Quatre mois après les derniers feux de la bataille des retraites, l’intersyndicale du Trégor n’a guère mobilisé au-delà des rangs militants, vendredi 13 octobre 2023. Mais parce qu’il faut se méfier de l’eau qui dort, nous avons tendu l’oreille pour comprendre ce qui fait marcher ceux qui ont fait le déplacement.
Si les drapeaux de la CGT et de la CFDT ont de nouveau flotté dans la même direction, localement, la confédération Force ouvrière s’est fait porter pâle.
Dans l’argumentaire déployé pour rejoindre les cortèges par la CGT, l’opposition au report de l’âge légal de départ à la retraite n’est plus que la cinquième raison citée. Derrière l’augmentation générale des salaires, l’égalité femmes-hommes, la défense des services publics et la « transition écologique socialement juste ». Volonté de tourner la page ou dépit ? Que ce soit à la tribune ou sur le pavé, nul ne souhaite s’appesantir sur le revers majeur subi plus tôt dans l’année.
« Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir »
« C’est une date européenne qui intervient dans un contexte très difficile pour les citoyens qui ont le moins, convient Robin Maillot, représentant du personnel pour l’Unsa dans l’éducation. Plus ça va, plus les prix augmentent et je pense qu’on n’a pas fini de parler de l’énergie. Les coûts de l’énergie pour les collèges et les lycées, qui vont retomber sur les conseils départementaux et régionaux, vont exploser. »
L’été a aussi laissé des traces à l’hôpital. Faute de personnels suffisants, les urgences de nombreux établissements ne sont régulièrement plus accessibles la nuit sans passer par la régulation du Samu. À Guingamp, les accouchements ne sont plus assurés.
« On voit qu’on gère la misère, constate Robin Maillot. Inversement, on a des aides aux entreprises absolument pas assujetties à des contreparties ce qui est particulièrement inadmissible. Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir. »
La conférence sociale promise par Emmanuel Macron pour se pencher sur les branches professionnelles dont des échelons débutent sous le Smic et inaugurée le 16 octobre par Élisabeth Borne ne suscite aucun enthousiasme.
Dans les rangs de la jeunesse, si les questions sociales demeurent importantes, les préoccupations environnementales affleurent rapidement.
« Je me suis préparé à mourir »
Pancarte louant « la seule planète le kouign-amann existe », Mona, déplore que « le gouvernement ne fasse rien du tout pour l’écologie ». La lycéenne en arts du cirque à Savina, venue spécialement avec ses camarades de Tréguier, aimerait que les politiques s’attaquent à la fast-fashion, à savoir la mode éphémère qui implique une production massive de vêtements dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée voire exploitée. « On s’habille tous en frip’, donc il y a plein de moyens de faire autrement. »
Pas beaucoup plus âgé que Mona, Winaël a déjà expérimenté la violence d’État.
« À Sainte-Soline, avant d’y aller, je me suis préparé à mourir, j’ai dû prévenir des proches que potentiellement j’irai mourir et je suis passé pas très loin de la mort », témoigne dans un calme déconcertant ce lycéen nazairien, dont le casque est décoré d’un autocollant “no bassaran”.
Le 25 mars 2023, il participait à la manifestation contre la construction de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, lors de laquelle plus de 5.000 grenades lacrymogènes et de désencerclement ont été tirées par les gendarmes.
Un rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières cosigné par la Ligue des droits de l’homme (LDH) reprend le bilan délivré par les Soulèvements de la Terre, à savoir 200 manifestants blessés dont 40 gravement, 20 mutilées ou au pronostic fonctionnel engagé parmi lesquelles une personne au pronostic vital engagé. Peu après les affrontements, le procureur du département avait lui annoncé 47 gendarmes blessés, dont deux en urgence absolue lors de leur prise en charge, et deux journalistes en urgence relative.
« Si le gouvernement me considère comme “éco-terroriste”, ça en devient une légion d’honneur parce que la vraie répression, la vraie violence, elle n’est pas de soutenir les familles des vitrines. Ce sont les gens qui sont mutilés, qui meurent. […] Même l’Onu considère la France comme une démocratie défaillante, poursuit le militant du Mouvement national lycéen (MNL). Là, le gouvernement veut réautoriser le glyphosate, qui cause des troubles sur les cerveaux des enfants. Il favorise le profit avant tout. »
Les questions internationales ont quant à elles été soigneusement évitées dans le discours lu à trois voix par des représentantes de la FSU, de la CFDT et de la CGT juste avant le défilé. Les organisations syndicales ont rappelé leur « attachement aux valeurs républicaines, aux libertés démocratiques, individuelles et collectives, en particulier le droit de grève et de manifestation ». Est-ce une allusion au télégramme du ministre de l’Intérieur demandant au préfet d’interdire toute manifestation pro-palestinienne ?
Au pied du podium, un tract distribué par l’association France Palestine Solidarité Trégor met les pieds dans le plat. Après une dénonciation « sans ambiguïté » de l’attaque du Hamas qui a « pris pour cible de très nombreux civils non armés », l’organisation alerte sur la réponse du gouvernement israélien. « Une escalade placée sous le signe de la vengeance » face à laquelle l’AFPS réclame des autorités françaises et européennes qu’elles se mobilisent pour un cessez-le-feu immédiat.
Le chaos du monde qui ébranle la coalition de gauche à l’Assemblée nationale mettra-t-elle en sourdine les aspirations sociales et écologistes ? Alors que la résurgence d’attentats islamistes favorise les discours martiaux et la désignation de boucs émissaires, les militants ont de quoi être inquiets.
« Vous avez votre réponse », clôt Christophe Béchu. Et quelle réponse ! Lors de sa visite dans les Côtes-d’Armor, ce vendredi 25 août 2023, le ministre de la Transition écologique a été interrogé au sujet de la récente et inédite condamnation de l’État pour le préjudice écologique causé par la prolifération d’algues vertes en baie de Saint-Brieuc. « À ce stade », le ministre ne peut pas dire quelles suites seront données à cette décision. Tic-tac, il reste trois mois.
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est rendu à la station ornithologique de l’Île Grande, gérée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le 25 août 2023. Venu avec Sarah El Haïry (secrétaire d’État à la biodiversité) et Hervé Berville (en charge de la mer) pour inaugurer la récente extension du périmètre de la réserve naturelle des Sept-Îles, qui abrite l’unique colonie de fous de Bassan en France, il a été reçu par le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg.
