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Amazon : des dons au goût amer

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre et d’ailleurs ne goûteront probablement pas plus la com’ des multinationales que celle de l’Elysée.

Tandis que certain·es se rendent compte des conséquences des attaques infligées au système de santé, qui en est réduit à servir de plateforme de publicité pour les différentes entreprises se lançant dans la philanthropie, ou que d’autres se souviennent qu’il existe une plateforme de « crowdfunding » efficace, l’impôt, d’autres encore ne perdent pas de vue leurs intérêts.

191114 - Manifestation hôpital Lannion Tout droits réservés Sylvain Ernault - La Déviation
Les manifestations du personnel soignant se succèdent depuis des années, le plus souvent dans une indifférence polie des médias comme des pouvoirs publics. Ici devant l’hôpital de Lannion à l’automne 2019.

Amazon (13 milliard d’euros de bénéfice en 2019), dont le dirigeant, Jeff Bezos est la personne la plus riche du monde, a fait appel aux dons publics pour… payer des congés maladie à ses salarié·es qui tomberaient malades.

Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.

La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

La CFDT a déclenché une grève mercredi, quelques jours après les mises en demeure prononcées par l’inspection du travail, dont nous vous parlions dans notre précédent numéro.

Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.

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De l’art de la com’

Aucun journaliste n’est accrédité pour suivre Emmanuel Macron depuis le très peu opportun attroupement déclenché lors de son passage à Pantin, mardi 7 avril. Une situation qui émeut la très modérée Association de la presse présidentielle.

200410 - Twitter Elysée et Elexis Poulin Emmanuel Macron soignants CHU Kremlin-Bicêtre le 9 avril 2020 - La Déviation
Deux extraits du même échange filmé le 9 avril au CHU du Kremlin-Bicêtre. Le premier sert la propagande présidentielle, le second en montre les limites.

Aucun·e journaliste… ou presque, puisque la Gazette des confiné·es avait des yeux et des oreilles à l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre, jeudi 9 avril, lors d’un déplacement présidentiel cette fois très verrouillé. Témoignage.

« On a su que Macron venait un quart d’heure avant qu’il ne mette effectivement les pieds dans le hall du bâtiment Barré-Sinoussi. Les soignant·es le regardaient depuis les mezzanines aux étages, on n’avait pas le droit de descendre (et nos patient·es qui arrivaient en ambulance des maisons de retraite étaient bloqué·es dehors).

Plusieurs soignant·es l’ont interpellé sur sa politique de gestion de l’hôpital avant le covid et ont fait référence aux « gilets jaunes ».

Il a répondu qu’il n’était pas responsable des politiques des précédents gouvernements, ce à quoi on lui a répondu qu’il avait empiré la situation depuis qu’il était là.

On a applaudi à deux moments : quand une des infirmières l’a interpellé un peu plus agressivement que les autres, et ensuite lorsqu’une a demandé à ce qu’on s’applaudisse entre nous, soignant·es.

C’est là qu’il a applaudi avec nous, et je pense que c’est cette image que l’Élysée a fait tourner ensuite.

Pendant ce temps, des mecs en costard tournaient dans les trois étages de mezza pour empêcher les gens de filmer, sans doute pour pas perturber la com’ officielle. Il faut dire que ça ne se balade pas tout seul, un président de la République, il y avait au moins une trentaine d’agents de sécurité postés un peu partout dans et autour du bâtiment.

Le soir, tout ce beau monde était à Marseille pour rencontrer Raoult : en terme de stratégie de confinement, trimbaler autant de gens dans des hôpitaux plein de malades du covid, alors même qu’on empêche les familles des malades de venir, est une aberration… »

Même sans caméra de télé et malgré la surveillance des agent·es de l’Elysée, une vidéo montrant la teneur des débats circule sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas celle que diffusent les JT.

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SNU : stoppez la note urgemment !

Garde à vous ! Le Service national universel (SNU) plie, mais ne rompt pas (les rangs). Le secrétaire d’État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal, a simplement annoncé le 5 avril une inversion du programme. Les « engagé·es volontaires » commenceront par une mission d’intérêt général fin juin-début juillet avant un séjour de cohésion dans une brigade, « quand les conditions sanitaires le permettront ».

« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait quasi-mystique Emmanuel Macron lundi 16 mars, au moment d’annoncer le confinement. Peut-être ressemblera-t-il plutôt au siècle précédent, tant le SNU sent la naphtaline.

L’uniforme bleu marine et blanc des participant·es est floqué d’une immense cocarde tricolore. Quant aux activités, elles parleront d’avantage aux bidasses qu’aux Copains du monde du Secours pop’. Lever au drapeau à 5 h 30, parcours d’obstacles, culture patriotique, cérémonies en tout genre… Souvenez-vous des malaises survenus pendant l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à Evreux, en plein cagnard, l’an passé.

« L’architecture initiale a en partie été construite par le général Menaouine et son groupe de travail », prévenait Gabriel Attal en janvier 2019. L’armée est décidément un vivier de recrutement majeur pour la macronie, qui vient de charger le général Lizurey d’un auditeur sur la crise du covid-19. Nous en parlions dans notre précédente gazette.

Le site gouvernemental etudiant.gouv.fr fait moins semblant que l’exécutif lorsqu’il explique que le SNU comporte en réalité trois phases et que la dernière, facultative, est celle de l’engagement, notamment dans un corps en uniforme. Les ambitions d’un pouvoir pour sa jeunesse, en somme.

Si cette promesse présidentielle ravit certainement l’électorat réactionnaire, le SNU n’en a pas moins un coût. Sa généralisation à l’horizon 2024 pèserait entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, estime un rapport remis au premier ministre en 2018. Entre 1 et 1,5 milliard, communique plus timidement le gouvernement. Ce qui ne comprend dans aucun des cas les lourds investissements de base pour retaper les casernes.

Il est toutefois permis de douter que ce projet dépassera le stade de l’expérimentation.

S’il était plutôt aisé de trouver 2.000 jeunes intéressé·es par l’armée, la police ou les pompiers lors du lancement, le ministre de la Jeunesse se garde bien d’annoncer un chiffre pour cette année. Le syndicat Solidaires Jeunesse et Sport avance que seules 8.000 inscriptions étaient enregistrées avant le confinement. Or, la barre officielle a été ramenée subrepticement de 40.000 à 30.000.

D’ailleurs, les inscriptions sont prolongées, malgré les relances incessantes auprès des profs, dont a pris connaissance la Fédération nationale de la libre pensée, qui milite pour l’abrogation du SNU.

Quant au coût, il faudra d’autant plus le justifier à l’heure où les CHU créent des cagnottes Leetchi. Sans parler des associations qui s’asphyxient, malgré leurs qualités reconnues en termes d’émancipation, de solidarité et de mixité.

