[Vidéos] À Lannion, la « régulation » des urgences hospitalières indigne des milliers de manifestants

L’inquiétante dégradation de l’offre de soins dans les Côtes-d’Armor a fait descendre au moins 3.000 personnes dans les rues de Lannion, le samedi 13 janvier 2024. Une affluence qui a dépassé les attentes du comité de défense de l’hôpital, en lutte contre la « régulation » des urgences.

L’accès aux urgences de Lannion, de 19 h à 8 h le lendemain matin, ne sera plus possible qu’après l’accord des médecins régulateurs du Samu, à compter du 1er mars. L’annonce faite aux personnels par la direction mi-décembre a été confirmée à la presse par Ariane Bénard, directrice du groupement hospitalier d’Armor, le 11 janvier. Ces « régulations » sont monnaies courantes depuis l’application de la loi Rist, qui plafonne le recours à l’intérim médical dans le public. En cause, le manque de médecins. Seuls six postes d’urgentistes sur quatorze sont actuellement pourvus.

Le comité de défense de l’hôpital de Lannion a été surpris par l’affluence à sa manifestation du 13 janvier 2024. « J’avais déclaré 500 personnes », s’étonne sa fondatrice, Anne-Marie Durand.

« Est-ce que ce n’est pas encore une stratégie de fabrication de la pénurie, à la mode Guingamp, quand l’Agence régionale de santé préparait la fermeture de la maternité ? », interroge Anne-Marie Durand, lors de sa prise de parole sur les marches de la mairie. La représentante du comité de défense assure que la dégradation de l’accueil des patients aux urgences entraîne une « perte de chances », c’est-à-dire des morts évitables.

« Depuis des dizaines d’années, des réformes successives ont eu comme conséquence de diminuer l’offre du service public de santé. Les hôpitaux auxquels on a imposé des budgets inférieurs aux besoins sont aujourd’hui sinistrés », attaque pour sa part Pascal Lasbleiz. Infirmier et délégué CGT pour l’hôpital, il se fait également porte-parole de Sophie Binet, secrétaire générale de la confédération, qui a transmis un message de soutien aux manifestants.

« Des victimes ? Le devoir de réserve m’interdit de vous le dire »

Une quarantaine d’élus du Trégor ont participé à la manifestation, appelée par le comité de défense, des syndicats et des partis de gauche. La députée LFI de Guingamp était présente, mais pas le député Renaissance de la circonscription. Crédits Maryannick Lavielle

« Nous n’irons pas tous à Necker nous faire soigner en allant à Paris faire nos emplettes, cingle le représentant des pompiers Sébastien Guégan. Il y a-t-il eu des victimes de cette situation ? Le devoir de réserve m’interdit de vous le dire. »

D’après le délégué CGT au Service d’incendie et de secours des Côtes-d’Armor (Sdis 22), des mesures prises à travers la loi Rist pénalisent aussi le financement des sapeurs-pompiers. « Le centre de secours de Tréguier est fermé la journée, avec des incidences qui sont graves. Rostrenen, c’est pareil. Il y a des déserts. […] Ce sont bien les victimes que nous transportons qui trinquent en premier. Où sommes-nous pour imposer le trajet Perros-Guingamp à une victime se tordant de douleur quand l’hôpital de Lannion est fermé ? »

« Nos actions ne s’arrêteront que lorsque nos objectifs communs seront atteints, c’est-à-dire santé et dignité partout et pour tous. »

Olivier Houzet, maire de Saint-Quay-Perros

Olivier Houzet, maire de Saint-Quay-Perros, lit la lettre ouverte adressée cette semaine au gouvernement par plus de 80 élus des Côtes-d’Armor. « Nous demandons à l’État de respecter le droit fondamental de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, sans discrimination. […] Nous demandons à être reçus par les ministres concernés. Nos actions ne s’arrêteront que lorsque nos objectifs communs seront atteints, c’est-à-dire santé et dignité partout et pour tous. »

Le maire PS de Lannion, également président du conseil de surveillance de l’hôpital, prend la parole pour exprimer son « mécontentement contre le fonctionnement du système de santé actuel ». Paul Le Bihan met en avant les emplois générés par l’hôpital, premier employeur public du territoire, et les conséquences en termes d’attractivité pour la ville. « Dès que j’ai eu connaissance du projet de régulation pour plusieurs mois pour 2024, j’ai exprimé ma désapprobation considérant cette proposition comme inacceptable et aggravant fortement la situation déjà insatisfaisante. »

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Quelques manifestants ont rallongé leur marche jusqu’à la permanence du député Rennaissance de Lannion-Paimpol, avec des membres de la fanfare Waso. Crédits Maryannick Lavielle

Une quarantaine d’élus ont participé à la manifestation ceints de leur écharpe tricolore, dont le président macroniste de Lannion Trégor communauté, Gervais Egault, ou la députée (LFI-Nupes) de Guingamp, Muriel Lepvraud.

En revanche, l’absence du député (Renaissance), Eric Bothorel a été remarquée. Quelques dizaines de personnes ont d’ailleurs accompagné la fanfare Waso jusqu’aux marches de sa permanences, place du Marchallac’h, réclamant « du fric pour les services publics ».

Interrogée sur les conséquences potentiellement mortelles de la « régulation » des urgences, Anne-Marie Durand affirme « avoir des témoignages », mais que « les familles en état de sidération n’arrivent pas à demander des comptes à l’administration et ne veulent pas que les causes soient reportées sur les soignants ».

« Cette large mobilisation de la population du Trégor et même de plus loin n’est qu’une première étape. Nous continuerons jusqu’à obtenir des résultats probants », promet Anne-Marie Durand. Le comité de défense demande aux autorités l’organisation d’une table ronde locale associant les citoyens, les personnels, les syndicats, les élus, avant la fin du mois. Le sous-préfet sera également sollicité pour un rendez-vous la semaine prochaine.

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