Lors d’un rapide point presse, Christophe Béchu a été interrogé au sujet de la décision du tribunal administratif de Rennes rendue le 18 juillet, qui reconnaît pour la première fois le préjudice écologique des marées vertes. L’association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre, présidée par le lanceur d’alerte Yves-Marie Le Lay, a obtenu la condamnation du préfet des Côtes-d’Armor pour carence fautive.
Cette saison est marquée par un retour en force des algues vertes en baie de Saint-Brieuc. « Le mois d’août n’a pas connu la décroissance habituelle : leur présence est de 30 % supérieure aux normales saisonnières. À court terme, c’est inquiétant », renseignait Sylvain Ballu, le « monsieur algues vertes » du Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva), le 23 août, dans Ouest-France.
La réponse in extenso de Christophe Béchu
« La décision date du milieu du mois de juillet. On est un mois après. Le ministère est en train de regarder. La volonté de lutter globalement contre la prolifération des algues vertes et l’ensemble de ses conséquences, elle existe. On est plutôt sur des tendances au cours de ces dernières années qui sont moins négatives que celles qu’on a pu connaître par le passé. Ce sont des sujets qu’on prend très au sérieux, sur lesquels on se mobilise, mais je ne peux pas vous répondre de manière spécifique sur la suite qui sera donnée à cette décision du tribunal administratif puisqu’elle fait l’objet d’un examen croisé entre nos différents ministères. En revanche, elle nous rappelle qu’on a la nécessité d’agir et d’agir davantage, on n’a pas attendu cette décision pour le faire et c’est précisément ce que nous faisons depuis quelques années.
– Il semble qu’il y a un rebond de la présence d’algues vertes, en particulier dans les Côtes-d’Armor, cette saison.
– Écoutez pour le moment ce ne sont pas les éléments que j’ai. Vous savez qu’il y a une corrélation assez forte entre la météo et en particulier le taux de pluviométrie et la réalité d’une partie de cette prolifération. Ensuite, je me méfie des chiffres parce qu’entre les chiffres qui consistent à regarder ce qu’on a évacué et les chiffres qui consistent à regarder ce qu’on peut constater, il peut y avoir des écarts donc je ne me prête pas à…
– Non, ce sont les survols du Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) en fait.
Les meetings de la Patrouille de France nécessitent une extrême précision. Pourtant, un rapport des gestionnaires de la réserve naturelle des Sept-Îles fait état de survols multiples et récurrents de la fragile colonie de fous de Bassan, lorsque les Alpha Jet se produisent à Perros-Guirec. Cela en dépit des arrêtés d’interdiction. L’année 2023 fera-t-elle exception ?
Le 27 août 2022, Armel Deniau et Grégoire Delavaud, salariés de la station LPO de l’île-Grande, près de Lannion (Côtes-d’Armor) embarquent pour une mission singulière. Ils partent pour la réserve naturelle des Sept-Îles, dont la Ligue de protection des oiseaux est gestionnaire. Objectif : observer les avions de la Patrouille de France lors de leur entraînement. Ils recensent 14 survols de l’est de l’archipel « autour et au-dessus des îles Malban et Rouzic », entre 15 h 38 et 16 h 30.
Le lendemain, tandis que la foule se masse à Trestraou ou Ploumanac’h pour admirer les acrobaties aériennes, les gardes techniciens, dont un assermenté, notent dans leur cahier 16 nouveaux survols, entre 15 h 15 et 15 h 54.
L’archipel est le refuge privilégié des oiseaux marins. L’île Rouzic accueille l’unique colonie de reproduction de fous de Bassan de France, la deuxième colonie de phoques gris et la quasi-totalité des macareux moines, puffins des Anglais et pingouins torda visibles dans le pays. Une paix troublée par le passage d’intrus aux ailes métalliques. Le 27 août, les avions ont provoqué huit envols dans la colonie de fous de Bassan, dont deux particulièrement importants. Puis six autres envols le 28 août.
Des survols interdits par arrêté
Ce bilan chiffré est présenté dans le rapport d’activités de la réserve naturelle pour 2022, photos à l’appui (à télécharger ici en pdf).
Son article 3 indique que « le survol des Sept-Îles est interdit ». La phrase est écrite en gras et surlignée. Plus loin, l’article 14 définit les missions du directeur des vols et de son suppléant. Ils doivent, entre autres, « rappeler lors du briefing préalable aux vols l’interdiction du survol de la zone définie à l’article 3 notamment l’interdiction de tout survol des Sept-Îles » (extrait de nouveau écrit en gras).
Selon Pascal Provost, le conservateur de la réserve naturelle, les arrêtés préfectoraux sont bafoués de façon récurrente, générant des envols de fous de Bassan par centaines ou milliers.
Une colonie presque anéantie par l’influenza aviaire
En 2022, ce « dérangement » s’est produit dans un contexte noir. Les oiseaux ont été décimés par le virus de l’influenza aviaire hautement pathogène. La LPO calcule qu’entre 58 et 86 % des adultes sont morts, soit 20.000 à 27.000 individus. En l’absence de leurs parents, seuls 3 à 20 % des juvéniles ont survécu.
Sur leur ilôt rocheux situé à quatre miles nautiques du continent (environ 7,5 km), les oiseaux sont soumis à des pressions multiples, toutes liées aux activités humaines. La liste établie par Pascal Provost s’allonge : baisse des ressources en poissons, captures accidentelles dans les engins de pêche le long des routes migratoires, changement climatique… Le rapport d’activité mentionne aussi la présence d’une nappe d’hydrocarbure de 200 x 80 m, observée le 22 juin 2022. « Les effets combinés [de ces pressions] sont connus pour mener à une extinction locale », s’inquiètent les rapporteurs.
Un an plus tard, la colonie convalescente recevra-t-elle de nouvelles visites indésirables ?
Malgré les polémiques récurrentes sur le coût écologique du meeting de la PAF, Perros-Guirec n’a nullement l’intention d’abandonner ce temps fort de la saison touristique. La cité balnéaire de la côte de Granit Rose s’attend à recevoir 50.000 visiteurs durant le weekend des 19 et 20 août. « Pour nous, l’impact sur l’environnement est relativement minime », estimait le maire (divers droit), Erven Léon, sur France 3, le 9 août dernier.
Pour ce 40e passage de la « PAF » dans la cité des hortensias, des démonstrations de parachutisme et de sauvetage en mer depuis un hélicoptère de la marine nationale sont également prévues.
Or, les agents de LPO ont noté dans leur rapport que « des envols importants » de fous de Bassan se sont produits en 2022, « malgré l’altitude du vol ».
Les autorités sont chargées de vérifier les trajectoires des avions. Contactée, la préfecture maritime nous précise que ce contrôle sera assuré par des acteurs civils et militaires.