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De l’usage des crises quand on annonce la guerre…

…et des titres à déconstruire : nous ne sommes pas rentré·es en guerre, en tout cas pas contre ce virus.

De plus, la guerre était déjà bien présente : la France intervenait déjà dans des conflits armés avant l’apparition du covid-19, et continuera à le faire ; on nous parlait déjà de guerre contre le terrorisme, contre la drogue, contre les incivilités, etc.

La dénomination « crise », quant à elle, nous laisse une impression de distance : tout comme une crise de nerfs est faite par une personne, la crise sanitaire est faite par le virus, ou la crise climatique est faite par le climat. Or, tant pour le climat que pour le virus, ces « crises » sont les conséquences de rapports sociaux.

Ne transposons cependant pas le type de mesures prises dans le cas de la pandémie covid-19 à l’environnement : les temporalités (à priori brève / longue), les acteurs (humains / tout le vivant) ne sont pas les mêmes.

Ce qui reste bien commun entre ces deux phénomènes, c’est l’utilisation qui peut en être faite par les systèmes politiques et économiques. Le « business as usual » du capitalisme continue de tourner, dans une classique privatisations des profits – socialisation des pertes, qu’il s’agisse d’externalités environnementales ou d’exploitation de nos vies, avec toutes les conséquences délétères associées.

Les situations dites de crise offrent aux systèmes en place des occasions de se débarrasser de plus en plus des garde-fous démocratiques, utilisant ainsi une « stratégie du choc ». Et dans les scénarios de cette stratégie, on peut trouver le coup d’Etat climatique tout comme le coup d’Etat pandémique, des « coup[s] d’Etat ne nécessitant de tirer aucun coup de feu ».

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Technopolice & stratégie du choc

On s’y attendait, c’est maintenant sûr ! Les gouvernements veulent profiter de la crise du coronavirus pour imposer leurs réformes destructrices.

C’est ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc. Et là, on peut être certain·e que les promoteurs de la technopolice se frottent déjà les mains : Thalès, Huawei, IBM… Les projets de surveillance les plus démentiels fleurissent dans les médias.

Bornage téléphonique, GPS, cartes bancaires (rendues presque obligatoires puisque le liquide est de moins en moins accepté) cartes de transport, vidéosurveillance avec reconnaissance faciale : de nombreuses options existent pour nous espionner, comme les a recensées Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État au Numérique reconverti en VRP attitré des outils de traçages pour lutter contre le virus.

Il note aussi trois finalités au traçage : observer les pratiques collectives de mobilité, tracer les contacts des gent·es et contrôler des confinements individuels. Pour le moment, le gouvernement communique uniquement sur une application pour tracer toutes nos rencontres, sur la base du volontariat.

Est-ce qu’une telle application sera seulement utile pour lutter contre le coronavirus ? Il se peut même qu’un tel projet ait des effets pervers en incitant les gent·es à cacher leur maladie pour ne pas devenir des pestiféré·es sociaux… Mais le gouvernement n’a pas besoin de justifier quoi que ce soit : après tout, la moindre augmentation de son pouvoir de surveillance est bonne à prendre ! Encore une fois, on nous vend des « solutions » technologiques (voir la notion de religion du progrès) à un « problème écologique ».

Avant de nous précipiter sur des remèdes miracles, utilisons les outils déjà à notre disposition. Le gouvernement a retardé autant que possible des mesures simples, comme porter un masque en tissu pour éviter de contaminer les autres en toussant, soit-disant parce qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ça marchait (ce qui est faux). Il semble pourtant se précipiter aujourd’hui vers des technologies qui n’ont jamais été testées…

Contre la surveillance généralisée, informons nous, parlons-en et agissons. Individuellement, nous pouvons nous renseigner sur la Quadrature du Net ou lire des brochures d’Infokiosques.net.

200410 - Nothing to hide Jérémie Zommermann La Quadrature du Net - La Déviation
Marc Meillassoux, Mihaela Gladovic ont réalisé le docu « Nothing to hide », sorti en 2017. N’avez-vous vraiment rien à cacher ? Cliquez sur la photo pour accéder un film

Réapproprions-nous nos vies en utilisant, dès que possible, des « low tech » et inventons des façons de lutter contre l’épidémie qui ne nécessitent pas un recours massif à des technologies de surveillance et à un Etat autoritaire.

On peut aussi montrer le documentaire « Nothing to hide » à ses proches. Et on peut utiliser Tor et Tails ou encore remplir les cartes collaboratives des caméras de sécurité.

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La Gazette des confiné·es #7 – Guerre, cocarde et propagande

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre ont-iels applaudi Macron en pleine épidémie de Covid-19 ou est-ce l’Élysée qui pratique la propagande des temps de guerre ? La guerre, ce n’est pas nous qui en parlons c’est l’État qui la nomme, la fait aux Zad et y prépare la jeunesse par le SNU. Quelques réflexions et un tour d’horizon dans une gazette qui se détache de la rumeur des bottes et du bruit des grenades.

Technopolice & stratégie du choc

On s’y attendait, c’est maintenant sûr ! Les gouvernements veulent profiter de la crise du coronavirus pour imposer leurs réformes destructrices.

C’est ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc. Et là, on peut être certain·e que les promoteurs de la technopolice se frottent déjà les mains : Thalès, Huawei, IBM… Les projets de surveillance les plus démentiels fleurissent dans les médias.

Bornage téléphonique, GPS, cartes bancaires (rendues presque obligatoires puisque le liquide est de moins en moins accepté) cartes de transport, vidéosurveillance avec reconnaissance faciale : de nombreuses options existent pour nous espionner, comme les a recensées Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État au Numérique reconverti en VRP attitré des outils de traçages pour lutter contre le virus.

200410 - La Stratégie du choc affiche film Michael Winterbottom Mat Whitercross et Naomi Klein - La Déviation
Le « best-seller » de Naomie Klein a été adapté en film documentaire par Michael Winterbottom et Mat Whitecross, en 2010.

Il note aussi trois finalités au traçage : observer les pratiques collectives de mobilité, tracer les contacts des gent·es et contrôler des confinements individuels. Pour le moment, le gouvernement communique uniquement sur une application pour tracer toutes nos rencontres, sur la base du volontariat.

Est-ce qu’une telle application sera seulement utile pour lutter contre le coronavirus ? Il se peut même qu’un tel projet ait des effets pervers en incitant les gent·es à cacher leur maladie pour ne pas devenir des pestiféré·es sociaux et sociales… Mais le gouvernement n’a pas besoin de justifier quoi que ce soit : après tout, la moindre augmentation de son pouvoir de surveillance est bonne à prendre ! Encore une fois, on nous vend des « solutions » technologiques (voir la notion de religion du progrès) à un « problème écologique ».

