L’inquiétante dégradation de l’offre de soins dans les Côtes-d’Armor a fait descendre au moins 3.000 personnes dans les rues de Lannion, le samedi 13 janvier 2024. Une affluence qui a dépassé les attentes du comité de défense de l’hôpital, en lutte contre la « régulation » des urgences.
L’accès aux urgences de Lannion, de 19 h à 8 h le lendemain matin, ne sera plus possible qu’après l’accord des médecins régulateurs du Samu, à compter du 1er mars. L’annonce faite aux personnels par la direction mi-décembre a été confirmée à la presse par Ariane Bénard, directrice du groupement hospitalier d’Armor, le 11 janvier. Ces « régulations » sont monnaies courantes depuis l’application de la loi Rist, qui plafonne le recours à l’intérim médical dans le public. En cause, le manque de médecins. Seuls six postes d’urgentistes sur quatorze sont actuellement pourvus.
« Est-ce que ce n’est pas encore une stratégie de fabrication de la pénurie, à la mode Guingamp, quand l’Agence régionale de santé préparait la fermeture de la maternité ? », interroge Anne-Marie Durand, lors de sa prise de parole sur les marches de la mairie. La représentante du comité de défense assure que la dégradation de l’accueil des patients aux urgences entraîne une « perte de chances », c’est-à-dire des morts évitables.
« Depuis des dizaines d’années, des réformes successives ont eu comme conséquence de diminuer l’offre du service public de santé. Les hôpitaux auxquels on a imposé des budgets inférieurs aux besoins sont aujourd’hui sinistrés », attaque pour sa part Pascal Lasbleiz. Infirmier et délégué CGT pour l’hôpital, il se fait également porte-parole de Sophie Binet, secrétaire générale de la confédération, qui a transmis un message de soutien aux manifestants.
« Des victimes ? Le devoir de réserve m’interdit de vous le dire »
« Nous n’irons pas tous à Necker nous faire soigner en allant à Paris faire nos emplettes, cingle le représentant des pompiers Sébastien Guégan. Il y a-t-il eu des victimes de cette situation ? Le devoir de réserve m’interdit de vous le dire. »
D’après le délégué CGT au Service d’incendie et de secours des Côtes-d’Armor (Sdis 22), des mesures prises à travers la loi Rist pénalisent aussi le financement des sapeurs-pompiers. « Le centre de secours de Tréguier est fermé la journée, avec des incidences qui sont graves. Rostrenen, c’est pareil. Il y a des déserts. […] Ce sont bien les victimes que nous transportons qui trinquent en premier. Où sommes-nous pour imposer le trajet Perros-Guingamp à une victime se tordant de douleur quand l’hôpital de Lannion est fermé ? »
« Nos actions ne s’arrêteront que lorsque nos objectifs communs seront atteints, c’est-à-dire santé et dignité partout et pour tous. »
Olivier Houzet, maire de Saint-Quay-Perros
Olivier Houzet, maire de Saint-Quay-Perros, lit la lettre ouverte adressée cette semaine au gouvernement par plus de 80 élus des Côtes-d’Armor. « Nous demandons à l’État de respecter le droit fondamental de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, sans discrimination. […] Nous demandons à être reçus par les ministres concernés. Nos actions ne s’arrêteront que lorsque nos objectifs communs seront atteints, c’est-à-dire santé et dignité partout et pour tous. »
Le maire PS de Lannion, également président du conseil de surveillance de l’hôpital, prend la parole pour exprimer son « mécontentement contre le fonctionnement du système de santé actuel ». Paul Le Bihan met en avant les emplois générés par l’hôpital, premier employeur public du territoire, et les conséquences en termes d’attractivité pour la ville. « Dès que j’ai eu connaissance du projet de régulation pour plusieurs mois pour 2024, j’ai exprimé ma désapprobation considérant cette proposition comme inacceptable et aggravant fortement la situation déjà insatisfaisante. »
Une quarantaine d’élus ont participé à la manifestation ceints de leur écharpe tricolore, dont le président macroniste de Lannion Trégor communauté, Gervais Egault, ou la députée (LFI-Nupes) de Guingamp, Muriel Lepvraud.
En revanche, l’absence du député (Renaissance), Eric Bothorel a été remarquée. Quelques dizaines de personnes ont d’ailleurs accompagné la fanfare Waso jusqu’aux marches de sa permanences, place du Marchallac’h, réclamant « du fric pour les services publics ».
« Cette large mobilisation de la population du Trégor et même de plus loin n’est qu’une première étape. Nous continuerons jusqu’à obtenir des résultats probants », promet Anne-Marie Durand. Le comité de défense demande aux autorités l’organisation d’une table ronde locale associant les citoyens, les personnels, les syndicats, les élus, avant la fin du mois. Le sous-préfet sera également sollicité pour un rendez-vous la semaine prochaine.
« La Corée fait ce qu’on appelle du “tracking”. La Corée a équipé tous les téléphones pour prévenir tout l’entourage lorsqu’une personne était malade. Est-ce que vous êtes prête, madame Obono, à avoir ce débat dans le cadre de cette Assemblée nationale ? Moi je ne suis pas convaincu et je vous le dis, à titre personne, non plus. » Ainsi parlait Olivier Véran dans l’hémicycle le 24 mars. Depuis, le gouvernement s’atèle à présenter une application de traçage de la population, en dépit des alertes. Il est encore temps d’y renoncer.
Dès La Gazette des confiné·es #7, nous mettions en garde contre le risque de voir la pandémie servir de prétexte à l’imposition de nouvelles technologies de surveillance. Entre-temps, le pouvoir s’est focalisé sur une des nombreuses options disponibles : le traçage automatisé des contacts, via une application dénommée StopCovid.
À lui seul, le nom laisse présager d’une opération marketing : le logiciel est déjà présenté comme un moyen d’arrêter le Covid-19, alors qu’on ne sait toujours pas selon quelles modalités il fonctionnera.