De son côté, Pascal Provost indique que des agents de la LPO prendront la mer pour mener leurs propres observations. Des fois que l’État ne respecte pas les règles qu’il édicte lui-même.
Pensez à vous abonner pour recevoir nos articles gratuitement dans votre boîte mél.
Yves-Marie Le Lay a fait reconnaître cette semaine par la justice administrative le préjudice écologique causé par les marées vertes en baie de Saint-Brieuc. Une victoire qui intervient au moment où le film « Les Algues vertes » de Pierre Jolivet séduit un large public au cinéma. Début juin, nous avions réuni le lanceur d’alerte breton et le réalisateur pour une interview croisée, lors d’une avant-première organisée à Plestin-les-Grèves (22).
Passer de journaliste pigiste à héroïne de film, c’est la trajectoire inattendue suivie par Inès Léraud, dont trois années de vie sont portées sur grand écran dans « Les Algues vertes », de Pierre Jolivet. Méthode de travail, risques, engagements… Nous l’avions rencontrée le 2 juin 2023, lors d’une avant-première organisée dans le cinéma associatif de Callac (22).
Les Algues vertes est sorti en salles le 12 juillet 2023.
Lors de la projection des « Algues vertes », ce jeudi soir, au cinéma de Lannion (Côtes-d’Armor), des membres des Jeunes agriculteurs attendaient les lanceurs d’alerte à la sortie. Insultes, menaces, intimidations : c’est une avant-première sous pression qui s’est déroulée dans l’une des villes où le film de Pierre Jolivet et Inès Léraud a été tourné. Je vous raconte.
Il est 20 h 45 lorsque la séance des « Algues vertes » démarre, dans la salle n°1 des Baladins, à deux pas de la gare de Lannion. Laurent Lintanf et Laurence Perron viennent d’introduire cette séance très spéciale, coorganisée avec la LPO Bretagne, devant 279 spectateurs.
Les militants Nupes du Trégor présentent rapidement le plateau d’intervenants qui viendra répondre aux questions du public quand les lumières se rallumeront : Yves-Marie Le Lay, lanceur d’alerte sur les marées vertes, Pierre Philippe, l’urgentiste que les autorités ont ignoré lorsqu’il a averti sur le danger mortel de l’hydrogène sulfuré dès 1989, Serge Le Quéau, syndicaliste et membre du Cese, sans qui l’affaire des intoxiqués de Nutrea-Triskalia n’aurait sans doute jamais été révélée, Viviane Troadec et Ludovic Brossard de la LPO Bretagne, et Benoît Allain, éleveur laitier membre de la Confédération paysanne.
« On se retrouvera ! »
Les réservations sont closes depuis trois jours. « Aujourd’hui on a reçu cent appels », explique le guichetier à des retardataires qui devront attendre la sortie nationale, le 12 juillet. Au milieu des curieux et des familles venues voir Indiana Jones, se trouve un groupe de jeunes hommes qui n’est visiblement pas là pour l’amour du 7e art.
Il s’agit de membres des Jeunes agriculteurs, émanation de la FNSEA. Certains sont éleveurs de porcs ou de lapins près de Tréguier. Convaincus que le film dessert leurs intérêts. Le ton monte rapidement contre Yves-Marie Le Lay, l’inlassable pourfendeur de agro-industrie, connu comme le loup blanc. Il était suppléant de la candidate LFI-Nupes défaite au second tour des législatives, à Lannion, l’an dernier. Ce que l’un de ses contempteurs ne manquera pas de relever.
Du hall, nous arrivons sur les marches, à la demande des responsables du cinéma qui sentent que la situation peut déraper. En effet, le plus bavard et probablement le plus costaud des huit gaillards ne cesse d’affirmer à Le Lay : « On se retrouvera ! » Quarante ans et une tête séparent les deux hommes.
Mon téléphone arraché des mains
J’interviens dans ce qui est devenu une esclandre publique pour mettre des mots sur la situation : une intimidation qui vise à faire taire. Je fais valoir ma qualité de journaliste. Lorsque j’annonce vouloir filmer la scène, le meneur de la bande saisit mon téléphone, m’intimant l’ordre d’effacer la vidéo. Ce dont je n’ai pas l’intention. J’arrache finalement mon appareil, le tirant de fort mauvaises mains, après trente secondes confuses qui auraient pu mal se finir.
Les deux groupes se séparent. Avec les organisateurs et intervenants, nous gagnons le restaurant. Les JA restent un moment sur le parvis des Baladins, avant de s’installer en terrasse. Il y a une vitre entre nous et des serveurs compréhensifs. Entre temps, la police nationale, appelée sur les lieux, est allée discuter avec l’équipe du cinéma et les agriculteurs. J’ai également parlé avec les fonctionnaires, qui me conseillent d’être « prudents ». L’une des agents est munie d’une « caméra piétonne ».
Il est convenu qu’une patrouille revienne à l’heure où il nous faudra regagner le cinéma. Une précaution pas tout à fait inutile, puisque si quelques amis ont été prévenus, pour pouvoir témoigner, Le Lay essuie de nouvelles insultes en traversant la terrasse.
Pendant ce temps, le mot a commencé à circuler. Tweet de soutien de Marine Tondelier, la secrétaire nationale d’EELV, textos et coups de fil aux copains. La députée LFI de Guingamp, Muriel Lepvraud, a même prévenu le préfet Rouvré. A Carhaix, Inès Léraud et Morgan Large expliquent les faits au public carhaisien. Mais dans la salle lannionnaise surchauffée et coupée du réseau mobile, où les applaudissements succèdent au générique de fin, les spectateurs ignorent encore qu’une scène supplémentaire de « l’histoire interdite » vient de se jouer.
C’est donc lors d’échanges avec les invités que la salle apprend stupéfaite que pour la première fois depuis le début des projections-débats des « Algues vertes », soit facilement plus de 50 séances, des membres de la profession agricole ont voulu régler leurs comptes avec certains des protagonistes.
D’ailleurs, la porte de sortie du cinéma est gardée par deux policiers. Autre grande première de la soirée.
Finalement, peut-être las de faire le pied de grue, les agitateurs ont quitté les abords de la salle vers 23 h. Côté public, certains ont eu beaucoup plus de mal à décrocher.
Il semble par ailleurs qu’une énigme ait été résolue ce soir.