Avant de nous précipiter sur des remèdes miracles, utilisons les outils déjà à notre disposition. Le gouvernement a retardé autant que possible des mesures simples, comme porter un masque en tissu pour éviter de contaminer les autres en toussant, soit-disant parce qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ça marchait (ce qui est faux). Il semble pourtant se précipiter aujourd’hui vers des technologies qui n’ont jamais été testées…

Contre la surveillance généralisée, informons nous, parlons-en et agissons. Individuellement, nous pouvons nous renseigner sur la Quadrature du Net ou lire des brochures d’Infokiosques.net.

200410 - Nothing to hide Jérémie Zommermann La Quadrature du Net - La Déviation
Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic ont réalisé le docu « Nothing to hide », sorti en 2017. N’avez-vous vraiment rien à cacher ? Cliquez sur la photo pour accéder un film

Réapproprions-nous nos vies en utilisant, dès que possible, des « low tech » et inventons des façons de lutter contre l’épidémie qui ne nécessitent pas un recours massif à des technologies de surveillance et à un Etat autoritaire.

On peut aussi montrer le documentaire « Nothing to hide » à ses proches. Et on peut utiliser Tor et Tails ou encore remplir les cartes collaboratives des caméras de sécurité.

De l’usage des crises quand on annonce la guerre…

…et des titres à déconstruire : nous ne sommes pas rentré·es en guerre, en tout cas pas contre ce virus. De plus, la guerre était déjà bien présente : la France intervenait déjà dans des conflits armés avant l’apparition du covid-19, et continuera à le faire ; on nous parlait déjà de guerre contre le terrorisme, contre la drogue, contre les incivilités, etc.

La dénomination « crise », quant à elle, nous laisse une impression de distance : tout comme une crise de nerfs est faite par une personne, la crise sanitaire est faite par le virus, ou la crise climatique est faite par le climat. Or, tant pour le climat que pour le virus, ces « crises » sont les conséquences de rapports sociaux.

200410 - L'anthropocène contre l'histoire livre d'Andreas Malm aux éditions La Fabrique - La Déviation
Anthropocène ou capitalocène. Le maître de conférence en géographie humaine en Suède Andreas Malm se penche sur ce débat dans un essai traduit et publié par La Fabrice en 2017.

Ne transposons cependant pas le type de mesures prises dans le cas de la pandémie covid-19 à l’environnement : les temporalités (à priori brève / longue), les acteurs (humain·es / tout le vivant) ne sont pas les mêmes.

Ce qui reste bien commun entre ces deux phénomènes, c’est l’utilisation qui peut en être faite par les systèmes politiques et économiques. Le « business as usual » du capitalisme continue de tourner, dans une classique privatisations des profits – socialisation des pertes, qu’il s’agisse d’externalités environnementales ou d’exploitation de nos vies, avec toutes les conséquences délétères associées.

Les situations dites de crise offrent aux systèmes en place des occasions de se débarrasser de plus en plus des garde-fous démocratiques, utilisant ainsi une « stratégie du choc ». Et dans les scénarios de cette stratégie, on peut trouver le coup d’Etat climatique tout comme le coup d’Etat pandémique, des « coup[s] d’Etat ne nécessitant de tirer aucun coup de feu ».

SNU : stoppez la note urgemment !

Garde à vous ! Le Service national universel (SNU) plie, mais ne rompt pas (les rangs). Le secrétaire d’État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal, a simplement annoncé le 5 avril une inversion du programme. Les « engagé·es volontaires » commenceront par une mission d’intérêt général fin juin-début juillet avant un séjour de cohésion dans une brigade, « quand les conditions sanitaires le permettront ».

200410 - Pétition dites non au SNU - La Déviation
Plusieurs pétitions réclament l’abandon du Service national universel (SNU). Celle de Samuel Béguin a recueilli 6.000 signatures en ligne.

« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait quasi-mystique Emmanuel Macron lundi 16 mars, au moment d’annoncer le confinement. Peut-être ressemblera-t-il plutôt au siècle précédent, tant le SNU sent la naphtaline.

L’uniforme bleu marine et blanc des participant·es est floqué d’une immense cocarde tricolore. Quant aux activités, elles parleront d’avantage aux bidasses qu’aux Copains du monde du Secours pop’. Lever au drapeau à 5 h 30, parcours d’obstacles, culture patriotique, cérémonies en tout genre… Souvenez-vous des malaises survenus pendant l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à Evreux, en plein cagnard, l’an passé.

« L’architecture initiale a en partie été construite par le général Menaouine et son groupe de travail », prévenait Gabriel Attal en janvier 2019. L’armée est décidément un vivier de recrutement majeur pour la macronie, qui vient de charger le général Lizurey d’un auditeur sur la crise du covid-19. Nous en parlions dans notre précédente gazette.

Le site gouvernemental etudiant.gouv.fr fait moins semblant que l’exécutif lorsqu’il explique que le SNU comporte en réalité trois phases et que la dernière, facultative, est celle de l’engagement, notamment dans un corps en uniforme. Les ambitions d’un pouvoir pour sa jeunesse, en somme.

Si cette promesse présidentielle ravit certainement l’électorat réactionnaire, le SNU n’en a pas moins un coût. Sa généralisation à l’horizon 2024 pèserait entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, estime un rapport remis au premier ministre en 2018. Entre 1 et 1,5 milliard, communique plus timidement le gouvernement. Ce qui ne comprend dans aucun des cas les lourds investissements de base pour retaper les casernes.

Il est toutefois permis de douter que ce projet dépassera le stade de l’expérimentation.

S’il était plutôt aisé de trouver 2.000 jeunes intéressé·es par l’armée, la police ou les pompiers lors du lancement, le ministre de la Jeunesse se garde bien d’annoncer un chiffre pour cette année. Le syndicat Solidaires Jeunesse et Sport avance que seules 8.000 inscriptions étaient enregistrées avant le confinement. Or, la barre officielle a été ramenée subrepticement de 40.000 à 30.000.

D’ailleurs, les inscriptions sont prolongées, malgré les relances incessantes auprès des profs, dont a pris connaissance la Fédération nationale de la libre pensée, qui milite pour l’abrogation du SNU.

Quant au coût, il faudra d’autant plus le justifier à l’heure où les CHU créent des cagnottes Leetchi. Sans parler des associations qui s’asphyxient, malgré leurs qualités reconnues en termes d’émancipation, de solidarité et de mixité.

De l’art de la com’

Aucun journaliste n’est accrédité pour suivre Emmanuel Macron depuis le très peu opportun attroupement déclenché lors de son passage à Pantin, mardi 7 avril. Une situation qui émeut la très modérée Association de la presse présidentielle.

200410 - Twitter Elysée et Elexis Poulin Emmanuel Macron soignants CHU Kremlin-Bicêtre le 9 avril 2020 - La Déviation
Deux extraits du même échange filmé le 9 avril au CHU du Kremlin-Bicêtre. Le premier sert la propagande présidentielle, le second en montre les limites.

