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[Vidéos] Des salaires au climat, pourquoi manifestaient-ils ce 13 octobre à Lannion

Quatre mois après les derniers feux de la bataille des retraites, l’intersyndicale du Trégor n’a guère mobilisé au-delà des rangs militants, vendredi 13 octobre 2023. Mais parce qu’il faut se méfier de l’eau qui dort, nous avons tendu l’oreille pour comprendre ce qui fait marcher ceux qui ont fait le déplacement.

Premier rendez-vous syndical majeur depuis la rentrée, si l’on compte à part la mobilisation contre le racisme et les violences policières du 23 septembre, cette journée de grève interprofessionnelle devait rallumer la flamme du mouvement social. À Lannion, sous-préfecture des Côtes-d’Armor, seuls 350 motivés ont suivi les porteurs de banderole pour un « petit tour des ponts » autour du Léguer. Loin des 7.000 manifestants comptés régulièrement par les képis au printemps.

Si les drapeaux de la CGT et de la CFDT ont de nouveau flotté dans la même direction, localement, la confédération Force ouvrière s’est fait porter pâle.

Dans l’argumentaire déployé pour rejoindre les cortèges par la CGT, l’opposition au report de l’âge légal de départ à la retraite n’est plus que la cinquième raison citée. Derrière l’augmentation générale des salaires, l’égalité femmes-hommes, la défense des services publics et la « transition écologique socialement juste ». Volonté de tourner la page ou dépit ? Que ce soit à la tribune ou sur le pavé, nul ne souhaite s’appesantir sur le revers majeur subi plus tôt dans l’année.

« Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir »

« MÊME EN TRAVAILLANT SE LOGER DEVIENT COMPLIQUÉ », ROBIN MAILLOT (UNSA) / Lannion - 13 octobre 2023

« C’est une date européenne qui intervient dans un contexte très difficile pour les citoyens qui ont le moins, convient Robin Maillot, représentant du personnel pour l’Unsa dans l’éducation. Plus ça va, plus les prix augmentent et je pense qu’on n’a pas fini de parler de l’énergie. Les coûts de l’énergie pour les collèges et les lycées, qui vont retomber sur les conseils départementaux et régionaux, vont exploser. »

L’été a aussi laissé des traces à l’hôpital. Faute de personnels suffisants, les urgences de nombreux établissements ne sont régulièrement plus accessibles la nuit sans passer par la régulation du Samu. À Guingamp, les accouchements ne sont plus assurés.

« On voit qu’on gère la misère, constate Robin Maillot. Inversement, on a des aides aux entreprises absolument pas assujetties à des contreparties ce qui est particulièrement inadmissible. Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir. »

La conférence sociale promise par Emmanuel Macron pour se pencher sur les branches professionnelles dont des échelons débutent sous le Smic et inaugurée le 16 octobre par Élisabeth Borne ne suscite aucun enthousiasme.

Dans les rangs de la jeunesse, si les questions sociales demeurent importantes, les préoccupations environnementales affleurent rapidement.

« Je me suis préparé à mourir »

Pancarte louant « la seule planète le kouign-amann existe », Mona, déplore que « le gouvernement ne fasse rien du tout pour l’écologie ». La lycéenne en arts du cirque à Savina, venue spécialement avec ses camarades de Tréguier, aimerait que les politiques s’attaquent à la fast-fashion, à savoir la mode éphémère qui implique une production massive de vêtements dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée voire exploitée. « On s’habille tous en frip’, donc il y a plein de moyens de faire autrement. »

« IL FAUT AGIR CONTRE LA FAST FASHION », MONA ET ZOÉ, LYCÉENNES / Lannion - 13 octobre 2023

Pas beaucoup plus âgé que Mona, Winaël a déjà expérimenté la violence d’État.

« À Sainte-Soline, avant d’y aller, je me suis préparé à mourir, j’ai dû prévenir des proches que potentiellement j’irai mourir et je suis passé pas très loin de la mort », témoigne dans un calme déconcertant ce lycéen nazairien, dont le casque est décoré d’un autocollant “no bassaran”.