L’utilitaire blanc photographié la veille rue Savidan par des participants au rassemblement contre la dissolution des Soulèvements de la Terre – fourgon portant une inscription au feutre visant nommément Yves-Marie Le Lay -, était garé ostensiblement près du cinéma, ce jeudi soir. Avec un écriteau jaune sur le toit portant la mention « convoi exceptionnel ». Dans la journée, Yves-Marie Le Lay m’avait confié : « Signature évidente de la FNSEA. »
Yves-Marie Le Lay compte porter plainte
Contacté ce vendredi midi, Yves-Marie Le Lay annonce son intention de porter plainte « au nom de tous les lanceurs d’alerte qui vivent dans la peur et n’osent pas témoigner publiquement ».
Pris à partie le premier dans le hall du cinéma, un éleveur lui a reproché de s’être introduit dans son élevage de lapins, avec L214. Si le président de Sauvegarde du Trégor-Goëlo-Penthièvre témoigne bien dans une vidéo de l’association antispéciste mise en ligne le 24 janvier 2021 (ci-dessous), il n’a pas participé au tournage réalisé dans l’exploitation et publié trois jours plus tôt.
Article mis à jour le 30 juin 2023 à 13 h 50 afin d’ajouter la mention du dépôt de plainte envisagé par Yves-Marie Le Lay.
Ils sont taquins ces écologistes. Dans la lignée des projections des « Algues vertes » de Pierre Jolivet et Inès Léraud programmées à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen, les camarades de Marine Tondelier espéraient tendre une toile au conseil régional de Bretagne. Mais à l’impossible, nul n’est tenu.
« Il est primordial d’organiser une diffusion [des “Algues vertes”] au sein de l’hémicycle régional », plaide la cheffe de file des écologistes, Claire Desmares, le 12 juin. Après un premier refus essuyé en commission permanente, l’élue persiste dans un courrier adressé directement au président (ex-PS) Loïg Chesnais-Girard (pdf). « Cette histoire est la nôtre, et cela représenterait un symbole important vis-à-vis de toutes les associations qui se battent contre la prolifération des algues vertes depuis des années. »
Sans réponse à l’approche du débat sur l’eau prévu le 29 juin, le groupe écologiste rend publique son initiative le 22 juin, forçant l’exécutif régional à se positionner. Ce dernier joue la carte de l’égalité de traitement. « En 2022, la Région Bretagne a financé plus d’une centaine de films ou documentaires, ayant tous un intérêt pour la Bretagne, chiffre le cabinet du président. Il n’est pas équitable de demander la diffusion d’un documentaire ou d’un film, plutôt qu’un autre. »
Et n’allez pas penser que le sujet mette mal à l’aise la (fragile) majorité. « Les élus régionaux ont été invités à se rendre dans la baie de la Fresnaye, en avril dernier, pour étudier la mise en œuvre du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes […] et un débat politique a déjà eu lieu dans l’hémicycle », fait valoir le service presse.
Lors de la session d’octobre 2022, Loïg Chesnais-Girard avait en effet déclaré n’avoir « aucun problème avec le film ». Ce jour-là, le Lamballais Stéphane de Sallier-Dupin avait, au nom du groupe LR, tancé la subvention de 250.000 € accordée par la collectivité, à la suite d’un avis favorable d’un comité d’experts indépendants. « Un jeu de massacre » et « une balle tirée dans le pied », s’étranglait le lieutenant de Marc Le Fur, aka le député des cochons.
« On ne doit pas avoir peur, y compris de certains excès de parole, y compris par moment de certaines caricatures », lui avait répondu l’ex-maire de Liffré (35). De là à autoriser une avant-première à l’Hôtel de Courcy, il y a un pas que l’hériter de Jean-Yves Le Drian ne franchira pas.
Et n’allez pas penser que le sujet mette mal à l’aise la (fragile) majorité. « Les élus régionaux ont été invités à se rendre dans la baie de la Fresnaye, en avril dernier, pour étudier la mise en œuvre du plan de lutte contre la prolifération des algues vertes […] et un débat politique a déjà eu lieu dans l’hémicycle », fait valoir le service presse.
Lors de la session d’octobre 2022, Loïg Chesnais-Girard avait en effet déclaré n’avoir « aucun problème avec le film ». Ce jour-là, le Lamballais Stéphane de Sallier-Dupin avait, au nom du groupe LR, tancé la subvention de 250.000 € accordée par la collectivité, à la suite d’un avis favorable d’un comité d’experts indépendants. « Un jeu de massacre » et « une balle tirée dans le pied », s’étranglait le lieutenant de Marc Le Fur, aka le député des cochons.
« On ne doit pas avoir peur, y compris de certains excès de parole, y compris par moment de certaines caricatures », lui avait répondu l’ex-maire de Liffré (35). De là à autoriser une avant-première à l’Hôtel de Courcy, il y a un pas que l’héritier de Jean-Yves Le Drian ne franchira pas.
Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre ont-iels applaudi Macron en pleine épidémie de Covid-19 ou est-ce l’Élysée qui pratique la propagande des temps de guerre ? La guerre, ce n’est pas nous qui en parlons c’est l’État qui la nomme, la fait aux Zad et y prépare la jeunesse par le SNU. Quelques réflexions et un tour d’horizon dans une gazette qui se détache de la rumeur des bottes et du bruit des grenades.
Technopolice & stratégie du choc
On s’y attendait, c’est maintenant sûr ! Les gouvernements veulent profiter de la crise du coronavirus pour imposer leurs réformes destructrices.
C’est ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc. Et là, on peut être certain·e que les promoteurs de la technopolice se frottent déjà les mains : Thalès, Huawei, IBM… Les projets de surveillance les plus démentiels fleurissent dans les médias.
Bornage téléphonique, GPS, cartes bancaires (rendues presque obligatoires puisque le liquide est de moins en moins accepté) cartes de transport, vidéosurveillance avec reconnaissance faciale : de nombreuses options existent pour nous espionner, comme les a recensées Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État au Numérique reconverti en VRP attitré des outils de traçages pour lutter contre le virus.
Il note aussi trois finalités au traçage : observer les pratiques collectives de mobilité, tracer les contacts des gent·es et contrôler des confinements individuels. Pour le moment, le gouvernement communique uniquement sur une application pour tracer toutes nos rencontres, sur la base du volontariat.
Est-ce qu’une telle application sera seulement utile pour lutter contre le coronavirus ? Il se peut même qu’un tel projet ait des effets pervers en incitant les gent·es à cacher leur maladie pour ne pas devenir des pestiféré·es sociaux et sociales… Mais le gouvernement n’a pas besoin de justifier quoi que ce soit : après tout, la moindre augmentation de son pouvoir de surveillance est bonne à prendre ! Encore une fois, on nous vend des « solutions » technologiques (voir la notion de religion du progrès) à un « problème écologique ».
