« Vous avez votre réponse », clôt Christophe Béchu. Et quelle réponse ! Lors de sa visite dans les Côtes-d’Armor, ce vendredi 25 août 2023, le ministre de la Transition écologique a été interrogé au sujet de la récente et inédite condamnation de l’État pour le préjudice écologique causé par la prolifération d’algues vertes en baie de Saint-Brieuc. « À ce stade », le ministre ne peut pas dire quelles suites seront données à cette décision. Tic-tac, il reste trois mois.
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est rendu à la station ornithologique de l’Île Grande, gérée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le 25 août 2023. Venu avec Sarah El Haïry (secrétaire d’État à la biodiversité) et Hervé Berville (en charge de la mer) pour inaugurer la récente extension du périmètre de la réserve naturelle des Sept-Îles, qui abrite l’unique colonie de fous de Bassan en France, il a été reçu par le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg.
Lors d’un rapide point presse, Christophe Béchu a été interrogé au sujet de la décision du tribunal administratif de Rennes rendue le 18 juillet, qui reconnaît pour la première fois le préjudice écologique des marées vertes. L’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre, présidée par le lanceur d’alerte Yves-Marie Le Lay, a obtenu la condamnation du préfet des Côtes-d’Armor pour carence fautive.
Cette saison est marquée par un retour en force des algues vertes en baie de Saint-Brieuc. « Le mois d’août n’a pas connu la décroissance habituelle : leur présence est de 30 % supérieure aux normales saisonnières. À court terme, c’est inquiétant », renseignait Sylvain Ballu, le « monsieur algues vertes » du Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva), le 23 août, dans Ouest-France.
La réponse in extenso de Christophe Béchu
« La décision date du milieu du mois de juillet. On est un mois après. Le ministère est en train de regarder. La volonté de lutter globalement contre la prolifération des algues vertes et l’ensemble de ses conséquences, elle existe. On est plutôt sur des tendances au cours de ces dernières années qui sont moins négatives que celles qu’on a pu connaître par le passé. Ce sont des sujets qu’on prend très au sérieux, sur lesquels on se mobilise, mais je ne peux pas vous répondre de manière spécifique sur la suite qui sera donnée à cette décision du tribunal administratif puisqu’elle fait l’objet d’un examen croisé entre nos différents ministères. En revanche, elle nous rappelle qu’on a la nécessité d’agir et d’agir davantage, on n’a pas attendu cette décision pour le faire et c’est précisément ce que nous faisons depuis quelques années.
– Il semble qu’il y a un rebond de la présence d’algues vertes, en particulier dans les Côtes-d’Armor, cette saison.
– Écoutez pour le moment ce ne sont pas les éléments que j’ai. Vous savez qu’il y a une corrélation assez forte entre la météo et en particulier le taux de pluviométrie et la réalité d’une partie de cette prolifération. Ensuite, je me méfie des chiffres parce qu’entre les chiffres qui consistent à regarder ce qu’on a évacué et les chiffres qui consistent à regarder ce qu’on peut constater, il peut y avoir des écarts donc je ne me prête pas à…
– Non, ce sont les survols du Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) en fait.
Les slogans féministes fleurissent lors des manifestations contre le report de l’âge légal de départ à la retraite. S’estimant particulièrement pénalisées par le projet de loi porté par Élisabeth Borne et voulu par Emmanuel Macron, des militantes trégorroises ont formé le collectif des Rosies pour interpréter une chorégraphie avant les prises de parole syndicales, à Lannion (Côtes-d’Armor).
Mardi 7 février, entre 4 000 et 7 000 personnes ont de nouveau manifesté autour des quais de Lannion pour protester contre la retraite à 64 ans.
Sur la scène montée pour les prises de parole syndicale, le collectif des Rosies danse sur des chansons détournés par Attac, l’Association pour la taxation des transactions financières pour l’action citoyenne. En témoigne Women on fire, à chanter sur l’air de Freed from desire, le tube de Gala sorti en 1996.
Les Rosies désignent les femmes travailleuses qui ont joué un rôle clé pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles étaient représentées dans une célèbre affiche de propagande américaine et travaillaient dans des usines et des chantiers navals pour soutenir l’effort de guerre. Les Rosies ont ouvert de nouvelles opportunités pour les femmes sur le marché du travail et sont considérées comme des symboles de l’émancipation féminine.
Mardi 31 janvier 2023, au moins 7.100 personnes manifestent à Lannion (Côtes-d’Armor) contre le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et la suppression de plusieurs régimes dits spéciaux. Les syndicats, qui affichent un front uni, revendiquent 10.000 participants. C’est l’une des plus fortes mobilisations sociales dans le Trégor de ces vingt dernières années.
« Chaque gouvernement a sa réforme des retraites. C’est malheureux qu’ils veulent à chaque fois casser au lieu d’améliorer », déplore Romain, étudiant à l’Enssat. Âgé de 24 ans, l’élève ingénieur imagine faire partie des derniers à pouvoir partir à la retraite, avec des indemnités en baisse par rapport à ses aïeux. « Cette réforme va appauvrir une plus grande part de la population. Le régime qu’on a est stable. C’est juste qu’ils veulent le casser pour faire davantage de bénéfices, du côté des entreprises notamment. »
Comme plus de 7.100 trégorrois, Romain a rejoint le point de rendez-vous fixé par l’intersyndicale, sur le quai d’Aiguillon, en centre-ville de Lannion, ce mardi 31 janvier 2023, en fin de matinée. Après les discours, le défilé s’ébranle, rythmé notamment par la fanfare Waso.
« Ajouter une mesure d’âge est inefficace, juge Stéphane Duthil, délégué syndical CFDT chez Nokia. J’ai commencé à 23 ans. Si j’ai 43 années de cotisation, j’arrive à 66 ans. Donc les 64 ans sont utiles pour qui ? » L’inscription d’une mesure d’âge dans le projet de loi a fait basculer la confédération dirigée par Laurent Berger dans le camp des farouches opposants.
« Je n’ai pas envie de travailler jusqu’à 64 ans, renchérit Yann Labarthe, salarié chez Weldom. On a un métier qui est physique, avec des ports de charges lourdes. En plus du service à la personne, on fait pas mal de manutention. »
« Macron ira jusqu’au bout, mais il le paiera très très cher »
Malgré la démonstration de force, les manifestants restent prudents quant aux chances de remporter le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Maël rappelle qu’Emmanuel Macron a déjà vécu la loi Travail et Nuit debout sous François Hollande, en 2016, puis la crise des Gilets jaunes, en 2018-2019. « Il ira jusqu’au bout, mais il le paiera très, très cher. Et puis il est jeune, il devra vivre avec ça très longtemps. » Flanqué d’une pancarte en forme de borne routière sur laquelle il est inscrit 49.3, le webdesigner lannionnais prédit « le début d’une série de manifs ou de colères sociales », portant également sur l’hôpital, l’éducation ou « les institutions démocratiques en perte de vitesse ».
Yann Labarthe observe les difficultés de ses collègues à se mettre en grève. « Ils ont déjà des salaires assez restreints, en baisse depuis l’augmentation de tous les prix. »
Parmi les inconnus figurent aussi le maintien de l’unité syndicale, inédite depuis douze ans, et qui a permis d’atteindre des niveaux de participation jamais vus depuis 2010. Nombre de manifestants tablent sur une défection de la CFDT. À ce sujet, Stéphane Duthil se veut rassurant. « Il n’y a pas qu’une seule et même idée, on a tous des idées différentes, mais on est tous rassemblés sous la même bannière pour manifester contre cette injustice. »
Une semaine avant le début de l’examen du projet de loi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, la mobilisation s’est renforcée dans tout le pays. Au total, entre 1,270 (Intérieur) et 2,800 millions (CGT) de personnes ont défilé dans plus de 200 villes, sans heurts notables. Les villes moyennes connaissent des taux d’engagement proportionnellement plus élevés que les métropoles.
« La réforme des retraites suscite des interrogations et des doutes. Nous les entendons », a assuré la première ministre Elisabeth Borne. Deux nouvelles dates ont été fixées par l’intersyndicale, les mardi 7 et samedi 11 février.
Privée de barnum depuis le passage de la tempête Alex, l’intersyndicale CFDT, CGT, CFE-CGC du site Nokia de Lannion s’est retranchée dans un gymnase prêté la ville, le jeudi 8 octobre, pour rendre compte des discussions portant sur le plan dit de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’absence d’avancée du gouvernement, dont les discussions avec la direction finlandaise du groupe de télécommunication n’ont commencé qu’à la fin de l’été, rend chaque jour plus concrête la suppression d’un emploi sur deux et la disparition à moyen terme de l’établissement.
« Nokia devrait revenir vers les salariés début octobre avec de nouvelles propositions », déclarait la ministre Agnès Pannier-Runacher lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 22 septembre. Deux semaines plus tard et en dépit de rumeurs relayées par la presse, le gouvernement demande aux élus du personnel d’attendre encore quinze jours avant de connaître les « avancées significatives » promises par le directeur général de Nokia France, Thierry Boisnon, en comité social et économique.
