Etudiante en année sabbatique et demandeuse d’emploi dans le domaine de l’aide à la personne, Violette et Marie ont décidé de s’investir dans la mobilisation contre la loi « Sécurité globale » et les autres textes liberticides du gouvernement Macron-Darmanin. C’est sur le marché de Lannion, ville des Côtes-d’Armor où elles traversent cette période de couvre-feu, que les deux amies sont passées d’étal en étal, une liasse de tracts dans les mains, avant la manifestation du 16 janvier 2021.
Avec d’autres copines, elles ont proposé aux client·s comme aux commerçant·s de leur transmettre un message personnel susceptible d’être scandé à la fin de la Marche des libertés programmée ce samedi. Une intiative spontanée qui complète les actions menées localement par une coordination composée d’une vingtaine de syndicats, assocations, partis de gauche et collectifs. Lannion a déjà connu un rassemblement et une marche aux flambeaux ayant rassemblé plus de 320 personnes chaque fois, depuis fin novembre.
Par le biais de cette criée, Violette et Marie escomptent surtout donner la parole à leurs pairs, âgé·es de la vingtaine, à leurs yeux sous-représenté·es dans l’espace public. Or, les restrictions de libertés décidées pendant la crise sanitaire du Coronavirus, dont certaines risquent de se pérenniser, pèsent lourd sur le moral des étudiant·es et jeunes travailleur·ses, qui aimeraient voyager, faire la fête ou tout simplement partager des moments à plusieurs.
La progression du chômage et les perspectives sombres pour l’économie accentuent le malaise d’une partie de la jeunesse, déjà confrontée à la précarité sur le marché du travail. Une jeunesse qui subit ou constate par ailleurs une répression policières de plus en plus fréquente dès qu’elle souhaite hausser le ton.
Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre ont-iels applaudi Macron en pleine épidémie de Covid-19 ou est-ce l’Élysée qui pratique la propagande des temps de guerre ? La guerre, ce n’est pas nous qui en parlons c’est l’État qui la nomme, la fait aux Zad et y prépare la jeunesse par le SNU. Quelques réflexions et un tour d’horizon dans une gazette qui se détache de la rumeur des bottes et du bruit des grenades.
Technopolice & stratégie du choc
On s’y attendait, c’est maintenant sûr ! Les gouvernements veulent profiter de la crise du coronavirus pour imposer leurs réformes destructrices.
C’est ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc. Et là, on peut être certain·e que les promoteurs de la technopolice se frottent déjà les mains : Thalès, Huawei, IBM… Les projets de surveillance les plus démentiels fleurissent dans les médias.
Bornage téléphonique, GPS, cartes bancaires (rendues presque obligatoires puisque le liquide est de moins en moins accepté) cartes de transport, vidéosurveillance avec reconnaissance faciale : de nombreuses options existent pour nous espionner, comme les a recensées Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État au Numérique reconverti en VRP attitré des outils de traçages pour lutter contre le virus.
Il note aussi trois finalités au traçage : observer les pratiques collectives de mobilité, tracer les contacts des gent·es et contrôler des confinements individuels. Pour le moment, le gouvernement communique uniquement sur une application pour tracer toutes nos rencontres, sur la base du volontariat.
Est-ce qu’une telle application sera seulement utile pour lutter contre le coronavirus ? Il se peut même qu’un tel projet ait des effets pervers en incitant les gent·es à cacher leur maladie pour ne pas devenir des pestiféré·es sociaux et sociales… Mais le gouvernement n’a pas besoin de justifier quoi que ce soit : après tout, la moindre augmentation de son pouvoir de surveillance est bonne à prendre ! Encore une fois, on nous vend des « solutions » technologiques (voir la notion de religion du progrès) à un « problème écologique ».
Avant de nous précipiter sur des remèdes miracles, utilisons les outils déjà à notre disposition. Le gouvernement a retardé autant que possible des mesures simples, comme porter un masque en tissu pour éviter de contaminer les autres en toussant, soit-disant parce qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ça marchait (ce qui est faux). Il semble pourtant se précipiter aujourd’hui vers des technologies qui n’ont jamais été testées…
Contre la surveillance généralisée, informons nous, parlons-en et agissons. Individuellement, nous pouvons nous renseigner sur la Quadrature du Net ou lire des brochures d’Infokiosques.net.
On peut aussi montrer le documentaire « Nothing to hide » à ses proches. Et on peut utiliser Tor et Tails ou encore remplir les cartes collaboratives des caméras de sécurité.
La dénomination « crise », quant à elle, nous laisse une impression de distance : tout comme une crise de nerfs est faite par une personne, la crise sanitaire est faite par le virus, ou la crise climatique est faite par le climat. Or, tant pour le climat que pour le virus, ces « crises » sont les conséquences de rapports sociaux.
Ne transposons cependant pas le type de mesures prises dans le cas de la pandémie covid-19 à l’environnement : les temporalités (à priori brève / longue), les acteurs (humain·es / tout le vivant) ne sont pas les mêmes.
