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[Vidéos] Des salaires au climat, pourquoi manifestaient-ils ce 13 octobre à Lannion

Quatre mois après les derniers feux de la bataille des retraites, l’intersyndicale du Trégor n’a guère mobilisé au-delà des rangs militants, vendredi 13 octobre 2023. Mais parce qu’il faut se méfier de l’eau qui dort, nous avons tendu l’oreille pour comprendre ce qui fait marcher ceux qui ont fait le déplacement.

Premier rendez-vous syndical majeur depuis la rentrée, si l’on compte à part la mobilisation contre le racisme et les violences policières du 23 septembre, cette journée de grève interprofessionnelle devait rallumer la flamme du mouvement social. À Lannion, sous-préfecture des Côtes-d’Armor, seuls 350 motivés ont suivi les porteurs de banderole pour un « petit tour des ponts » autour du Léguer. Loin des 7.000 manifestants comptés régulièrement par les képis au printemps.

Si les drapeaux de la CGT et de la CFDT ont de nouveau flotté dans la même direction, localement, la confédération Force ouvrière s’est fait porter pâle.

Dans l’argumentaire déployé pour rejoindre les cortèges par la CGT, l’opposition au report de l’âge légal de départ à la retraite n’est plus que la cinquième raison citée. Derrière l’augmentation générale des salaires, l’égalité femmes-hommes, la défense des services publics et la « transition écologique socialement juste ». Volonté de tourner la page ou dépit ? Que ce soit à la tribune ou sur le pavé, nul ne souhaite s’appesantir sur le revers majeur subi plus tôt dans l’année.

« Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir »

« MÊME EN TRAVAILLANT SE LOGER DEVIENT COMPLIQUÉ », ROBIN MAILLOT (UNSA) / Lannion - 13 octobre 2023

« C’est une date européenne qui intervient dans un contexte très difficile pour les citoyens qui ont le moins, convient Robin Maillot, représentant du personnel pour l’Unsa dans l’éducation. Plus ça va, plus les prix augmentent et je pense qu’on n’a pas fini de parler de l’énergie. Les coûts de l’énergie pour les collèges et les lycées, qui vont retomber sur les conseils départementaux et régionaux, vont exploser. »

L’été a aussi laissé des traces à l’hôpital. Faute de personnels suffisants, les urgences de nombreux établissements ne sont régulièrement plus accessibles la nuit sans passer par la régulation du Samu. À Guingamp, les accouchements ne sont plus assurés.

« On voit qu’on gère la misère, constate Robin Maillot. Inversement, on a des aides aux entreprises absolument pas assujetties à des contreparties ce qui est particulièrement inadmissible. Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir. »

La conférence sociale promise par Emmanuel Macron pour se pencher sur les branches professionnelles dont des échelons débutent sous le Smic et inaugurée le 16 octobre par Élisabeth Borne ne suscite aucun enthousiasme.

Dans les rangs de la jeunesse, si les questions sociales demeurent importantes, les préoccupations environnementales affleurent rapidement.

« Je me suis préparé à mourir »

Pancarte louant « la seule planète le kouign-amann existe », Mona, déplore que « le gouvernement ne fasse rien du tout pour l’écologie ». La lycéenne en arts du cirque à Savina, venue spécialement avec ses camarades de Tréguier, aimerait que les politiques s’attaquent à la fast-fashion, à savoir la mode éphémère qui implique une production massive de vêtements dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée voire exploitée. « On s’habille tous en frip’, donc il y a plein de moyens de faire autrement. »

« IL FAUT AGIR CONTRE LA FAST FASHION », MONA ET ZOÉ, LYCÉENNES / Lannion - 13 octobre 2023

Pas beaucoup plus âgé que Mona, Winaël a déjà expérimenté la violence d’État.

« À Sainte-Soline, avant d’y aller, je me suis préparé à mourir, j’ai dû prévenir des proches que potentiellement j’irai mourir et je suis passé pas très loin de la mort », témoigne dans un calme déconcertant ce lycéen nazairien, dont le casque est décoré d’un autocollant “no bassaran”.

Le 25 mars 2023, il participait à la manifestation contre la construction de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, lors de laquelle plus de 5.000 grenades lacrymogènes et de désencerclement ont été tirées par les gendarmes.

Un rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières cosigné par la Ligue des droits de l’homme (LDH) reprend le bilan délivré par les Soulèvements de la Terre, à savoir 200 manifestants blessés dont 40 gravement, 20 mutilées ou au pronostic fonctionnel engagé parmi lesquelles une personne au pronostic vital engagé. Peu après les affrontements, le procureur du département avait lui annoncé 47 gendarmes blessés, dont deux en urgence absolue lors de leur prise en charge, et deux journalistes en urgence relative.