Le 25 mars 2023, il participait à la manifestation contre la construction de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, lors de laquelle plus de 5.000 grenades lacrymogènes et de désencerclement ont été tirées par les gendarmes.

Un rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières cosigné par la Ligue des droits de l’homme (LDH) reprend le bilan délivré par les Soulèvements de la Terre, à savoir 200 manifestants blessés dont 40 gravement, 20 mutilées ou au pronostic fonctionnel engagé parmi lesquelles une personne au pronostic vital engagé. Peu après les affrontements, le procureur du département avait lui annoncé 47 gendarmes blessés, dont deux en urgence absolue lors de leur prise en charge, et deux journalistes en urgence relative.

« Si le gouvernement me considère comme “éco-terroriste”, ça en devient une légion d’honneur parce que la vraie répression, la vraie violence, elle n’est pas de soutenir les familles des vitrines. Ce sont les gens qui sont mutilés, qui meurent. […] Même l’Onu considère la France comme une démocratie défaillante, poursuit le militant du Mouvement national lycéen (MNL). Là, le gouvernement veut réautoriser le glyphosate, qui cause des troubles sur les cerveaux des enfants. Il favorise le profit avant tout. »

« AVANT SAINTE-SOLINE, JE ME SUIS PRÉPARÉ À MOURIR », WINAËL (MNL) / Lannion - 13 octobre 2023

Les questions internationales ont quant à elles été soigneusement évitées dans le discours lu à trois voix par des représentantes de la FSU, de la CFDT et de la CGT juste avant le défilé. Les organisations syndicales ont rappelé leur « attachement aux valeurs républicaines, aux libertés démocratiques, individuelles et collectives, en particulier le droit de grève et de manifestation ». Est-ce une allusion au télégramme du ministre de l’Intérieur demandant au préfet d’interdire toute manifestation pro-palestinienne ?

Au pied du podium, un tract distribué par l’association France Palestine Solidarité Trégor met les pieds dans le plat. Après une dénonciation « sans ambiguïté » de l’attaque du Hamas qui a « pris pour cible de très nombreux civils non armés », l’organisation alerte sur la réponse du gouvernement israélien. « Une escalade placée sous le signe de la vengeance » face à laquelle l’AFPS réclame des autorités françaises et européennes qu’elles se mobilisent pour un cessez-le-feu immédiat.

Le chaos du monde qui ébranle la coalition de gauche à l’Assemblée nationale mettra-t-elle en sourdine les aspirations sociales et écologistes ? Alors que la résurgence d’attentats islamistes favorise les discours martiaux et la désignation de boucs émissaires, les militants ont de quoi être inquiets.

« CONTRE L’AUSTÉRITÉ EN FRANCE COMME EN EUROPE », DISCOURS INTERSYNDICAL / Lannion - 13 octobre 2023
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La Gazette des confiné·es #7 – Guerre, cocarde et propagande

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre ont-iels applaudi Macron en pleine épidémie de Covid-19 ou est-ce l’Élysée qui pratique la propagande des temps de guerre ? La guerre, ce n’est pas nous qui en parlons c’est l’État qui la nomme, la fait aux Zad et y prépare la jeunesse par le SNU. Quelques réflexions et un tour d’horizon dans une gazette qui se détache de la rumeur des bottes et du bruit des grenades.

Technopolice & stratégie du choc

On s’y attendait, c’est maintenant sûr ! Les gouvernements veulent profiter de la crise du coronavirus pour imposer leurs réformes destructrices.

C’est ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc. Et là, on peut être certain·e que les promoteurs de la technopolice se frottent déjà les mains : Thalès, Huawei, IBM… Les projets de surveillance les plus démentiels fleurissent dans les médias.

Bornage téléphonique, GPS, cartes bancaires (rendues presque obligatoires puisque le liquide est de moins en moins accepté) cartes de transport, vidéosurveillance avec reconnaissance faciale : de nombreuses options existent pour nous espionner, comme les a recensées Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État au Numérique reconverti en VRP attitré des outils de traçages pour lutter contre le virus.