Avant de nous précipiter sur des remèdes miracles, utilisons les outils déjà à notre disposition. Le gouvernement a retardé autant que possible des mesures simples, comme porter un masque en tissu pour éviter de contaminer les autres en toussant, soit-disant parce qu’il n’y avait aucune preuve scientifique que ça marchait (ce qui est faux). Il semble pourtant se précipiter aujourd’hui vers des technologies qui n’ont jamais été testées…
Contre la surveillance généralisée, informons nous, parlons-en et agissons. Individuellement, nous pouvons nous renseigner sur la Quadrature du Net ou lire des brochures d’Infokiosques.net.
On peut aussi montrer le documentaire « Nothing to hide » à ses proches. Et on peut utiliser Tor et Tails ou encore remplir les cartes collaboratives des caméras de sécurité.
La dénomination « crise », quant à elle, nous laisse une impression de distance : tout comme une crise de nerfs est faite par une personne, la crise sanitaire est faite par le virus, ou la crise climatique est faite par le climat. Or, tant pour le climat que pour le virus, ces « crises » sont les conséquences de rapports sociaux.
Ne transposons cependant pas le type de mesures prises dans le cas de la pandémie covid-19 à l’environnement : les temporalités (à priori brève / longue), les acteurs (humain·es / tout le vivant) ne sont pas les mêmes.
Ce qui reste bien commun entre ces deux phénomènes, c’est l’utilisation qui peut en être faite par les systèmes politiques et économiques. Le « business as usual » du capitalisme continue de tourner, dans une classique privatisations des profits – socialisation des pertes, qu’il s’agisse d’externalités environnementales ou d’exploitation de nos vies, avec toutes les conséquences délétères associées.
Les situations dites de crise offrent aux systèmes en place des occasions de se débarrasser de plus en plus des garde-fous démocratiques, utilisant ainsi une « stratégie du choc ». Et dans les scénarios de cette stratégie, on peut trouver le coup d’Etat climatique tout comme le coup d’Etat pandémique, des « coup[s] d’Etat ne nécessitant de tirer aucun coup de feu ».
SNU : stoppez la note urgemment !
Garde à vous ! Le Service national universel (SNU) plie, mais ne rompt pas (les rangs). Le secrétaire d’État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal, a simplement annoncé le 5 avril une inversion du programme. Les « engagé·es volontaires » commenceront par une mission d’intérêt général fin juin-début juillet avant un séjour de cohésion dans une brigade, « quand les conditions sanitaires le permettront ».
« Le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », déclarait quasi-mystique Emmanuel Macron lundi 16 mars, au moment d’annoncer le confinement. Peut-être ressemblera-t-il plutôt au siècle précédent, tant le SNU sent la naphtaline.
L’uniforme bleu marine et blanc des participant·es est floqué d’une immense cocarde tricolore. Quant aux activités, elles parleront d’avantage aux bidasses qu’aux Copains du monde du Secours pop’. Lever au drapeau à 5 h 30, parcours d’obstacles, culture patriotique, cérémonies en tout genre… Souvenez-vous des malaises survenus pendant l’inauguration d’une statue du général de Gaulle, à Evreux, en plein cagnard, l’an passé.
« L’architecture initiale a en partie été construite par le général Menaouine et son groupe de travail », prévenait Gabriel Attal en janvier 2019. L’armée est décidément un vivier de recrutement majeur pour la macronie, qui vient de charger le général Lizurey d’un auditeur sur la crise du covid-19. Nous en parlions dans notre précédente gazette.
Le site gouvernemental etudiant.gouv.fr fait moins semblant que l’exécutif lorsqu’il explique que le SNU comporte en réalité trois phases et que la dernière, facultative, est celle de l’engagement, notamment dans un corps en uniforme. Les ambitions d’un pouvoir pour sa jeunesse, en somme.
Si cette promesse présidentielle ravit certainement l’électorat réactionnaire, le SNU n’en a pas moins un coût. Sa généralisation à l’horizon 2024 pèserait entre 2,4 et 3 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, estime un rapport remis au premier ministre en 2018. Entre 1 et 1,5 milliard, communique plus timidement le gouvernement. Ce qui ne comprend dans aucun des cas les lourds investissements de base pour retaper les casernes.
Il est toutefois permis de douter que ce projet dépassera le stade de l’expérimentation.
D’ailleurs, les inscriptions sont prolongées, malgré les relances incessantes auprès des profs, dont a pris connaissance la Fédération nationale de la libre pensée, qui milite pour l’abrogation du SNU.
Quant au coût, il faudra d’autant plus le justifier à l’heure où les CHU créent des cagnottes Leetchi. Sans parler des associations qui s’asphyxient, malgré leurs qualités reconnues en termes d’émancipation, de solidarité et de mixité.
Aucun·e journaliste… ou presque, puisque La Gazette des confiné·es avait des yeux et des oreilles à l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre, jeudi 9 avril, lors d’un déplacement présidentiel cette fois très verrouillé. Témoignage.
« On a su que Macron venait un quart d’heure avant qu’il ne mette effectivement les pieds dans le hall du bâtiment Barré-Sinoussi. Les soignant·es le regardaient depuis les mezzanines aux étages, on n’avait pas le droit de descendre (et nos patient·es qui arrivaient en ambulance des maisons de retraite étaient bloqué·es dehors).
Plusieurs soignant·es l’ont interpellé sur sa politique de gestion de l’hôpital avant le covid et ont fait référence aux « gilets jaunes ».
Il a répondu qu’il n’était pas responsable des politiques des précédents gouvernements, ce à quoi on lui a répondu qu’il avait empiré la situation depuis qu’il était là.
On a applaudi à deux moments : quand une des infirmières l’a interpellé un peu plus agressivement que les autres, et ensuite lorsqu’une a demandé à ce qu’on s’applaudisse entre nous, soignant·es.
Pendant ce temps, des mecs en costard tournaient dans les trois étages de mezza pour empêcher les gens de filmer, sans doute pour pas perturber la com’ officielle. Il faut dire que ça ne se balade pas tout seul, un président de la République, il y avait au moins une trentaine d’agents de sécurité postés un peu partout dans et autour du bâtiment.
Le soir, tout ce beau monde était à Marseille pour rencontrer Raoult : en termes de stratégie de confinement, trimbaler autant de gens dans des hôpitaux plein de malades du covid, alors même qu’on empêche les familles des malades de venir, est une aberration… »
Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.
La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».
Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.
Industrialisation & coronavirus
Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?
Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humain·es est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.