« Si le gouvernement me considère comme “éco-terroriste”, ça en devient une légion d’honneur parce que la vraie répression, la vraie violence, elle n’est pas de soutenir les familles des vitrines. Ce sont les gens qui sont mutilés, qui meurent. […] Même l’Onu considère la France comme une démocratie défaillante, poursuit le militant du Mouvement national lycéen (MNL). Là, le gouvernement veut réautoriser le glyphosate, qui cause des troubles sur les cerveaux des enfants. Il favorise le profit avant tout. »

« AVANT SAINTE-SOLINE, JE ME SUIS PRÉPARÉ À MOURIR », WINAËL (MNL) / Lannion - 13 octobre 2023

Les questions internationales ont quant à elles été soigneusement évitées dans le discours lu à trois voix par des représentantes de la FSU, de la CFDT et de la CGT juste avant le défilé. Les organisations syndicales ont rappelé leur « attachement aux valeurs républicaines, aux libertés démocratiques, individuelles et collectives, en particulier le droit de grève et de manifestation ». Est-ce une allusion au télégramme du ministre de l’Intérieur demandant au préfet d’interdire toute manifestation pro-palestinienne ?

Au pied du podium, un tract distribué par l’association France Palestine Solidarité Trégor met les pieds dans le plat. Après une dénonciation « sans ambiguïté » de l’attaque du Hamas qui a « pris pour cible de très nombreux civils non armés », l’organisation alerte sur la réponse du gouvernement israélien. « Une escalade placée sous le signe de la vengeance » face à laquelle l’AFPS réclame des autorités françaises et européennes qu’elles se mobilisent pour un cessez-le-feu immédiat.

Le chaos du monde qui ébranle la coalition de gauche à l’Assemblée nationale mettra-t-elle en sourdine les aspirations sociales et écologistes ? Alors que la résurgence d’attentats islamistes favorise les discours martiaux et la désignation de boucs émissaires, les militants ont de quoi être inquiets.

« CONTRE L’AUSTÉRITÉ EN FRANCE COMME EN EUROPE », DISCOURS INTERSYNDICAL / Lannion - 13 octobre 2023
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« Marre de ce gouvernement ! » Des amies organisent une criée publique à Lannion

Etudiante en année sabbatique et demandeuse d’emploi dans le domaine de l’aide à la personne, Violette et Marie ont décidé de s’investir dans la mobilisation contre la loi « Sécurité globale » et les autres textes liberticides du gouvernement Macron-Darmanin. C’est sur le marché de Lannion, ville des Côtes-d’Armor où elles traversent cette période de couvre-feu, que les deux amies sont passées d’étal en étal, une liasse de tracts dans les mains, avant la manifestation du 16 janvier 2021.

Avec d’autres copines, elles ont proposé aux client·s comme aux commerçant·s de leur transmettre un message personnel susceptible d’être scandé à la fin de la Marche des libertés programmée ce samedi. Une intiative spontanée qui complète les actions menées localement par une coordination composée d’une vingtaine de syndicats, assocations, partis de gauche et collectifs. Lannion a déjà connu un rassemblement et une marche aux flambeaux ayant rassemblé plus de 320 personnes chaque fois, depuis fin novembre.

Par le biais de cette criée, Violette et Marie escomptent surtout donner la parole à leurs pairs, âgé·es de la vingtaine, à leurs yeux sous-représenté·es dans l’espace public. Or, les restrictions de libertés décidées pendant la crise sanitaire du Coronavirus, dont certaines risquent de se pérenniser, pèsent lourd sur le moral des étudiant·es et jeunes travailleur·ses, qui aimeraient voyager, faire la fête ou tout simplement partager des moments à plusieurs.

La progression du chômage et les perspectives sombres pour l’économie accentuent le malaise d’une partie de la jeunesse, déjà confrontée à la précarité sur le marché du travail. Une jeunesse qui subit ou constate par ailleurs une répression policières de plus en plus fréquente dès qu’elle souhaite hausser le ton.

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« Postier, distribue notre journal et tais-toi ! »

La crise du coronavirus n’inhibe pas les vieux réflexes réactionnaires. Les patrons de presse crient haro sur le postier, cet inénarrable tire-au-flanc qui divise par deux son nombre de tournées. La rédac’ chef du groupe Centre France parle même de « prise en otage » pour mieux les culpabiliser. Leurs lecteurs sauront-ils que le SRAS-CoV2 se propage dans les centres de tri ?

« M. le Président de La Poste, maintenez le passage du courrier au moins un jour sur deux ! », implore Sandrine Thomas dans une pétition lancée jeudi 26 mars. Pressée par les syndicats qui s’étranglent face à l’absence de masques et de désinfectants, la direction du groupe récemment passé sous contrôle de la Caisse des dépôts vient de restreindre les distributions du mercredi au vendredi.

