En Inde, le confinement, imposé de manière autoritaire le 24 mars 2020 en seulement quatre heures, est une crise humanitaire de grande ampleur : plus de la moitié des indien·nes sont payé·es à la journée et ont donc perdu leur unique source de revenu du jour au lendemain.
La chaîne d’approvisionnement a été coupée de manière brutale et la peur de la faim, notamment pour les plus pauvres, est omniprésente : devant les soupes populaires, on voit des queues immenses de 2.000 personnes. Le coronavirus nous rappelle les conditions horribles des bidonvilles : des familles dans 2m2 avec un unique point d’eau pour tout le bidonville…
Au Mexique, alors que le président de gauche progressiste minimisait les risques et en appelait à Dieu le 18 mars, il a finalement décrété l’état d’urgence sanitaire le 30 mars.
Pendant ce temps, dès le 16 mars, l’armée zapatiste écrivait dans son communiqué : « face à l’absence des mauvais gouvernements, encourager tou·tes, au Mexique et dans le monde, à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur des bases scientifiques, leur permettent d’aller de l’avant et de sortir vivant·es de cette pandémie ». Elle a laissé les communautés choisir les mesures appropriées au contexte local.
Le coronavirus a d’abord touché les centres du capitalisme globalisé, en se transmettant via les voyages en avion, et la situation est en train de s’aggraver en Afrique. La prévalence de maladies comme la tuberculose ou le VIH risquent d’aggraver la sévérité des infections.
Mais n’allons pas croire que les personnes en Europe soient toutes des privilégiées. La situation des migrant·es en Grèce est catastrophique : un WC pour 167 personnes et une douche pour 242…
Comment se réapproprier la science, la lutte contre l’épidémie, mais aussi nos émotions ? Et que penser de la sortie du confinement ? Nécessaire ou irresponsable ? La gazette vous donne les dernières nouvelles sur l’épandage des pesticides, l’international tout en invitant à la réflexion collective.
À la campagne, urgence sanitaire rime avec pollution de l’air
Le confinement a décidément bon dos. C’est la justification trouvée par le gouvernement pour assouplir la législation sur les pesticides. Les défenseur·ses de l’environnement sonnent l’alarme contre ces pulvérisations, qui s’ajoutent au épandages de déjections animales co-responsables d’un récent pic de pollution aux particules fines.
Depuis le 30 mars, les nouvelles distances d’épandage des pesticides ont été quasiment abolies. Ces zones de non-traitement (ZNT) qui ulcèrent la FNSEA sont fixées à 10 m des habitations pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses depuis un arrêté du 27 décembre 2019 « relatif aux mesures de protection des personnes ». Une protection qui ne semble plus d’actualité en plein état d’urgence sanitaire.
De l’ordre du symbolique et difficilement contrôlables, ces distances peuvent en effet être réduites par arrêté préfectoral, en cas de signature d’une charte de bon voisinage entre agriculteur·ices et riverain·es. Or, « la difficulté de mener la concertation publique dans le contexte en cours de la crise de Covid-19 », rend caduque cette condition, explique candidement le ministère. Les préfectures se contenteront d’un simple engagement. La « bonne foi » suffit quand vous êtes puissant·es !
« La période n’est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes », conviennent dix-neuf organisations dont Eau & Rivières de Bretagne, l’UFC-Que Choisir ou l’Union syndicale Solidaires. Elles en tirent toutefois la conclusion inverse et demandent l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des habitations. Une campagne d’interpellation des préfets est organisée via la plateforme « Shake ton politique ».
Plus offensive, l’association Sauvegarde du Trégor observe que cette autorisation intervient dans une période où les populations rurales sont sommées de restez chez elles. Elle estime même que les préfets de Bretagne ont choisi « la peste plutôt que le choléra » (lire sur Facebook).
« Cette mesure ne s’inscrit-elle pas dans la droite ligne de la fermeture en 2018 d’une unité de fabrication de masques à Plaintel, dans l’indifférence des pouvoirs publics dont vous êtes un des représentants majeurs en Bretagne, interroge Sauvegarde du Trégor. [Voir notre article sur le sujet, NDR] Comme toujours la même politique imprévoyante et irresponsable, côté pile soutien actif à un lobby, côté face désintérêt pour un enjeu de santé publique. »
Si la chimie de synthèse fait régulièrement les gros titres, les traditionnels épandages printaniers de lisier et de fumier donnent aussi les larmes aux yeux. Littéralement. Sans même parler de leur qualités olfactives, ces déjections animales sont responsables de l’essentiel des émissions d’ammoniac (NH3) en France. Un gaz qui forme du nitrate d’ammonium par combinaison avec l’oxyde d’azote, dont les très petites particules sont nocives pour l’environnement. La Bretagne, terre d’élevage intensif, en est la première région émettrice.