Nous allons vous expliquer pourquoi il n’est pas nécessaire d’attendre sa version définitive pour rejeter l’application. Pour le plaisir des yeux, nous avons choisi de faire une chronique entièrement à charge. La communication du gouvernement et des multinationales du numérique remplissent suffisamment nos écrans.
Nous en profiterons aussi pour réfléchir plus largement aux risques posés par le solutionnisme technologique, qui se répand partout en période de crise sanitaire.
Introduction
Il existe de nombreuses variantes du traçage automatisé des contacts. Le principe général est toujours le même : l’application permet de garder une trace des contacts prolongés entre ses utilisateur·ices. Lorsqu’une personne est testée positive, on peut donc tester les personnes avec qui elle a été en contact.
Le traçage de contacts existe déjà, mais il repose sur des entretiens durant lesquels une personne infectée se remémore l’ensemble des relations prolongées qu’elle a connues dans les dernières semaines.
Quelles sont donc les différences apportées par sa version automatisée ?
Le traçage automatisé n’est pas un simple prolongement du traçage de contacts traditionnel.
Comme à chaque fois qu’il s’agit de nous vendre une nouvelle technologie numérique, les autorités commencent par insister sur la continuité avec ce qui existe déjà, en mettant en avant l’efficacité accrue de la version informatique. Pourtant, la traçage automatisé est bien différent de sa version manuelle, réalisée par des équipes d’enquête.
Dans un entretien avec un·e épidémiologiste, on peut en effet choisir d’omettre de mentionner un événement ou un contact. On n’est pas obligé de dire exactement quand ni où on a rencontré une personne, puisque l’important est seulement de savoir qui est à risque. Cette possibilité disparaît avec le traçage automatisé.
Par ailleurs, un entretien individuel permet d’évaluer le risque lié à un contact en particulier, selon sa durée, son contexte et les précautions prises. L’application n’offre aucun équivalent. Contrairement à ce qui est avancé, le traçage automatisé n’est pas un simple prolongement du traçage de contacts traditionnel.
Pour justifier l’utilisation du traçage automatisé, ses défenseur·euses font généralement appel à son efficacité. D’une part l’application permettrait de tester plus vite les personnes contacts. D’autre part, elle serait plus exhaustive : les ordinateurs n’oublient pas. Avec StopCovid, enrayer l’épidémie semble donc simple comme bonjour : dès qu’une personne est infectée, on pourrait repérer les personnes qu’elle a pu contaminer avant que celles-ci aient le temps de transmettre le virus et donc casser la chaîne de propagation.
Ce scénario est tentant, au point que beaucoup sont prêt·es à oublier les risques importants qu’il fait peser sur la vie privée. Mais est-il réaliste ?
Le piège du consentement
Pour établir les contacts entre utilisateur·ices, l’application utilise les émetteurs-récepteurs Bluetooth des téléphones portables. Une fois qu’ils sont activés, le téléphone émet en permanence un signal permettant de l’identifier. Les téléphones qui passent à proximité immédiate enregistrent ce signal, ce qui leur permet de garder la mémoire des contacts.
Pour qu’un contact entre deux personnes soit enregistré, il faut donc qu’elles aient sur elles leur téléphone, avec l’application activée. La proportion des contacts qui sont enregistrés est donc égale, au mieux, au carré de la proportion des utilisateur·ices de l’application. Par exemple, si cette dernière est utilisée par une personne sur cinq, seul un contact sur 25 est enregistré. Pour que le traçage automatisé fonctionne, il faut donc qu’il soit utilisé massivement.
À Singapour, l’application de traçage automatisé du gouvernement est utilisée par seulement 18 % de la population, ce qui ne permet de relever que 4 % des contacts.
En France, il sera déjà difficile d’atteindre une telle proportion. Pour commencer, 77 % de la population dispose d’un smartphone. Parmi ces personnes, beaucoup n’installeront pas l’application, par conviction ou simplement par manque de motivation. Ceci a mené les défenseur·euses de StopCovid à envisager de forcer la main des gen·tes.
Christophe Barbier a par exemple proposé de rendre les utilisateur·ices de l’application prioritaires pour être testé·es, ce qui est profondément stupide en plus d’être dégueulasse : vu les faibles capacités de tests mises en place par le gouvernement, il vaut mieux les réserver aux personnes très susceptibles d’être contaminées plutôt que de les distribuer comme des chèques-cadeaux en échange du renoncement à une portion de vie privée.
Comme le remarque le Chaos computer club, l’application ne peut fonctionner que si elle repose sur un consentement éclairé. Toute forme de coercition, y compris par un avantage fourni aux personnes qui l’utilisent, la rendrait inefficace, puisqu’il suffirait de la désactiver une fois l’avantage obtenu, de laisser son téléphone à la maison, ou de l’envelopper dans du papier alu.
Rendre l’application obligatoire conduirait donc à des sacrifices majeurs sur la vie privée, en échange d’un artifice inutile pour lutter contre l’épidémie.
L’application est-elle seulement utile ?
Quand bien même tout le monde utiliserait l’application, il n’existe pour le moment aucune preuve de son utilité. Il faudrait qu’elle soit déployée à grande échelle dans plusieurs pays pendant assez longtemps pour essayer de la déterminer.
En attendant, on peut remarquer que l’appli risque d’être contre-productive si elle ne dispose pas d’un calibrage assez fin. En effet, il faudrait déterminer ce qui est considéré comme un contact prolongé : quelle durée, et à quelle distance il faut se trouver. Si on est trop lâche sur cette définition, on risque de se retrouver avec beaucoup trop de contacts : personnes croisées dans la rue, occupant·es de la voiture d’à-côté – on parle alors de faux positifs.
Dans cette situation, on ne disposerait pas d’assez de tests. Si on a au contraire des critères très restrictifs, l’application n’apporte plus grand chose, puisqu’on est général capable de se souvenir qu’on a passé une demi-heure à moins d’un mètre de quelqu’un.
Rouler une pelle pendant trente secondes ne donnera pas nécessairement lieu à un enregistrement, contrairement à passer quinze minutes dans deux voitures côte à côte pendant un bouchon.