200410 - La Stratégie du choc affiche film Michael Winterbottom Mat Whitercross et Naomi Klein - La Déviation
Le « best-seller » de Naomie Klein a été adapté en film documentaire par Michael Winterbottom et Mat Whitecross, en 2010.

Il note aussi trois finalités au traçage : observer les pratiques collectives de mobilité, tracer les contacts des gent·es et contrôler des confinements individuels. Pour le moment, le gouvernement communique uniquement sur une application pour tracer toutes nos rencontres, sur la base du volontariat.

Est-ce qu’une telle application sera seulement utile pour lutter contre le coronavirus ? Il se peut même qu’un tel projet ait des effets pervers en incitant les gent·es à cacher leur maladie pour ne pas devenir des pestiféré·es sociaux et sociales… Mais le gouvernement n’a pas besoin de justifier quoi que ce soit : après tout, la moindre augmentation de son pouvoir de surveillance est bonne à prendre ! Encore une fois, on nous vend des « solutions » technologiques (voir la notion de religion du progrès) à un « problème écologique ».

Avant de nous précipiter sur des remèdes miracles, utilisons les outils déjà à notre disposition. Le gouvernement a retardé autant que possible des mesures simples, comme porter un masque en tissu pour éviter de contaminer les autres en toussant, soit-disant parce qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ça marchait (ce qui est faux). Il semble pourtant se précipiter aujourd’hui vers des technologies qui n’ont jamais été testées…

Contre la surveillance généralisée, informons nous, parlons-en et agissons. Individuellement, nous pouvons nous renseigner sur la Quadrature du Net ou lire des brochures d’Infokiosques.net.

200410 - Nothing to hide Jérémie Zommermann La Quadrature du Net - La Déviation
Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic ont réalisé le docu « Nothing to hide », sorti en 2017. N’avez-vous vraiment rien à cacher ? Cliquez sur la photo pour accéder un film

Réapproprions-nous nos vies en utilisant, dès que possible, des « low tech » et inventons des façons de lutter contre l’épidémie qui ne nécessitent pas un recours massif à des technologies de surveillance et à un Etat autoritaire.

On peut aussi montrer le documentaire « Nothing to hide » à ses proches. Et on peut utiliser Tor et Tails ou encore remplir les cartes collaboratives des caméras de sécurité.

De l’usage des crises quand on annonce la guerre…

…et des titres à déconstruire : nous ne sommes pas rentré·es en guerre, en tout cas pas contre ce virus. De plus, la guerre était déjà bien présente : la France intervenait déjà dans des conflits armés avant l’apparition du covid-19, et continuera à le faire ; on nous parlait déjà de guerre contre le terrorisme, contre la drogue, contre les incivilités, etc.

La dénomination « crise », quant à elle, nous laisse une impression de distance : tout comme une crise de nerfs est faite par une personne, la crise sanitaire est faite par le virus, ou la crise climatique est faite par le climat. Or, tant pour le climat que pour le virus, ces « crises » sont les conséquences de rapports sociaux.

200410 - L'anthropocène contre l'histoire livre d'Andreas Malm aux éditions La Fabrique - La Déviation
Anthropocène ou capitalocène. Le maître de conférence en géographie humaine en Suède Andreas Malm se penche sur ce débat dans un essai traduit et publié par La Fabrice en 2017.

Ne transposons cependant pas le type de mesures prises dans le cas de la pandémie covid-19 à l’environnement : les temporalités (à priori brève / longue), les acteurs (humain·es / tout le vivant) ne sont pas les mêmes.

Ce qui reste bien commun entre ces deux phénomènes, c’est l’utilisation qui peut en être faite par les systèmes politiques et économiques. Le « business as usual » du capitalisme continue de tourner, dans une classique privatisations des profits – socialisation des pertes, qu’il s’agisse d’externalités environnementales ou d’exploitation de nos vies, avec toutes les conséquences délétères associées.

Les situations dites de crise offrent aux systèmes en place des occasions de se débarrasser de plus en plus des garde-fous démocratiques, utilisant ainsi une « stratégie du choc ». Et dans les scénarios de cette stratégie, on peut trouver le coup d’Etat climatique tout comme le coup d’Etat pandémique, des « coup[s] d’Etat ne nécessitant de tirer aucun coup de feu ».

SNU : stoppez la note urgemment !

Garde à vous ! Le Service national universel (SNU) plie, mais ne rompt pas (les rangs). Le secrétaire d’État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal, a simplement annoncé le 5 avril une inversion du programme. Les « engagé·es volontaires » commenceront par une mission d’intérêt général fin juin-début juillet avant un séjour de cohésion dans une brigade, « quand les conditions sanitaires le permettront ».

200410 - Pétition dites non au SNU - La Déviation
Plusieurs pétitions réclament l’abandon du Service national universel (SNU). Celle de Samuel Béguin a recueilli 6.000 signatures en ligne.

« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait quasi-mystique Emmanuel Macron lundi 16 mars, au moment d’annoncer le confinement. Peut-être ressemblera-t-il plutôt au siècle précédent, tant le SNU sent la naphtaline.

L’uniforme bleu marine et blanc des participant·es est floqué d’une immense cocarde tricolore. Quant aux activités, elles parleront d’avantage aux bidasses qu’aux Copains du monde du Secours pop’. Lever au drapeau à 5 h 30, parcours d’obstacles, culture patriotique, cérémonies en tout genre… Souvenez-vous des malaises survenus pendant l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à Evreux, en plein cagnard, l’an passé.

« L’architecture initiale a en partie été construite par le général Menaouine et son groupe de travail », prévenait Gabriel Attal en janvier 2019. L’armée est décidément un vivier de recrutement majeur pour la macronie, qui vient de charger le général Lizurey d’un auditeur sur la crise du covid-19. Nous en parlions dans notre précédente gazette.

Le site gouvernemental etudiant.gouv.fr fait moins semblant que l’exécutif lorsqu’il explique que le SNU comporte en réalité trois phases et que la dernière, facultative, est celle de l’engagement, notamment dans un corps en uniforme. Les ambitions d’un pouvoir pour sa jeunesse, en somme.

Si cette promesse présidentielle ravit certainement l’électorat réactionnaire, le SNU n’en a pas moins un coût. Sa généralisation à l’horizon 2024 pèserait entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, estime un rapport remis au premier ministre en 2018. Entre 1 et 1,5 milliard, communique plus timidement le gouvernement. Ce qui ne comprend dans aucun des cas les lourds investissements de base pour retaper les casernes.

Il est toutefois permis de douter que ce projet dépassera le stade de l’expérimentation.

S’il était plutôt aisé de trouver 2.000 jeunes intéressé·es par l’armée, la police ou les pompiers lors du lancement, le ministre de la Jeunesse se garde bien d’annoncer un chiffre pour cette année. Le syndicat Solidaires Jeunesse et Sport avance que seules 8.000 inscriptions étaient enregistrées avant le confinement. Or, la barre officielle a été ramenée subrepticement de 40.000 à 30.000.

D’ailleurs, les inscriptions sont prolongées, malgré les relances incessantes auprès des profs, dont a pris connaissance la Fédération nationale de la libre pensée, qui milite pour l’abrogation du SNU.

Quant au coût, il faudra d’autant plus le justifier à l’heure où les CHU créent des cagnottes Leetchi. Sans parler des associations qui s’asphyxient, malgré leurs qualités reconnues en termes d’émancipation, de solidarité et de mixité.

De l’art de la com’

Aucun journaliste n’est accrédité pour suivre Emmanuel Macron depuis le très peu opportun attroupement déclenché lors de son passage à Pantin, mardi 7 avril. Une situation qui émeut la très modérée Association de la presse présidentielle.

200410 - Twitter Elysée et Elexis Poulin Emmanuel Macron soignants CHU Kremlin-Bicêtre le 9 avril 2020 - La Déviation
Deux extraits du même échange filmé le 9 avril au CHU du Kremlin-Bicêtre. Le premier sert la propagande présidentielle, le second en montre les limites.

Aucun·e journaliste… ou presque, puisque La Gazette des confiné·es avait des yeux et des oreilles à l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre, jeudi 9 avril, lors d’un déplacement présidentiel cette fois très verrouillé. Témoignage.

« On a su que Macron venait un quart d’heure avant qu’il ne mette effectivement les pieds dans le hall du bâtiment Barré-Sinoussi. Les soignant·es le regardaient depuis les mezzanines aux étages, on n’avait pas le droit de descendre (et nos patient·es qui arrivaient en ambulance des maisons de retraite étaient bloqué·es dehors).

Plusieurs soignant·es l’ont interpellé sur sa politique de gestion de l’hôpital avant le covid et ont fait référence aux « gilets jaunes ».

Il a répondu qu’il n’était pas responsable des politiques des précédents gouvernements, ce à quoi on lui a répondu qu’il avait empiré la situation depuis qu’il était là.

On a applaudi à deux moments : quand une des infirmières l’a interpellé un peu plus agressivement que les autres, et ensuite lorsqu’une a demandé à ce qu’on s’applaudisse entre nous, soignant·es.

C’est là qu’il a applaudi avec nous, et je pense que c’est cette image que l’Élysée a fait tourner ensuite.

Pendant ce temps, des mecs en costard tournaient dans les trois étages de mezza pour empêcher les gens de filmer, sans doute pour pas perturber la com’ officielle. Il faut dire que ça ne se balade pas tout seul, un président de la République, il y avait au moins une trentaine d’agents de sécurité postés un peu partout dans et autour du bâtiment.

Le soir, tout ce beau monde était à Marseille pour rencontrer Raoult : en termes de stratégie de confinement, trimbaler autant de gens dans des hôpitaux plein de malades du covid, alors même qu’on empêche les familles des malades de venir, est une aberration… »

Même sans caméra de télé et malgré la surveillance des agent·es de l’Elysée, une vidéo montrant la teneur des débats circule sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas celle que diffusent les JT.

Des dons au goût amer

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre et d’ailleurs ne goûteront probablement pas plus la com’ des multinationales que celle de l’Elysée.

Tandis que certain·es se rendent compte des conséquences des attaques infligées au système de santé, qui en est réduit à servir de plateforme de publicité pour les différentes entreprises se lançant dans la philanthropie, ou que d’autres se souviennent qu’il existe une plateforme de « crowdfunding » efficace, l’impôt, d’autres encore ne perdent pas de vue leurs intérêts.

191114 - Manifestation hôpital Lannion Tout droits réservés Sylvain Ernault - La Déviation
Les manifestations du personnel soignant se succèdent depuis des années, le plus souvent dans une indifférence polie des médias comme des pouvoirs publics. Ici devant l’hôpital de Lannion à l’automne 2019.

Amazon (13 milliard d’euros de bénéfice en 2019), dont le dirigeant, Jeff Bezos est la personne la plus riche du monde, a fait appel aux dons publics pour… payer des congés maladie à ses salarié·es qui tomberaient malades.

Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.

La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

La CFDT a déclenché une grève mercredi, quelques jours après les mises en demeure prononcées par l’inspection du travail, dont nous vous parlions dans notre précédent numéro.

Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.

Industrialisation & coronavirus

Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?

Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humain·es est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.

De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».

Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.

Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !

Évacuation de Zad pendant le confinement

Ce qui est pratique quand on est un État qui met en confinement toute sa population, c’est qu’on peut ne pas respecter ses propres règles.

200411 - Zad de la Dune expulsée et brûlée à Bretignolles-sur-mer en Vendée le 8 avril 2020 2 - La Déviation
La Zad de la Dune en Vendée a été expulsée le 8 avril au soir par un important dispositif policier. Des habitant·es de la charmante cité de Bretignolles ont ensuite brûlé les cabanes et brutalisé les animaux, selon les témoignages des zadien·nes.

C’est ce qui s’est passé en Vendée lors de l’évacuation, ce mercredi 8 avril vers 20 h, de la Zad de la Dune, installée pour lutter contre un projet de port de plaisance destructeur (la mairie affirme que les lieux étaient vide et que ce n’était pas légalement une expulsion). Dans leur communiqué, les zadistes parlent de 70 habitant·es de Brétignolles aidé·es par les services techniques municipaux brûlant leurs cabanes…

La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.

Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons-nous !

Illustration de une : visuel du site technopolice.fr

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La Gazette des confiné·es #1 – Etat d’urgence, techno-police et solidarités

L’état d’urgence, on sait quand ça commence…

Les sénateurs et les députés se sont entendus sur le projet de loi qui instaure l’état d’urgence sanitaire pour deux mois et habilite le gouvernement Philippe à légiférer par ordonnances. Son adoption définitive par les deux chambres est intervenue dimanche après-midi, sans les voix des communistes, insoumis et socialistes. L’opposition de gauche déplore le manque de contrôle du Parlement, des reculs sociaux et l’alourdissement des peines en cas de non-respect répété du confinement.

La principale pierre d’achoppement concernait le dépôt des listes pour les municipales, la droite craignant des tripatouillages en cas de report trop tardif. Finalement, les candidats auront jusqu’au 2 juin pour se rendre en préfecture et le second tour se tiendra le 21 juin, à condition que le comité scientifique donne un feu vert, ce qui est très hypothétique.

Les groupes de gauche ont défendu sans succès des amendements visant à interdire les licenciements, rétablir l’ISF ou fermer les centres de rétention administrative. Ils n’ont pu empêcher l’adoption de dispositions nouvelles qui permettent à l’employeur d’imposer la prises de RTT, de jours de repos ou encore de déroger au repos dominical, au repos hebdomadaire et à la durée légale du temps de travail jusqu’à 48 heures par semaine.

Un fragile garde-fou est posé concernant le départ anticipé en congés payés, pour lesquels un accord d’entreprise sera nécessaire (à moins d’un accord de branche), «  dans la limite de six jours ouvrables ». Toutes les entreprises pourront bénéficier du chômage partiel, pris en charge par l’Etat à hauteur de 84 % du salaire net ou 100 % dans le cas de travailleurs tombant sous le Smic.

Ces mesures d’essence avant tout patronales ne sont pas bornées dans le temps, contrairement à la suspension du jour de carence dans le privé comme dans le public, qui ne vaut que « pour la seule période de l’urgence sanitaire ».

Un amendement “pleins pouvoirs” permet à l’exécutif de limiter davantage encore les libertés d’aller et venir, d’entreprendre et de réunion pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, sur simple décret. Il sera possible de contester ces mesures par le biais d’un référé-suspension devant le tribunal administratif.

Le sport en extérieur ainsi que certains marchés risquent d’ailleurs d’être interdits, suite aux injonctions du Conseil d’Etat, saisi par des médecins demandant un confinement plus strict de la population.

Une quadruple entorse aux mesures de confinement en l’espace d’un mois est désormais passible d’une peine de six mois d’emprisonnement, prononcée en comparution immédiate. Me Kempf dénonce un amendement scélérat, le principe de proportionnalité étant probablement bafoué.

Au moment où la justice tourne au ralenti, où les avocats sont tenus à l’écart des gardes à vue et où la promiscuité carcérale est particulièrement dangereuse pour la santé des détenus comme des surveillants, la création de ce délit rappelle le penchant répressif du pouvoir. L’arbitraire policier risque de prospérer. On pense avant tout aux quartiers populaires qui subissent déjà les contrôles au faciès et où le confinement rime avec enfermement.

Enfin, malgré les alertes venues des bancs de la droite, le volet organique du projet de loi suspend le délai d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Le gouvernement n’entend pas voir son échafaudage s’effondrer comme un château de carte. Le Conseil constitutionnel sera toutefois saisi de cette partie du texte, qui prévoit précisément de le mettre en sourdine.

On n’a pas de masques, mais on a des LBD

Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, promeut l’usage de drones équipés de haut-parleurs (et de caméras) en tant qu’outils de dissuasion contre les promeneurs, dans un clip diffusé par l’AFP. Le réel dépasse la science-fiction. Les mêmes images ont été filmées à Nice, sur la promenade des Anglais, et plus tôt en Italie ou bien sûr en Chine.

S’il s’agit surtout d’un gadget servant la propagande techno-policière, profitons-en pour souligner qu’au moment où les stocks stratégiques de masques se vidaient, passant de 1,6 milliards en 2010 à 150 millions en 2020, selon le ministre de la Santé lui-même, l’Etat investissait massivement dans l’armement.

Ainsi, pas moins de 1.730 lanceurs de LBD, 40.000 grenades GMD et 25 millions de cartouches de fusils d’assaut ont été commandées entre décembre 2018 et juin 2019.

Les esprits malicieux remarqueront que les Gilets jaunes se sont équipés de masques FFP2 voire FFP3 pour se protéger des lacrymo. D’autres esprits plus cruels ajouteront que leurs équipements ont été saisis par la maréchaussée lors de fouilles permises par la loi dite anti-casseurs votée l’an passé !

Les bon samaritains des télécoms

Nous sommes en guerre“, a répété Emmanuel Macron lors de son allocution du 16 mars annonçant (sans le dire explicitement) le confinement du pays. Les industriels ont entendu le signal et surtout repéré les opportunités qu’une telle situation ouvre.

Ainsi, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, propose que les données des abonnés de l’ex-entreprise publique servent à modéliser la propagation de la maladie grâce à la géolocalisation des téléphones. Seul obstacle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui n’apprécie guère ce type de manœuvres. Qu’à cela ne tienne, le patron trouvera sûrement des oreilles plus attentives dans les ministères.

Des propositions similaires ont été formulées aux Etats-Unis, tandis que la Chine utilise déjà la reconnaissance faciale alliée au permis social dans certaines mégapoles pour asseoir son contrôle.

Par ailleurs, la neutralité du net pourrait faire les frais de la situation au nom de la priorité donnée au télétravail dans l’utilisation du réseau. Qu’entendait Macron au juste, le 12 mars, lorsqu’il parlait des “faiblesses de nos démocraties” ?

L’entraide contre la « stratégie du choc »

Comment réagir lorsque le confinement répond à une logique de santé publique mais qu’il renforce du même coup l’Etat policier ? Par l’auto-organisation bien entendu !

Un réseau de solidarité nommé #Covid-Entraide France met en relation les multiples groupes qui se créent partout sur le territoire, avec l’appui de personnalités et professionnels de la santé, de l’alimentation ou du spectacle. Leur appel a été relayé dans des médias de gauche tels que Mediapart, Reporterre ou Lundi Matin. Pas moins de 246 groupes sont recensés au 22 mars sur une carte interactive.

« On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste »

Le député-reporter LFI François Ruffin réalise une libre-antenne chaque soir, lors de laquelle il donne la parole à des travailleuses, travailleurs mais aussi à des scientifiques ou penseurs des dérèglements de notre monde. Cette émission diffusée en direct sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une démarche plus générale autour de son site L’An 01, en référence à la BD de Gébé et au film éponyme. Une autre façon de résister et pour Ruffin de poser un jalon pour l’avenir.

De radio des luttes à radio des huttes

L’Acentrale est le pendant du réseau de sites d’info participatifs Mutu. Créée en décembre pour couvrir les jours de manifs contre la retraite Macron au plus près du terrain, ce collectif de radios diffusant sur les ondes ou sur le web reprend du service pour une mission strictement inverse sur le papier : nous accompagner dans notre confinement.

Tisser du lien pour se donner de la force, partager les initiatives, éviter le repli sur soi, parler politique en pensant aux dominés qui souffrent avant tous les autres de la crise, etc. La lutte ne s’arrête pas dans le foyer !

Illustration : Renault 4CV Police Pie de Monaco & Peugeot D3A Ambulance by Andrew Bone CC BY 2.0

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