Alors que le ballet des épandeurs ne fait que débuter, quatre organisations bretonnes montent au créneau pour demander l’encadrement de ces pratiques, arguant d’un lien éventuel entre la présence de particules fines et la hausse de la mortalité au Covid-19. L’association Respire est allée plus loin en déposant un référé liberté devant le Conseil d’Etat, mais la requête a été rejetée lundi 20 avril. La haute juridiction reconnaît malgré tout le problème puisqu’elle encourage l’Etat à « faire preuve d’une vigilance particulière […] notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes [en cas de franchissement avéré des seuils] ».
Si les scientifiques restent prudents – des études étant en cours -, la directrice de recherche à l’Inserm, Isabella Annesi-Maesano, et le docteur Thomas Bourdrel, membres du collectif Air santé climat cités par Mediapart le 13 avril (article payant), rappellent que la pollution de l’air fragilise notre système immunitaire. Et donc la capacité de notre corps à répondre à une agression inconnue. Ielles demandent aux préfets des mesures urgentes pour limiter les émissions de particules fines liées aux épandages agricoles.
Quelques nouvelles internationales
En Inde, le confinement, imposé de manière autoritaire le 24 mars 2020 en seulement quatre heures, est une crise humanitaire de grande ampleur : plus de la moitié des indien·nes sont payé·es à la journée et ont donc perdu leur unique source de revenu du jour au lendemain.
La chaîne d’approvisionnement a été coupée de manière brutale et la peur de la faim, notamment pour les plus pauvres, est omniprésente : devant les soupes populaires, on voit des queues immenses de 2000 personnes. Le coronavirus nous rappelle les conditions horribles des bidonvilles : des familles dans 2m2 avec un unique point d’eau pour tout le bidonville…
Au Mexique, alors que le président de gauche progressiste minimisait les risques et en appellait à Dieu le 18 mars, il a finalement décrété l’état d’urgence sanitaire le 30 mars.
Pendant ce temps, dès le 16 mars, l’armée zapatiste écrivait dans son communiqué : « face à l’absence des mauvais gouvernements, encourager tou·tes, au Mexique et dans le monde, à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur des bases scientifiques, leur permettent d’aller de l’avant et de sortir vivant·es de cette pandémie ». Elle a laissé les communautés choisir les mesures appropriées au contexte local.
Mais n’allons pas croire que les personnes en Europe soient toutes des privilégiées. La situation des migrant·es en Grèce est catastrophique : un WC pour 167 personnes et une douche pour 242…
Avoir peur des dystopies qui s’infiltrent dans le réel
La peur fait aujourd’hui partie de notre quotidien. Les médias assènent des chiffres de morts jour après jour qui sont difficiles à remettre en perspective sans point de comparaison. Le gouvernement communique de façon incohérente et privilégie les annonces de dernière minute, ce qui ne favorise pas la sérénité.
Nous avons peur pour nos proches et moins proches qui sont âgé·es, pour nos proches et moins proches qui sont obligé·es d’aller ou de retourner ou boulot… Nous avons peur aussi devant l’incertitude de quoi sera fait le futur.
Certain·es craignent d’ailleurs que cette période que nous vivons oriente les États dans un tournant totalitaire, comme le mentionne CrimethInc qui envisage que ce changement pourrait avoir lieu pendant la période de confinement.
Et en effet, l’État intensifie son contrôle. Il finance l’achat de drones de surveillance dans une période où l’argent semblerait utilement dirigé vers les hôpitaux, les prisons, les structures d’aide aux plus vulnérables…
Il se penche aussi sur l’application StopCovid développée par Orange, à laquelle La Quadrature du Net oppose une série d’arguments, dont certains nous rappellent bien que des mesures prises en temps d’urgence pour cibler un phénomène spécifique peuvent par la suite étendre leur champ de contrôle bien au-delà (c’est une des caractéristiques que Raphaël Kempf attribue aux lois scélérates, dont il a récemment produit une analyse).