Même correctement paramétrée, l’application n’est pas capable de prendre en compte la façon dont les contacts se déroulent. Dans le traçage de contacts conventionnels, la personne infectée détermine en concertation avec l’enquêteur·ice si les contacts présentaient un risque. L’utilisation des gestes barrières et la nature de l’interaction sont prises en compte.
L’application de traçage, au contraire ne fait aucune différence entre des interactions de durées égales et ne prend pas en compte les écrans éventuels. Rouler une pelle pendant trente secondes ne donnera pas nécessairement lieu à un enregistrement, contrairement à passer quinze minutes dans deux voitures côte à côte pendant un bouchon, ou se trouver des deux côtés d’une cloison perméable aux ondes radio du bluetooth. Le nombre de faux positifs risque d’être élevé.
L’application risque aussi de donner lieu à beaucoup de faux négatifs : c’est-à-dire des personnes qui ne reçoivent pas de notification alors qu’elles ont été infectées.
Bien sûr, il est complètement déraisonnable de faire confiance à une application pour déterminer son état de santé. Mais il y a un risque que l’illusion d’omniscience créée par la technologie et les discours triomphants de ses partisan·nes ne poussent une partie de la population à s’en remettre aveuglément aux notifications de StopCovid. Les faux négatifs deviendraient alors très problématiques.
Qu’est-ce qu’un traçage efficace ?
Pour tout vous dire, nous espérions franchement nous tromper et tomber sur des arguments montrant que l’application serait en mesure d’éradiquer l’épidémie, malgré les difficultés évoquées précédemment. En effet, des expert·es chantent les louanges du traçage automatisé un peu partout. Nous sommes alors revenus sur l’avis du conseil scientifique publié le 20 avril.
Nous avons déjà présenté dans notre onzième Gazette des confiné·es l’argumentation technophile et technocrate de ce rapport en faveur du numérique. Nous avons regardé toutes les sources de ce rapport à la recherche d’études sur les applications de traçage. Seules deux d’entre elles en parlent.
La deuxième est un article scientifique publié dans la revue Science. Cet article est apparemment le premier à avoir proposé de développer une application de traçage. C’est vers lui que renvoient le conseil scientifique et Terra nova et c’est donc lui qui sert à justifier le traçage. Intéressons-nous donc de plus près à ce qu’il établit.
Le principal apport de l’article est de fournir un modèle de propagation de l’épidémie et d’en tirer des estimations de plusieurs paramètres essentiels pour la comprendre.
Ces paramètres concernent la probabilité qu’une personne malade en infecte d’autres, en fonction du temps. Ils permettent de calculer le nombre moyen de personnes infectées par une personne malade, appelé taux de reproduction et noté R dans l’article.
L’apport de ce travail est de décomposer ce coefficient en plusieurs composantes associées à des modes de transmission différents : symptomatique, pré-symptomatique, asymptomatique et environnemental.
La transmission est symptomatique si la personne qui contamine l’autre présente des symptômes apparents du Covid-19.
Elle est pré-symptomatique si cette personne ne présente pas de symptômes au moment de la transmission mais en développera par la suite.
Elle est asymptomatique si la personne n’a pas de symptôme et n’en développera pas.
Enfin, elle est environnementale si on ne peut pas l’attribuer à une personne en particulier.
D’après le modèle développé par les chercheur·euses, le taux de reproduction vaut 2, dont 0,9 pour les transmissions pré-symptomatiques, 0,8 pour les transmissions symptomatiques, 0,2 pour les transmissions environnementales et 0,1 pour les transmissions asymptomatiques.
D’après l’étude de Science, il faut agir dans les deux jours après l’apparition des symptômes pour avoir une chance d’endiguer l’épidémie grâce au traçage de contacts.
L’incertitude sur ces valeur est élevée, mais la conclusion est que les transmissions pré-symptomatiques et symptomatiques jouent un rôle prépondérant. C’est donc sur elles qu’il faut agir en priorité pour endiguer la propagation de la maladie. Pour que l’épidémie régresse, il faut que le taux de reproduction soit inférieur à 1, ce qui signifie qu’une personne porteuse du virus contamine en moyenne moins d’une personne.
Grâce au modèle de transmission fourni par l’étude, on peut estimer l’impact des mesures de traçage de contacts en fonction du temps qu’on met à isoler les contacts et de l’efficacité de cet isolement.
Les conclusions sont qu’il faut agir vite, dans les deux jours après l’apparition des symptômes, pour avoir une chance d’endiguer l’épidémie grâce au traçage de contacts. Il faut par ailleurs être efficace pour retrouver et isoler les contacts : il faut au moins y parvenir dans 30 % des cas, dans l’hypothèse très favorable où on isole instantanément les contacts dès qu’une personne présente des symptômes.
Ces résultats sont assez désespérants. Ils indiquent que le traçage de contacts doit être redoutablement efficace pour endiguer seul l’épidémie. Il faut cependant les nuancer. D’une part, ils reposent sur un modèle qui peut être affiné, ce qui pourrait changer les valeurs des paramètres. D’autre part, le taux de reproduction dépend de nombreux facteurs, qui varient d’une situation à l’autre. On peut le réduire par l’application de gestes barrières, l’utilisation de matériel de protection ou des mesures comme le confinement.
Le taux de reproduction à la sortie du confinement ne sera pas le même qu’au début de l’épidémie, puisqu’on aura entre-temps changé nos habitudes. Si les mesures préventives permettent de le réduire suffisamment, les contraintes d’efficacité sur le traçage de contacts seront donc moins sévères que celles qu’on vient de présenter.
Le traçage automatisé marche parce qu’il doit marcher : le dangereux argument circulaire des épidémiologistes
Jusqu’ici, on n’avait rien à redire quant à la démarche de l’article, qui donne une idée de l’ampleur de la tâche à accomplir pour arrêter le virus. La suite pose en revanche franchement question. La deuxième moitié de l’article ne comporte plus ni modèle, ni équation, ni donnée, mais une proposition d’utiliser une application de traçage de contacts, pour rendre ce dernier instantané.