« On ne sait pas si ce sont des annulations de postes qu’ils vont nous annoncer, si ce sont de nouvelles activités, de nouveaux projets. […] Aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce que Nokia va mettre sur la table », déplore le délégué syndical CFDT Bernard Trémulot devant 200 collègues réunis en assemblée générale, ce jeudi, à Lannion.
En réponse, l’intersyndicale compte poursuivre ses actions, convaincue du poids des images pour maintenir l’attention des autorités sur le site de Lannion. Deux lignes semblent toutefois émerger. Après l’accrochage de 402 silhouettes sur les grilles du site le 8 septembre puis l’organisation d’un relais à vélo pour rejoindre virtuellement le siège social finlandais, le 21 septembre, certains salariés réclament des actions plus fortes, susceptibles de réduire l’activité de l’entreprise, engagée dans la bataille de la 5G.
« Rien n’a bougé depuis le mois de juillet. Pour avancer, on a quinze jours pour réagir, compte Abderrahim El Boujarfaoui. Si vous voulez vraiment que les choses bougent, il faut se bouger le cul parce que maintenant c’est le site de Lannion qui va fermer. » Le délégué syndical CGT obtient des applaudissements en proposant une occupation des locaux jusqu’à l’obtention de réponses.
« Il ne faut pas leur donner le bâton pour nous battre. Je pourrais arrêter de répondre aux astreintes, mais je sais qu’il y a des Portugais et des Indiens qui n’attendent que ça », rétorque un ingénieur.
Ce changement de ton passera d’abord par un appel à quitter le télétravail pour rejoindre les bureaux afin de reformer les collectifs éclatés depuis mi-mars, à l’occasion du confinement. Un premier pas vers des actions moins « gentilles » ? Ce 8 octobre, l’option du blocage était loin de faire l’unanimité, même si la patience commence à trouver ses limites parmi les cols blancs trégorrois.
Interview d’Abderrahim El Boujarfaoui, délégué CGT
Dans notre gazette numéro 4, nous vous proposions de coudre des masques en tissu réutilisable, en réponse à la pénurie. Alors que le gouvernement s’apprête à revoir sa doctrine, nous déconstruisons les critiques formulées contre le fait maison.
Petit rappel de la situation : au début de l’épidémie de covid, on s’est aperçu que les stocks stratégiques de masques étaient franchement légers. Le gouvernement a alors décrété que le port du masque ne servait à rien pour les personnes qui ne sont pas au contact de malades. Le conseil scientifique recommandait pourtant, dans son premier rapport du 12 mars 2020, de mettre des masques chirurgicaux à disposition des populations.
Ce qui était assez pratique, c’est que l’OMS tenait la même position, en ne plaçant pas le port du masque dans la liste des gestes barrières permettant de lutter contre la propagation du virus.
En regardant un peu autour du monde, on se rend compte que certains pays ne le voient pas de la même manière. En Corée du Sud par exemple, le port généralisé du masque a été encouragé par le gouvernement, qui organise le rationnement pour que tout le monde puisse en acheter deux par semaine. La Corée du Sud partait avec un petit avantage : le port du masque y est déjà répandu à cause de la pollution et il est vu aujourd’hui comme un acte citoyen qui évite de contaminer les autres.
Plutôt que de reconnaître son mensonge initial sur les masques, le gouvernement parle de « réévaluer la doctrine ». On peut donc s’attendre à ce que le port du masque soit recommandé, voire rendu obligatoire pour pouvoir sortir de chez soi.
En République Tchèque, la situation était un peu moins favorable. La tendance était plutôt de se moquer des rares personnes qui portaient des masques. Mais grâce à une grosse mobilisation, les masques cousus se sont imposés en quelques jours et font maintenant partie des recommandations officielles. Le fait que presque tout·es les Tchèques disposent d’une machine à coudre a sans doute aidé.
Ces derniers jours, de nombreux autres pays ont suivi. L’Italie inclut le port généralisé du masque dans son plan de sortie de confinement. En France aussi, l’idée commence à faire son chemin. L’Académie des sciences recommande le port de masques « grand public » pour toute la population, en réservant les masques chirurgicaux et FFP2 pour les soignant·es. Plutôt que de reconnaître son mensonge initial sur les masques, le gouvernement parle de « réévaluer la doctrine ». On peut donc s’attendre à ce que le port du masque soit recommandé, voire rendu obligatoire pour pouvoir sortir de chez soi.
Ces décisions posent de nombreuses questions d’approvisionnement.
La plupart des masques chirurgicaux sont désormais fabriqués en Chine, après la fermeture de nombreuses usines, comme celle d’Honeywell dans les Côtes-d’Armor, en 2018. C’est donc le monde entier qui cherche aujourd’hui à se fournir auprès d’un seul pays, ce qui fait monter les prix et encourage tous les coups fourrés entre pays, voire régions d’un même pays pour rafler les stocks de masques produits.
Une autre difficulté est celle de la répartition des stocks, réquisitionnés par l’État, qui risque de faire l’objet de nombreux arbitrages à tous les niveaux de distribution : vaut-il mieux donner les stocks à la police ou aux facteurs (réponse dans notre gazette numéro 5) ? Aux personnes âgées ou aux travailleur·euses ? Aux cadres ou aux personnes sans domicile ? Ces questions continueront de se poser tant que l’épidémie ne se sera pas arrêtée puisque les masques que le gouvernement envisage d’acheter sont jetables et qu’il faut donc les renouveler souvent (en principe toutes les trois heures).
Vers une production locale et solidaire ?
Une alternative à la consommation effrénée de masques jetables serait de suivre l’exemple tchèque en cousant des masques réutilisables. Cette méthode présente de nombreux avantages, même si les masques obtenus n’ont pas les mêmes propriétés que les masques chirurgicaux et FFP2, comme on le verra ensuite.
Tout d’abord, elle peut être mise en place localement, avec des matériaux facilement accessibles : les masques peuvent être cousus avec du tissu de récup’. Avec une machine à coudre, même sans trop s’y connaître initialement, on peut facilement réaliser quelques dizaines de masques et les partager autour de soi.
En procurer à toute la population semble donc un objectif réaliste.
Dès le début de l’épidémie, le discours officiel sur les masques a été largement critiqué en France et des appels à porter des masques ont été formulés, par des soignant·es, des personnes engagées sur les questions de santé publique et des particulier·es. Le collectif Stop postillons a fait un travail remarquable de collecte d’informations et d’initiatives sur les masques et autres écran de protection pour les particuliers. Par ailleurs, la pénurie de masques a poussé des soignant·es à faire appel à des couturièr·es pour fournir des masques en tissu, à défaut de masques homologués.
De très nombreuses initiatives ont alors essaimé, notamment sur les réseaux sociaux, pour fabriquer des masques et d’autres protections pour les soignant·es, mais aussi les commerçant·es ou ses voisin·es. Les réseaux d’entraide, référencés par Covidentraide, ont relayé dès le début du confinement cette solidarité.
L’agence française de normalisation a produit un guide précieux pour la fabrication en série et la fabrication artisanale de masques barrière.
Les sites et blogs consacrés à la couture ont permis une diffusion rapide des masques en produisant de nombreux tutoriels de couture, ainsi que des articles d’explication sur le fonctionnement des protections respiratoires et la réglementation.
Des entreprises du secteur textile se sont aussi réorganisées pour produire des protections respiratoires. À Lille, le CHU et un réseau d’entreprises et d’associations ont mis au point un protocole de fabrication et procédé à des tests en laboratoire, ce qui a donné lieu à l’initiative des Masques en Nord, pour la fabrication de masques pour les soignant·es. Des kits sont envoyés à des couturièr·es volontaires, puis les masques sont collectés. En une semaine, plus de 15.000 personnes se sont portées volontaires.
De nombreux modèles de masques ont été proposés. Les plus répandus sont un modèle à plis, similaire aux masques chirurgicaux, un modèle « canard », de même forme que les FFP2 et un modèle à couture centrale, diffusé notamment par le CHU de Grenoble au début de la crise. On peut réaliser ces masques de nombreuses façons en changeant le type de tissu et le nombre de couches. Certains modèles utilisent un filtre qui doit être changé.
L’agence française de normalisation a produit un guide précieux pour la fabrication en série et la fabrication artisanale de masques barrière. Ce guide détaille la fabrication des masques et le cadre approprié d’utilisation. Il recommande d’éviter les coutures centrales et propose des protocoles pour fabriquer des masques à plis et canards. Pour obtenir le guide, il faut fournir une adresse mail à l’Afnor afin d’obtenir les mises à jour et les rectificatifs. Des informations sur la façon d’utiliser le guide pour les particulier·es sont disponibles ici.
L’efficacité des masques et le rôle de l’expertise
La pénurie de masques et la gestion de crise qui a suivi posent de nombreuses questions intéressantes sur le rôle de l’expertise.
En France, la gestion gouvernementale s’est basée sur un déni de l’utilité des masques en dehors du cadre médical. Ce choix a probablement été fait pour éviter que les particuliers ne se ruent sur les stocks et pour réserver les masques chirurgicaux et FFP2 pour les soignant·es. Il repose sur une conception pessimiste de la réaction publique, selon laquelle la première réaction des personnes face à la crise serait de chercher des moyens de se protéger, de manière purement égoïste.