Camille Espedite et Anna Borrel décrivent quant à elles un processus de domination douce de l’État via la domiciliation : faire du domicile le nouveau lieu d’assujettissement, nœud modal pour le boulot (pour celleux en télétravail), la consommation (grâce à Amazon), les loisirs (via Netflix), la sociabilité (merci Zoom)…
Devant tous ces phénomènes qui semblent aujourd’hui s’accélérer, nous pouvons avoir peur, dans un « pire scénario qui serait déjà là ». Nous pouvons aussi avoir peur que nos réponses militantes, dans le contexte du Covid-19, divergent et nous divisent : CrimethInc voit deux façons de répondre qui peuvent s’opposer, entre « celles et ceux qui sont investi·es dans la résistance à tout prix et celles et ceux qui considèrent que prendre le risque de propager le virus est irresponsable si bien qu’ils et elles préfèrent une capitulation totale ».
Pouvons-nous nous proposer de prendre en compte cette peur, de la reconnaître et de nous en servir ?
Par exemple, certain·es d’entre nous avons peur devant les morts causés par Covid-19 : pouvons-nous étendre l’attention que nous portons aux conséquences de cette pandémie aux autres maladies épidémiques et pandémiques qui touchent le monde (VIH, Ebola, etc.) ?
L’idée n’est pas de nier l’importance de nos peurs et émotions actuelles, ni d’instaurer une compétition entre maladies pour un nombre de morts record (tout comme trouver qui est le ou la plus opprimé·e n’est pas pertinent). Nous pouvons en revanche donner à ces peurs et émotions une dimension politique, réfléchir à la façon dont nous pouvons, avec nos affects, transformer nos rapports au monde, au politique, à la maladie, comme le suggère Aïcha Liviana Messina.
Cela nous permet aussi d’accueillir ces peurs en nous et aussi certaines de leurs contradictions (vouloir agir de façon solidaires avec les soignant·es dans une réelle empathie avec elleux vs. souffrir de ne pas rencontrer des personnes proches et rompre le confinement pour une ou deux d’entre elles par exemple).
Dans une analyse du récent recueil de textes de Donna Haraway publié en français, Laura Aristizabal Arango souligne que D. Haraway nous dit que « toute réponse [face à des temps douloureux] se fait à partir des contradictions d’une situation, c’est-à-dire en composant avec ses troubles ».
Reconnaître nos craintes et les utiliser pour ouvrir notre attention serait un moyen de rendre visible d’autres histoires, d’autres pratiques. C’est l’appel de D. Haraway qui nous propose de dévoiler de nouvelles histoires pour notre présent, des histoires qui ouvrent des brèches. C’est une démarche issue du féminisme que de proposer des histoires alternatives à notre monde, pour y ouvrir de nouvelles perspectives (comme le fait par exemple Silvia Federici dans Caliban et la Sorcière ou le résume Émilie Hache ici).
Et il semble bien que nous ayons besoin de nouvelles perspectives pour inventer comment nous voulons vivre aujourd’hui et demain, comme y appellent des articles récents (ici ou là, par exemple).
Peut-être devons-nous aussi penser un temps qui ne sera pas un après mais restera un pendant la pandémie, penser une façon d’agir qui ne soit pas une dichotomie entre « résistance à tout prix » et « capitulation totale ».
D’un âge à l’autre dans la vie confinée
Quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on trouve le temps long.
Quand on a 70 ans, on a la menace, brandie par le président du conseil scientifique puis balayée par l’exécutif, que le temps du confinement soit encore rallongé, pour sa propre sécurité. Toutefois, l’avocat en droit du travail Jacques Hardy rappelle qu’obliger les seniors à se confiner relèverait d’une mesure discriminatoire ; le droit de la santé précise clairement que le corps médical ne peut imposer des soins sans le consentement de la personne (sauf soins psychiatriques), chacun·e dispose de son propre corps et peut décider ou non de prendre des risques. Les plus grands risques étant peut-être l’ennui et la solitude.
Quand on a 90 ans, le confinement, c’est comme du temps volé aux peu d’années qui restent à parcourir.
Quand on a 15 ans et qu’on est géré par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), les temps sont durs. Comme l’explique cette tribune, de nombreux enfants, confinés chez leurs parents ou en chambres d’hôtels, ne rencontrent plus leurs éducateur·ices que par Whatsapp. Et les centres manquent de personnel, forcé·es de rester chez elleux pour garder leurs propres mômes.
Quand on a quelques jours, qu’on est né·e prématuré·e pendant le confinement, la peur des soignant·es peut priver de la présence de ses parents, du contact en peau à peau, de l’allaitement, comme raconté dans cette tribune de la présidente de SOS préma.