Ce genre de proposition a sa place dans un article scientifique, mais on s’attendrait à ce qu’elle repose sur une justification du fait que le traçage permettrait effectivement d’atteindre les objectifs fixés.
Malheureusement pour nous, les auteur·ices se contentent d’enchaîner les affirmations injustifiées. Par exemple le fait que l’application permettra d’isoler instantanément les contacts. On doit sans doute se contenter de l’idée que comme c’est une application, ce sera instantané. Il n’y aurait donc pas d’authentification du fait que la personne est bien malade, pas de délai pour traiter et diriger l’information, pas de problèmes de connexion ?
Il semble plus important de contrer les nombreuses raisons de ne pas déployer le traçage automatisé, que de donner des preuves de son utilité.
On n’aura pas non plus droit à un questionnement sur la proportion d’utilisateur·ices qu’on pourrait espérer atteindre dans la population. Pas plus qu’on ne verra la moindre réflexion sur la proportion de contacts qu’on arrivera à détecter : les chercheur·euses préfèrent imaginer les fonctionnalités qu’on pourrait ajouter à l’application, comme un accès à des informations médicales ou la possibilité de commander des repas pendant la quarantaine. La pensée start up a pénétré profondément dans l’université d’Oxford.
Finalement, on a même droit à une demi-page de considérations éthiques, qui insistent lourdement sur le fait que la pandémie est grave. Comme chez le conseil scientifique ou Terra nova, il semble plus important de contrer les nombreuses raisons de ne pas déployer le traçage automatisé, que de donner des preuves de son utilité.
L’argumentation en faveur de la solution technologique proposée repose sur un seul ressort, sous forme de pétition de principe : il faut que le traçage automatisé soit extrêmement performant pour endiguer l’épidémie, il est donc forcément efficace. Ça n’a aucun sens, mais c’est précisément ce qui fait que ça fonctionne. Comme la situation est désespérée, il faut des solutions désespérées. On est plus dans l’acte de foi que dans la recherche scientifique.
On pourra répliquer qu’il s’agit uniquement d’une proposition de solution, qui mérite d’être étudiée, par d’autres chercheur·euses capables de fournir d’autres éclairages sur la faisabilité et l’efficacité du dispositif.
On s’attendrait en effet à ce que des chercheur·euse qui proposent une suggestion pour lutter contre l’épidémie, qui échappe visiblement à leur domaine de compétence concluent ainsi : « Nous avons proposé un outil, qui devra être plus sérieusement étudié afin d’évaluer sa pertinence et son intérêt dans la situation actuelle. »
Au contraire, l’article se conclut sur l’idée que l’application permettrait d’abaisser le taux de reproduction en dessous de 1, sans avoir fourni la moindre preuve de ce résultat, qui sera pourtant repris en chœur par toutes celles et ceux qui promeuvent aujourd’hui des solutions numériques à la pandémie.
Les risques pour la vie privée
StopCovid présente donc plusieurs limitations de principe, sans même qu’on sache quel fonctionnement concret sera retenu. Ces limitations réduisent l’efficacité attendue, voire pourraient la rendre contre-productive si elle se substituait à d’autres mesures barrières. Pour trancher pour ou contre son utilisation, il faut peser les résultats attendus, avec l’efficacité qui vient d’être mentionnée, contre les risques encourus. Nous allons voir que ceux-ci ne sont pas négligeables.
Le traçage des contacts pose des questions majeures de sécurité et de vie privée. Les différentes applications en cours de développement mettent en avant le concept de privacy by design : elles sont conçues pour minimiser les informations émises. Peut-on avoir confiance ?
Il existe deux enjeux principaux.
D’une part la sécurité du protocole de l’application, afin d’éviter des attaques malveillantes qui permettraient de récupérer des informations médicales confidentielles, d’exercer des pressions sur des gen·tes ou encore de rendre StopCovid inutile.
D’autre part la question de la gestion des données générées par l’application.
Ces deux enjeux sont complexes et dépendent notamment des détails de la conception de l’application. Un collectif de chercheur·euses spécialistes des questions de cryptographie, sécurité informatique et droits numériques a publié un argumentaire sur ces questions (en français), dont nous vous recommandons la lecture attentive.
Leurs conclusions sont claires :
Ces scientifiques battent en brèche la plupart des éléments de langage en faveur de StopCovid. Iels formulent de multiples scénarios montrant comment l’application peut être détournée pour rompre l’anonymat et obtenir des informations médicales confidentielles sur des personnes infectées.
Ces détournements peuvent être effectués par l’État, des entreprises, ou de simples particulier·es, comme l’illustre le scénario 4.
« M. Ipokondriac voudrait savoir si ses voisins sont malades. Il récupère son vieux téléphone dans un placard, y installe l’application TraceVIRUS, et le laisse dans sa boîte aux lettres en bas de l’immeuble. Tous les voisins passent à côté à chaque fois qu’ils rentrent chez eux, et le téléphone recevra une notification si l’un d’entre eux est malade. »
Une seule personne, sans connaissance en informatique, pourrait donc utiliser l’application pour obtenir des informations médicales confidentielles sur ses voisin·es ou ses collègues.
Ce genre de scénario montre les risques que fait peser le traçage automatisé, qui plus est dans une période particulièrement anxiogène.
Quand on voit que les soignant·es sont traité·es comme des pestiféré·es par certaines personnes, tandis que d’autres laissent des messages homophobes dans les boîtes aux lettres de leurs voisin·es, les accusant de propager l’épidémie, on imagine le genre de dérive qui va nécessairement arriver avec de tels outils.
Le doigt dans l’engrenage du solutionnisme technologique
En plus des risques directs de détournements, StopCovid est susceptible de mener à des dérives plus générales liées à l’utilisation de la technologie et des données pour lutter contre le virus.
L’espoir placé dans une résolution rapide de l’épidémie grâce à la technologie va peser sur le dispositif, le poussant à être toujours plus intrusif. L’Académie de médecine, par exemple remarque dans son communiqué sur StopCovid que « les données anonymes de géolocalisation recueillies au cours de ce protocole pourraient être utilisées pour suivre l’évolution de l’épidémie sur l’ensemble du territoire national », ce qui va déjà bien plus loin que l’application proposée pour le moment.