Aucun·e journaliste… ou presque, puisque La Gazette des confiné·es avait des yeux et des oreilles à l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre, jeudi 9 avril, lors d’un déplacement présidentiel cette fois très verrouillé. Témoignage.

« On a su que Macron venait un quart d’heure avant qu’il ne mette effectivement les pieds dans le hall du bâtiment Barré-Sinoussi. Les soignant·es le regardaient depuis les mezzanines aux étages, on n’avait pas le droit de descendre (et nos patient·es qui arrivaient en ambulance des maisons de retraite étaient bloqué·es dehors).

Plusieurs soignant·es l’ont interpellé sur sa politique de gestion de l’hôpital avant le covid et ont fait référence aux « gilets jaunes ».

Il a répondu qu’il n’était pas responsable des politiques des précédents gouvernements, ce à quoi on lui a répondu qu’il avait empiré la situation depuis qu’il était là.

On a applaudi à deux moments : quand une des infirmières l’a interpellé un peu plus agressivement que les autres, et ensuite lorsqu’une a demandé à ce qu’on s’applaudisse entre nous, soignant·es.

C’est là qu’il a applaudi avec nous, et je pense que c’est cette image que l’Élysée a fait tourner ensuite.

Pendant ce temps, des mecs en costard tournaient dans les trois étages de mezza pour empêcher les gens de filmer, sans doute pour pas perturber la com’ officielle. Il faut dire que ça ne se balade pas tout seul, un président de la République, il y avait au moins une trentaine d’agents de sécurité postés un peu partout dans et autour du bâtiment.

Le soir, tout ce beau monde était à Marseille pour rencontrer Raoult : en termes de stratégie de confinement, trimbaler autant de gens dans des hôpitaux plein de malades du covid, alors même qu’on empêche les familles des malades de venir, est une aberration… »

Même sans caméra de télé et malgré la surveillance des agent·es de l’Elysée, une vidéo montrant la teneur des débats circule sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas celle que diffusent les JT.

Des dons au goût amer

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre et d’ailleurs ne goûteront probablement pas plus la com’ des multinationales que celle de l’Elysée.

Tandis que certain·es se rendent compte des conséquences des attaques infligées au système de santé, qui en est réduit à servir de plateforme de publicité pour les différentes entreprises se lançant dans la philanthropie, ou que d’autres se souviennent qu’il existe une plateforme de « crowdfunding » efficace, l’impôt, d’autres encore ne perdent pas de vue leurs intérêts.

191114 - Manifestation hôpital Lannion Tout droits réservés Sylvain Ernault - La Déviation
Les manifestations du personnel soignant se succèdent depuis des années, le plus souvent dans une indifférence polie des médias comme des pouvoirs publics. Ici devant l’hôpital de Lannion à l’automne 2019.

Amazon (13 milliard d’euros de bénéfice en 2019), dont le dirigeant, Jeff Bezos est la personne la plus riche du monde, a fait appel aux dons publics pour… payer des congés maladie à ses salarié·es qui tomberaient malades.

Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.

La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

La CFDT a déclenché une grève mercredi, quelques jours après les mises en demeure prononcées par l’inspection du travail, dont nous vous parlions dans notre précédent numéro.

Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.

Industrialisation & coronavirus

Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?

Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humain·es est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.

De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».

Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.

Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !

Évacuation de Zad pendant le confinement

Ce qui est pratique quand on est un État qui met en confinement toute sa population, c’est qu’on peut ne pas respecter ses propres règles.

200411 - Zad de la Dune expulsée et brûlée à Bretignolles-sur-mer en Vendée le 8 avril 2020 2 - La Déviation
La Zad de la Dune en Vendée a été expulsée le 8 avril au soir par un important dispositif policier. Des habitant·es de la charmante cité de Bretignolles ont ensuite brûlé les cabanes et brutalisé les animaux, selon les témoignages des zadien·nes.

C’est ce qui s’est passé en Vendée lors de l’évacuation, ce mercredi 8 avril vers 20 h, de la Zad de la Dune, installée pour lutter contre un projet de port de plaisance destructeur (la mairie affirme que les lieux étaient vide et que ce n’était pas légalement une expulsion). Dans leur communiqué, les zadistes parlent de 70 habitant·es de Brétignolles aidé·es par les services techniques municipaux brûlant leurs cabanes…

La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.

Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons-nous !

Illustration de une : visuel du site technopolice.fr

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Face au covid : aux masques citoyen·nes !

Dans notre gazette numéro 4, nous vous proposions de coudre des masques en tissu réutilisable, en réponse à la pénurie. Alors que le gouvernement s’apprête à revoir sa doctrine, nous déconstruisons les critiques formulées contre le fait maison.

Petit rappel de la situation : au début de l’épidémie de covid, on s’est aperçu que les stocks stratégiques de masques étaient franchement légers. Le gouvernement a alors décrété que le port du masque ne servait à rien pour les personnes qui ne sont pas au contact de malades. Le conseil scientifique recommandait pourtant, dans son premier rapport du 12 mars 2020, de mettre des masques chirurgicaux à disposition des populations.

Ce qui était assez pratique, c’est que l’OMS tenait la même position, en ne plaçant pas le port du masque dans la liste des gestes barrières permettant de lutter contre la propagation du virus.

En regardant un peu autour du monde, on se rend compte que certains pays ne le voient pas de la même manière. En Corée du Sud par exemple, le port généralisé du masque a été encouragé par le gouvernement, qui organise le rationnement pour que tout le monde puisse en acheter deux par semaine. La Corée du Sud partait avec un petit avantage : le port du masque y est déjà répandu à cause de la pollution et il est vu aujourd’hui comme un acte citoyen qui évite de contaminer les autres.

Plutôt que de reconnaître son mensonge initial sur les masques, le gouvernement parle de « réévaluer la doctrine ». On peut donc s’attendre à ce que le port du masque soit recommandé, voire rendu obligatoire pour pouvoir sortir de chez soi.

En République Tchèque, la situation était un peu moins favorable. La tendance était plutôt de se moquer des rares personnes qui portaient des masques. Mais grâce à une grosse mobilisation, les masques cousus se sont imposés en quelques jours et font maintenant partie des recommandations officielles. Le fait que presque tout·es les Tchèques disposent d’une machine à coudre a sans doute aidé.

200410 - Aux masques citoyens Jeunes femmes portant des masques artisanaux Crédits Masao Mask - La Déviation

Ces derniers jours, de nombreux autres pays ont suivi. L’Italie inclut le port généralisé du masque dans son plan de sortie de confinement. En France aussi, l’idée commence à faire son chemin. L’Académie des sciences recommande le port de masques « grand public » pour toute la population, en réservant les masques chirurgicaux et FFP2 pour les soignant·es. Plutôt que de reconnaître son mensonge initial sur les masques, le gouvernement parle de « réévaluer la doctrine ». On peut donc s’attendre à ce que le port du masque soit recommandé, voire rendu obligatoire pour pouvoir sortir de chez soi.