Du coup, même quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on se dit qu’il est peut-être temps de chercher des solutions différentes, non coercitives. Temps aussi de nous confronter aux fractures générationnelles et à notre propre peur de vieillir, et de nous demander : dans quelle société voudrions nous fêter nos 70, 80 ou 90 ans ?
Le conseil scientifique fait-il encore de la science ?
Être scientifique, ce n’est pas avoir des titres et des diplômes ; c’est avoir une méthode, des faits, et, bien souvent, des doutes.
Dans ses trois premiers rapports, le conseil scientifique s’appuyait sur une large bibliographie. Dès le quatrième, ses seules références semblent être Santé publique France et des sondages d’opinion, et ce alors que de nombreux papiers de recherches sont publiés chaque jour sur le Covid-19.
Or, la science n’est pas neutre ; le choix des données qu’un·e scientifique juge pertinente ou non est éminemment politique.
Ainsi, le conseil scientifique fait porter ses espoirs sur les tests de dépistage PCR (Polymerase chain reaction), pour déconfiner ou pour isoler les contaminé·es dans les Ehpad et prisons. Pourtant, des études mentionnent 30 % de faux négatifs[1] parmi les malades ayant des lésions pulmonaires au scanner (donc des taux de virus sans doute plus élevés que les personnes peu ou pas symptomatiques), voire plus de 50 % au premier test pour des personnes testées plusieurs fois.
De même, on n’a encore aucune donnée sur la fiabilité d’un éventuel test sérologique. Si ces examens sont utiles à l’hôpital pour prendre en charge une personne, à titre individuel, fonder ses espoirs dessus à l’échelle populationnelle, sans mentionner leurs failles pourtant bien démontrées, relève d’un idéal techniciste un peu naïf et malheureusement très répandu parmi les chercheur·euses.
Ne pas citer ses sources a d’autres conséquences.
Dans le rapport du 2 avril, le conseil scientifique estime ainsi qu’au maximum 10 ou 15 % des habitant·es des départements les plus touchés ont contracté le Covid-19, sans que l’on sache comment le calcul a été fait, les tests sérologiques n’étant pas disponibles à grande échelle.
C’est là que la lacune bibliographique se fait pesante : en effet, si les premières séries qualitatives chinoises donnaient des taux de mortalité allant parfois jusqu’à 2 %, en Islande, où le dépistage a été massif, et donc où l’on est moins passé à côté de patient·es peu ou pas symptomatiques, le taux de mortalité est de l’ordre de 0,3 % (néanmoins, la population islandaise n’est pas forcément totalement comparable à la population française).
Dans le Haut-Rhin, avec une population de 764.000 habitant·es et 548 mort·es au 12 avril, si on pense que 2 % des personnes touchées par le virus en meurent, on arrive à la conclusion que 3,6 % de la population du département a été touchée. Mais si on prend un taux de mortalité à 0,3 %, on arrive à un taux de personnes contaminées de 24 % ; si on ajoute, par exemple, 40 % de faux négatifs, on peut arriver jusqu’à 40 % de personnes contaminées, peut-être plus si on avait des données exhaustives concernant les Ehpad.
Selon la manière dont les calculs sont faits, dont les données pertinentes sont choisies, on peut conclure que l’action du gouvernement est efficace ou au contraire que le confinement a échoué. La science ne peut pas toujours fournir immédiatement des données univoques, et le doute doit parfois primer…
Les faux négatifs du test PCR viennent non pas des laboratoires mais du prélèvement lui-même : il s’agit d’enfoncer un coton tige très profondément dans les narines, ce qui est très douloureux et souvent difficile si le ou la soignant·e n’a pas l’habitude de le faire. Certain·es patient·es pourraient également n’avoir que très peu de virus dans les sécrétions nasales. Les prélèvements pulmonaires, qui consistent à injecter de l’eau dans les poumons pour récupérer le virus, sont nettement plus compliqués à réaliser.
Tout dépend donc de la finalité du déconfinement qui influencera la manière dont celui-ci est mis en place.
Si on déconfine pour permettre aux gens de retourner au travail et de continuer à faire marcher la machine économique, alors il faut être clair : nos vies valent plus que leurs profits !
En revanche, si on le fait pour soulager les plus pauvres, les plus précaires en leur permettant de sortir, de permettre la solidarité de se mettre en place, alors c’est une urgence vitale !
Sans indépendance vis-à-vis de l’argent, il paraît compliqué de proposer d’arrêter l’économie comme horizon politique.