Les techno-béats n’a pas attendu cette application pour diffuser leurs prêches. Depuis le début de l’épidémie, l’attention est tournée vers des solutions miracles reposant sur les données.
Le collectif CoData, par exemple, regroupe « plus de 800 ingénieurs, développeurs et data-scientists aguerris sur les nouvelles technologies de valorisation de données ». Et, surtout, une quarantaine de start-up spécialisées dans la data à savoir l’art de présenter les données des entreprises comme une matière première valorisable par des consultant·s payé·es à prix d’or.
Action désintéressée ou stratégie de com’, pour des entreprises à la durée de vie très faible qui vivent en grande partie sur les espoirs placés dans la technologie ? À moins qu’il ne s’agisse vraiment de fanatisme, comme le laisse transparaître leur communication :
« Dans [le contexte de la crise sanitaire], la data constitue une matière première qu’il nous faut exploiter. Elle est le reflet de toute [sic] ce qui se passe et devra éclairer nos actions futures. »
La communauté de l’intelligence artificielle a aussi sauté sur l’occasion, avec des initiatives variées, allant d’outils de diagnostic de la maladie à des études de millions de tweets, pour tirer la conclusion que les habitant·es des villes parlent plus des contraintes liées au confinement que celleux des campagnes…
L’intelligence artificielle repose sur la production et l’exploitation de gigantesques quantités de données. La production de ces données est encouragée par les géants du numérique, à travers notamment l’obligation de créer des comptes pour accéder à des services et l’incitation à produire ou noter du contenu sur internet (voir l’article intitulé Combattre le capitalisme identitaire de cette brochure).
Nul doute que ces entreprises, qui poussent les consommateur·ices à produire toujours plus de données, lorgnent avec avidité sur les applications de traçage. Contrairement au mythe fondateur de l’intelligence artificielle, l’exploitation de ces données reste largement effectuée par des êtres humains, généralement des populations précarisées payées à la tâche dans les pays du Nord et des travailleur·euses du clic dans les pays du Sud.
La fuite en avant technologique est un leurre, qui cache des mécanismes de surveillance et de domination incarnés dans les outils numériques eux-même.
L’illusion de la toute-puissance de la technique empêche de voir que des gestes simples permettraient de lutter contre l’épidémie.
Contrairement à l’idéologie défendue par les défenseur·euses du progrès à tout prix, les technologies ne sont pas neutres. Les algorithmes d’intelligence artificielle mentionnés précédemment ne fonctionneraient pas sans l’exploitation de travailleur·euses. Les applications de traçage ne peuvent pas être pensées indépendamment du risque de détournement par les États qui les mettent en place.
Mais ces chimères ont d’autres effets pervers, à travers le rôle symbolique qu’elles jouent dans nos sociétés.
Comme le remarque Félix Tréguer de la Quadrature du net, le solutionnisme technologique, en plus des risques qu’il fait peser sur les libertés, restreint nos imaginaires. Plutôt que d’inventer des solutions humaines à l’épidémie, par des gestes barrières décidés collectivement et une distanciation sociale réfléchie et autogérée, on préfère se tourner vers une gestion en apparence individualisée, mais qui repose sur des fondements autoritaires.
L’illusion de la toute-puissance de la technique empêche de voir que des gestes simples permettraient de lutter contre l’épidémie. Dans le cas de la ville de Cannes, demander des retours aux agent·es municipaux qui encadrent le marché ne serait-il pas plus simple que de déployer de la vidéosurveillance et des équipes d’ingénieur·es ?
Plus grave encore, le gouvernement français a par exemple tergiversé pendant plus d’un mois sur les masques, dont l’utilité n’était soit-disant pas prouvée scientifiquement. Il s’apprête pourtant à foncer vers des applications liberticides, qui n’ont jamais été testées, en évacuant complètement la question de leur efficacité. Si c’est numérique, ça marche forcément…
Aujourd’hui, une nouvelle prise d’otage : celle des éditeurs de presse par La Poste, qui distribuerait moins vite les journaux papier. Et d’ailleurs, les pigistes sont-iels de vrai·es journalistes ? Et tous ces médias et sources internet, quel charivari font-ils autour des solutions miracles au SRAS-Cov2, de la chloroquine au jus de carotte en passant par l’urine ?
Le remède miracle reste bien irréel, tout comme la fameuse continuité pédagogique que nous vend Blanquer, dénoncée de toute part. Le gouvernement a en tout cas trouvé un traitement radical contre les paysan·nes qui tentent d’échapper à l’agro-business : fermer tous les marchés, en maintenant les grandes surfaces. Allons-nous nous laisser à ces docteur·es Maboul le choix des prescriptions ?
Postièr·es sans masque, éditeurs sans scrupule
« Restez chez vous, mais allez bosser ! ». Au petit jeu des injonctions contradictoires, le gouvernement a donné le la et le patronat s’est accordé. Affolés par l’effondrement de la pub et les fermetures de points de vente, les éditeurs de presse quotidienne se retournent contre La Poste, qui réduit son activité courrier. Il faut dire qu’au moins 167 agents montraient des signes de Covid-19 dans sa seule branche Réseau au 25 mars et que la direction a préféré livrer ses 300.000 masques à la police…
Quoi de plus naturel que d’employer son propre journal pour relayer une pétition, publier un édito enflammé ou partager le communiqué de son organisation ? Une campagne de presse s’est donc engagée la semaine dernière (lire notre article), avec le groupe Centre France et la famille Baylet (groupe La Dépêche) comme chefs d’orchestre. « Prise d’otage », « désertion »… inspirés par le discours martial du pouvoir, les patrons de presse se sont lâchés.
Le secteur emploie d’innombrables petites mains qui n’ont pas le statut de salarié·e et donc les droits qui s’y rattachent. On pense aux correspondant·es locaux de presse, payé·es à la tâche pour courir à travers leur canton, ainsi qu’aux porteuses et porteurs, véritables combattant·es du cycle circadien. Les imprimeries, ancien bastion CGT, ont été en grande partie externalisées. Autant dire que les éditeurs ont pris l’habitude qu’on les respecte.