Cette vision se retrouve aussi dans la grande importance attachée aux vols et détournements de masques dans les hôpitaux. La classe gouvernante, ainsi que les médias ont ainsi lourdement insisté sur ces vols, au point d’en faire une explication de la pénurie. Comme si les quelques dizaines, voire centaines de milliers de masques dérobés pouvaient être la cause du problème, alors qu’il manque des centaines de millions de masques par rapport aux plans de réaction aux épidémies conçus dans les années 2000 et progressivement déconstruits depuis 2010.
Cette vision d’une foule apeurée, prête à se jeter sur des produits de première nécessité se double aussi d’une infantilisation de la population, qui serait incapable de comprendre les enjeux de l’épidémie, de même que les gestes barrière. Celle-ci peut être perçue dans la manière dont les mesures sont annoncées au dernier moment, sans prendre un temps préalable pour expliquer leur intérêt.
De nombreuses questions essentielles en période d’épidémie sont présentées comme trop techniques pour être accessible au grand public. L’exemple caricatural est celui de la porte-parole du gouvernement qui prétend ne pas savoir utiliser un masque, puisqu’il s’agit d’un geste technique, inaccessible aux personnes non formées.
Par exemple à la mi-mars, les mesures de fermeture des commerces et de confinement ont été annoncées à peine une demi-journée avant leur mise en œuvre à chaque fois, provoquant des mouvements de masse qui ont pu contribuer à propager le virus. Certes, les mesures sont prises en fonction de la situation sanitaire, qui évolue très vite. Cependant, qui peut croire qu’au moment où le confinement a été annoncé, il n’avait pas été envisagé depuis au moins plusieurs semaines.
Communiquer sur le confinement, son intérêt et ses modalités avant de le décréter, en insistant sur le fait qu’il s’agissait d’un outil éventuel qui interviendrait au moment opportun aurait permis d’éviter notamment les nombreux départs de dernière minute.
Cette méthode de gouvernement par l’ignorance pose aussi problème à travers le rôle qu’elle fait jouer à l’expertise. Pour mieux exclure les citoyen·nes de la décision, le gouvernement surjoue en effet le rôle des expert·es. De nombreuses questions essentielles en période d’épidémie sont présentées comme trop techniques pour être accessible au grand public. L’exemple caricatural est celui de la porte-parole du gouvernement qui prétend ne pas savoir utiliser un masque, puisqu’il s’agit d’un geste technique, inaccessible aux personnes non formées.
Cette anecdote permet d’illustrer un élément essentiel, au cœur du débat sur l’utilité et l’efficacité des masques artisanaux. Il est vrai que les protections respiratoires nécessitent d’être utilisées correctement pour être efficaces. Dans le cadre professionnel, leur utilisation est régie par un cadre réglementaire et un ensemble de normes, qui permettent de s’assurer que la filtration est supérieure à un certain seuil. Pour rassurer les membres du gouvernement, on trouve facilement en ligne des ressources sur l’utilisation des protections respiratoires, qui sont employées à l’hôpital, mais aussi dans de nombreux secteurs industriels, dans l’agriculture, etc.
Il va de soi qu’un masque artisanal ne remplit pas les critères réglementaires pour être utilisé, en temps normal, dans le milieu médical. Il n’est donc pas étonnant que des professionnels de la santé aient pris des positions pour expliquer que ces masques ne peuvent pas servir de masques chirurgicaux, comme l’ont rappelé la Société française des sciences de la stérilisation et la Société française d’hygiène hospitalière. En revanche, cela ne signifie pas que ces masques ne permettent pas de limiter la transmission du virus.
Lorsque les masques artisanaux ont commencé à se répandre, de nombreux débats, parfois houleux ont eu lieu sur les réseaux sociaux autour de leur efficacité. Des personnes de bonne foi, qui voulaient simplement se protéger sans avoir la prétention de fabriquer un dispositif médical ont été attaquées sur la base d’arguments d’autorité reposant sur des experts. On pouvait pourtant trouver en ligne des articles scientifiques qui attestaient de l’intérêt des masques artisanaux pour le grand public, même si ils excluaient leur utilisation dans le cadre médical.
Les masques jouent donc un rôle de protection individuelle, mais aussi de protection collective.
Il y a donc eu des mécanismes de marginalisation de connaissances, par un ensemble d’acteur·ices en situation de pouvoir sur les discours concernant l’épidémie, parmi lesquel·les le gouvernement et les agences de l’état en charge de la santé publique, une partie des soignant·es, mais aussi une partie de la presse. En effet, des journalistes, dans le courant de la vérification d’information, ont repris les arguments du gouvernement et des médecins pour conclure que les masques artisanaux étaient inutiles, voire contre-productifs.
Les Décodeurs du Monde concluent par exemple que « seuls les masques normés sont valables pour les malades (suspectés, testés…) et les soignant·es. Pour tous les autres, y compris les personnes en lien avec du public, respecter les distances de sécurité, se laver les mains et éternuer et tousser dans son coude, restent des moyens plus sûrs de se tenir à distance du virus que se couvrir d’un masque fait maison, peu efficace et faussement rassurant ».
Cette marginalisation repose sur une confusion entre deux rôles joués par les masques : porter un masque permet d’éviter d’être contaminé·e en présence d’une personne malade mais aussi de ne pas répandre dans l’air des gouttelettes qui peuvent contaminer les autres si on est soi-même malade. Les masques jouent donc un rôle de protection individuelle, mais aussi de protection collective. En principe, un masque FFP2 vise avant tout à assurer une protection individuelle, tandis qu’un masque chirurgical est conçu d’abord comme un écran anti-postillons. Cependant, ces masques jouent les deux rôles puisqu’ils permettent en pratique de filtrer à la fois l’air inspiré et expiré.
Le rôle de protection collective a été négligé pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la focalisation sur les besoins de masques pour les soignant·es, renforcée par la pénurie, a poussé à considérer les masques avant tout comme des protections individuelles et à mettre l’accent sur leur conditions d’utilisation en milieu médical. On a donc oublié le rôle que les masques peuvent avoir dans la population, à savoir ralentir la propagation de l’épidémie.
Ensuite, le gouvernement a minimisé le rôle des masques, dans le but de faire respecter ses mesures de confinement. D’une part, il ne fallait pas que des personnes se sentent en sécurité avec le port du masque et décident donc de sortir plus. D’autre part, il fallait éviter que les travailleur·euses sommé·es de continuer à faire tourner l’épidémie exercent leur droit de retrait en l’absence de masques. Ceci a aussi conduit à affirmer que les masques ne servent qu’en présence de malades. Ce message, abondamment relayé, ignore totalement la transmission par des personnes asymptomatiques, dont des cas on pourtant été suspectés en Chine et en Allemagne dès la fin du mois de février.
Face à ce premier discours inspiré par les pratiques hospitalières, un deuxième discours s’est propagé, plutôt centré sur une approche épidémiologique, selon laquelle le port du masque généralisé permet de réduire la transmission, notamment par les personnes asymptomatiques qui continuent de travailler. Les partisan·nes de cette approche insistent sur le fait que n’importe quel dispositif, sans homologation peut jouer un rôle dès lors qu’il filtre une partie des gouttelettes exhalées. Le masque est alors vu comme une façon de protéger les autres et non comme une protection individuelle, même si il remplit partiellement ce rôle.
La situation de crise pousse les différent·es acteur·ices à agir de manière non conforme aux normes, réglementations et procédures usuelles, ce qui génère des tensions entre des postures exploratoires et régulatrices.
Ce discours a été renforcé par la situation de crise : en l’absence de matériel aux normes pour l’ensemble de la population, il vaut mieux privilégier le système D et la fabrication maison. Il a donc été largement relayé chez les particuliers habitués à la confection maison, notamment les couturièr·es et les membres de la communauté de l’impression 3D qui s’est tournée vers la fabrication d’écrans faciaux. Il a par ailleurs été porté par des chercheur·ses et des spécialistes de questions de santé publique, notamment porté·es sur l’épidémiologie, la physique et les modélisations numériques et raisonnant à l’échelle des populations.
L’émergence d’un mouvement important de fabrication de masques en tissu, artisanaux et industriels a conduit certains acteurs institutionnels à s’intéresser à la question. Alors qu’il y avait initialement peu de données sur l’efficacité de ces masques, des tests ont été réalisés, par exemple par la DGA qui s’est mise en contact avec des industriels fabriquant des masques. De son côté, l’Afnor a assuré un travail d’élaboration d’exigences, qui ne constituent pas une norme française, mais qui fournissent un cadre de fabrication et d’usage des masques. Elle développe le concept de masque barrière, permettant de limiter la transmission du virus et s’ajoutant aux gestes barrières déjà mis en place, comme la distanciation sociale et le lavage des mains.