Ce qui reste bien commun entre ces deux phénomènes, c’est l’utilisation qui peut en être faite par les systèmes politiques et économiques. Le « business as usual » du capitalisme continue de tourner, dans une classique privatisations des profits – socialisation des pertes, qu’il s’agisse d’externalités environnementales ou d’exploitation de nos vies, avec toutes les conséquences délétères associées.
Les situations dites de crise offrent aux systèmes en place des occasions de se débarrasser de plus en plus des garde-fous démocratiques, utilisant ainsi une « stratégie du choc ». Et dans les scénarios de cette stratégie, on peut trouver le coup d’Etat climatique tout comme le coup d’Etat pandémique, des « coup[s] d’Etat ne nécessitant de tirer aucun coup de feu ».
SNU : stoppez la note urgemment !
Garde à vous ! Le Service national universel (SNU) plie, mais ne rompt pas (les rangs). Le secrétaire d’État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal, a simplement annoncé le 5 avril une inversion du programme. Les « engagé·es volontaires » commenceront par une mission d’intérêt général fin juin-début juillet avant un séjour de cohésion dans une brigade, « quand les conditions sanitaires le permettront ».
« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait quasi-mystique Emmanuel Macron lundi 16 mars, au moment d’annoncer le confinement. Peut-être ressemblera-t-il plutôt au siècle précédent, tant le SNU sent la naphtaline.
L’uniforme bleu marine et blanc des participant·es est floqué d’une immense cocarde tricolore. Quant aux activités, elles parleront d’avantage aux bidasses qu’aux Copains du monde du Secours pop’. Lever au drapeau à 5 h 30, parcours d’obstacles, culture patriotique, cérémonies en tout genre… Souvenez-vous des malaises survenus pendant l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à Evreux, en plein cagnard, l’an passé.
« L’architecture initiale a en partie été construite par le général Menaouine et son groupe de travail », prévenait Gabriel Attal en janvier 2019. L’armée est décidément un vivier de recrutement majeur pour la macronie, qui vient de charger le général Lizurey d’un auditeur sur la crise du covid-19. Nous en parlions dans notre précédente gazette.
Le site gouvernemental etudiant.gouv.fr fait moins semblant que l’exécutif lorsqu’il explique que le SNU comporte en réalité trois phases et que la dernière, facultative, est celle de l’engagement, notamment dans un corps en uniforme. Les ambitions d’un pouvoir pour sa jeunesse, en somme.
Si cette promesse présidentielle ravit certainement l’électorat réactionnaire, le SNU n’en a pas moins un coût. Sa généralisation à l’horizon 2024 pèserait entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, estime un rapport remis au premier ministre en 2018. Entre 1 et 1,5 milliard, communique plus timidement le gouvernement. Ce qui ne comprend dans aucun des cas les lourds investissements de base pour retaper les casernes.
Il est toutefois permis de douter que ce projet dépassera le stade de l’expérimentation.
D’ailleurs, les inscriptions sont prolongées, malgré les relances incessantes auprès des profs, dont a pris connaissance la Fédération nationale de la libre pensée, qui milite pour l’abrogation du SNU.
Quant au coût, il faudra d’autant plus le justifier à l’heure où les CHU créent des cagnottes Leetchi. Sans parler des associations qui s’asphyxient, malgré leurs qualités reconnues en termes d’émancipation, de solidarité et de mixité.
Aucun·e journaliste… ou presque, puisque La Gazette des confiné·es avait des yeux et des oreilles à l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre, jeudi 9 avril, lors d’un déplacement présidentiel cette fois très verrouillé. Témoignage.
« On a su que Macron venait un quart d’heure avant qu’il ne mette effectivement les pieds dans le hall du bâtiment Barré-Sinoussi. Les soignant·es le regardaient depuis les mezzanines aux étages, on n’avait pas le droit de descendre (et nos patient·es qui arrivaient en ambulance des maisons de retraite étaient bloqué·es dehors).
Plusieurs soignant·es l’ont interpellé sur sa politique de gestion de l’hôpital avant le covid et ont fait référence aux « gilets jaunes ».
Il a répondu qu’il n’était pas responsable des politiques des précédents gouvernements, ce à quoi on lui a répondu qu’il avait empiré la situation depuis qu’il était là.
On a applaudi à deux moments : quand une des infirmières l’a interpellé un peu plus agressivement que les autres, et ensuite lorsqu’une a demandé à ce qu’on s’applaudisse entre nous, soignant·es.
Pendant ce temps, des mecs en costard tournaient dans les trois étages de mezza pour empêcher les gens de filmer, sans doute pour pas perturber la com’ officielle. Il faut dire que ça ne se balade pas tout seul, un président de la République, il y avait au moins une trentaine d’agents de sécurité postés un peu partout dans et autour du bâtiment.
Le soir, tout ce beau monde était à Marseille pour rencontrer Raoult : en termes de stratégie de confinement, trimbaler autant de gens dans des hôpitaux plein de malades du covid, alors même qu’on empêche les familles des malades de venir, est une aberration… »
Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.
La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».
Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.
Industrialisation & coronavirus
Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?
Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humain·es est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.
De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».
Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.
Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !
Évacuation de Zad pendant le confinement
Ce qui est pratique quand on est un État qui met en confinement toute sa population, c’est qu’on peut ne pas respecter ses propres règles.
La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.
Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons-nous !