De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».
Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.
Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !
Évacuation de Zad pendant le confinement
Ce qui est pratique quand on est un État qui met en confinement toute sa population, c’est qu’on peut ne pas respecter ses propres règles.
La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.
Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons-nous !
Aujourd’hui, une nouvelle prise d’otage : celle des éditeurs de presse par La Poste, qui distribuerait moins vite les journaux papier. Et d’ailleurs, les pigistes sont-iels de vrai·es journalistes ? Et tous ces médias et sources internet, quel charivari font-ils autour des solutions miracles au SRAS-Cov2, de la chloroquine au jus de carotte en passant par l’urine ?
Le remède miracle reste bien irréel, tout comme la fameuse continuité pédagogique que nous vend Blanquer, dénoncée de toute part. Le gouvernement a en tout cas trouvé un traitement radical contre les paysan·nes qui tentent d’échapper à l’agro-business : fermer tous les marchés, en maintenant les grandes surfaces. Allons-nous nous laisser à ces docteur·es Maboul le choix des prescriptions ?
Postièr·es sans masque, éditeurs sans scrupule
« Restez chez vous, mais allez bosser ! ». Au petit jeu des injonctions contradictoires, le gouvernement a donné le la et le patronat s’est accordé. Affolés par l’effondrement de la pub et les fermetures de points de vente, les éditeurs de presse quotidienne se retournent contre La Poste, qui réduit son activité courrier. Il faut dire qu’au moins 167 agents montraient des signes de Covid-19 dans sa seule branche Réseau au 25 mars et que la direction a préféré livrer ses 300.000 masques à la police…
Quoi de plus naturel que d’employer son propre journal pour relayer une pétition, publier un édito enflammé ou partager le communiqué de son organisation ? Une campagne de presse s’est donc engagée la semaine dernière (lire notre article), avec le groupe Centre France et la famille Baylet (groupe La Dépêche) comme chefs d’orchestre. « Prise d’otage », « désertion »… inspirés par le discours martial du pouvoir, les patrons de presse se sont lâchés.
Le secteur emploie d’innombrables petites mains qui n’ont pas le statut de salarié·e et donc les droits qui s’y rattachent. On pense aux correspondant·es locaux de presse, payé·es à la tâche pour courir à travers leur canton, ainsi qu’aux porteuses et porteurs, véritables combattant·es du cycle circadien. Les imprimeries, ancien bastion CGT, ont été en grande partie externalisées. Autant dire que les éditeurs ont pris l’habitude qu’on les respecte.
Leur lobbying semble payant, puisque la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, annonce, lors de la séance de questions au gouvernement des sénateurs du 1er avril un « renforcement de la distribution de la presse écrite en début de semaine ».
Un choix en tout cas condamné par le syndicat qui rappelle que la direction a justifié la diminution des distributions « au nom de la sécurité des agents de la maison-mère ». Les autres peuvent bien crever !
Les pigistes ? Quels pigistes ?
Étrangement, les patrons de presse sont moins diserts lorsqu’il s’agit des pigistes. Ces journalistes non mensualisé·es mais non moins salarié·es subissent de plein fouet la baisse de pagination des journaux et les annulations d’émissions. Pourtant, certains médias rechignent à les inscrire dans le dispositif de chômage partiel. D’autres appliquent leurs propres critères d’éligibilité, excluant les plus précaires.
Habitué·es au télétravail, ils et surtout elles n’en sont pas moins déstabilisé·es par la fermeture des écoles, collèges et lycées. Quant aux pros basé·es à l’étranger, la baisse des commandes s’accompagne de difficultés diverses pour regagner la France.
Myriam Guillemaud Silenko, animatrice du pôle pigistes du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’adresse au ministère du travail par le biais d’une pétition. Dans ses échanges avec les fédérations patronales, le principal syndicat de la profession ainsi que la CGT, la CFDT et FO menacent d’engager des poursuites contre les entreprises qui oublieraient les pigistes. Le SNJ demande même de suspendre leurs aides à la presse.
Marchés au pas
Le 23 mars, le premier ministre a ordonné la fermeture de tous les marchés du pays (sauf les marchés financiers bien sûr). Pour les rouvrir, il faut une demande argumentée de la mairie, qui sera soumise au bon vouloir de la préfecture.
En plus des consignes sanitaires de bon sens, déjà appliquées par la plupart des marchand·es qui n’ont pas attendu les ordres de l’État pour prendre des précautions, le nombre de stands est largement limité : 15 au marché des Lices de Rennes par exemple, contre 200 en temps normal. De même, seuls les stands alimentaires seront autorisés.
La mise en place de ces règles et le flicage pour les faire appliquer revient aux mairies. Pas étonnant que nombre d’entre elles y renoncent. Par ailleurs, les préfet·es gardent le dernier mot et semblent pour certain·es considérer que la présence d’un supermarché dans une ville rend inutile l’ouverture du marché. Résultat, seul un marché sur quatre est rouvert.
Heureusement, la mobilisation semble porter ses fruits. Dans les villes où les habitant·es insistent auprès des élu·es, les marchés rouvrent plus vite.
Il est normal de prendre des précautions pour éviter des contaminations inutiles, mais l’accès à l’alimentation fait partie des besoins essentiels. La différence de traitement entre les marchés et les grandes surfaces, qui permettent tous les deux de combler ce besoin est donc particulièrement choquante.
La plupart des mesures du guide méthodologique pour les marchés ne sont pas appliquées dans les supermarchés, notamment l’interdiction de toucher les produits. De même, aucune surveillance de l’application des distances de sécurité n’y est faite, alors qu’il s’agit d’endroit plus confinés, conçus pour mettre les consommateur·ices au plus près des produits.
Alors que nous sommes au milieu d’une crise mondiale qui met en évidence les limites de notre modèle de production et de distribution, profitons-en pour repenser la consommation comme le proposent ces appels de la Confédération paysanne et de paysan·nes de Loire-Atlantique. Le modèle actuel, promu par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA est complètement dépassé par la situation, notamment parce qu’il repose sur l’exploitation de travailleur·euses détaché·es pour les récoltes.
S’approvisionner en vente directe, locale et de saison, assurer un salaire décent aux paysan·nes grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, organiser des chantiers agricoles collectifs pour éviter le recours à des machines qu’il faut acheter à crédit et aux hydrocarbures qui les font tourner, faire les courses en commun pour aider les personnes qui sont dans l’incapacité de le faire, penser la récupération et la redistribution des invendus pour aider les plus vulnérables, etc.