De manière remarquable, ces institutions agissent ici en dehors de leur cadre habituel. La situation de crise pousse les différent·es acteur·ices à agir de manière non conforme aux normes, réglementations et procédures usuelles, ce qui génère des tensions entre des postures exploratoires et régulatrices. La remise en question du fonctionnement habituel offre des espaces de liberté et d’expérimentation à des particulièr·es qui créent des patrons de couture, mais aussi des pratiques de santé publique, comme le fait de porter le masque hors des cadres définis par le gouvernement, ou des pratiques culturelles, avec la valorisation du port du masque, notamment en encourageant à poster des photos de soi masqué·e sur internet.
Ces pratiques peuvent ensuite être reprises et légitimées par certain·es acteur·ices institutionnel·les. Elles sont aussi attaquées par d’autres, qui craignent une remise en question de leur situation dominante. Le pouvoir politique s’inquiète de la remise en question de sa doctrine, de même qu’une partie des médecins ne peuvent tolérer l’émergence de pratiques de santé qui ne viendraient du corps médical. Leurs arguments sont joyeusement partagés par des médias qui voient d’un mauvais œil la circulation d’information autrement que par leur biais et ont donc prompt à s’attaquer à ce qu’ils présentent comme des « fake news ».
Sur la question des masques, les positions ne sont pas figées et les mêmes acteur·ices ont pu changer de discours, notamment avec l’évolution de la situation. Un consensus semble en train de se former sur l’utilisation généralisée de masques et le gouvernement est en train de se retourner, avec la reconnaissance du rôle des masques, mais aussi du fait que sa position était dictée par la pénurie.
À nos machines à coudre
Comme on l’a vu, la fabrication de masques, qui s’est lancée spontanément à de nombreux endroits et a donné lieu à un mouvement important, a conduit les institutions, jusqu’au gouvernement à réagir, parfois en accompagnant le mouvement ou en reconnaissant leurs erreurs. Le changement de discours officiel des autorités ne signifie cependant pas que la bataille est gagnée.
En effet, les tentatives de gestion des stocks de la part de l’État vont continuer et se faire d’autant plus pressantes que le port du masque se généralisera. Ce contrôle s’accompagnera d’arbitrages sur les personnes autorisées à en avoir, tant que le stock ne sera pas suffisamment massif pour fournir toute la population.
Par ailleurs, on peut craindre que l’État décide de s’associer avec un partenaire unique de grande taille ou à un faible nombre de partenaires pour la fabrication de masques en tissus, afin de maximiser son contrôle sur l’approvisionnement.
Dans cette hypothèse, la créativité et la réactivité fournies par le grand nombre d’initiatives locales de fabrication de masques seraient perdues. De plus, la gestion de la pénurie de masques par les autorités démontre que la protection du public et la véracité de la communication gouvernementale passent après le contrôle de la population. Il est donc important que la production de masques artisanaux continue, afin de s’assurer que tout le monde dispose d’une protection adéquate, le plus vite possible. À nos machines !
Aujourd’hui, une nouvelle prise d’otage : celle des éditeurs de presse par La Poste, qui distribuerait moins vite les journaux papier. Et d’ailleurs, les pigistes sont-iels de vrai·es journalistes ? Et tous ces médias et sources internet, quel charivari font-ils autour des solutions miracles au SRAS-Cov2, de la chloroquine au jus de carotte en passant par l’urine ?
Le remède miracle reste bien irréel, tout comme la fameuse continuité pédagogique que nous vend Blanquer, dénoncée de toute part. Le gouvernement a en tout cas trouvé un traitement radical contre les paysan·nes qui tentent d’échapper à l’agro-business : fermer tous les marchés, en maintenant les grandes surfaces. Allons-nous nous laisser à ces docteur·es Maboul le choix des prescriptions ?
Postièr·es sans masque, éditeurs sans scrupule
« Restez chez vous, mais allez bosser ! ». Au petit jeu des injonctions contradictoires, le gouvernement a donné le la et le patronat s’est accordé. Affolés par l’effondrement de la pub et les fermetures de points de vente, les éditeurs de presse quotidienne se retournent contre La Poste, qui réduit son activité courrier. Il faut dire qu’au moins 167 agents montraient des signes de Covid-19 dans sa seule branche Réseau au 25 mars et que la direction a préféré livrer ses 300.000 masques à la police…
Quoi de plus naturel que d’employer son propre journal pour relayer une pétition, publier un édito enflammé ou partager le communiqué de son organisation ? Une campagne de presse s’est donc engagée la semaine dernière (lire notre article), avec le groupe Centre France et la famille Baylet (groupe La Dépêche) comme chefs d’orchestre. « Prise d’otage », « désertion »… inspirés par le discours martial du pouvoir, les patrons de presse se sont lâchés.
Le secteur emploie d’innombrables petites mains qui n’ont pas le statut de salarié·e et donc les droits qui s’y rattachent. On pense aux correspondant·es locaux de presse, payé·es à la tâche pour courir à travers leur canton, ainsi qu’aux porteuses et porteurs, véritables combattant·es du cycle circadien. Les imprimeries, ancien bastion CGT, ont été en grande partie externalisées. Autant dire que les éditeurs ont pris l’habitude qu’on les respecte.
Leur lobbying semble payant, puisque la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, annonce, lors de la séance de questions au gouvernement des sénateurs du 1er avril un « renforcement de la distribution de la presse écrite en début de semaine ».
Un choix en tout cas condamné par le syndicat qui rappelle que la direction a justifié la diminution des distributions « au nom de la sécurité des agents de la maison-mère ». Les autres peuvent bien crever !
Les pigistes ? Quels pigistes ?
Étrangement, les patrons de presse sont moins diserts lorsqu’il s’agit des pigistes. Ces journalistes non mensualisé·es mais non moins salarié·es subissent de plein fouet la baisse de pagination des journaux et les annulations d’émissions. Pourtant, certains médias rechignent à les inscrire dans le dispositif de chômage partiel. D’autres appliquent leurs propres critères d’éligibilité, excluant les plus précaires.
Habitué·es au télétravail, ils et surtout elles n’en sont pas moins déstabilisé·es par la fermeture des écoles, collèges et lycées. Quant aux pros basé·es à l’étranger, la baisse des commandes s’accompagne de difficultés diverses pour regagner la France.
Myriam Guillemaud Silenko, animatrice du pôle pigistes du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’adresse au ministère du travail par le biais d’une pétition. Dans ses échanges avec les fédérations patronales, le principal syndicat de la profession ainsi que la CGT, la CFDT et FO menacent d’engager des poursuites contre les entreprises qui oublieraient les pigistes. Le SNJ demande même de suspendre leurs aides à la presse.
Marchés au pas
Le 23 mars, le premier ministre a ordonné la fermeture de tous les marchés du pays (sauf les marchés financiers bien sûr). Pour les rouvrir, il faut une demande argumentée de la mairie, qui sera soumise au bon vouloir de la préfecture.
En plus des consignes sanitaires de bon sens, déjà appliquées par la plupart des marchand·es qui n’ont pas attendu les ordres de l’État pour prendre des précautions, le nombre de stands est largement limité : 15 au marché des Lices de Rennes par exemple, contre 200 en temps normal. De même, seuls les stands alimentaires seront autorisés.
La mise en place de ces règles et le flicage pour les faire appliquer revient aux mairies. Pas étonnant que nombre d’entre elles y renoncent. Par ailleurs, les préfet·es gardent le dernier mot et semblent pour certain·es considérer que la présence d’un supermarché dans une ville rend inutile l’ouverture du marché. Résultat, seul un marché sur quatre est rouvert.
Heureusement, la mobilisation semble porter ses fruits. Dans les villes où les habitant·es insistent auprès des élu·es, les marchés rouvrent plus vite.
Il est normal de prendre des précautions pour éviter des contaminations inutiles, mais l’accès à l’alimentation fait partie des besoins essentiels. La différence de traitement entre les marchés et les grandes surfaces, qui permettent tous les deux de combler ce besoin est donc particulièrement choquante.
La plupart des mesures du guide méthodologique pour les marchés ne sont pas appliquées dans les supermarchés, notamment l’interdiction de toucher les produits. De même, aucune surveillance de l’application des distances de sécurité n’y est faite, alors qu’il s’agit d’endroit plus confinés, conçus pour mettre les consommateur·ices au plus près des produits.
Alors que nous sommes au milieu d’une crise mondiale qui met en évidence les limites de notre modèle de production et de distribution, profitons-en pour repenser la consommation comme le proposent ces appels de la Confédération paysanne et de paysan·nes de Loire-Atlantique. Le modèle actuel, promu par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA est complètement dépassé par la situation, notamment parce qu’il repose sur l’exploitation de travailleur·euses détaché·es pour les récoltes.
S’approvisionner en vente directe, locale et de saison, assurer un salaire décent aux paysan·nes grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, organiser des chantiers agricoles collectifs pour éviter le recours à des machines qu’il faut acheter à crédit et aux hydrocarbures qui les font tourner, faire les courses en commun pour aider les personnes qui sont dans l’incapacité de le faire, penser la récupération et la redistribution des invendus pour aider les plus vulnérables, etc.
Toutes ces actions permettent de mettre en place des alternatives, en construisant une autre économie, qu’il faut défendre face au capitalisme mondialisé et à l’État.