Leur lobbying semble payant, puisque la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, annonce, lors de la séance de questions au gouvernement des sénateurs du 1er avril un « renforcement de la distribution de la presse écrite en début de semaine ».
Un choix en tout cas condamné par le syndicat qui rappelle que la direction a justifié la diminution des distributions « au nom de la sécurité des agents de la maison-mère ». Les autres peuvent bien crever !
Les pigistes ? Quels pigistes ?
Étrangement, les patrons de presse sont moins diserts lorsqu’il s’agit des pigistes. Ces journalistes non mensualisé·es mais non moins salarié·es subissent de plein fouet la baisse de pagination des journaux et les annulations d’émissions. Pourtant, certains médias rechignent à les inscrire dans le dispositif de chômage partiel. D’autres appliquent leurs propres critères d’éligibilité, excluant les plus précaires.
Habitué·es au télétravail, ils et surtout elles n’en sont pas moins déstabilisé·es par la fermeture des écoles, collèges et lycées. Quant aux pros basé·es à l’étranger, la baisse des commandes s’accompagne de difficultés diverses pour regagner la France.
Myriam Guillemaud Silenko, animatrice du pôle pigistes du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’adresse au ministère du travail par le biais d’une pétition. Dans ses échanges avec les fédérations patronales, le principal syndicat de la profession ainsi que la CGT, la CFDT et FO menacent d’engager des poursuites contre les entreprises qui oublieraient les pigistes. Le SNJ demande même de suspendre leurs aides à la presse.
Marchés au pas
Le 23 mars, le premier ministre a ordonné la fermeture de tous les marchés du pays (sauf les marchés financiers bien sûr). Pour les rouvrir, il faut une demande argumentée de la mairie, qui sera soumise au bon vouloir de la préfecture.
En plus des consignes sanitaires de bon sens, déjà appliquées par la plupart des marchand·es qui n’ont pas attendu les ordres de l’État pour prendre des précautions, le nombre de stands est largement limité : 15 au marché des Lices de Rennes par exemple, contre 200 en temps normal. De même, seuls les stands alimentaires seront autorisés.
La mise en place de ces règles et le flicage pour les faire appliquer revient aux mairies. Pas étonnant que nombre d’entre elles y renoncent. Par ailleurs, les préfet·es gardent le dernier mot et semblent pour certain·es considérer que la présence d’un supermarché dans une ville rend inutile l’ouverture du marché. Résultat, seul un marché sur quatre est rouvert.
Heureusement, la mobilisation semble porter ses fruits. Dans les villes où les habitant·es insistent auprès des élu·es, les marchés rouvrent plus vite.
Il est normal de prendre des précautions pour éviter des contaminations inutiles, mais l’accès à l’alimentation fait partie des besoins essentiels. La différence de traitement entre les marchés et les grandes surfaces, qui permettent tous les deux de combler ce besoin est donc particulièrement choquante.
La plupart des mesures du guide méthodologique pour les marchés ne sont pas appliquées dans les supermarchés, notamment l’interdiction de toucher les produits. De même, aucune surveillance de l’application des distances de sécurité n’y est faite, alors qu’il s’agit d’endroit plus confinés, conçus pour mettre les consommateur·ices au plus près des produits.
Alors que nous sommes au milieu d’une crise mondiale qui met en évidence les limites de notre modèle de production et de distribution, profitons-en pour repenser la consommation comme le proposent ces appels de la Confédération paysanne et de paysan·nes de Loire-Atlantique. Le modèle actuel, promu par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA est complètement dépassé par la situation, notamment parce qu’il repose sur l’exploitation de travailleur·euses détaché·es pour les récoltes.
S’approvisionner en vente directe, locale et de saison, assurer un salaire décent aux paysan·nes grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, organiser des chantiers agricoles collectifs pour éviter le recours à des machines qu’il faut acheter à crédit et aux hydrocarbures qui les font tourner, faire les courses en commun pour aider les personnes qui sont dans l’incapacité de le faire, penser la récupération et la redistribution des invendus pour aider les plus vulnérables, etc.
Toutes ces actions permettent de mettre en place des alternatives, en construisant une autre économie, qu’il faut défendre face au capitalisme mondialisé et à l’État.
Dans la région Grand Est, de nombreux collectifs se battent contre un plan de développement des outils numériques : le lycée 4.0. Alors que des lobbies d’experts influencent les politiques et disent que le numérique bouscule le modèle de l’école traditionnelle (sic), les enseignant·es et des personnes proches de l’éducation produisent elleux aussi des analyses qui font entendre une autre réalité.
Le professeur Raoult, infectiologue à l’IHU Marseille et ancien membre du conseil scientifique mandaté par l’Élysée, le répète : la chloroquine, ou son dérivé, l’hydroxychloroquine, guérirait du coronavirus. Sa position a été largement relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Au point que les hôpitaux testant les traitements contre le coronavirus peinent à convaincre les patient·es de participer aux études en cours.
Mais des problèmes majeurs dans l’étude du Dr Raoult ont été pointés par le reste de la communauté médicale : aucune comparaison sérieuse n’a été faite entre des patient·es traité·es et non traité·es ; par ailleurs, certaines données auraient été supprimées de l’étude car en défaveur de l’hydroxychloroquine… Plusieurs autres articles publiés par le passé par l’IHU étaient truqués ou d’une éthique douteuse.
Le professeur Raoult a réalisé une deuxième étude, qui n’est, à nouveau, pas interprétable faute de patient·es témoins (non traité·es par hydroxychloroquine) à comparer aux patient·es recevant l’hydroxychloroquine. Deux études chinoises, ici et là, trouvent quant à elles des résultats contradictoires ; néanmoins, ce sont des études réalisées avec très peu de personnes, qui permettent donc difficilement de conclure et qui sont aussi contestées.