C’est est trop (ou plutôt pas assez) pour la directrice des rédactions du groupe Centre France qui glisse en copie de sa lettre ouverte Bruno Le Maire, Nicole Belloubet, les chargés de com’ d’Edouard Philippe et d’Emmanuel Macron et même le chef de cabinet de Brigitte Macron. Des fois que…

Apporter l’information jusqu’à la plus humble chaumière est assurément une noble mission. Penser à ses abonné·es, souvent âgé·es, pour qui le journal papier constitue parfois le dernier lien concret avec le monde extérieur, voilà qui ne souffre d’aucune contestation.

Droit de savoir ou logique éco ?

Lancer une campagne de presse contre son distributeur quand celui-ci cherche à protéger ses salarié·es d’une pandémie ne résulte toutefois pas des mêmes sentiments. Surtout lorsqu’on mobilise l’image éculée de la « prise d’otages », invariant de toute réaction patronale (et souvent médiatique) par temps de grève. Y compris lorsqu’on se souvient opportunément des fameuses missions de service public.

L’appel du pied aux maires, député·es et sénateur·ices, dont les quotidiens régionaux seraient « la meilleure courroie de transmission entre les mesures qu’ils prennent et leurs administrés » achève de nous convaincre qu’il est davantage question de gros sous que de déontologie journalistique. Les relations de dépendance avec le monde politico-économiques n’ont du reste rarement été aussi bien décrites.

Pourtant, c’est vrai, la situation est dramatique pour bon nombre de titres, qui n’ont pas su prendre le virage du numérique. Le journaliste de Mediapart, Laurent Mauduit, parle même, en fin connaisseur du milieu, de « la possible crise de trop », au moment où la messagerie Presstalis est au bord du dépôt de bilan, les kiosques désertés quand ils ne sont pas fermés sans parler des salons organisés par les journaux pour remplir leurs caisses qui s’annulent tour à tour.

Où se situe la famille Baylet dans cette « guerre », sur la ligne de front, à l’arrière ou planquée ?

Loin de formuler une autocritique, le président de l’Alliance, puissant syndicat des éditeurs de presse, envisage un recours en justice contre La Poste. L’ancien ministre de François Hollande, Jean-Michel Baylet, toujours pédégé du groupe La Dépêche, brandit les 100 millions d’euros de subventions annuelles versées par l’Etat à l’ex-entreprise publique.

200327 - Quand La Poste déserte Jean-Nicolas Baylet - La Déviation
Dans un édito publié le 27 mars, Jean-Nicolas Baylet oppose « l’abnégation du personnel soignant » au comportement de La Poste, qui supprime les tournées des lundis, mardis et samedis. « Le moment venu, elle devra s’en expliquer… », menace-t-il en conclusion.

Son fils se fait même porte-flingue lorsqu’il qualifie La Poste de « déserteur » dans un édito enflammé. Les postier·es y sont opposés en creux aux soignant·es, « “nos héros” [qui] font prévaloir l’intérêt général sur toute autre considération, mettant parfois leur santé en péril ».

«Nous ne regardons plus la caissière du supermarché, l’éboueur, ou le conducteur de bus de la même façon » ajoute Jean-Nicolas Baylet, qui ne précise toutefois pas comment il les regardait précédemment. Ni où se situe la famille Baylet dans cette « guerre », sur la ligne de front, à l’arrière ou planquée ?

Le cri du cœur du patriarche – La Poste nous abandonne – est quant à lui partagé indifféremment dans les colonnes de La Montagne (Centre Presse), Le Journal de Saône-et-Loire (Ebra), Le Télégramme, Les Echos (LVMH) et L’Opinion (Arnault, Bettencourt…). Sans préciser que le secteur de la presse vit lui-même sous perfusion. Une bonne partie des aides à la presse étant consenties sous forme de tarifs postaux préférentiels.

Les postier·es craignent pour leur santé

Qu’en pensent les postières et postiers dans tout ça ? Ce n’est pas dans La Dépêche du Midi qu’on le saura. Faisant fi de la règle du contradictoire, elle a proprement ignorée le dernier communiqué adressé par Sud-PTT. Peu étonnant lorsqu’on apprend de source syndicale qu’une journaliste à la santé fragile a dû faire elle-même usage de son droit de retrait pour éviter un reportage imposé par son supérieur.

Il faut donc lire le quotidien d’origine communiste La Marseillaise, dont la parution papier est d’ailleurs suspendue, pour savoir qu’un droit de retrait a été exercé collectivement vendredi sur une plateforme des Bouches-du-Rhône où travaillait un agent contaminé. Le représentant syndical Sud-PTT Serge Raynaud assure qu’aucun masque n’y a été distribué, alors que 100 personnes sur 200 y travaillent encore.