Dans la région Grand Est, de nombreux collectifs se battent contre un plan de développement des outils numériques : le lycée 4.0. Alors que des lobbies d’experts influencent les politiques et disent que le numérique bouscule le modèle de l’école traditionnelle (sic), les enseignant·es et des personnes proches de l’éducation produisent elleux aussi des analyses qui font entendre une autre réalité.
Le professeur Raoult, infectiologue à l’IHU Marseille et ancien membre du conseil scientifique mandaté par l’Élysée, le répète : la chloroquine, ou son dérivé, l’hydroxychloroquine, guérirait du coronavirus. Sa position a été largement relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Au point que les hôpitaux testant les traitements contre le coronavirus peinent à convaincre les patient·es de participer aux études en cours.
Mais des problèmes majeurs dans l’étude du Dr Raoult ont été pointés par le reste de la communauté médicale : aucune comparaison sérieuse n’a été faite entre des patient·es traité·es et non traité·es ; par ailleurs, certaines données auraient été supprimées de l’étude car en défaveur de l’hydroxychloroquine… Plusieurs autres articles publiés par le passé par l’IHU étaient truqués ou d’une éthique douteuse.
Le professeur Raoult a réalisé une deuxième étude, qui n’est, à nouveau, pas interprétable faute de patient·es témoins (non traité·es par hydroxychloroquine) à comparer aux patient·es recevant l’hydroxychloroquine. Deux études chinoises, ici et là, trouvent quant à elles des résultats contradictoires ; néanmoins, ce sont des études réalisées avec très peu de personnes, qui permettent donc difficilement de conclure et qui sont aussi contestées.
Pour le moment, nous ne pouvons être convaincu·es ni de son efficacité, ni de son absence d’efficacité. Restons prudent·es devant les « expert·es » mis·es en avant par les médias ou le gouvernement, fussent-iels médecins ou scientifiques de formation…
Faux espoirs et vrais dangers
Si la plupart des « conseils » dispensés sur internet sont relativement inoffensifs (boire de l’eau, des boissons chaudes ou du jus de carotte, méditer…), certains « remèdes miracles » contre le coronavirus ont été à l’origine de drames. Ainsi, en Iran, 210 personnes seraient mortes après avoir consommé de l’alcool frelaté. Parmi les conseils plus ou moins dangereux et sans fondement rationnel, certains incitent à boire sa propre urine, de l’eau de Javel, des solutions d’argent colloïdal, ou à prendre de la cocaïne.
L’(hydroxy)chloroquine, qui peut induire de graves troubles cardiaques, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres médicaments courants (antibiotiques, traitements psychiatriques ou cardiologiques) n’est pas en reste : en France, dix personnes au moins seraient en réanimation après en avoir ingéré en auto-médication. Aux États-Unis, une personne est morte après avoir consommé le phosphate de chloroquine contenu dans le produit destiné à laver son aquarium.
Et il ne faut pas croire que l’on rend service aux gens en leur prescrivant de la chloroquine même avant la fin des essais cliniques : dans le contexte d’une épidémie, la chose la plus éthique à faire est de tester les médicaments avant de les prescrire à cause des nombreux effets secondaires.
En fait, quand on teste des médicaments (un groupe auquel on donne le médicament et un autre groupe auquel on donne un placebo et on traite de la même manière les patients en dehors de ce médicament particulier), il est souvent plus sûr d’être dans le groupe placebo plutôt que de prendre des molécules dont on ne connaît pas les effets !
Le technicisme ambiant nous pousse à ne percevoir que les effets positifs espérés des médicaments ; attention à ne pas sous-estimer les dangers des solutions miracles, d’où quelles viennent !
Les travailleur·euses du sexe, encore plus stigmatisé·es et isolé·es
Pour les travailleuses et travailleurs du sexe (TDS) aussi, l’heure est à la réflexion sur la réorganisation du travail, mais pas que. Le Syndicat du travail sexuel en France (Strass) conseille aux TDS de s’orienter plutôt vers le travail via internet, tout en prévenant des dérives possibles (vol de vidéos, cyberharcèlement, etc.) et en donnant aussi des outils à toustes celleux à qui les faibles entrées d’argent de ces activités numériques ne suffiront pas.
Beaucoup d’entre elleux se trouvent contraint·es d’accepter des situations qu’elleux refuseraient en temps normal, pour leur santé et leur sécurité : des rendez-vous pris uniquement par mèl, des clients qui demandent des passes sans préservatif, des clients qui rognent sur l’argent donné parce qu’« ils prenaient beaucoup de risques »…
Car rien n’est fait par le gouvernement pour aider les TDS, pendant cette crise, pas plus qu’à l’ordinaire. Ielles ne sont pas considéré·es comme ayant un travail (sauf quelques un·es au statut d’auto-entrepreneur·e) et n’ont pas les droits du travail associés.
Les hôtels, lieux de vie pour une partie d’entre elleux, ferment. La stigmatisation sociale et l’isolement dont ielles font déjà l’expérience quotidienne se renforcent, le stigmate de « la pute qui attrape toutes les maladies parce que c’est bien sa faute vu son activité » se réactive pour y inclure maintenant le coronavirus. Et aujourd’hui, travailler dans la rue, c’est aussi risquer de se faire violenter par une police à cran pour faire respecter le confinement.
Face à tout cela, certain·es ont l’impression de ne plus exister. Les associations et collectifs qui les soutiennent habituellement ont dû réduire leur action, alors que la communauté des TDS est la meilleure actrice de la prévention. Pour les soutenir financièrement pendant cette période, des cagnottesont été créées. Les associations et le Strass continuent de revendiquer pour les TDS les mêmes droits que pour toustes.
Nos vieux meurent en silence
Manque de masques et de personnels, difficultés à faire accepter le confinement à des personnes atteintes de troubles cognitifs… les contagions s’enchaînent dans au moins 100 à 150 Ehpad d’Île-de-France, malgré des mesures de confinement drastiques qui privent les résident·es, confiné·es dans leurs chambres de leurs dernières interactions sociales.
Le nombre de décès menace d’être très élevé parmi ces personnes âgées fragiles, mais les morts survenant dans les maisons de retraite ne sont pour l’heure pas incluses dans les statistiques officielles, malgré les remontées faites aux agence régionales de santé (ARS). Edouard Philippe a promis samedi qu’un bilan serait communiqué cette semaine.
Là encore, le gouvernement ne pourra pas dissoudre ses responsabilités. La baisse des financements de ces établissements pour personnes âgées dépendantes, décidée en 2018, a pu favoriser la propagation du coronavirus et accentuer la souffrance des résident·es. Alors que de grands groupes font des bénéfices importants sur les Ehpad privatisés, rappelons que les revendications syndicales sont restées lettre mortes à ce sujet.
« Ne nous applaudissez pas, soutenez nous ! »
La radinerie des directions d’hôpital force depuis des années les soignant·es à multiplier les heures supplémentaires, faute d’effectifs suffisants. Alors, quand la crise permet de le justifier, pourquoi ne pas avoir recours à des bénévoles comme les secouristes au Samu ou des scouts pour la manutention et le standard à l’hôpital ?
D’après nos sources, certains hôpitaux auraient également essayé de faire travailler gratuitement les étudiant·es en médecine comme aide-soignant·e ou infirmier·ère dans les unités Covid, avant de faire machine arrière devant une levée de boucliers des concerné·es, soucieux·ses de ne pas dévaloriser et précariser un peu plus le travail de leurs collègues paramédicaux.
Avoir de quoi vivre, un peu de temps pour soi et un toit au-dessus de la tête, est-ce trop demander ?
Les personnels sont en lutte depuis plusieurs mois pour sauver l’hôpital public, au bord de la rupture bien avant le coronavirus !
Par ailleurs, si les initiatives pour soutenir, et notamment héberger les soignant·es se multiplient, certain·es les traitent comme de véritables pestiféré·es, leur demandant poliment de quitter leur immeuble pour ne pas risquer de contaminer les voisin·es !
Comme les profs ou les agriculteur·ices, les soignant·es sont apprécié·es pour leur utilité mais nié·es dans leurs besoins fondamentaux – avoir de quoi vivre, un peu de temps pour soi et un toit au-dessus de la tête -, est-ce trop demander ?
C’est du moins ce que pense un journaliste scientifique américain, une information à prendre avec des pincettes car elle se fonde sur des prédictions mathématiques incertaines vu qu’on sait encore peu de choses sur le Covid-19.
Si on croyait encore en les « gardes-fou » de l’état de droit (Conseil constitutionnel ou Cnil), il y a de quoi être déçu ! Pour la Cnil, on était prévenu depuis longtemps !
Le confinement n’arrête pas les violences policières !
On le sait, les contrôles de police sont d’une violence inouïe dans les quartiers populaires, cela ne s’est pas arrêté avec le confinement comme le dénoncent de nombreuses associations.
Au contraire, les policiers ont la meilleure des excuses pour arrêter n’importe qui dans la rue, vérifier le bon respect des mesures de confinement et même contrôler nos courses. Un recensement avec vidéos a été publié sur Paris-Luttes Infos.