Ces décisions posent de nombreuses questions d’approvisionnement.

La plupart des masques chirurgicaux sont désormais fabriqués en Chine, après la fermeture de nombreuses usines, comme celle d’Honeywell dans les Côtes-d’Armor, en 2018. C’est donc le monde entier qui cherche aujourd’hui à se fournir auprès d’un seul pays, ce qui fait monter les prix et encourage tous les coups fourrés entre pays, voire régions d’un même pays pour rafler les stocks de masques produits.

Une autre difficulté est celle de la répartition des stocks, réquisitionnés par l’État, qui risque de faire l’objet de nombreux arbitrages à tous les niveaux de distribution : vaut-il mieux donner les stocks à la police ou aux facteurs (réponse dans notre gazette numéro 5) ? Aux personnes âgées ou aux travailleur·euses ? Aux cadres ou aux personnes sans domicile ? Ces questions continueront de se poser tant que l’épidémie ne se sera pas arrêtée puisque les masques que le gouvernement envisage d’acheter sont jetables et qu’il faut donc les renouveler souvent (en principe toutes les trois heures).

Vers une production locale et solidaire ?

Une alternative à la consommation effrénée de masques jetables serait de suivre l’exemple tchèque en cousant des masques réutilisables. Cette méthode présente de nombreux avantages, même si les masques obtenus n’ont pas les mêmes propriétés que les masques chirurgicaux et FFP2, comme on le verra ensuite.

Tout d’abord, elle peut être mise en place localement, avec des matériaux facilement accessibles : les masques peuvent être cousus avec du tissu de récup’. Avec une machine à coudre, même sans trop s’y connaître initialement, on peut facilement réaliser quelques dizaines de masques et les partager autour de soi.

En procurer à toute la population semble donc un objectif réaliste.

200410 - Aux masques citoyens Personne fabriquant des masques cousus main Crédit Kelly Sikkema - La Déviation

Dès le début de l’épidémie, le discours officiel sur les masques a été largement critiqué en France et des appels à porter des masques ont été formulés, par des soignant·es, des personnes engagées sur les questions de santé publique et des particulier·es. Le collectif Stop postillons a fait un travail remarquable de collecte d’informations et d’initiatives sur les masques et autres écran de protection pour les particuliers. Par ailleurs, la pénurie de masques a poussé des soignant·es à faire appel à des couturièr·es pour fournir des masques en tissu, à défaut de masques homologués.

De très nombreuses initiatives ont alors essaimé, notamment sur les réseaux sociaux, pour fabriquer des masques et d’autres protections pour les soignant·es, mais aussi les commerçant·es ou ses voisin·es. Les réseaux d’entraide, référencés par Covidentraide, ont relayé dès le début du confinement cette solidarité.

L’agence française de normalisation a produit un guide précieux pour la fabrication en série et la fabrication artisanale de masques barrière.

Les sites et blogs consacrés à la couture ont permis une diffusion rapide des masques en produisant de nombreux tutoriels de couture, ainsi que des articles d’explication sur le fonctionnement des protections respiratoires et la réglementation.

Des entreprises du secteur textile se sont aussi réorganisées pour produire des protections respiratoires. À Lille, le CHU et un réseau d’entreprises et d’associations ont mis au point un protocole de fabrication et procédé à des tests en laboratoire, ce qui a donné lieu à l’initiative des Masques en Nord, pour la fabrication de masques pour les soignant·es. Des kits sont envoyés à des couturièr·es volontaires, puis les masques sont collectés. En une semaine, plus de 15.000 personnes se sont portées volontaires.

De nombreux modèles de masques ont été proposés. Les plus répandus sont un modèle à plis, similaire aux masques chirurgicaux, un modèle « canard », de même forme que les FFP2 et un modèle à couture centrale, diffusé notamment par le CHU de Grenoble au début de la crise. On peut réaliser ces masques de nombreuses façons en changeant le type de tissu et le nombre de couches. Certains modèles utilisent un filtre qui doit être changé.

L’agence française de normalisation a produit un guide précieux pour la fabrication en série et la fabrication artisanale de masques barrière. Ce guide détaille la fabrication des masques et le cadre approprié d’utilisation. Il recommande d’éviter les coutures centrales et propose des protocoles pour fabriquer des masques à plis et canards. Pour obtenir le guide, il faut fournir une adresse mail à l’Afnor afin d’obtenir les mises à jour et les rectificatifs. Des informations sur la façon d’utiliser le guide pour les particulier·es sont disponibles ici.

L’efficacité des masques et le rôle de l’expertise

200410 - Aux masques citoyens Masque artisanal tendu au-dessus d'un étal Crédits Liza Pooor - La Déviation

La pénurie de masques et la gestion de crise qui a suivi posent de nombreuses questions intéressantes sur le rôle de l’expertise.

En France, la gestion gouvernementale s’est basée sur un déni de l’utilité des masques en dehors du cadre médical. Ce choix a probablement été fait pour éviter que les particuliers ne se ruent sur les stocks et pour réserver les masques chirurgicaux et FFP2 pour les soignant·es. Il repose sur une conception pessimiste de la réaction publique, selon laquelle la première réaction des personnes face à la crise serait de chercher des moyens de se protéger, de manière purement égoïste.

Cette vision se retrouve aussi dans la grande importance attachée aux vols et détournements de masques dans les hôpitaux. La classe gouvernante, ainsi que les médias ont ainsi lourdement insisté sur ces vols, au point d’en faire une explication de la pénurie. Comme si les quelques dizaines, voire centaines de milliers de masques dérobés pouvaient être la cause du problème, alors qu’il manque des centaines de millions de masques par rapport aux plans de réaction aux épidémies conçus dans les années 2000 et progressivement déconstruits depuis 2010.

Cette vision d’une foule apeurée, prête à se jeter sur des produits de première nécessité se double aussi d’une infantilisation de la population, qui serait incapable de comprendre les enjeux de l’épidémie, de même que les gestes barrière. Celle-ci peut être perçue dans la manière dont les mesures sont annoncées au dernier moment, sans prendre un temps préalable pour expliquer leur intérêt.

De nombreuses questions essentielles en période d’épidémie sont présentées comme trop techniques pour être accessible au grand public. L’exemple caricatural est celui de la porte-parole du gouvernement qui prétend ne pas savoir utiliser un masque, puisqu’il s’agit d’un geste technique, inaccessible aux personnes non formées.

Par exemple à la mi-mars, les mesures de fermeture des commerces et de confinement ont été annoncées à peine une demi-journée avant leur mise en œuvre à chaque fois, provoquant des mouvements de masse qui ont pu contribuer à propager le virus. Certes, les mesures sont prises en fonction de la situation sanitaire, qui évolue très vite. Cependant, qui peut croire qu’au moment où le confinement a été annoncé, il n’avait pas été envisagé depuis au moins plusieurs semaines.