Et comment ne pas parler des risques de surveillance généralisée ou de catégorisation de la population liées au déconfinement possible dont nous avons déjà parlé dans notre septième Gazette : passeports selon nos données sanitaires, drones, robots policiers, etc. ?
Mais de quel déconfinement parle-t-on exactement ?
De nombreux·es scientifiques nous préviennent que nous devrons vivre avec l’épidémie pendant très longtemps (nous vous avions déjà parlé de l’article de Terrestres à ce sujet et on a peur d’une seconde vague en Chine actuellement) et qu’il faudra continuer à maintenir des mesures strictes de distanciation sociale.
Tout cela dépend fortement de deux choses que nous n’avons actuellement pas assez : des informations précises sur le virus et des outils pratiques pour limiter la diffusion du virus.
Les informations qui nous permettraient d’y voir plus clair sont par exemple : le taux de mortalité exact du virus (par exemple pour avoir une idée du nombre de personnes infectées selon le nombre de morts), la durée moyenne pendant laquelle on est immunisé·e (par exemple pour savoir si il y a des risques de vagues régulières de coronavirus, voir cette interview d’une chercheuse du CNRS à ce sujet), la rapidité de mutation du virus (par exemple pour savoir s’il sera comme la grippe saisonnière dont une nouvelle souche apparaît tous les ans), le taux de reproduction du virus c’est-à-dire le nombre de personnes moyennes contaminées par une autre (c’est sur ce chiffre que se basent les différentes modélisations que l’on voit dans les médias or celui-ci étant encore imprécis, cela rend toute modélisation douteuse), etc.
Les outils pratiques pour limiter la diffusion du virus dont nous avons besoin sont des masques, une maîtrise collective des gestes barrières et des tests. Plus on aura de masques et plus on maîtrisera les gestes barrières, plus on baissera le taux de contamination et moins l’on aura besoin d’une distanciation sociale stricte.
Pour faire des masques, Streetpress recense plusieurs ressources. Plus on aura de tests, plus on pourra détecter les personnes asymptomatiques qui propagent le virus et les informer pour qu’elles limitent leurs contacts le temps d’être guéri comme le montre l’exemple allemand, voir à ce sujet l’analyse du groupe Jean-Pierre Vernant qui estime que les tests permettent de limiter les morts d’un facteur de 1,7 de manière très empirique.
Si le mouvement émancipateur veut être écouté, réfléchissons collectivement à proposer une façon d’organiser la société qui permette de limiter la mortalité liée à la pandémie tout en préservant les libertés et en n’accentuant pas les inégalités. Ne pensons pas uniquement l’après-confinement mais aussi le pendant car cela risque de durer !
Huit jours après le début du confinement décrété par Emmanuel Macron pour lutter contre la pandémie de coronavirus Sras-Cov-2, l’Union syndicale Solidaires des Côtes-d’Armor publie un communiqué qui fait grand bruit. « Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel ? Un scandale d’Etat ! » Elle propose de redémarrer une production locale et industrielle de masques respiratoires grâce aux compétences locales.
Nous nous sommes entretenus, en visioconférence, avec Serge Le Quéau, l’une des figures du syndicat de lutte Solidaires, retraité de La Poste et membre des instances nationales de l’association altermondialiste Attac. Il a remis dans l’agenda médiatique l’affaire de cette délocalisation de l’usine Honeywell, des Côtes-d’Armor vers la Tunisie, passée sous les radars en 2018.
L’affaire Honeywell raconte le désinvestissement tragique de l’Etat dans la production de masques. Propriété de Spérian jusqu’en 2011, l’usine de Plaintel (22) est alors capable de produire 250 millions de masques respiratoires par an, grâce à plusieurs lignes de production et jusqu’à 280 salarié·es. Ces masques, répondant aux normes européennes FFP2, testés sur place avec rigueur, manquent cruellement au pays aujourd’hui. Nous sommes en pénurie.
C’est aussi le symbole de la désindustrialisation du territoire dans un marché mondial de moins en moins régulé, où la recherche du profit maximum prime avant toute autre considération, en particulier sanitaire ou sociale. Ainsi, non seulement la totalité des effectifs a été licenciée au fil des années et des plans de réorganisation, mais les machines ont été détruites. Envoyées chez le ferrailleur sans émouvoir les pouvoirs publics.
Le Covid-19 oblige les politiques à réagir
Les plus hautes autorités de l’Etat étaient pourtant informées. Un délégué syndical s’est adressé à Emmanuel Macron en 2018, comme en attestent deux courriers de réponse que nous nous sommes procurés, transmis par les chefs de cabinets du président de la République et du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Les échanges se sont arrêtés là.