Depuis le début du confinement, une petite musique s’invite en boucle dans les communications du gouvernement, les médias de masse et les réseaux sociaux. Elle accompagne le mot d’ordre « restez chez vous » et sonne un peu trop le tambour et le clairon visant à nous mettre au pas.
Cette musique, c’est la stigmatisation des gen·tes qui sortiraient pour des motifs injustifiés.
De nombreuses personnes, à commencer par les keufs, les politicien·nes, les éditorialistes, mais aussi les soignant·es et voisin·es de palier se sentent légitimes à décider quelles sorties sont justifiées. Évidemment, certaines personnes ou populations sont davantage visées. Les JT se sont attardés longtemps sur le marché de Barbès. Les syndicats de flics n’hésitent pas à balancer des « fake news » pour s’en prendre encore aux quartiers populaires.
Quand on y regarde de plus près, on se demande si tout ça ne sert pas aussi à nous enfumer en rejetant la faute de la propagation du virus sur les individus.
À comparer aux dizaines de millions de déplacements pour les municipales, mais surtout aux millions de personnes qui continuent d’aller travailler tous les jours, la plupart du temps sans aucune protection…
Frontières nationales ou barricades villageoises
Alors qu’en Europe les États se barricadent à coup de lois, de décrets et d’amendes, il y a des régions du mondes où littéralement, des barricades sont élevées.
À comparer avec la situation que l’on vit en France, où la gestion de nos déplacements se décide au « 20 heures » ou dans les préfectures et reste bien le monopole de l’État, dans les faits comme dans les pensées. Quand en janvier des villageois chinois décident de s’organiser ainsi, pour France 2, ils « paniquent » et « font la loi».
Pour vivre heureuses, vivons masquées !
C’est une des questions que tout le monde se pose en ce moment : où sont passés les masques ? Si vous voulez la réponse, on vous invite à lire cet article.
Le gouvernement et la haute administration sont tellement en PLS sur cette question qu’iels préfèrent prétendre que les masques ne servent à rien plutôt que d’admettre à quel point iels se sont planté·es à force de suivre le dogme néolibéral. Sauf que les masques sont un moyen essentiel de lutter contre la propagation de l’épidémie.
Réapproprions nous les moyens de production !
N’attendons pas que Macron et sa bande fassent venir des stocks de Chine.
Réapproprions nous les moyens de production ! Avec une machine à coudre et les tutos et patrons disponibles sur internet, on peut fabriquer des masques en tissus réutilisables.
Ils permettent de réduire le risque de contaminer les gens que vous croisez et font sans doute l’affaire si vous n’êtes pas entouré·es de personnes porteuses du virus. C’est pas pour rien qu’ils sont obligatoires aujourd’hui dans plusieurs pays d’Asie, y compris à Hong-Kong où ils avaient été interdits suite aux manifs.
Faites-en pour vous, vos potes et les soignant·es de ville et des Ehpad, qui manquent de masques. Si vous êtes déter, vous pouvez même coudre des blouses avec des vieux draps !
Depuis plusieurs jours, les médias tournent en boucle. Le docteur Raoult est-il ou non un génie ? La chloroquine est-elle un remède miracle au coronavirus ? Y a-t-il 1.312 morts du coronavirus en France à 13 h, 1.300 à 13 h 12 ou les deux? À toute ces questions, la gazette vous donne quelques arguments pour trancher le débat une bonne fois pour toutes… et changer de sujet !
Nos ami·es scientifiques connaissent les méfaits de la bibliométrie (ou évaluation des chercheurs par le nombre de publications et le nombre de citations de ces publications dans d’autres articles) : revues prédatrices, auto-citation, etc. Pourtant, il faut avouer qu’on voit rarement des abus comme ce qu’a pu faire le docteur Raoult. Il aurait participé à 1.802 articles, dont de nombreux sur le coronavirus qui ont été acceptés à publication en un jour de relecture. Quelle rapidité !
Il faudrait être mauvaise langue pour remarquer que le directeur de publication de la revue qui accepte lesdits articles est un coauteur des articles du docteur Raoult ! Quant à l’efficacité de la chloroquine, il s’agit d’un débat scientifique en cours complètement disjoint de l’escroquerie Raoult, même si l’habitude médiatique de tout personnaliser fait fureur…
Sur les 63 articles sur le coronavirus considérés scientifiques par l’Inserm – rassurez vous, l’auteur de cette rubrique ne les a pas lus, n’étant pas chercheur dans ce domaine -, il ne semble pas y avoir de conclusions positives (sinon il y aurait un consensus scientifique ce qui est loin d’être le cas). Il faudra sûrement attendre les résultats des nombreux essais cliniques en cours (par exemple l’essai européen Discovery) pour y voir plus clair.
En attendant, l’extrême-droite se coordonne pour faire de la chloroquine le remède miracle : Trump, Estrosi, Le Point, Valeurs actuelles, etc.
Le confinement s’accentue et les conséquences négatives sont occultées
La situation est catastrophique pour toutes les personnes victimes de violences domestiques (enfants maltraités, femmes battues, etc.). Pas d’école pour voir les ami·es, pas de sorties pour se reposer et changer d’air et les amendes pleuvent quand on sort de chez soi.
Heureusement, des initiatives se multiplient sur internet pour aider à mieux vivre le confinement, à soulager le stress et l’anxiété comme ce que propose l’université de Lorraine, même si ce sont de piètres consolations pour les personnes les plus en dangers.
L’impact social du confinement (qui est certes nécessaire pour enrayer la propagation trop rapide du coronavirus) ne fait pas partie du débat public, ce qui empêche de chercher des solutions (hébergement de tous et toutes, réquisition des logements vides comme l’appelle le collectif Droit au logement, Dal).
Pendant que les médias bavardaient, le gouvernement préparait son coup
L’attaque contre le code du travail qu’a fait passer le gouvernement sans aucun contrôle législatif (par ordonnances) est inédite et violente ! On pourra faire travailler des salarié·es jusqu’à 60 heures par semaine ! Cela était souvent déjà imposé, en toute illégalité, pour les soignant·es.
Tant qu’à faire, vu que ça tenait tant bien que mal (ou pas), pourquoi ne pas l’imposer à tout le monde, se dit le gouvernement ?
À voir si les autres professions seront aussi corvéables et se laisseront faire, et espérons que, contrairement à ce qu’on a pu constater jusqu’ici, les syndicats ne prônent pas l’union nationale et choisissent la lutte des classes pour préserver les intérêts des travailleur·euses.
Actions syndicales
Face à l’angoisse générée par la demande de télétravail ou de travail à l’extérieur malgré l’épidémie, les syndicats ripostent.
La CGT lance le site luttevirale.fr pour informer les salarié.es sur leurs droit en temps de coronavirus et Solidaires va mettre en place un numéro de téléphone d’assistance syndicale.
Malheureusement, avec les ordonnances, les règles changent plus vite que les formations syndicales ! Bonne chance à elleux !
Il faut rappeler les évidences
L’OMS doit rappeler aux pays riches que ne pas aider les pays pauvres serait cruel. C’est vrai qu’après les avoir pillés pendant des centaines d’années pour certains, cela ne serait pas très sympa d’ajouter en plus le fait de les laisser seuls pendant cette crise !
En plus, cela risque de se combiner avec une grave crise humanitaire liée à la destruction des récoltes par un essaim de criquet. Invasion de criquets favorisée par quoi ? Le réchauffement climatique causé en grande partie par la pollution des pays les plus riches…
Envolons-nous hors des prisons
La situation est tellement catastrophique dans les prisons que L’Envolée organise une émission de radio tous les soirs, à 19 h, pour nous tenir au courant ! Merci à elleux pour leur super initiative. Continuons de lutter contre les prisons, les centres de rétention administratives (Cra) (où la situation n’est pas meilleure) et pour aider SDF, migrants et personnes dans le besoin !
Écologie & coronavirus
Si vous avez accès à un endroit ou vous pouvez observer les oiseaux, vous avez pu constater qu’ils se portent particulièrement bien en ces temps de confinement ! Il faudra attendre des études plus poussées pour avoir des chiffres précis mais assurément, les animaux sauvages apprécient que les humain·es prennent moins de place sur la planète.
On voit même des dauphins près de la Sardaigne, des ami·es m’ont parlé du retour de variétés de papillons plus vues depuis plusieurs années dans leur jardin. Beaucoup d’entreprises sont à l’arrêt ce qui cause une baisse historique de la production en gaz à effet de serre, principales causes du réchauffement climatique.
Comme quoi, c’est possible de ralentir la folie économique et de lutter contre le réchauffement climatique ! À nous de continuer sur cette lancée une fois que la crise du coronavirus sera terminée pour limiter les dégâts (si l’on continue sur cette lancée, des prévisions prévoient +6° en 2100…).
La lutte pour l’IVG n’est jamais finie…
Alors que les circonstances sont exceptionnelles, le gouvernement refuse d’aménager le droit à l’IVG ! Ce gouvernement avait déjà montré son anti-féminisme en gazant de nombreux rassemblements lors de la journée du 8 mars… Raison de plus pour les virer tous une bonne fois pour toutes !