Toutes ces actions permettent de mettre en place des alternatives, en construisant une autre économie, qu’il faut défendre face au capitalisme mondialisé et à l’État.
Dans la région Grand Est, de nombreux collectifs se battent contre un plan de développement des outils numériques : le lycée 4.0. Alors que des lobbies d’experts influencent les politiques et disent que le numérique bouscule le modèle de l’école traditionnelle (sic), les enseignant·es et des personnes proches de l’éducation produisent elleux aussi des analyses qui font entendre une autre réalité.
Le professeur Raoult, infectiologue à l’IHU Marseille et ancien membre du conseil scientifique mandaté par l’Élysée, le répète : la chloroquine, ou son dérivé, l’hydroxychloroquine, guérirait du coronavirus. Sa position a été largement relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Au point que les hôpitaux testant les traitements contre le coronavirus peinent à convaincre les patient·es de participer aux études en cours.
Mais des problèmes majeurs dans l’étude du Dr Raoult ont été pointés par le reste de la communauté médicale : aucune comparaison sérieuse n’a été faite entre des patient·es traité·es et non traité·es ; par ailleurs, certaines données auraient été supprimées de l’étude car en défaveur de l’hydroxychloroquine… Plusieurs autres articles publiés par le passé par l’IHU étaient truqués ou d’une éthique douteuse.
Le professeur Raoult a réalisé une deuxième étude, qui n’est, à nouveau, pas interprétable faute de patient·es témoins (non traité·es par hydroxychloroquine) à comparer aux patient·es recevant l’hydroxychloroquine. Deux études chinoises, ici et là, trouvent quant à elles des résultats contradictoires ; néanmoins, ce sont des études réalisées avec très peu de personnes, qui permettent donc difficilement de conclure et qui sont aussi contestées.
Pour le moment, nous ne pouvons être convaincu·es ni de son efficacité, ni de son absence d’efficacité. Restons prudent·es devant les « expert·es » mis·es en avant par les médias ou le gouvernement, fussent-iels médecins ou scientifiques de formation…
Faux espoirs et vrais dangers
Si la plupart des « conseils » dispensés sur internet sont relativement inoffensifs (boire de l’eau, des boissons chaudes ou du jus de carotte, méditer…), certains « remèdes miracles » contre le coronavirus ont été à l’origine de drames. Ainsi, en Iran, 210 personnes seraient mortes après avoir consommé de l’alcool frelaté. Parmi les conseils plus ou moins dangereux et sans fondement rationnel, certains incitent à boire sa propre urine, de l’eau de Javel, des solutions d’argent colloïdal, ou à prendre de la cocaïne.
L’(hydroxy)chloroquine, qui peut induire de graves troubles cardiaques, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres médicaments courants (antibiotiques, traitements psychiatriques ou cardiologiques) n’est pas en reste : en France, dix personnes au moins seraient en réanimation après en avoir ingéré en auto-médication. Aux États-Unis, une personne est morte après avoir consommé le phosphate de chloroquine contenu dans le produit destiné à laver son aquarium.
Et il ne faut pas croire que l’on rend service aux gens en leur prescrivant de la chloroquine même avant la fin des essais cliniques : dans le contexte d’une épidémie, la chose la plus éthique à faire est de tester les médicaments avant de les prescrire à cause des nombreux effets secondaires.
En fait, quand on teste des médicaments (un groupe auquel on donne le médicament et un autre groupe auquel on donne un placebo et on traite de la même manière les patients en dehors de ce médicament particulier), il est souvent plus sûr d’être dans le groupe placebo plutôt que de prendre des molécules dont on ne connaît pas les effets !
Le technicisme ambiant nous pousse à ne percevoir que les effets positifs espérés des médicaments ; attention à ne pas sous-estimer les dangers des solutions miracles, d’où quelles viennent !
Depuis plusieurs jours, les médias tournent en boucle. Le docteur Raoult est-il ou non un génie ? La chloroquine est-elle un remède miracle au coronavirus ? Y a-t-il 1.312 morts du coronavirus en France à 13 h, 1.300 à 13 h 12 ou les deux? À toute ces questions, la gazette vous donne quelques arguments pour trancher le débat une bonne fois pour toutes… et changer de sujet !
Nos ami·es scientifiques connaissent les méfaits de la bibliométrie (ou évaluation des chercheurs par le nombre de publications et le nombre de citations de ces publications dans d’autres articles) : revues prédatrices, auto-citation, etc. Pourtant, il faut avouer qu’on voit rarement des abus comme ce qu’a pu faire le docteur Raoult. Il aurait participé à 1.802 articles, dont de nombreux sur le coronavirus qui ont été acceptés à publication en un jour de relecture. Quelle rapidité !
Il faudrait être mauvaise langue pour remarquer que le directeur de publication de la revue qui accepte lesdits articles est un coauteur des articles du docteur Raoult ! Quant à l’efficacité de la chloroquine, il s’agit d’un débat scientifique en cours complètement disjoint de l’escroquerie Raoult, même si l’habitude médiatique de tout personnaliser fait fureur…
Sur les 63 articles sur le coronavirus considérés scientifiques par l’Inserm – rassurez vous, l’auteur de cette rubrique ne les a pas lus, n’étant pas chercheur dans ce domaine -, il ne semble pas y avoir de conclusions positives (sinon il y aurait un consensus scientifique ce qui est loin d’être le cas). Il faudra sûrement attendre les résultats des nombreux essais cliniques en cours (par exemple l’essai européen Discovery) pour y voir plus clair.
En attendant, l’extrême-droite se coordonne pour faire de la chloroquine le remède miracle : Trump, Estrosi, Le Point, Valeurs actuelles, etc.
Le confinement s’accentue et les conséquences négatives sont occultées
La situation est catastrophique pour toutes les personnes victimes de violences domestiques (enfants maltraités, femmes battues, etc.). Pas d’école pour voir les ami·es, pas de sorties pour se reposer et changer d’air et les amendes pleuvent quand on sort de chez soi.
Heureusement, des initiatives se multiplient sur internet pour aider à mieux vivre le confinement, à soulager le stress et l’anxiété comme ce que propose l’université de Lorraine, même si ce sont de piètres consolations pour les personnes les plus en dangers.
L’impact social du confinement (qui est certes nécessaire pour enrayer la propagation trop rapide du coronavirus) ne fait pas partie du débat public, ce qui empêche de chercher des solutions (hébergement de tous et toutes, réquisition des logements vides comme l’appelle le collectif Droit au logement, Dal).