Toutefois, la proposition de Serge Le Quéau et de Solidaires exprimée dès le 26 mars 2020 pourrait prendre corps, dans un retournement dont l’histoire a le secret. Les collectivités locales (région Bretagne, département des Côtes-d’Armor, ville et agglomération de Saint-Brieuc, commune de Plaintel) discutent du montage d’une coopérative ouvrière de production sous forme de SCIC, dans laquelle d’ancien·nes ouvrièr·es et ingénieur·es d’Honeywell Plaintel pourraient de nouveau exercer leurs compétences. L’apport de l’Etat semble toutefois déterminant. Un geste favorable du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, est donc attendu.
Cette relance est envisagée au mieux pour la fin de l’année 2020 par l’ancien directeur Jean-Jacques Fuan, qui a réuni autour de lui d’ancien·nes salarié·es.
Elle nourrit aussi un bras de fer. Ainsi, l’intersyndicale dont font partie Solidaires et la CGT demande au préfet des Côtes-d’Armor de réunir une table ronde à laquelle ces organisations participeraient. Garantie à leurs yeux pour éviter toute dérive bureaucratique ou récupération politique. La CFDT, majoritaire dans l’ex-usine Honeywell, a dans un premier temps décrit le projet de Solidaires comme aventureux, mais semble s’être depuis rapprochée du dossier.
Tout le monde d’accord, sauf le gouvernement
Mise à jour du 21 avril 2020
Vendredi 17 avril, la secrétaire d’Etat à l’Economie écarte, à ce stade, l’hypothèse d’une participation de l’Etat dans la relance de l’usine de Plaintel. Agnès Pannier-Runacher répond alors au député LR de Loudéac-Lamballe, Marc Le Fur, lors de la première lecture du projet de loi de finance rectificative, dans l’hémicycle de l’Assemblée. Celui-ci estime souhaitable que les 20 à 25 milliards d’augmentation du compte d’affectation spéciale de l’Etat puissent servir à ce type de reconstruction.
« Concernant Plaintel, il s’agit d’une usine dont les locaux ont déjà été repris par une autre entreprise ; les machines ont été soit mises de côté, soit reprises, expose Agnès Pannier-Runacher qui omet de souligner les destructions de machines. Je sais que l’équipe est très motivée pour élaborer un projet. Néanmoins, nous sommes passés de 15 millions de masques produits par mois à 40 millions en avril. Il faut y ajouter 40 autres millions, en provenance de Kolmi Hopen et Paul Boyé Technologies, qui sont en train de renforcer leur capacité de production, ainsi que de Faurecia, de Plastic Omnium, de Michelin, de BB Distribe ; peut-être d’autres viendront-ils de l’usine Cellulose de Brocéliande, pas très loin de Plaintel, mais pas exactement dans le même département, qui démarrera plutôt la production au mois de juin. Nous poussons Cera Engineering, le constructeur français, à travailler avec Michelin, afin d’augmenter sa capacité de production de machines. Je veux vous rassurer : le projet Plaintel constitue peut-être une bonne idée, et j’en ai discuté avec le président de région, mais d’autres pistes existent. » Agnès Pannier-Runacher, secétaire d’Etat à l’économie
Jean-Jacques Fuan est aussi investi politiquement. Il avait été candidat suppléant aux législatives pour le parti de Marc Le Fur en 2017, quelques mois après avoir démissionné de ses mandats, en désaccord avec le maire Modem de Saint-Brieuc, Bruno Joncour. Début avril, c’est à Eric Coquerel qu’il expose la situation dans un entretien diffusé sur Youtube, dans le cadre de la « commission d’enquête de suivi du Covid-19 » lancée par La France Insoumise. L’affaire nourrit depuis la communication du mouvement.
Autre signe qui montre que les frontières politiques sont pour le moins mouvantes sur ce dossier, le principe d’une réouverture est également soutenu par la présidente LREM de l’agglomération briochine, Marie-Claire Diourou, et la section locale du Parti communiste.
Chez Les Républicains, le président du conseil départemental Alain Cadec a envoyé un courrier à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, après une discussion avec Serge Le Quéau, aux opinions pourtant diamétralement opposées aux siennes sur la plupart des sujets. Il ajoute sa voix aux critiques et « regrette l’ambiguïté » de la secrétaire d’Etat.