La troisième organisation syndicale du groupe (19 % aux dernières élections, derrière la CGT et la CFDT) récence 129 cas avérés de Covid-19 au 25 mars, et plus 500 suspicions « rien que sur la maison-mère ». Elle en tire une carte, visible ici.

Des chiffres sans doute sous-estimés, comme semble l’attester un document présenté comme émanant du siège. Dans la branche réseau, qui compte un quart des effectifs totaux, 167 agents présenteraient des symptômes du Covid-19 au 25 mars.

200325 - RLP - Suivi des signalements INDIS – Corona virus S 13 - Pôle SI Sécurité Groupe La Poste - La Déviation
Sud Rail joint à son communiqué un document présenté comme émanant du siège du groupe La Poste, sur lequel 167 « agents ayant des symptômes du Covid-19 » sont recensés, dont plus de la moitié à Paris Nord et Issy-Les Moulineaux.

Lors de la première semaine du confinement, des policier·es sont intervenus dans un centre de tri des Yvelines pour mettre fin à une assemblée générale. Une démonstration éloquente de l’expression « répression syndicale ». « Des menaces de sanctions et de retenues sur salaire ont été proférées » contre des salariés exerçant leur droit de retrait, ajoute Sud-PTT.

La réduction de moitié des activités ne satisfait par pour autant les postier·es, qui dénoncent l’absence de nettoyage et de désinfection des matériels. Le syndicat propose donc un recentrage sur les activités essentielles.

« La direction se refuse toujours à intervenir auprès des grands émetteurs comme Amazon, qui est par ailleurs son plus gros client. Au nom de la sacro-sainte liberté du commerce, on s’interdit donc de mettre l’appareil productif au service des besoins essentiels de la population… Quitte à continuer à mettre en danger les factrices et les facteurs, pour distribuer tout et n’importe quoi. »

Mobilisé depuis des années contre les réorganisations incessantes qui ont conduit à une fermeture de très nombreux bureaux et développé le mal-être des postier·es, le syndicat attaque le groupe en justice pour des manquements répétés. L’audience en référé devrait se tenir le 3 avril.

Illustration : « Les Postiers » dessin humoristique situé à la poste du Louvre by Marcel Collin photographié par Patrick Janicek CC BY 2.0

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La Gazette des confiné·es #3 – Dr Raoult, rapports Nord-Sud et biodiversité

Et le spectacle continue !

Depuis plusieurs jours, les médias tournent en boucle. Le docteur Raoult est-il ou non un génie ? La chloroquine est-elle un remède miracle au coronavirus ? Y a-t-il 1.312 morts du coronavirus en France à 13 h, 1.300 à 13 h 12 ou les deux? À toute ces questions, la gazette vous donne quelques arguments pour trancher le débat une bonne fois pour toutes… et changer de sujet !

Nos ami·es scientifiques connaissent les méfaits de la bibliométrie (ou évaluation des chercheurs par le nombre de publications et le nombre de citations de ces publications dans d’autres articles) : revues prédatrices, auto-citation, etc. Pourtant, il faut avouer qu’on voit rarement des abus comme ce qu’a pu faire le docteur Raoult. Il aurait participé à 1.802 articles, dont de nombreux sur le coronavirus qui ont été acceptés à publication en un jour de relecture. Quelle rapidité !

Il faudrait être mauvaise langue pour remarquer que le directeur de publication de la revue qui accepte lesdits articles est un coauteur des articles du docteur Raoult ! Quant à l’efficacité de la chloroquine, il s’agit d’un débat scientifique en cours complètement disjoint de l’escroquerie Raoult, même si l’habitude médiatique de tout personnaliser fait fureur…

Sur les 63 articles sur le coronavirus considérés scientifiques par l’Inserm – rassurez vous, l’auteur de cette rubrique ne les a pas lus, n’étant pas chercheur dans ce domaine -, il ne semble pas y avoir de conclusions positives (sinon il y aurait un consensus scientifique ce qui est loin d’être le cas). Il faudra sûrement attendre les résultats des nombreux essais cliniques en cours (par exemple l’essai européen Discovery) pour y voir plus clair.

En attendant, l’extrême-droite se coordonne pour faire de la chloroquine le remède miracle : Trump, Estrosi, Le Point, Valeurs actuelles, etc.

Le confinement s’accentue et les conséquences négatives sont occultées

La situation est catastrophique pour toutes les personnes victimes de violences domestiques (enfants maltraités, femmes battues, etc.). Pas d’école pour voir les ami·es, pas de sorties pour se reposer et changer d’air et les amendes pleuvent quand on sort de chez soi.

Heureusement, des initiatives se multiplient sur internet pour aider à mieux vivre le confinement, à soulager le stress et l’anxiété comme ce que propose l’université de Lorraine, même si ce sont de piètres consolations pour les personnes les plus en dangers.

L’impact social du confinement (qui est certes nécessaire pour enrayer la propagation trop rapide du coronavirus) ne fait pas partie du débat public, ce qui empêche de chercher des solutions (hébergement de tous et toutes, réquisition des logements vides comme l’appelle le collectif Droit au logement, Dal).

Pendant que les médias bavardaient, le gouvernement préparait son coup

L’attaque contre le code du travail qu’a fait passer le gouvernement sans aucun contrôle législatif (par ordonnances) est inédite et violente ! On pourra faire travailler des salarié·es jusqu’à 60 heures par semaine ! Cela était souvent déjà imposé, en toute illégalité, pour les soignant·es.

Tant qu’à faire, vu que ça tenait tant bien que mal (ou pas), pourquoi ne pas l’imposer à tout le monde, se dit le gouvernement ?

À voir si les autres professions seront aussi corvéables et se laisseront faire, et espérons que, contrairement à ce qu’on a pu constater jusqu’ici, les syndicats ne prônent pas l’union nationale et choisissent la lutte des classes pour préserver les intérêts des travailleur·euses.

Actions syndicales

Face à l’angoisse générée par la demande de télétravail ou de travail à l’extérieur malgré l’épidémie, les syndicats ripostent.

La CGT lance le site luttevirale.fr pour informer les salarié.es sur leurs droit en temps de coronavirus et Solidaires va mettre en place un numéro de téléphone d’assistance syndicale.

Malheureusement, avec les ordonnances, les règles changent plus vite que les formations syndicales ! Bonne chance à elleux !

Il faut rappeler les évidences

L’OMS doit rappeler aux pays riches que ne pas aider les pays pauvres serait cruel. C’est vrai qu’après les avoir pillés pendant des centaines d’années pour certains, cela ne serait pas très sympa d’ajouter en plus le fait de les laisser seuls pendant cette crise !

En plus, cela risque de se combiner avec une grave crise humanitaire liée à la destruction des récoltes par un essaim de criquet. Invasion de criquets favorisée par quoi ? Le réchauffement climatique causé en grande partie par la pollution des pays les plus riches…

Envolons-nous hors des prisons

La situation est tellement catastrophique dans les prisons que L’Envolée organise une émission de radio tous les soirs, à 19 h, pour nous tenir au courant ! Merci à elleux pour leur super initiative. Continuons de lutter contre les prisons, les centres de rétention administratives (Cra) (où la situation n’est pas meilleure) et pour aider SDF, migrants et personnes dans le besoin !

Écologie & coronavirus

Si vous avez accès à un endroit ou vous pouvez observer les oiseaux, vous avez pu constater qu’ils se portent particulièrement bien en ces temps de confinement ! Il faudra attendre des études plus poussées pour avoir des chiffres précis mais assurément, les animaux sauvages apprécient que les humain·es prennent moins de place sur la planète.

On voit même des dauphins près de la Sardaigne, des ami·es m’ont parlé du retour de variétés de papillons plus vues depuis plusieurs années dans leur jardin. Beaucoup d’entreprises sont à l’arrêt ce qui cause une baisse historique de la production en gaz à effet de serre, principales causes du réchauffement climatique.

Comme quoi, c’est possible de ralentir la folie économique et de lutter contre le réchauffement climatique ! À nous de continuer sur cette lancée une fois que la crise du coronavirus sera terminée pour limiter les dégâts (si l’on continue sur cette lancée, des prévisions prévoient +6° en 2100…).

La lutte pour l’IVG n’est jamais finie…

Alors que les circonstances sont exceptionnelles, le gouvernement refuse d’aménager le droit à l’IVG ! Ce gouvernement avait déjà montré son anti-féminisme en gazant de nombreux rassemblements lors de la journée du 8 mars… Raison de plus pour les virer tous une bonne fois pour toutes !

Illustration : Pills in Packaging Chloroquine 01 by Daniel Foster CC CC BY-NC-SA 2.0

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La Gazette des confiné·es #2 – Répression, école et données scientifiques

Mettre au coin les enfants méchants…

Alors que le Parlement a accepté d’être dessaisi de son pouvoir législatif sans limite de durée, la suite des mesures annoncées par l’État ou prises par des institutions territoriales est justifiée par la présence d’idiots volages et de jeunes en groupe.

Avant même qu’Édouard Philippe n’annonce la fermeture des marchés ouverts et la limitation des déplacements sportifs à un kilomètre autour de chez soi et un par jour, des municipalités avaient déjà instauré des couvre-feux.

À Perpignan, la police nationale seconde la police municipale et le tout se munit de haut-parleurs pour réprimander les habitant·es. À Nice, des « comportements irresponsables » pour Estrosi ont conduit le maire à instaurer ce couvre-feu et il a été en cela imité par toutes les Alpes-Maritime. Ces mêmes « comportements insouciants » sont ciblés à Paris, où en plus des « bandes de jeunes » se rassemblent.