Alors que le Parlement a accepté d’être dessaisi de son pouvoir législatif sans limite de durée, la suite des mesures annoncées par l’État ou prises par des institutions territoriales est justifiée par la présence d’idiots volages et de jeunes en groupe.
Avant même qu’Édouard Philippe n’annonce la fermeture des marchés ouverts et la limitation des déplacements sportifs à un kilomètre autour de chez soi et un par jour, des municipalités avaient déjà instauré des couvre-feux.
À Perpignan, la police nationale seconde la police municipale et le tout se munit de haut-parleurs pour réprimander les habitant·es. À Nice, des « comportements irresponsables » pour Estrosi ont conduit le maire à instaurer ce couvre-feu et il a été en cela imité par toutes les Alpes-Maritime. Ces mêmes « comportements insouciants » sont ciblés à Paris, où en plus des « bandes de jeunes » se rassemblent.
Dans un contexte où les plus vulnérables (femmes, prisonniers, immigrés, SDF, etc.) demandent encore plus d’attention, c’est tout le contraire qui arrive.
Blablabla
Dans le même temps (et oui…), le manque de prévision et les incohérences du gouvernement continuent à transparaître partout.
Tandis qu’on n’est même pas certain·es que le second tour des élections municipales ait lieu fin juin, notre Jean-Michel national annonce espérer une réouverture des écoles le 4 mai et envisage des cours supplémentaires pendant les vacances pour combler les lacunes potentielles des élèves.
Les enseignant·es vont être chargé·es de contacter les familles une fois par semaine : évidemment, ils et elles n’ont pas attendu que Blanquer se réveille pour échanger avec des familles qui se retrouvent souvent débordées, les rassurer et tenter de mettre des mots sur la situation [lire ci-dessous].
Les médecins continuent à s’exprimer sur le coronavirus et la gestion de la crise. Le syndicat des jeunes médecins a ainsi demandé au Conseil d’État l’application d’un confinement total au titre que ce serait sinon une atteinte au droit à la vie et au respect de la vie, ce que ce dernier a refusé dans la mesure où il estime que le gouvernement fait ce qu’il faut et que le ravitaillement de la France serait trop compliqué. Notons quand même qu’il ne l’exclut pas à un moment sur certaines zones.
D’autres se rendent bien compte que le gouvernement est en fait « une bande d’incapables qui en rajoutent dans l’arrogance » ; se demandent pourquoi est-ce que, depuis qu’on a des pandémies et qu’on sait qu’elles se répandent vite, il n’y a pas de stratégie prévue à l’échelle mondiale (est-ce que, vu que les récentes pandémies ont eu lieu dans des pays plus pauvres, on les méprisait bien, pensant que ce n’était pas pour nous ?) ; sont dégoûtés du rôle de « recycleurs du capitalisme » qu’il leur est donné par la mission de réparer les corps abîmés pour qu’ils retournent sur le marché.
Chiffres à gogo, piège à idiot·es ?
Ça y est, on va pouvoir suivre ce qui se passe : un cabinet de sondages est dépêché pour suivre ce que pensent les Français (avec un très grand « F »). Et on apprend donc par CoviDirect (y’a de bons communicants quand même) que 82 % des Français sont inquiets…
La pandémie est aussi l’occasion d’un petit retour sur les chiffres et leur utilisation. Les modélisateurs qui regardent la pandémie ont tendance à le faire avec des équations exponentielles et à présenter des taux de décès.
Les personnes qui ont une approche probabilistes sont plus empiriques et présentent plutôt des nombre de décès… Et bien, par comparaison avec la grippe de 2017, en nombre de décès ça semble peu grave, et en taux de décès c’est affolant. À vous de choisir.
Si on est chaud de la face de bouc on peut aussi aller voir ce qui pourrait se tramer le 29 mars [The Viral Open Space].
Virus : point technique
[Attention, mode « scientifique » ON]
Ce virus appartient à la grande famille des Coronavirus, comme le SARS-CoV (épidémie 2002-2003) et le MERS-CoV (épidémie 2012).
Beaucoup de Coronavirus circulent dans la population humaine : ils représentent 15-29 % des rhumes communs (Su et al., 2016). Le SRAS-CoV2 (le nôtre) est un β coronavirus et il a une forte parenté avec les coronavirus fréquents chez les chauves-souris, même si c’est peu probable qu’il ait été transmis à l’humain via cet animal parce que les chauves-souris hibernaient en décembre en Chine (Lu et al., 2020).
Pour ces virus qui ne sont pas particulièrement dangereux pour les chauve-souris, le passage à l’humain est favorisé par des recombinaisons, c’est à dire des modifications du matériel génétique présent dans le virus : dans une revue de la littérature scientifique sur les coronavirus en 2016, Su et al. soulignaient déjà que ce n’était « not a matter of if, but when, the next recombinant CoV will emerge ».
En Chine, la propagation initiale indiquait une période d’incubation de 5,2 jours et un R0 de 2,2, c’est à dire qu’un patient infecté transmettait le virus à en moyenne 2,2 personnes (Li et al., 2020).
Par rapport aux vaccins / médicaments : élaborer un vaccin, même en contexte pandémique prend un à deux ans. L’utilisation de médicaments est en étude : on s’intéresse au site catalytique de l’ARN-polymérase du virus, c’est à dire à l’endroit de cette protéine qui permet au virus de reproduire son matériel génétique ARN de se lier à d’autres pour fonctionner.
Ce site peut recevoir l’élément qui permet en effet le fonctionnement, mais aussi des éléments de forme similaire. Et on en connaît quelques+uns qui sont déjà utilisés dans le traitement d’autres maladies (hépatite C, grippe notamment) (Li et De Clerq, 2020). Mais on ne sait pas si ça va marcher avec SRAS-CoV2 et ça nécessite pas mal de boulot.
Enfin, de ce qu’on sait des autres coronavirus, ils peuvent persister de quelques heures à dix jours sur les surfaces touchées… (Kampf et al., 2016)
Lettre aux parents partagée sur la liste de diffusion parisienne CNT et copaines
« Chers parents, chers élèves,
Tout d’abord, j’espère que tout va bien pour vous et désolé pour le retard au démarrage, moi aussi j’ai été désorganisé, déboussolé, décontenancé, sidéré. Je vous conseille de vous occuper de vous et de vos enfants. Le temps risque d’être très long. Donc ce n’est pas la peine de se précipiter sur telle ou telle activité sur tel ou tel site. Il faut s’organiser sur un temps long.
Je tenterais, autant que possible, de vous proposer des lectures, des activités, des jeux. Vous pouvez aussi me dire ce que vous faites. M’envoyer des nouvelles des enfants. Et quand je dis nouvelles cela peut-être des dessins, des sculptures ou tout autre réalisation de vos enfants. Pensez bien à tout dater pour refaire le fil de l’histoire quand on se reverra. Car on se reverra, on en reparlera, peut-être même qu’on le chantera et qu’on en rira.
Mais pour l’instant, faisons preuve d’énormément de patience avec nos enfants, avec nous-mêmes. Ne cherchez pas trop à faire la classe. Pas parce que vous ne savez pas le faire mais parce que vous n’avez pas un groupe d’enfants. Moi non plus d’ailleurs, je n’ai plus de groupe d’enfants, je n’ai plus de classe. Donc faisons autre chose.
Alors on va se donner des nouvelles, vous avec moi mais également entre les enfants. Donc une première chose, faisons un dessin, on prends une photo et vous me l’envoyer et je l’envoie aux autres. Vous pouvez aussi l’envoyer directement aux parents de la classe que vous connaissez. Mais, attention, si votre enfant n’a pas envie, ce n’est pas grave, cela viendra. Ou peut-être veut-il autrement. Une photo de lui ? Un objet qu’il apprécie ? Un gâteau qu’il a fait ? Peu importe…
Pour les dessins, n’utilisez pas de feuilles classiques qui servent pour les attestations ou alors le dos de l’attestation de la veille ou tout autre surface (dos des emballages, vieux journaux…). Et pour dessiner, tout outil qui laisse une trace (crayon, feutre, craie, stylo, pinceau et si vous trouvez autre chose prévenez moi).
Voilà, on se donne des nouvelles et à bientôt. »
Les sénateurs et les députés se sont entendus sur le projet de loi qui instaure l’état d’urgence sanitaire pour deux mois et habilite le gouvernement Philippe à légiférer par ordonnances. Son adoption définitive par les deux chambres est intervenue dimanche après-midi, sans les voix des communistes, insoumis et socialistes. L’opposition de gauche déplore le manque de contrôle du Parlement, des reculs sociaux et l’alourdissement des peines en cas de non-respect répété du confinement.
La principale pierre d’achoppement concernait le dépôt des listes pour les municipales, la droite craignant des tripatouillages en cas de report trop tardif. Finalement, les candidats auront jusqu’au 2 juin pour se rendre en préfecture et le second tour se tiendra le 21 juin, à condition que le comité scientifique donne un feu vert, ce qui est très hypothétique.