« A aucun moment la ministre dit qu’elle ne fera pas le geste, minimise le président PS de la région, Loïg Chesnais-Girard dans Le Télégramme. Elle évoque des alternatives dans l’instant présent mais elle ne dit pas qu’elle ne nous aidera pas. […] A Monsieur Fuan de me prouver que c’est viable. On attend qu’il nous donne les dates et les prix. »
Chacun son secrétaire d’Etat
Le président LREM de l’Assemblée nationale joue les équilibristes. Richard Ferrand, qui siège lui-même dans la majorité régionale (tout comme des élu·es PCF), préfère voir le verre à moitié plein. Il classe Agnès Pannier-Runacher et Loïg Chesnais-Girard dans le même camp, estimant qu’ils « soupèsent les chances de succès d’un projet avant de s’engager ».
Ce dernier fait actuellement le tour des entreprises bretonnes pour obtenir des engagements d’achats, faisant vibrer la fibre régionaliste pour évacuer la question de la compétitivité. Lui qui rassure l’intersyndicale en tant que créateur du statut de Scic lorsqu’il était secrétaire d’Etat de Lionel Jospin. Lui encore qui relie les élu·es de la majorité régionale PS-LREM lui ayant accordé leur confiance.
Mais sans commande ni investissement de l’Etat, serait-ce suffisant ?
Nouveau rebondissement dans le sillage d’une visite présidentielle
Mise à jour du mercredi 22 avril
Les tractations entre la Bretagne et Paris semblent progresser puisque le ton s’adoucit mercredi 22 avril. Visiblement investie du dossier par Bruno Le Maire, qui ne pipe mot, Agnès Pannier-Runacher exprime au président de région Chesnais-Girard l’intérêt du gouvernement pour ce projet, dans une lettre dont Le Télégramme publie des extraits.
« Je vous confirme que l’État, via Santé publique France, et sous l’autorité d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, peut se porter acquéreur de masques de protection pour les besoins du système de santé français. »
La secrétaire d’Etat ajoute qu’il « sera possible d’étudier l’achat par l’État d’une partie des volumes produits ».
Une affirmation assortie de réserves majeures car ces commandes dépendront du « calendrier de la production du site de Plaintel », de la « faisabilité » du projet et surtout de sa « compétitivité ». Cela signifie-t-il que l’usine devra s’aligner sur les coûts de production chinois ou tunisiens ? Ou que la forme coopérative du projet déplaît au gouvernement ? Le diable se cache dans les détails.
Solidaires Côtes-d’Armor n’en garde que l’aspect positif et « se félicite de cette prise de position » dans un communiqué. L’organisation en profite pour rappeler la demande de table ronde formulée par l’intersyndicale au préfet et « invite tous les anciens salarié·es de l’usine d’Honeywell, avec leurs organisations syndicales mais aussi tous les citoyen·nes costarmoricain·es à se mobiliser ».
Pour maintenir la pression, elle lance sa propre pétition en ligne qui appuie sur l’intérêt d’une fabrication de masques gérée par une société coopérative d’intérêt collectif.
« [La Scic] permet d’associer tou·tes les acteur·ices du territoire régional et de la filière, décrit le syndicat. Salarié·es, collectivités locales, associations et groupements d’acheteurs siègent à son conseil d’administration. Ces coopératives savent combiner de meilleures conditions de travail, la stabilité de l’emploi et la qualité de la production. »
Un autre texte connaît un certain succès depuis le 10 avril. Une pétition en ligne signée Alonzo Gabriel a recueilli près de 42.000 signatures au 22 avril, à 15 h. Son titre, « Coronavirus en Bretagne : la région en appelle à l’Etat et à l’Europe pour relancer son usine de masques », renvoie vers un article paru dans 20 Minutes. Elle ne fait pas mention de la Scic et contient notamment les mots clés « Frexit » (slogan de l’UPR) et « Gilets jaunes ». De quoi rappeler quelques mauvais souvenirs au chef de l’Etat.
La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).
Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.
Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.
Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.
Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.
Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.
Même CNN en a parlé ! L’ordonnance de référé rendue mardi par le tribunal de Nanterre contraint Amazon France à réduire drastiquement ses activités tant qu’une évaluation des risques de contamination au covid-19 n’est pas menée en association avec les syndicats. Les dirigeants de la firme ont fermé les six entrepôts sur le champ, mais demandent à bénéficier du chômage partiel versé par l’Etat. Une provocation supplémentaire, alors que le procès en appel est fixé pour mardi 21 avril.
Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat. En l’occurence Solidaires.