Communiquer sur le confinement, son intérêt et ses modalités avant de le décréter, en insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un outil éventuel qui interviendrait au moment opportun aurait permis d’éviter notamment les nombreux départs de dernière minute.

Cette méthode de gouvernement par l’ignorance pose aussi problème à travers le rôle qu’elle fait jouer à l’expertise. Pour mieux exclure les citoyen·nes de la décision, le gouvernement surjoue en effet le rôle des expert·es. De nombreuses questions essentielles en période d’épidémie sont présentées comme trop techniques pour être accessible au grand public. L’exemple caricatural est celui de la porte-parole du gouvernement qui prétend ne pas savoir utiliser un masque, puisqu’il s’agit d’un geste technique, inaccessible aux personnes non formées.

Cette anecdote permet d’illustrer un élément essentiel, au cœur du débat sur l’utilité et l’efficacité des masques artisanaux. Il est vrai que les protections respiratoires nécessitent d’être utilisées correctement pour être efficaces. Dans le cadre professionnel, leur utilisation est régie par un cadre réglementaire et un ensemble de normes, qui permettent de s’assurer que la filtration est supérieure à un certain seuil. Pour rassurer les membres du gouvernement, on trouve facilement en ligne des ressources sur l’utilisation des protections respiratoires, qui sont employées à l’hôpital, mais aussi dans de nombreux secteurs industriels, dans l’agriculture, etc.

200410 - Aux masques citoyens Pile de masques faits maison en République Tchèque 01 Crédits Vera Davidova - La Déviation

Il va de soi qu’un masque artisanal ne remplit pas les critères réglementaires pour être utilisé, en temps normal, dans le milieu médical. Il n’est donc pas étonnant que des professionnels de la santé aient pris des positions pour expliquer que ces masques ne peuvent pas servir de masques chirurgicaux, comme l’ont rappelé la Société française des sciences de la stérilisation et la Société française d’hygiène hospitalière. En revanche, cela ne signifie pas que ces masques ne permettent pas de limiter la transmission du virus.

Lorsque les masques artisanaux ont commencé à se répandre, de nombreux débats, parfois houleux ont eu lieu sur les réseaux sociaux autour de leur efficacité. Des personnes de bonne foi, qui voulaient simplement se protéger sans avoir la prétention de fabriquer un dispositif médical ont été attaquées sur la base d’arguments d’autorité reposant sur des experts. On pouvait pourtant trouver en ligne des articles scientifiques qui attestaient de l’intérêt des masques artisanaux pour le grand public, même si ils excluaient leur utilisation dans le cadre médical.

Les masques jouent donc un rôle de protection individuelle, mais aussi de protection collective.

Il y a donc eu des mécanismes de marginalisation de connaissances, par un ensemble d’acteur·ices en situation de pouvoir sur les discours concernant l’épidémie, parmi lesquel·les le gouvernement et les agences de l’état en charge de la santé publique, une partie des soignant·es, mais aussi une partie de la presse. En effet, des journalistes, dans le courant de la vérification d’information, ont repris les arguments du gouvernement et des médecins pour conclure que les masques artisanaux étaient inutiles, voire contre-productifs.

Les Décodeurs du Monde concluent par exemple que « seuls les masques normés sont valables pour les malades (suspectés, testés…) et les soignant·es. Pour tous les autres, y compris les personnes en lien avec du public, respecter les distances de sécurité, se laver les mains et éternuer et tousser dans son coude, restent des moyens plus sûrs de se tenir à distance du virus que se couvrir d’un masque fait maison, peu efficace et faussement rassurant ».

Cette marginalisation repose sur une confusion entre deux rôles joués par les masques : porter un masque permet d’éviter d’être contaminé·e en présence d’une personne malade mais aussi de ne pas répandre dans l’air des gouttelettes qui peuvent contaminer les autres si on est soi-même malade. Les masques jouent donc un rôle de protection individuelle, mais aussi de protection collective. En principe, un masque FFP2 vise avant tout à assurer une protection individuelle, tandis qu’un masque chirurgical est conçu d’abord comme un écran anti-postillons. Cependant, ces masques jouent les deux rôles puisqu’ils permettent en pratique de filtrer à la fois l’air inspiré et expiré.

Le rôle de protection collective a été négligé pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la focalisation sur les besoins de masques pour les soignant·es, renforcée par la pénurie, a poussé à considérer les masques avant tout comme des protections individuelles et à mettre l’accent sur leur conditions d’utilisation en milieu médical. On a donc oublié le rôle que les masques peuvent avoir dans la population, à savoir ralentir la propagation de l’épidémie.

Ensuite, le gouvernement a minimisé le rôle des masques, dans le but de faire respecter ses mesures de confinement. D’une part, il ne fallait pas que des personnes se sentent en sécurité avec le port du masque et décident donc de sortir plus. D’autre part, il fallait éviter que les travailleur·euses sommé·es de continuer à faire tourner l’épidémie exercent leur droit de retrait en l’absence de masques. Ceci a aussi conduit à affirmer que les masques ne servent qu’en présence de malades. Ce message, abondamment relayé, ignore totalement la transmission par des personnes asymptomatiques, dont des cas on pourtant été suspectés en Chine et en Allemagne dès la fin du mois de février.

Face à ce premier discours inspiré par les pratiques hospitalières, un deuxième discours s’est propagé, plutôt centré sur une approche épidémiologique, selon laquelle le port du masque généralisé permet de réduire la transmission, notamment par les personnes asymptomatiques qui continuent de travailler. Les partisan·nes de cette approche insistent sur le fait que n’importe quel dispositif, sans homologation peut jouer un rôle dès lors qu’il filtre une partie des gouttelettes exhalées. Le masque est alors vu comme une façon de protéger les autres et non comme une protection individuelle, même si il remplit partiellement ce rôle.

La situation de crise pousse les différent·es acteur·ices à agir de manière non conforme aux normes, réglementations et procédures usuelles, ce qui génère des tensions entre des postures exploratoires et régulatrices.

Ce discours a été renforcé par la situation de crise : en l’absence de matériel aux normes pour l’ensemble de la population, il vaut mieux privilégier le système D et la fabrication maison. Il a donc été largement relayé chez les particuliers habitués à la confection maison, notamment les couturièr·es et les membres de la communauté de l’impression 3D qui s’est tournée vers la fabrication d’écrans faciaux. Il a par ailleurs été porté par des chercheur·ses et des spécialistes de questions de santé publique, notamment porté·es sur l’épidémiologie, la physique et les modélisations numériques et raisonnant à l’échelle des populations.