En revanche, c’est complètement responsable de poursuivre des activités minières, de faire jouer la Ligue 1 « autant que faire se peut », de fantasmer sur le « rêve olympique » (le CIO se donne encore quatre semaines pour décider…) et de considérer que, bah, non, y’a pas plus de soucis aujourd’hui qu’avant pour avorter, pourquoi rallongerait-on les délais ?

Dans un contexte où les plus vulnérables (femmes, prisonniers, immigrés, SDF, etc.) demandent encore plus d’attention, c’est tout le contraire qui arrive.

Blablabla

Dans le même temps (et oui…), le manque de prévision et les incohérences du gouvernement continuent à transparaître partout.

Tandis qu’on n’est même pas certain·es que le second tour des élections municipales ait lieu fin juin, notre Jean-Michel national annonce espérer une réouverture des écoles le 4 mai et envisage des cours supplémentaires pendant les vacances pour combler les lacunes potentielles des élèves.

Les enseignant·es vont être chargé·es de contacter les familles une fois par semaine : évidemment, ils et elles n’ont pas attendu que Blanquer se réveille pour échanger avec des familles qui se retrouvent souvent débordées, les rassurer et tenter de mettre des mots sur la situation [lire ci-dessous].

Ils et elles n’ont pas non plus oublié ce que semble ignorer Blanquer : qu’une partie des élèves n’avait déjà pas, et n’aura pas plus pendant ce confinement ni après, un environnement qui lui permette d’apprendre dans de bonnes conditions.

Un virus, des médecins

Les médecins continuent à s’exprimer sur le coronavirus et la gestion de la crise. Le syndicat des jeunes médecins a ainsi demandé au Conseil d’État l’application d’un confinement total au titre que ce serait sinon une atteinte au droit à la vie et au respect de la vie, ce que ce dernier a refusé dans la mesure où il estime que le gouvernement fait ce qu’il faut et que le ravitaillement de la France serait trop compliqué. Notons quand même qu’il ne l’exclut pas à un moment sur certaines zones.

D’autres se rendent bien compte que le gouvernement est en fait « une bande d’incapables qui en rajoutent dans l’arrogance » ; se demandent pourquoi est-ce que, depuis qu’on a des pandémies et qu’on sait qu’elles se répandent vite, il n’y a pas de stratégie prévue à l’échelle mondiale (est-ce que, vu que les récentes pandémies ont eu lieu dans des pays plus pauvres, on les méprisait bien, pensant que ce n’était pas pour nous ?)  ; sont dégoûtés du rôle de « recycleurs du capitalisme » qu’il leur est donné par la mission de réparer les corps abîmés pour qu’ils retournent sur le marché.

Chiffres à gogo, piège à idiot·es ?

Ça y est, on va pouvoir suivre ce qui se passe : un cabinet de sondages est dépêché pour suivre ce que pensent les Français (avec un très grand « F »). Et on apprend donc par CoviDirect (y’a de bons communicants quand même) que 82 % des Français sont inquiets

La pandémie est aussi l’occasion d’un petit retour sur les chiffres et leur utilisation. Les modélisateurs qui regardent la pandémie ont tendance à le faire avec des équations exponentielles et à présenter des taux de décès.

Les personnes qui ont une approche probabilistes sont plus empiriques et présentent plutôt des nombre de décès… Et bien, par comparaison avec la grippe de 2017, en nombre de décès ça semble peu grave, et en taux de décès c’est affolant. À vous de choisir.

Et nous on fait quoi ?

On appelle les centres de rétention administrative (Cra) pour avoir des nouvelles, on imprime des affiches et on les colle dans le kilomètre réglementaires autour de chez nous, on trouve des connaissances de connaissances maraîcher·es locales qui pourraient organiser une tournée de légumes maintenant que les marchés sont fermés (et qu’ielles n’auront probablement pas beaucoup de soutien financier), on fait des banderoles et on les accroche parce qu’on peut toujours ouvrir nos fenêtres et nos gueules [vu sur réseaux sociaux].

Si on est chaud de la face de bouc on peut aussi aller voir ce qui pourrait se tramer le 29 mars [The Viral Open Space].

Virus : point technique

[Attention, mode « scientifique » ON]

Ce virus appartient à la grande famille des Coronavirus, comme le SARS-CoV (épidémie 2002-2003) et le MERS-CoV (épidémie 2012).

Beaucoup de Coronavirus circulent dans la population humaine : ils représentent 15-29 % des rhumes communs (Su et al., 2016). Le SRAS-CoV2 (le nôtre) est un β coronavirus et il a une forte parenté avec les coronavirus fréquents chez les chauves-souris, même si c’est peu probable qu’il ait été transmis à l’humain via cet animal parce que les chauves-souris hibernaient en décembre en Chine (Lu et al., 2020).