La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.
Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.
« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »
Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.
Les salaires seront maintenus à 100 % durant ces cinq jours, mais la firme qui emploie environ 10.000 personnes dans le pays, dont un tiers en intérim envisage de les subventionner grâce au chômage partiel. Une demande qui ne manquerait pas d’audace pour une multinationale suspectée de dissimuler des milliards au fisc. Les syndicats de l’entreprise contestent cette demande d’aide auprès de l’Etat, alors que le cours d’Amazon explose en bourse.
Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ».
Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.
Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.
Addendum du 18 avril 2020
La procédure en appel sera jugée mardi 21 avril devant la cour d’appel de Versailles.
Dans un communiqué commun, les syndicats Sud Commerce, CFDT et CGT demandent l’ouverture rapide de négociations. Parmi leurs revendications, on compte la mise en place d’un observatoire national des cas avérés ou suspectés de covid, la réduction de l’activité et des effectifs et bien sûr une consultation des élu·es sur les mesures à mettre en place pour prévenir les risques.
EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.
C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.
Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.
Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.
Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.
Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !
Lieux sordides qui témoignent de la politique répressive menée par les gouvernements successifs en matière d’immigration, les centres de rétention administrative sont des foyers majeurs d’infection au covid-19. Ulcéré·es, les sans-papiers retenus se révoltent. Le Défenseur des droits demande leur libération et questionne l’existence de ces CRA, alors qu’aucune expulsion ne peut être envisagée.
Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.
Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.
Le 12 avril, au CRA de Vincennes (Val-de-Marne), des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.
Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».
On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…
Le tribunal administratif de Paris a reconnu mercredi 15 avril les carences des autorités dans la gestion du CRA Vincennes. Seulement, il n’a ordonné qu’une fermeture de ce centre pendant quatorze jours, entraînant des transferts vers Mesnil-Amelot.
Addendum du samedi 18 avril
Le Défenseur des droits a réitéré sa recommandation de fermer les centres de rétention administrative et de libérer tous les sans-papiers.
Dans un communiqué publié le samedi 18 avril, Jacques Toubon explique avoir interrogé le ministre de l’Intérieur au sujet de la pertinence et de la légalité de ces lieux de privation de liberté, « alors que les perspectives d’éloignement de ces personnes avaient disparu à court terme du fait de la fermeture des frontières ». Il s’appuie notamment sur les derniers constats de la rapporteuses générale des lieux de privation de liberté.
Il observe aussi que « le choix des autorités de reporter les placements en rétention vers le centre du Mesnil-Amelot apparaît comme une option dangereuse pour la santé des personnes retenues comme des personnels qui y travaillent ».
Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.
Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.
Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.
Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.
Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.
Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il faudra lutter encore plus pour la détruire !
D’autant plus que la situation d’une crise non prévue par le capitalisme ouvre le champ des possibles révolutionnaires et contre-révolutionnaires : d’un côté l’émancipation, de l’autre l’extrême droite qui vient et la surveillance généralisée (comme le montre ce reportage glaçant en Chine diffusée par Arte).
Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6).
Contre quoi faudra-t-il lutter et comment le ferons-nous dans les prochaines semaines et mois ? Comment limiter l’influence du pouvoir politique sur nos propres corps ? C’est par des questions ouvertes que la gazette commence et vous apporte ensuite les dernières nouvelles. Des révoltes éclatent dans les centres de rétention administrative, les sous-traitants du nucléaire bossent pour EDF comme si de rien n’était, l’été s’assombrit pour les intermittent·es et Amazon subit un sérieux revers.
Il faudra lutter un peu plus…
Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il va falloir lutter encore plus pour la détruire !
Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6). Il y a de quoi faire !
D’autres histoires à partir de nos corps
Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.
Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.
Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.
Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.
Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.
Révoltes aux CRA de Mesnil-Amelot et de Vincennes
Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.
Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.
Le 12 avril, au CRA de Vincennes, des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.
Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».
On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…
EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.
C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.
Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.
Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.
Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.
Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !
Amazon : le tribunal de Nanterre fait un carton chez les salarié·es
« Première victoire syndicale » jubile Solidaires mardi 14 avril. L’Union syndicale fait plier Amazon France devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Le risque d’attraper le covid-19 dans les entrepôts de la firme justifie la réduction drastique de ses activités. La décision est relayée par CNN.
Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat.
La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.
Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.
« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »
Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.
Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ». Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.
Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.
Les intermittent·es fragilisé·es
La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).
Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.
Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.
Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.
Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.
Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.
La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.
Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons nous !
Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?
Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humains est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.
De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».
Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.
Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !