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La Gazette des confiné·es #1 – Etat d’urgence, techno-police et solidarités

L’état d’urgence, on sait quand ça commence…

Les sénateurs et les députés se sont entendus sur le projet de loi qui instaure l’état d’urgence sanitaire pour deux mois et habilite le gouvernement Philippe à légiférer par ordonnances. Son adoption définitive par les deux chambres est intervenue dimanche après-midi, sans les voix des communistes, insoumis et socialistes. L’opposition de gauche déplore le manque de contrôle du Parlement, des reculs sociaux et l’alourdissement des peines en cas de non-respect répété du confinement.

La principale pierre d’achoppement concernait le dépôt des listes pour les municipales, la droite craignant des tripatouillages en cas de report trop tardif. Finalement, les candidats auront jusqu’au 2 juin pour se rendre en préfecture et le second tour se tiendra le 21 juin, à condition que le comité scientifique donne un feu vert, ce qui est très hypothétique.

Les groupes de gauche ont défendu sans succès des amendements visant à interdire les licenciements, rétablir l’ISF ou fermer les centres de rétention administrative. Ils n’ont pu empêcher l’adoption de dispositions nouvelles qui permettent à l’employeur d’imposer la prises de RTT, de jours de repos ou encore de déroger au repos dominical, au repos hebdomadaire et à la durée légale du temps de travail jusqu’à 48 heures par semaine.

Un fragile garde-fou est posé concernant le départ anticipé en congés payés, pour lesquels un accord d’entreprise sera nécessaire (à moins d’un accord de branche), «  dans la limite de six jours ouvrables ». Toutes les entreprises pourront bénéficier du chômage partiel, pris en charge par l’Etat à hauteur de 84 % du salaire net ou 100 % dans le cas de travailleurs tombant sous le Smic.

Ces mesures d’essence avant tout patronales ne sont pas bornées dans le temps, contrairement à la suspension du jour de carence dans le privé comme dans le public, qui ne vaut que « pour la seule période de l’urgence sanitaire ».

Un amendement “pleins pouvoirs” permet à l’exécutif de limiter davantage encore les libertés d’aller et venir, d’entreprendre et de réunion pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, sur simple décret. Il sera possible de contester ces mesures par le biais d’un référé-suspension devant le tribunal administratif.

Le sport en extérieur ainsi que certains marchés risquent d’ailleurs d’être interdits, suite aux injonctions du Conseil d’Etat, saisi par des médecins demandant un confinement plus strict de la population.

Une quadruple entorse aux mesures de confinement en l’espace d’un mois est désormais passible d’une peine de six mois d’emprisonnement, prononcée en comparution immédiate. Me Kempf dénonce un amendement scélérat, le principe de proportionnalité étant probablement bafoué.

Au moment où la justice tourne au ralenti, où les avocats sont tenus à l’écart des gardes à vue et où la promiscuité carcérale est particulièrement dangereuse pour la santé des détenus comme des surveillants, la création de ce délit rappelle le penchant répressif du pouvoir. L’arbitraire policier risque de prospérer. On pense avant tout aux quartiers populaires qui subissent déjà les contrôles au faciès et où le confinement rime avec enfermement.

Enfin, malgré les alertes venues des bancs de la droite, le volet organique du projet de loi suspend le délai d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Le gouvernement n’entend pas voir son échafaudage s’effondrer comme un château de carte. Le Conseil constitutionnel sera toutefois saisi de cette partie du texte, qui prévoit précisément de le mettre en sourdine.

On n’a pas de masques, mais on a des LBD

Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, promeut l’usage de drones équipés de haut-parleurs (et de caméras) en tant qu’outils de dissuasion contre les promeneurs, dans un clip diffusé par l’AFP. Le réel dépasse la science-fiction. Les mêmes images ont été filmées à Nice, sur la promenade des Anglais, et plus tôt en Italie ou bien sûr en Chine.

S’il s’agit surtout d’un gadget servant la propagande techno-policière, profitons-en pour souligner qu’au moment où les stocks stratégiques de masques se vidaient, passant de 1,6 milliards en 2010 à 150 millions en 2020, selon le ministre de la Santé lui-même, l’Etat investissait massivement dans l’armement.

Ainsi, pas moins de 1.730 lanceurs de LBD, 40.000 grenades GMD et 25 millions de cartouches de fusils d’assaut ont été commandées entre décembre 2018 et juin 2019.

Les esprits malicieux remarqueront que les Gilets jaunes se sont équipés de masques FFP2 voire FFP3 pour se protéger des lacrymo. D’autres esprits plus cruels ajouteront que leurs équipements ont été saisis par la maréchaussée lors de fouilles permises par la loi dite anti-casseurs votée l’an passé !

Les bon samaritains des télécoms

Nous sommes en guerre“, a répété Emmanuel Macron lors de son allocution du 16 mars annonçant (sans le dire explicitement) le confinement du pays. Les industriels ont entendu le signal et surtout repéré les opportunités qu’une telle situation ouvre.

Ainsi, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, propose que les données des abonnés de l’ex-entreprise publique servent à modéliser la propagation de la maladie grâce à la géolocalisation des téléphones. Seul obstacle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui n’apprécie guère ce type de manœuvres. Qu’à cela ne tienne, le patron trouvera sûrement des oreilles plus attentives dans les ministères.

Des propositions similaires ont été formulées aux Etats-Unis, tandis que la Chine utilise déjà la reconnaissance faciale alliée au permis social dans certaines mégapoles pour asseoir son contrôle.

Par ailleurs, la neutralité du net pourrait faire les frais de la situation au nom de la priorité donnée au télétravail dans l’utilisation du réseau. Qu’entendait Macron au juste, le 12 mars, lorsqu’il parlait des “faiblesses de nos démocraties” ?

L’entraide contre la « stratégie du choc »

Comment réagir lorsque le confinement répond à une logique de santé publique mais qu’il renforce du même coup l’Etat policier ? Par l’auto-organisation bien entendu !

Un réseau de solidarité nommé #Covid-Entraide France met en relation les multiples groupes qui se créent partout sur le territoire, avec l’appui de personnalités et professionnels de la santé, de l’alimentation ou du spectacle. Leur appel a été relayé dans des médias de gauche tels que Mediapart, Reporterre ou Lundi Matin. Pas moins de 246 groupes sont recensés au 22 mars sur une carte interactive.

« On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste »

Le député-reporter LFI François Ruffin réalise une libre-antenne chaque soir, lors de laquelle il donne la parole à des travailleuses, travailleurs mais aussi à des scientifiques ou penseurs des dérèglements de notre monde. Cette émission diffusée en direct sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une démarche plus générale autour de son site L’An 01, en référence à la BD de Gébé et au film éponyme. Une autre façon de résister et pour Ruffin de poser un jalon pour l’avenir.

De radio des luttes à radio des huttes

L’Acentrale est le pendant du réseau de sites d’info participatifs Mutu. Créée en décembre pour couvrir les jours de manifs contre la retraite Macron au plus près du terrain, ce collectif de radios diffusant sur les ondes ou sur le web reprend du service pour une mission strictement inverse sur le papier : nous accompagner dans notre confinement.

Tisser du lien pour se donner de la force, partager les initiatives, éviter le repli sur soi, parler politique en pensant aux dominés qui souffrent avant tous les autres de la crise, etc. La lutte ne s’arrête pas dans le foyer !

Illustration : Renault 4CV Police Pie de Monaco & Peugeot D3A Ambulance by Andrew Bone CC BY 2.0

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Une semaine sur les ondes #6 – 23 juin

Dans mon bloc-notes cette semaine, il y a du bruit sur les ondes. Glitch se fait remarquer sur Le Mouv’. Faites corps avec votre machine pour une fête de la musique toute électronique. Les Sales gueules hurlent dans le poste pour la meilleure libre antenne du moment, certifié par les amateurs du putois sur Nanterre. L’est parisien et la Grèce ont un point commun, découvrez lequel.

À la une

Glitch, je souhaitais vous en parler depuis un moment. L’émission radicale du Mouv’, diffusée le vendredi soir à minuit, est un objet radiophonique non identifié. Difficile de la décrire, mais je vais m’y employer. Pendant une heure, une succession de séquences électroniques, tantôt mélodiques, tantôt dissonantes, prennent possession de l’antenne. Nos repères sont troublés, nos sens en éveil, l’heure est propice à la divagation.

Son animateur, Adrien Landivier, intervient parfois avec une voix robotisée pour présenter les artistes indépendants qui composent la playlist, quand ce ne sont pas des extraits de micro-trottoirs qui servent de transitions.

Glitch d'affichage sur la Joconde - La Déviation
Un glitch d’affichage.

Glitch représente en radio le basculement de notre monde vers le numérique. Bien plus que certains programmes qui pensent porter le drapeau d’une nouvelle ère à coup de réseaux sociaux.

J’écoute Glitch sur mon vieil Acer Aspire 9420, attendant le moment où ma machine va percuter la bande son et créer son propre glitch par-dessus Glitch. Oui, car rapide point lexical, le “glitch” est d’abord une sorte de bug en langage informatique, le résultat inattendu d’un dysfonctionnement. Il peut-être auditif ou visuel, en témoigne les bugs d’affichage délibérément provoqués sur les pages internet de l’émission. Esthétisé, le glitch est devenu un art.

Je souhaitais vous en parler depuis un moment, puis ce fut la fête de la musique. La belle affaire, puisque l’émission s’est intégrée au programme spécial de Radio France, en version gonflée aux hormones. Surtout, il était temps. Glitch vient d’être récompensé au festival de la radio de New-York, dans la catégorie “meilleure émission musicale régulière du monde”. L’expérience deviendra peut-être bientôt un phénomène de mode. Certains adeptes de la première heure craignent qu’elle se “démocratise”. Ils ne seront pas rassurés en apprenant que l’émission sera diffusée à 22 h, les samedis et dimanches, pendant tout l’été.

Le Glitch de la Fête de la musique

Le trou noir des ondes

C’était en mai dernier. Avec Vivien, nous rentrons de Cannes. Pendant les 1.000 km de route, nous slalomons entre les fréquences de maintes radios locales et nationales, de Radio Azur à France Inter en passant furtivement par RCF Lyon Fourvière et tant d’autres.

Tours Mercuriales à Bagnolet - La Déviation
En noir sur la ligne d’horizon, les Tours Mercuriales. Crédits Gasdub sur Flickr

Sauf qu’à quelques mètres de l’arrivée, en plein cœur d’une des principales métropoles européennes, sur le périphérique parisien, Vivien me prévient “tu vas voir, ça va bientôt couper”. En cause, deux tours jumelles, les Mercuriales, plantées à Bagnolet, surmontées d’immenses antennes qui brouillent les communication à 2 km à la ronde.

Le Parisien a récemment publié un article sur ce petit scandale. “Les Sans-radio de l’Est parisien repartent au combat“, rappelle que la situation dure depuis dix ans. 40.000 foyers ne disposent que d’une bande FM amputée des fréquences allant de 87,5 à 100 Mhz. Comme le souligne le président de l’association des Sans-radio, Michel Léon, “on ferait ça à Neuilly, ça ne tiendrait pas cinq minutes.” Le CSA et TDF renvoient les habitants au lancement de la RNT, autant dire, aux calendes…

Grecs et toujours maltraités

La semaine dernière, j’ai longuement donné mon point de vue sur le sens de la coupure des émetteurs des télés et radios publiques en Grèce, par le gouvernement Samaras. La question a été rapidement éclipsée des média français. Pourtant, si le conseil d’Etat a bien retoqué cette fermeture unilatérale, lundi 17 juin, les émetteurs n’ont toujours pas été rallumés.

Au passage, ce serait se voiler la face que d’ignorer les sarcasmes de très nombreux internautes commentateurs. Si la fermeture de l’ERT suscite autant de moqueries, malgré l’atteinte franche à la liberté de la presse, c’est bien parce que le journalisme et les médias subissent une défiance généralisée. Nous devons absolument nous en soucier, car ce combat n’est pas corporatiste, loin de là.

France Culture, 50 ans

Heureusement, pour l’heure, dans l’hexagone, notre service public fonctionne toujours. Jeudi, France Culture a publié un beau livre anniversaire pour ses 50 ans, édité par Flammarion. De quoi faire le bonheur de Fanch Langoët, qui a interviewé les deux auteurs de l’ouvrage, Emmanuel Laurentin, producteur de La Fabrique de l’histoire et Anne-Marie Autissier, docteur en sociologie.

France Culture 50 ans - Flammarion - La Déviation

Fanch, fidèle parmi les fidèles, a livré son premier avis sur ce “bouc”. Quant à moi, néophyte parmi les néophytes, je viens de recevoir la somme et je vous en parlerai la semaine prochaine.

Plongeon dans le temps

D’un monde à l’autre, je ne peux pas faire l’impasse sur l’éternel retour de Max, l’animateur qui a bercé les nuits de millions de collégiens et lycéens, entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000. Francki reprend les reines d’une quotidienne, non pas sur Fun Radio, pas plus sur Radio Néo, mais sur la webradio Prysm.

Manu dans Les Sales Gueules - La Déviation

Amusant de noter que ses anciens compères du Starsystem, Manu et Reego, animent eux aussi une émission de radio (vraiment) libre, chaque jeudi après 22 h, sur leur propre webradio, nommée Les Sales Gueules. Les fans de Gérard de Suresnes préférons cette expérience trash à la libre antenne adolescente du boss déchu.

Hard news

En bref, on retiendra de la semaine passée qu’à Mayotte, la radio reste un marché oligopolistique très nettement dominé par… la télévision publique. Mayotte 1ère appartient en effet au groupe France TV et apparaît en tête de la dernière enquête de Médiamétrie.

L’association Radio Calvi Citadelle était sur la sellette, du fait d’un refus du Fonds de soutien à l’expression radiophonique, le Fser, de lui attribuer ses subventions vitales. Finalement, le tribunal administratif de Paris a tranché et donné gain de cause à la station, membre de la Fédération des radios associatives du Sud-est.

Le patron d’Europe 1, Denis Olivennes, n’y va pas par quatre chemins pour justifier la campagne de com’ autour du nom de Thomas Sotto, futur présentateur de la matinale. “C’est à cause du système déclaratif de la mesure d’audience par Médiamétrie. Pour que les sondés puissent cocher la bonne case, toutes les radios ont intérêt à communiquer sur un horaire et un nom, point barre“, dit-il à Aude Dassonville, pour Télérama. Quand Olivennes qualifie Europe 1 d'”insolente”, là par contre, on se pince.

Europe 1, en perte de vitesse, peut toujours se targuer d’être leader sur la balladodiffusion. France Inter et RTL sont au coude à coude, devant France Culture. Les quatre stations se détachent très nettement de la concurrence.

Un feuilleton qui devrait nous occuper cet été, c’est celui de la reprise de Sud Radio. Le groupe Fiducial, de Christian Latouche, est sur les rangs. Or, le Comité d’entreprise de la station a donné un avis négatif et surtout, le CSA, dont l’avis peut bloquer le rachat, est ouvertement brocardé par Fiducial, vexé par le refus d’un dossier sur la TNT. C’est à lire dans Les Echos.

Le flux radio

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