Pour le moment, nous ne pouvons être convaincu·es ni de son efficacité, ni de son absence d’efficacité. Restons prudent·es devant les « expert·es » mis·es en avant par les médias ou le gouvernement, fussent-iels médecins ou scientifiques de formation…
Faux espoirs et vrais dangers
Si la plupart des « conseils » dispensés sur internet sont relativement inoffensifs (boire de l’eau, des boissons chaudes ou du jus de carotte, méditer…), certains « remèdes miracles » contre le coronavirus ont été à l’origine de drames. Ainsi, en Iran, 210 personnes seraient mortes après avoir consommé de l’alcool frelaté. Parmi les conseils plus ou moins dangereux et sans fondement rationnel, certains incitent à boire sa propre urine, de l’eau de Javel, des solutions d’argent colloïdal, ou à prendre de la cocaïne.
L’(hydroxy)chloroquine, qui peut induire de graves troubles cardiaques, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres médicaments courants (antibiotiques, traitements psychiatriques ou cardiologiques) n’est pas en reste : en France, dix personnes au moins seraient en réanimation après en avoir ingéré en auto-médication. Aux États-Unis, une personne est morte après avoir consommé le phosphate de chloroquine contenu dans le produit destiné à laver son aquarium.
Et il ne faut pas croire que l’on rend service aux gens en leur prescrivant de la chloroquine même avant la fin des essais cliniques : dans le contexte d’une épidémie, la chose la plus éthique à faire est de tester les médicaments avant de les prescrire à cause des nombreux effets secondaires.
En fait, quand on teste des médicaments (un groupe auquel on donne le médicament et un autre groupe auquel on donne un placebo et on traite de la même manière les patients en dehors de ce médicament particulier), il est souvent plus sûr d’être dans le groupe placebo plutôt que de prendre des molécules dont on ne connaît pas les effets !
Le technicisme ambiant nous pousse à ne percevoir que les effets positifs espérés des médicaments ; attention à ne pas sous-estimer les dangers des solutions miracles, d’où quelles viennent !
Alors que le Parlement a accepté d’être dessaisi de son pouvoir législatif sans limite de durée, la suite des mesures annoncées par l’État ou prises par des institutions territoriales est justifiée par la présence d’idiots volages et de jeunes en groupe.
Avant même qu’Édouard Philippe n’annonce la fermeture des marchés ouverts et la limitation des déplacements sportifs à un kilomètre autour de chez soi et un par jour, des municipalités avaient déjà instauré des couvre-feux.
À Perpignan, la police nationale seconde la police municipale et le tout se munit de haut-parleurs pour réprimander les habitant·es. À Nice, des « comportements irresponsables » pour Estrosi ont conduit le maire à instaurer ce couvre-feu et il a été en cela imité par toutes les Alpes-Maritime. Ces mêmes « comportements insouciants » sont ciblés à Paris, où en plus des « bandes de jeunes » se rassemblent.
Dans un contexte où les plus vulnérables (femmes, prisonniers, immigrés, SDF, etc.) demandent encore plus d’attention, c’est tout le contraire qui arrive.
Blablabla
Dans le même temps (et oui…), le manque de prévision et les incohérences du gouvernement continuent à transparaître partout.
Tandis qu’on n’est même pas certain·es que le second tour des élections municipales ait lieu fin juin, notre Jean-Michel national annonce espérer une réouverture des écoles le 4 mai et envisage des cours supplémentaires pendant les vacances pour combler les lacunes potentielles des élèves.
Les enseignant·es vont être chargé·es de contacter les familles une fois par semaine : évidemment, ils et elles n’ont pas attendu que Blanquer se réveille pour échanger avec des familles qui se retrouvent souvent débordées, les rassurer et tenter de mettre des mots sur la situation [lire ci-dessous].
Les médecins continuent à s’exprimer sur le coronavirus et la gestion de la crise. Le syndicat des jeunes médecins a ainsi demandé au Conseil d’État l’application d’un confinement total au titre que ce serait sinon une atteinte au droit à la vie et au respect de la vie, ce que ce dernier a refusé dans la mesure où il estime que le gouvernement fait ce qu’il faut et que le ravitaillement de la France serait trop compliqué. Notons quand même qu’il ne l’exclut pas à un moment sur certaines zones.
D’autres se rendent bien compte que le gouvernement est en fait « une bande d’incapables qui en rajoutent dans l’arrogance » ; se demandent pourquoi est-ce que, depuis qu’on a des pandémies et qu’on sait qu’elles se répandent vite, il n’y a pas de stratégie prévue à l’échelle mondiale (est-ce que, vu que les récentes pandémies ont eu lieu dans des pays plus pauvres, on les méprisait bien, pensant que ce n’était pas pour nous ?) ; sont dégoûtés du rôle de « recycleurs du capitalisme » qu’il leur est donné par la mission de réparer les corps abîmés pour qu’ils retournent sur le marché.
Chiffres à gogo, piège à idiot·es ?
Ça y est, on va pouvoir suivre ce qui se passe : un cabinet de sondages est dépêché pour suivre ce que pensent les Français (avec un très grand « F »). Et on apprend donc par CoviDirect (y’a de bons communicants quand même) que 82 % des Français sont inquiets…
La pandémie est aussi l’occasion d’un petit retour sur les chiffres et leur utilisation. Les modélisateurs qui regardent la pandémie ont tendance à le faire avec des équations exponentielles et à présenter des taux de décès.
Les personnes qui ont une approche probabilistes sont plus empiriques et présentent plutôt des nombre de décès… Et bien, par comparaison avec la grippe de 2017, en nombre de décès ça semble peu grave, et en taux de décès c’est affolant. À vous de choisir.
Si on est chaud de la face de bouc on peut aussi aller voir ce qui pourrait se tramer le 29 mars [The Viral Open Space].
Virus : point technique
[Attention, mode « scientifique » ON]
Ce virus appartient à la grande famille des Coronavirus, comme le SARS-CoV (épidémie 2002-2003) et le MERS-CoV (épidémie 2012).