L’émergence d’un mouvement important de fabrication de masques en tissu, artisanaux et industriels a conduit certains acteurs institutionnels à s’intéresser à la question. Alors qu’il y avait initialement peu de données sur l’efficacité de ces masques, des tests ont été réalisés, par exemple par la DGA qui s’est mise en contact avec des industriels fabriquant des masques. De son côté, l’Afnor a assuré un travail d’élaboration d’exigences, qui ne constituent pas une norme française, mais qui fournissent un cadre de fabrication et d’usage des masques. Elle développe le concept de masque barrière, permettant de limiter la transmission du virus et s’ajoutant aux gestes barrières déjà mis en place, comme la distanciation sociale et le lavage des mains.

De manière remarquable, ces institutions agissent ici en dehors de leur cadre habituel. La situation de crise pousse les différent·es acteur·ices à agir de manière non conforme aux normes, réglementations et procédures usuelles, ce qui génère des tensions entre des postures exploratoires et régulatrices. La remise en question du fonctionnement habituel offre des espaces de liberté et d’expérimentation à des particulièr·es qui créent des patrons de couture, mais aussi des pratiques de santé publique, comme le fait de porter le masque hors des cadres définis par le gouvernement, ou des pratiques culturelles, avec la valorisation du port du masque, notamment en encourageant à poster des photos de soi masqué·e sur internet.

Ces pratiques peuvent ensuite être reprises et légitimées par certain·es acteur·ices institutionnel·les. Elles sont aussi attaquées par d’autres, qui craignent une remise en question de leur situation dominante. Le pouvoir politique s’inquiète de la remise en question de sa doctrine, de même qu’une partie des médecins ne peuvent tolérer l’émergence de pratiques de santé qui ne viendraient du corps médical. Leurs arguments sont joyeusement partagés par des médias qui voient d’un mauvais œil la circulation d’information autrement que par leur biais et ont donc prompt à s’attaquer à ce qu’ils présentent comme des « fake news ».

Sur la question des masques, les positions ne sont pas figées et les mêmes acteur·ices ont pu changer de discours, notamment avec l’évolution de la situation. Un consensus semble en train de se former sur l’utilisation généralisée de masques et le gouvernement est en train de se retourner, avec la reconnaissance du rôle des masques, mais aussi du fait que sa position était dictée par la pénurie.

À nos machines à coudre

200410 - Aux masques citoyens Atelier de fabrication de masques artisanaux Crédits Sarah Dao - La Déviation

Comme on l’a vu, la fabrication de masques, qui s’est lancée spontanément à de nombreux endroits et a donné lieu à un mouvement important, a conduit les institutions, jusqu’au gouvernement à réagir, parfois en accompagnant le mouvement ou en reconnaissant leurs erreurs. Le changement de discours officiel des autorités ne signifie cependant pas que la bataille est gagnée.

En effet, les tentatives de gestion des stocks de la part de l’État vont continuer et se faire d’autant plus pressantes que le port du masque se généralisera. Ce contrôle s’accompagnera d’arbitrages sur les personnes autorisées à en avoir, tant que le stock ne sera pas suffisamment massif pour fournir toute la population.

Par ailleurs, on peut craindre que l’État décide de s’associer avec un partenaire unique de grande taille ou à un faible nombre de partenaires pour la fabrication de masques en tissus, afin de maximiser son contrôle sur l’approvisionnement.

Dans cette hypothèse, la créativité et la réactivité fournies par le grand nombre d’initiatives locales de fabrication de masques seraient perdues. De plus, la gestion de la pénurie de masques par les autorités démontre que la protection du public et la véracité de la communication gouvernementale passent après le contrôle de la population. Il est donc important que la production de masques artisanaux continue, afin de s’assurer que tout le monde dispose d’une protection adéquate, le plus vite possible. À nos machines !

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Sous le masque de l’efficacité, le bâillon des libertés

« La ministre de la Justice fait vaciller encore un peu plus notre État de droit, sans “états d’âme” », déplore le Syndicat de la magistrature. La plus haute juridiction administrative a en effet validé vendredi la prolongation automatique des détentions provisoires.

Des prévenu·es, présumé·es innocent·es dans l’attente de leur jugement, restent derrière les barreaux sans pouvoir se défendre. L’ordonnance du 25 mars modifiant la procédure pénale prolonge de deux ou trois mois la durée maximale des détentions provisoires ordonnées lors d’informations judiciaires sur des délits et de six mois dans les procédures criminelles.

Des dispositions dénoncées par l’Association des avocats pénalistes, l’Union des jeunes avocats, le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme, l’Observatoire international des prisons et donc le Syndicat de la magistrature. Leur référé a été rejeté sans débat, fût-il organisé en visio.

La libération de 9 % des prisonnièr·es, en fin de peine, annoncée par la chancellerie au 1er avril ne règle pourtant pas le problème de la surpopulation carcérale, pour laquelle la France est régulièrement condamnée. Maisons d’arrêt et centres pénitentiaires comptent encore plus de 66.000 détenu·es pour environ 61.000 places, au mépris de la loi qui impose l’encellulement individuel.

200407 - Carte du Covid-19 dans les prisons françaises by Observatoire international des prisons - La Déviation
L’Observatoire international des prisons tient à jour une carte des cas de Covid-19 détectés dans les prisons françaises. Cliquez dessus pour y accéder

Parallèlement, l’épidémie se propage. Le nombre de détenus testés positif au Covid-19 a bondi de 55 %, passant en cinq jours jours de 31 à 48, selon l’administration. Des données probablement sous-estimées quand, au même moment, 114 agents pénitentiaires sont testés positifs et 931 renvoyés chez eux. Au moins un prisonnier et un surveillant en sont morts.

Un bilan qui n’empêche pas les juges de prononcer des mandats de dépôt pour violation répétée du confinement. Le Panier à salade en recense douze au 6 avril à 11 h, grâce aux articles parus dans la presse nationale et régionale, auxquels s’ajoute un placement sous surveillance électronique pour un garçon de 19 ans, contrôlé quatre fois sans attestation en bon et due forme, dans l’agglomération de Grenoble. Soit 60 mois de prison ferme distribués, compte L’Envolée dans son flash info sur les prisons.

Ce nouveau délit voté par les parlementaires dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire fait d’ailleurs l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), déposée par plusieurs avocats dont Raphaël Kempf. Elle a néanmoins peu de chances d’être examinée. Le gouvernement, pour une fois prévoyant, a suspendu l’obligation de traitement des QPC jusqu’au 30 juin. Un bâillon qu’accepte de porter le Conseil constitutionnel, qui a validé le volet organique de la loi d’urgence sanitaire, alors même que l’article 46 de la loi fondamentale a été violé en pleine conscience.

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Sentinelles résilientes

Annoncée le 25 avril, l’opération Résilience se déploie petit à petit dans les régions. L’armée était déjà bien associée à la gestion de la crise, avec la présence à Matignon du général ayant supervisé l’évacuation de la ZAD de NDDL. Et maintenant, cette opération lui donne des missions de santé, de logistique et de protection, tout ça de façon assez floue.