Pendant que les médias bavardaient, le gouvernement préparait son coup
L’attaque contre le code du travail qu’a fait passer le gouvernement sans aucun contrôle législatif (par ordonnances) est inédite et violente ! On pourra faire travailler des salarié·es jusqu’à 60 heures par semaine ! Cela était souvent déjà imposé, en toute illégalité, pour les soignant·es.
Tant qu’à faire, vu que ça tenait tant bien que mal (ou pas), pourquoi ne pas l’imposer à tout le monde, se dit le gouvernement ?
À voir si les autres professions seront aussi corvéables et se laisseront faire, et espérons que, contrairement à ce qu’on a pu constater jusqu’ici, les syndicats ne prônent pas l’union nationale et choisissent la lutte des classes pour préserver les intérêts des travailleur·euses.
Actions syndicales
Face à l’angoisse générée par la demande de télétravail ou de travail à l’extérieur malgré l’épidémie, les syndicats ripostent.
La CGT lance le site luttevirale.fr pour informer les salarié.es sur leurs droit en temps de coronavirus et Solidaires va mettre en place un numéro de téléphone d’assistance syndicale.
Malheureusement, avec les ordonnances, les règles changent plus vite que les formations syndicales ! Bonne chance à elleux !
Il faut rappeler les évidences
L’OMS doit rappeler aux pays riches que ne pas aider les pays pauvres serait cruel. C’est vrai qu’après les avoir pillés pendant des centaines d’années pour certains, cela ne serait pas très sympa d’ajouter en plus le fait de les laisser seuls pendant cette crise !
En plus, cela risque de se combiner avec une grave crise humanitaire liée à la destruction des récoltes par un essaim de criquet. Invasion de criquets favorisée par quoi ? Le réchauffement climatique causé en grande partie par la pollution des pays les plus riches…
Envolons-nous hors des prisons
La situation est tellement catastrophique dans les prisons que L’Envolée organise une émission de radio tous les soirs, à 19 h, pour nous tenir au courant ! Merci à elleux pour leur super initiative. Continuons de lutter contre les prisons, les centres de rétention administratives (Cra) (où la situation n’est pas meilleure) et pour aider SDF, migrants et personnes dans le besoin !
Écologie & coronavirus
Si vous avez accès à un endroit ou vous pouvez observer les oiseaux, vous avez pu constater qu’ils se portent particulièrement bien en ces temps de confinement ! Il faudra attendre des études plus poussées pour avoir des chiffres précis mais assurément, les animaux sauvages apprécient que les humain·es prennent moins de place sur la planète.
On voit même des dauphins près de la Sardaigne, des ami·es m’ont parlé du retour de variétés de papillons plus vues depuis plusieurs années dans leur jardin. Beaucoup d’entreprises sont à l’arrêt ce qui cause une baisse historique de la production en gaz à effet de serre, principales causes du réchauffement climatique.
Comme quoi, c’est possible de ralentir la folie économique et de lutter contre le réchauffement climatique ! À nous de continuer sur cette lancée une fois que la crise du coronavirus sera terminée pour limiter les dégâts (si l’on continue sur cette lancée, des prévisions prévoient +6° en 2100…).
La lutte pour l’IVG n’est jamais finie…
Alors que les circonstances sont exceptionnelles, le gouvernement refuse d’aménager le droit à l’IVG ! Ce gouvernement avait déjà montré son anti-féminisme en gazant de nombreux rassemblements lors de la journée du 8 mars… Raison de plus pour les virer tous une bonne fois pour toutes !
La jeunesse lannionnaise a massivement rejoint le mouvement international de grève scolaire pour le climat, le vendredi 15 mars 2019. Près de 500 lycéen·ne·s et étudiant·e·s ont manifesté entre le lycée Le Dantec et le parvis de la mairie pour obliger les décideurs à accélérer les efforts de réduction de gaz à effet de serre, principaux responsables du dérèglement climatique.
Dans « Pesticides : Révélations sur un scandale français », paru en 2007, Fabrice Nicolino, journaliste pour Charlie Hebdo, revenait sur l’exploitation des découvertes chimiques de la Seconde Guerre mondiale par l’agriculture intensive.
Plus de cinquante ans après les révélations de la scientifique américaine Rachel Carson, les dangers des pesticides pour la santé n’empêchent pas leur utilisation massive, en particulier en Bretagne.
Le 20 octobre dernier, Fabrice Nicolino témoignait au tribunal de Guingamp (22) en faveur de sept « faucheurs », poursuivis pour avoir dégradé des produits à base de glyphosate (dont le Roundup de Monsanto) dans des jardineries des Côtes-d’Armor.
« Depuis 1962, on sait que les pesticides sont dangereux »
« Au point de départ, après la Seconde Guerre mondiale où il fallait nourrir la France – il y avait des tickets de rationnement jusqu’en 1949 -, l’agriculture était ruinée. La découverte de molécules chimiques qui paraissaient miraculeuses comme le DTT a entraîné un véritable enthousiasme dans les milieux agricoles, dans les milieux de recherche, l’Inra venait de naître.
Pendant une quinzaine d’années ça a été la « belle vie » si j’ose dire. Ces molécules nouvelles ou redécouvertes sur fond de guerre mondiale ont permis à l’agriculture de se débarrasser de beaucoup de ravageurs des récoltes, donc ça paraissait être formidable, jusqu’au moment où en 1962, une Américaine, Rachel Carson, océanologue, grande vulgarisatrice, écrit un livre sensationnel qui s’appelle « Printemps silencieux », dans lequel elle révèle que les pesticides, le DDT au premier chef, sont des poisons terribles pour tous les organismes vivants : les oiseaux, mais aussi les hommes.
Entreprise de désinformation
Le livre de Rachel Carson, marque le commencement d’une période de très mauvaise foi, où l’industrie chimique devenue puissante, qui a beaucoup d’intérêts commerciaux à défendre se lance dans des entreprises de désinformation pour tromper l’opinion pour essayer de lui faire croire que les pesticides ne sont pas dangereux.
On peut dire que depuis 1962, on sait que les pesticides sont dangereux pour la santé, mais l’industrie chimique, qui a des moyens collossaux, dont le chiffre d’affaires souvent dépasse celui d’Etat de la planète, l’industrie chimique, celle des pesticides, essaye de cacher par tous les moyens la vérité simple, scientifique sur la dangerosité des pesticides. »
Complément
La présidente du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne avant de se prononcer sur d’éventuelles sanctions contre les militants anti-glyphosate jugés à Guingamp. Elle a donc accepté les cinq questions préjudicielles posées par l’avocat des accusés, à la grande satisfaction de ceux-ci, et n’a pas rendu de délibéré le 15 décembre.