Beaucoup de Coronavirus circulent dans la population humaine : ils représentent 15-29 % des rhumes communs (Su et al., 2016). Le SRAS-CoV2 (le nôtre) est un β coronavirus et il a une forte parenté avec les coronavirus fréquents chez les chauves-souris, même si c’est peu probable qu’il ait été transmis à l’humain via cet animal parce que les chauves-souris hibernaient en décembre en Chine (Lu et al., 2020).
Pour ces virus qui ne sont pas particulièrement dangereux pour les chauve-souris, le passage à l’humain est favorisé par des recombinaisons, c’est à dire des modifications du matériel génétique présent dans le virus : dans une revue de la littérature scientifique sur les coronavirus en 2016, Su et al. soulignaient déjà que ce n’était « not a matter of if, but when, the next recombinant CoV will emerge ».
En Chine, la propagation initiale indiquait une période d’incubation de 5,2 jours et un R0 de 2,2, c’est à dire qu’un patient infecté transmettait le virus à en moyenne 2,2 personnes (Li et al., 2020).
Par rapport aux vaccins / médicaments : élaborer un vaccin, même en contexte pandémique prend un à deux ans. L’utilisation de médicaments est en étude : on s’intéresse au site catalytique de l’ARN-polymérase du virus, c’est à dire à l’endroit de cette protéine qui permet au virus de reproduire son matériel génétique ARN de se lier à d’autres pour fonctionner.
Ce site peut recevoir l’élément qui permet en effet le fonctionnement, mais aussi des éléments de forme similaire. Et on en connaît quelques+uns qui sont déjà utilisés dans le traitement d’autres maladies (hépatite C, grippe notamment) (Li et De Clerq, 2020). Mais on ne sait pas si ça va marcher avec SRAS-CoV2 et ça nécessite pas mal de boulot.
Enfin, de ce qu’on sait des autres coronavirus, ils peuvent persister de quelques heures à dix jours sur les surfaces touchées… (Kampf et al., 2016)
Lettre aux parents partagée sur la liste de diffusion parisienne CNT et copaines
« Chers parents, chers élèves,
Tout d’abord, j’espère que tout va bien pour vous et désolé pour le retard au démarrage, moi aussi j’ai été désorganisé, déboussolé, décontenancé, sidéré. Je vous conseille de vous occuper de vous et de vos enfants. Le temps risque d’être très long. Donc ce n’est pas la peine de se précipiter sur telle ou telle activité sur tel ou tel site. Il faut s’organiser sur un temps long.
Je tenterais, autant que possible, de vous proposer des lectures, des activités, des jeux. Vous pouvez aussi me dire ce que vous faites. M’envoyer des nouvelles des enfants. Et quand je dis nouvelles cela peut-être des dessins, des sculptures ou tout autre réalisation de vos enfants. Pensez bien à tout dater pour refaire le fil de l’histoire quand on se reverra. Car on se reverra, on en reparlera, peut-être même qu’on le chantera et qu’on en rira.
Mais pour l’instant, faisons preuve d’énormément de patience avec nos enfants, avec nous-mêmes. Ne cherchez pas trop à faire la classe. Pas parce que vous ne savez pas le faire mais parce que vous n’avez pas un groupe d’enfants. Moi non plus d’ailleurs, je n’ai plus de groupe d’enfants, je n’ai plus de classe. Donc faisons autre chose.
Alors on va se donner des nouvelles, vous avec moi mais également entre les enfants. Donc une première chose, faisons un dessin, on prends une photo et vous me l’envoyer et je l’envoie aux autres. Vous pouvez aussi l’envoyer directement aux parents de la classe que vous connaissez. Mais, attention, si votre enfant n’a pas envie, ce n’est pas grave, cela viendra. Ou peut-être veut-il autrement. Une photo de lui ? Un objet qu’il apprécie ? Un gâteau qu’il a fait ? Peu importe…
Pour les dessins, n’utilisez pas de feuilles classiques qui servent pour les attestations ou alors le dos de l’attestation de la veille ou tout autre surface (dos des emballages, vieux journaux…). Et pour dessiner, tout outil qui laisse une trace (crayon, feutre, craie, stylo, pinceau et si vous trouvez autre chose prévenez moi).
Voilà, on se donne des nouvelles et à bientôt. »
Paimpol n’avait pas connu telle démonstration citoyenne depuis longtemps. Peut-être doit-on remonter en février 2003, quand 10.000 personnes avaient manifesté pour défendre la maternité. En vain.
Samedi 9 septembre, c’est encore le comité de soutien à l’hôpital de Paimpol (22), mené par Yves Ballini du PCF et Philippe Couleau de l’UDB, qui a fait descendre entre 3.000 et 5.000 Bretons dans les rues de la cité des Islandais, dans les Côtes-d’Armor. Cette fois, ce sont les urgences qui inquiètent.
En mai, les personnels ont prévenu le comité que l’Agence régionale de santé (ARS) comptait supprimer un poste de médecin de nuit. Plusieurs rassemblements et quelques milliers de signatures plus tard, l’Etat est revenu sur sa décision, inspiré par une lettre des médecins. La partie n’est toutefois pas gagné car rien n’est signé et un poste de médecin urgentiste est désormais menacé en journée. L’ARS s’appuie sur une pénurie de médecins en Bretagne.
Malmenée par la désertification médicale qui touche aussi la côte nord de la Bretagne, la population craint au final la fermeture des urgences, comme l’a déjà connu Tréguier. Environ 42.000 habitants permanents se situent dans la zone de rayonnement du centre hospitalier paimpolais, à 45 minutes minimum du premier hôpital (Saint-Brieuc, Lannion ou Guingamp).
Des délégations d’autres hôpitaux de proximité avaient fait le déplacement, dont la coordination nationale elle-même. Celle-ci dénonce plus largement la loi du marché qui pèse sur les services publics, contraints à des coupes dans les effectifs et les moyens, jusqu’à des fermetures d’hôpitaux. La santé des patients est parfois atteinte et de nombreux agents font des dépressions.
Reportage : Avec Yves Ballini, président du comité de soutien à l’hôpital de Paimpol, Ghislaine Fichou, infirmière aux urgences et Céline Le Doré, aide soignante et représentante CGT.