Il faut bien occuper les militaires, puisqu’avec le confinement l’opération Sentinelle perd un peu de son sens (ça au moins c’est de l’adaptation résiliente). La protection, ce sera donc celle de convois de masques, d’entrées d’hôpitaux, de rues vides

Mais protection contre quoi ? Contre qui ? Si l’on en croit Macron, c’est la guerre contre le virus. A moins qu’il ne se persuade que des armes l’arrêtent, doit-on penser qu’il s’agit alors de neutraliser de potentiel·les porteur·euses du virus qui, tel·les des zombies, se rueraient sur les livraisons de masques ? Peut-être qu’il nous faut alors entendre résiliation plutôt que résilience

Ce qui semble plus certain, c’est que les vieilles habitudes ne changent pas : les « banlieues » restent désignées comme les irresponsables indisciplinées, le député LR Eric Ciotti ayant justement suggéré d’y envoyer l’armée tout récemment.

Quant aux opérations hors de France, si les militaires français·es en Irak ont été rapatrié·es « temporairement », le reste semble continuer à rouler. L’outil militaire de gestion de crise aujourd’hui déployé en France a contribué à la création ou à l’intensification de bien d’autres crises ailleurs. On reprend les mêmes, on recommence avec les mêmes recettes : pas très résilient tout ça.

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Quelles stratégies face au coronavirus ?

Lorsque les stratégies des différents États sont évoquées, un axe semble faire consensus dans une partie de la presse : il y a les gentils qui confinent et les irresponsables qui veulent l’immunité de groupe.

Cette opposition, simpliste, n’a pourtant pas beaucoup de sens. Que peut-il arriver au virus ? Soit il circule librement et massivement (herpès, HPV), soit il est complètement éradiqué (variole), soit une part importante de la population est immunisée et les résurgences sont rares et localisées (oreillons, rougeole).

La première option n’est pas souhaitable vue la létalité de ce virus, la seconde semble difficile à moyen terme (pour la variole, il a fallu 200 ans).

Pour la troisième, la stratégie n’est pas unique : le confinement en attendant un vaccin, mais ça prendra du temps, le laisser-faire de crevard capitaliste, ou des voies médianes comme l’exposition au virus selon la vulnérabilité en protégeant les personnes plus âgées ou à risque (ce qui n’est pas assez bien fait).

Il n’y a pas qu’un type de confinement, que ce soit dans la méthode plus ou moins autoritaire, ou dans l’effet recherché. Évidemment, prévoir l’effet produit dépend des connaissances sur la propagations des épidémies, qui sont en pleine construction.

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« Masquarade »

Dans un récent communiqué, l’Académie des sciences recommande le port généralisé du masque, comme en République Tchèque et dans d’autres pays.

Selon les sources des collectifs masks4all et stop-postillons, le masque, même non optimal, réduit la probabilité de contaminer autrui par les microgoutelettes lorsqu’on éternue ou qu’on parle, notamment pour les personnes asymptomatiques mais contagieuses. Ce geste s’ajoute, sans les remplacer, aux autres gestes barrières (la contamination reste possible si on ne se lave pas les mains après avoir touché une surface infectée). Le masque dissuade en outre de porter la main au visage.

Mais les masques se font rares, entre autres à l’hôpital, où les masques chirurgicaux et FFP2 restent l’option la plus sûre pour éviter la contamination par les grandes quantités de virus aérosolisées par les patient-es toussant dans les respirateurs. Les stocks de masques non utilisés peuvent être ramenés en pharmacie.

Restent les masques en tissus, réutilisables après un lavage en machine d’au moins 30 minutes à 60°C. Le guide de l’Agence française de normalisation recommande d’éviter les masques à couture centrale, comme nous vous l’indiquions dans notre quatrième gazette, préférant celui décrit par exemple dans ce tuto ici ou dans le tutoto de Paris-Luttes.info. Vous aussi pouvez faire un masque sans machine, avec une simple serviette et une agrafeuse.

Le gouvernement, un temps opposé à la généralisation du masque, pourrait changer d’avis, se rangeant tardivement derrière l’avis de son conseil scientifique. Les masques pourraient devenir obligatoires pendant et après le confinement.

L’État organisera-t-il la production d’un certain type de masques, interdisant les autres et contrôlant par là nos déplacements ? Pour l’en empêcher, généralisons la production de masques artisanaux et améliorons les pour qu’ils deviennent le plus efficace possible. A vos machines !

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Malades psychiatriques, éternels laissés-pour-compte

Dans les unités de soins psychiatriques des hôpitaux, s’organiser pour lutter contre le covid-19 se fait aussi, sous des modalités qui semblent similaires aux autres unités. Le sens attribué à l’arrêt du serrage de main pour se dire bonjour apparaît cependant porteur de bien plus de signification.

Au-delà d’un simple geste barrière, c’est un geste de proximité entre un·e soignant·e et un·e patient·e, à l’heure où certain·es médecins le refusent encore par dégoût de ce type de pathologie. La distanciation sociale imposée par le virus remet à l’ordre du jour ce mépris et annule de nombreuses pratiques du soin psychiatrique. La gestion de la crise du covid-19 devient ainsi une anti-psychiatrie.

Si la psychiatrie a dû, tout comme les autres services de l’hôpital public, souffrir des nombreuses restriction budgétaires, elle sait aussi aujourd’hui que ses patient·es ne seront pas prioritaires. Et même au sein des patient·es, plus la pathologie par laquelle on les aura défini·es sera jugée lourde, moins ielles auront de chance d’être accepté·es en réanimation.

Dans un monde où l’écoute, l’interaction et la reconnaissance en tant que personne devraient faire partie intégrante du soin, tout cela a des relents de fonction de régulation sociale plus drastique encore que ce qui est déjà discuté. Regarder ce qui est défini comme maladie psychiatrique nous montre ce que la société considère comme une « vie réussie ».

Et au-delà du confinement et des patient·es aujourd’hui dans les unités ou en soin, des psychiatres pensent à l’après. De nombreux·ses soignant·es livrent des témoignages glaçants de la crise et ielles seront probablement nombreux·ses à souffrir de ce qui est nommé syndrome post-traumatique.

Les personnes confiné·es dans des conditions difficiles, ou ayant dû travailler dans des conditions difficiles aussi. Et même sans conditions difficiles, que dire de toutes ces personnes qui arrivent à gérer des symptômes d’angoisse au quotidien mais n’ont plus les ressources habituelles pour y faire face ? Quel·les soignant·es seront encore présent·es pour prendre soin de toutes ces personnes ? Comment pouvons-nous nous aussi penser à prendre soin d’elles après, et pas seulement pendant ?

C’est peut-être l’occasion de regarder vers une pratique autogestionnaire du soin, par exemple ici ou .

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