Pour ces virus qui ne sont pas particulièrement dangereux pour les chauve-souris, le passage à l’humain est favorisé par des recombinaisons, c’est à dire des modifications du matériel génétique présent dans le virus : dans une revue de la littérature scientifique sur les coronavirus en 2016, Su et al. soulignaient déjà que ce n’était « not a matter of if, but when, the next recombinant CoV will emerge ».

En Chine, la propagation initiale indiquait une période d’incubation de 5,2 jours et un R0 de 2,2, c’est à dire qu’un patient infecté transmettait le virus à en moyenne 2,2 personnes (Li et al., 2020).

Par rapport aux vaccins / médicaments : élaborer un vaccin, même en contexte pandémique prend un à deux ans. L’utilisation de médicaments est en étude : on s’intéresse au site catalytique de l’ARN-polymérase du virus, c’est à dire à l’endroit de cette protéine qui permet au virus de reproduire son matériel génétique ARN de se lier à d’autres pour fonctionner.

Ce site peut recevoir l’élément qui permet en effet le fonctionnement, mais aussi des éléments de forme similaire. Et on en connaît quelques+uns qui sont déjà utilisés dans le traitement d’autres maladies (hépatite C, grippe notamment) (Li et De Clerq, 2020). Mais on ne sait pas si ça va marcher avec SRAS-CoV2 et ça nécessite pas mal de boulot.

Enfin, de ce qu’on sait des autres coronavirus, ils peuvent persister de quelques heures à dix jours sur les surfaces touchées… (Kampf et al., 2016)

Lettre aux parents partagée sur la liste de diffusion parisienne CNT et copaines
« Chers parents, chers élèves,
Tout d’abord, j’espère que tout va bien pour vous et désolé pour le retard au démarrage, moi aussi j’ai été désorganisé, déboussolé, décontenancé, sidéré. Je vous conseille de vous occuper de vous et de vos enfants. Le temps risque d’être très long. Donc ce n’est pas la peine de se précipiter sur telle ou telle activité sur tel ou tel site. Il faut s’organiser sur un temps long.
Je tenterais, autant que possible, de vous proposer des lectures, des activités, des jeux. Vous pouvez aussi me dire ce que vous faites. M’envoyer des nouvelles des enfants. Et quand je dis nouvelles cela peut-être des dessins, des sculptures ou tout autre réalisation de vos enfants. Pensez bien à tout dater pour refaire le fil de l’histoire quand on se reverra. Car on se reverra, on en reparlera, peut-être même qu’on le chantera et qu’on en rira.
Mais pour l’instant, faisons preuve d’énormément de patience avec nos enfants, avec nous-mêmes. Ne cherchez pas trop à faire la classe. Pas parce que vous ne savez pas le faire mais parce que vous n’avez pas un groupe d’enfants. Moi non plus d’ailleurs, je n’ai plus de groupe d’enfants, je n’ai plus de classe. Donc faisons autre chose.
Alors on va se donner des nouvelles, vous avec moi mais également entre les enfants. Donc une première chose, faisons un dessin, on prends une photo et vous me l’envoyer et je l’envoie aux autres. Vous pouvez aussi l’envoyer directement aux parents de la classe que vous connaissez. Mais, attention, si votre enfant n’a pas envie, ce n’est pas grave, cela viendra. Ou peut-être veut-il autrement. Une photo de lui ? Un objet qu’il apprécie ? Un gâteau qu’il a fait ? Peu importe…
Pour les dessins, n’utilisez pas de feuilles classiques qui servent pour les attestations ou alors le dos de l’attestation de la veille ou tout autre surface (dos des emballages, vieux journaux…). Et pour dessiner, tout outil qui laisse une trace (crayon, feutre, craie, stylo, pinceau et si vous trouvez autre chose prévenez moi).
Voilà, on se donne des nouvelles et à bientôt. »

Illustration : Infuenza IMG_7372 by Thierry Ehrmann CC BY 2.0

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Gérard Gatineau, le flic qui luttait de l’intérieur

Gérard Gatineau a publié « 30 ans de bitume, ou les tribulations d’un flic du XXe siècle dans un univers hostile », aux éditions L’Harmattan, en 2009. Aujourd’hui âgé de 75 ans, celui qui est passé de l’autre côté de la barricade dès novembre 1968 reste fidèle à la CGT et au Parti communiste. Il défilait d’ailleurs avec son drapeau, le 1er mai 2019, dans les rues de Paimpol (22), sans rien concéder à la maison poulaga.

