travail et de continuer à faire marcher la machine économique, alors il faut être clair : nos vies valent plus que leurs profits !
En revanche, si on le fait pour soulager les plus pauvres, les plus précaires en leur permettant de sortir, de permettre la solidarité de se mettre en place, alors c’est une urgence vitale !
Mais comment réagir alors aux appels de précaires à avoir le droit de travailler pour gagner de l’argent, comme cette pétition de salarié es d’Amazon qui regrette l’action en justice de Solidaires contre Amazon dont nous vous parlions dans la Gazette numéro 8 ? Doit-on y voir une négation de la domination liée à l’aliénation ou tout simplement un appel à l’aide de personnes obligées de mettre en danger leurs vies pour continuer à survivre dans ce monde capitaliste sans pitié ?
Sans indépendance vis-à-vis de l’argent, il paraît compliqué de proposer d’arrêter l’économie comme horizon politique.
Et comment ne pas parler des risques de surveillance généralisée ou de catégorisation de la population liées au déconfinement possible dont nous avons déjà parlé dans notre septième Gazette : passeports selon nos données sanitaires, drones, robots policiers, etc. ?
Mais de quel déconfinement parle-t-on exactement ?
De nombreux·es scientifiques nous préviennent que nous devrons vivre avec l’épidémie pendant très longtemps (nous vous avions déjà parlé de l’article de Terrestres à ce sujet et on a peur d’une seconde vague en Chine actuellement) et qu’il faudra continuer à maintenir des mesures strictes de distanciation sociale.
Tout cela dépend fortement de deux choses que nous n’avons actuellement pas assez : des informations précises sur le virus et des outils pratiques pour limiter la diffusion du virus.
Les informations qui nous permettraient d’y voir plus clair sont par exemple : le taux de mortalité exact du virus (par exemple pour avoir une idée du nombre de personnes infectées selon le nombre de morts), la durée moyenne pendant laquelle on est immunisé·e (par exemple pour savoir si il y a des risques de vagues régulières de coronavirus, voir cette interview d’une chercheuse du CNRS à ce sujet), la rapidité de mutation du virus (par exemple pour savoir s’il sera comme la grippe saisonnière dont une nouvelle souche apparaît tous les ans), le taux de reproduction du virus c’est-à-dire le nombre de personnes moyennes contaminées par une autre (c’est sur ce chiffre que se basent les différentes modélisations que l’on voit dans les médias or celui-ci étant encore imprécis, cela rend toute modélisation douteuse), etc.
Les outils pratiques pour limiter la diffusion du virus dont nous avons besoin sont des masques, une maîtrise collective des gestes barrières et des tests. Plus on aura de masques et plus on maîtrisera les gestes barrières, plus on baissera le taux de contamination et moins l’on aura besoin d’une distanciation sociale stricte.
Pour faire des masques, Streetpress recense plusieurs ressources. Plus on aura de tests, plus on pourra détecter les personnes asymptomatiques qui propagent le virus et les informer pour qu’elles limitent leurs contacts le temps d’être guéri comme le montre l’exemple allemand, voir à ce sujet l’analyse du groupe Jean-Pierre Vernant qui estime que les tests permettent de limiter les morts d’un facteur de 1,7 de manière très empirique.
Si le mouvement émancipateur veut être écouté, réfléchissons collectivement à proposer une façon d’organiser la société qui permette de limiter la mortalité liée à la pandémie tout en préservant les libertés et en n’accentuant pas les inégalités. Ne pensons pas uniquement l’après-confinement mais aussi le pendant car cela risque de durer !