Un fragile garde-fou est posé concernant le départ anticipé en congés payés, pour lesquels un accord d’entreprise sera nécessaire (à moins d’un accord de branche), « dans la limite de six jours ouvrables ». Toutes les entreprises pourront bénéficier du chômage partiel, pris en charge par l’Etat à hauteur de 84 % du salaire net ou 100 % dans le cas de travailleurs tombant sous le Smic.
Ces mesures d’essence avant tout patronales ne sont pas bornées dans le temps, contrairement à la suspension du jour de carence dans le privé comme dans le public, qui ne vaut que « pour la seule période de l’urgence sanitaire ».
Un amendement “pleins pouvoirs” permet à l’exécutif de limiter davantage encore les libertés d’aller et venir, d’entreprendre et de réunion pour mettre fin à la catastrophe sanitaire, sur simple décret. Il sera possible de contester ces mesures par le biais d’un référé-suspension devant le tribunal administratif.
Le sport en extérieur ainsi que certains marchés risquent d’ailleurs d’être interdits, suite aux injonctions du Conseil d’Etat, saisi par des médecins demandant un confinement plus strict de la population.
Une quadruple entorse aux mesures de confinement en l’espace d’un mois est désormais passible d’une peine de six mois d’emprisonnement, prononcée en comparution immédiate. Me Kempf dénonce un amendement scélérat, le principe de proportionnalité étant probablement bafoué.
Au moment où la justice tourne au ralenti, où les avocats sont tenus à l’écart des gardes à vue et où la promiscuité carcérale est particulièrement dangereuse pour la santé des détenus comme des surveillants, la création de ce délit rappelle le penchant répressif du pouvoir. L’arbitraire policier risque de prospérer. On pense avant tout aux quartiers populaires qui subissent déjà les contrôles au faciès et où le confinement rime avec enfermement.
Enfin, malgré les alertes venues des bancs de la droite, le volet organique du projet de loi suspend le délai d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Le gouvernement n’entend pas voir son échafaudage s’effondrer comme un château de carte. Le Conseil constitutionnel sera toutefois saisi de cette partie du texte, qui prévoit précisément de le mettre en sourdine.
On n’a pas de masques, mais on a des LBD
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, promeut l’usage de drones équipés de haut-parleurs (et de caméras) en tant qu’outils de dissuasion contre les promeneurs, dans un clip diffusé par l’AFP. Le réel dépasse la science-fiction. Les mêmes images ont été filmées à Nice, sur la promenade des Anglais, et plus tôt en Italie ou bien sûr en Chine.
S’il s’agit surtout d’un gadget servant la propagande techno-policière, profitons-en pour souligner qu’au moment où les stocks stratégiques de masques se vidaient, passant de 1,6 milliards en 2010 à 150 millions en 2020, selon le ministre de la Santé lui-même, l’Etat investissait massivement dans l’armement.
Les esprits malicieux remarqueront que les Gilets jaunes se sont équipés de masques FFP2 voire FFP3 pour se protéger des lacrymo. D’autres esprits plus cruels ajouteront que leurs équipements ont été saisis par la maréchaussée lors de fouilles permises par la loi dite anti-casseurs votée l’an passé !
Les bon samaritains des télécoms
“Nous sommes en guerre“, a répété Emmanuel Macron lors de son allocution du 16 mars annonçant (sans le dire explicitement) le confinement du pays. Les industriels ont entendu le signal et surtout repéré les opportunités qu’une telle situation ouvre.
Ainsi, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, propose que les données des abonnés de l’ex-entreprise publique servent à modéliser la propagation de la maladie grâce à la géolocalisation des téléphones. Seul obstacle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui n’apprécie guère ce type de manœuvres. Qu’à cela ne tienne, le patron trouvera sûrement des oreilles plus attentives dans les ministères.
Des propositions similaires ont été formulées aux Etats-Unis, tandis que la Chine utilise déjà la reconnaissance faciale alliée au permis social dans certaines mégapoles pour asseoir son contrôle.
Par ailleurs, la neutralité du net pourrait faire les frais de la situation au nom de la priorité donnée au télétravail dans l’utilisation du réseau. Qu’entendait Macron au juste, le 12 mars, lorsqu’il parlait des “faiblesses de nos démocraties” ?
L’entraide contre la « stratégie du choc »
Comment réagir lorsque le confinement répond à une logique de santé publique mais qu’il renforce du même coup l’Etat policier ? Par l’auto-organisation bien entendu !
Un réseau de solidarité nommé #Covid-Entraide France met en relation les multiples groupes qui se créent partout sur le territoire, avec l’appui de personnalités et professionnels de la santé, de l’alimentation ou du spectacle. Leur appel a été relayé dans des médias de gauche tels que Mediapart, Reporterre ou Lundi Matin. Pas moins de 246 groupes sont recensés au 22 mars sur une carte interactive.
« On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste »
Le député-reporter LFI François Ruffin réalise une libre-antenne chaque soir, lors de laquelle il donne la parole à des travailleuses, travailleurs mais aussi à des scientifiques ou penseurs des dérèglements de notre monde. Cette émission diffusée en direct sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une démarche plus générale autour de son site L’An 01, en référence à la BD de Gébé et au film éponyme. Une autre façon de résister et pour Ruffin de poser un jalon pour l’avenir.
De radio des luttes à radio des huttes
L’Acentrale est le pendant du réseau de sites d’info participatifs Mutu. Créée en décembre pour couvrir les jours de manifs contre la retraite Macron au plus près du terrain, ce collectif de radios diffusant sur les ondes ou sur le web reprend du service pour une mission strictement inverse sur le papier : nous accompagner dans notre confinement.
Tisser du lien pour se donner de la force, partager les initiatives, éviter le repli sur soi, parler politique en pensant aux dominés qui souffrent avant tous les autres de la crise, etc. La lutte ne s’arrête pas dans le foyer !
Une journée de lutte marathon contre le projet de retraite à points s’est conclue à Lannion (Côtes-d’Armor) dans la salles des Ursulines, où les élu·e·s de l’agglomération et leurs invité·e·s partageaient le traditionnel buffet consécutif aux vœux de bonne année, ce vendredi 24 janvier.
Après une première manifestation dans la matinée, puis un déplacement en car vers celle organisée à Saint-Brieuc, la première retraite aux flambeaux des syndicats lannionnais finit par bifurquer. Au lieu de se disperser sur la place du Marchallac’h, les 300 manifestant·e·s trégorrois·e·s prennent le chemin du parvis des Droits de l’Homme, entre la salle de spectacle du Carré Magique et la salle polyvalente des Ursulines, réservée pour un buffet musical. Trop tard pour assister au dernier discours de vœux du président Le Jeune, mais pas pour obtenir une réponse des maires à la lettre envoyée par l’intersyndicale la semaine dernière. Celle-ci leur demande de se positionner sur le projet de réforme gouvernemental.
« Une réforme est nécessaire »
Gardés à distance par quelques policiers, les représentants syndicaux finissent par obtenir l’arrivée d’une délégation d’élus, par l’entremise du commandant Petitbois. Le président LREM (ex-PS) de Lannion Trégor Communauté, Joël Le Jeune, se présente entouré de plusieurs vice-présidents, dont le maire divers droite de Perros-Guirec, Erven Léon (possible successeur), le maire PS de Plouzélambre, André Coënt, le maire PS de Cavan, Maurice Offret, et le maire divers droite de Pleubian, Loïc Mahé.
« Je crois qu’une réforme est nécessaire, répond Joël Le Jeune à Erwan Trézéguet, secrétaire général départemental de la CGT. Elle doit être menée et je suis pour qu’elle soit négociée. Je regrette que la CGT, notamment, ne discute pas. Discutez ! Il y a déjà eu des évolutions qui ont été faites. Aujourd’hui le système ne tient plus. »
« Aux municipales, ça va faire mal »
Interpellé dans une ambiance houleuse par une travailleuse qui lui fait remarquer qu’une personne seule avec un enfant handicapé ne peut pas vivre dignement avec 1.000 €, le président de l’agglo accepte de recevoir une délégation syndicale dans les prochains jours. Le groupe de maires repart sous les huées, les protestataires promettant de les sanctionner lors des élections municipales, en mars.
Pendant ce temps, un premier groupe de manifestant·e·s parvient à pénétrer dans la salle en passant par les cuisines. Ceux restés entendre les élus les rejoignent, drapeaux en mains. Le secrétaire de l’union locale CGT, Benoît Dumont, dont le bureau se trouve d’ailleurs à l’étage, fait une lecture au mégaphone de la lettre adressée aux élu·e·s. L’immense majorités des invité·e·s lui tournent le dos.
Sous l’immense boule à facette, deux mondes qui pourtant se connaissent – Lannion est un grand village de 20.000 habitants -, s’observent en chien de faïence. Pas plus l’hymne anti-Macron des Gilets jaunes que la chorégraphie des travailleuses « We can do it ! » ne dérident l’assemblée. Après quelques petits fours, les manifestants repartent, discrètement accompagnés par les musiciens de jazz, payés pour ambiancer la soirée.