Quatre mois de prison avec sursis, c’est la peine à laquelle Gérard Gatineau a été condamné il y a maintenant trente-cinq ans. « Simplement pour avoir dit à un officier que le racisme n’était pas inscrit dans la Constitution », plaide l’ancien flic parisien, qui se targue d’avoir monté une section CGT dans son commissariat du XVIIIe et d’avoir mis en grève les pervenches. François Mitterrand était alors président.

S’il refuse de parler d’un racisme généralisé dans la police, le retraité, désormais connu pour son engagement associatif, se félicite de ne pas être « passé dans la machine à broyer les consciences », renvoyant la responsabilité jusqu’aux sommets de la hiérarchie. « On raconte sans arrêt aux policiers que tous les problèmes qu’ils rencontrent sur la voie publique sont l’œuvre d’immigrés. Même les plus solides mentalement, on leur montre des chiffres qui ne sont pas réels. »

Le refus des manifs anti-ouvrières

Parlons chiffres justement. L’enquête électorale du Cevipof concernant la dernière présidentielle montre qu’une majorité absolue de policiers déclarait voter Le Pen dès le premier tour. « Le recrutement de base se fait sur une questionnement politique de l’individu, remarque Gérard Gatineau, pas étonné. […] C’est pour ça que j’ai hésité, mais avec des copains on s’est dit “c’est de l’intérieur qu’on se bat, pas de l’extérieur”. »

« Mon travail c’était au service des citoyens dans la rue, poursuit celui qui se présente aujourd’hui encore comme un fils d’ouvrier. Pas au service de la hiérarchie et du massacre des travailleurs. […] J’ai toujours refusé d’aller dans des manifestations anti-ouvrières […], d’attaquer celui qui était en face de moi, qui pouvait être mon père, mon frère ou moi avant d’être flic. ».

Gardien de la paix, quinze ans à Paris puis quinze ans à Saint-Brieuc, mais certainement pas CRS. « Si j’avais été versé chez les CRS, ma carrière de policier se serait arrêtée tout de suite. Je n’aurais pas supporté d’obéir à des ordres qu’au fond de moi-même je ne ressentais pas comme légaux », affirme celui qui a offert son uniforme à une troupe de théâtre.

« Mais de tous ces policiers, qu’est-ce qu’on va en faire ? Ils s’en iront à la ville, taper sur les ouvriers, taper sur leurs frères ! », chantait Gilles Servat.

« Les droits de l’Homme sont parfois foulés au pied »

Même si sa carrière s’est terminée il y a vingt ans, avec le grade de sous-brigadier – « le plus bas qu’on peut faire après trente ans, en tenue, sur la voie publique » – son témoignage résonne avec l’actualité.

Le documentaliste David Dufresnes a signalé 780 violences policières depuis le début du mouvement des « Gilets jaunes » (au 7 mai 2019), dont un décès, 280 blessures à la tête, 23 éborgnements et cinq mains arrachées. Aucune plainte n’a encore abouti, indique le Canard Enchaîné. Pas plus que celles déposées depuis des années par des habitants des quartiers populaires, du reste.

« Dans la police, parfois, les droits de l’Homme sont foulés au pied. », déclarait Gérard Gatineau à la Fête de l’Huma, en 2010. L’ordre de démuseler les chiens qu’aurait donné le nouveau préfet de police de Paris, Didier Lallement, ne l’a pas rassuré. « Ça ressemble à un Etat nazi », s’emporte l’admirateur de Jean Ferrat, qui cite la chanson « Nuit et brouillard ». « Votre chair était tendre à leurs chiens policiers », chantait le poète.

« Tout le monde se tait et ça encourage les débordements »

Gérard Gatineau revient à la charge : « Le responsable principal c’est le pouvoir politique, c’est pas le CRS. À l’époque où je travaillais, quelqu’un qui faisait une connerie dans une manifestation il allait rendre des comptes. Maintenant, on tire à flux tendu sur des manifestants. En droit ça n’existe pas. Donc on devrait demander des explications au gars. Or, là personne ne lui dit rien, tout le monde se tait et ça encourage des débordements gratuits. »

Si ces violences illégitimes deviennent monnaie courante, l’ancien syndicaliste avance que la quasi-disparition du syndicat CGT n’y est pas étrangère. « Il ne reste que des syndicats autonomes, des syndicats maison. Ils ne vont pas monter au créneau contre le pouvoir politique. Ils pensent d’abord à leur carrière. »

Gérard Gatineau ne voit pas la situation s’améliorer à moyen terme. « Les ‘black blocs’ qui ont toujours existé […] ce n’est pas possible qu’une police préventive ne soit pas au courant des tenants et des aboutissants de ces groupes, sinon que ça leur sert bien. »

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Manifestant blessé à Nantes : une seconde vidéo confirme la violence policière

« Manifestation : des incidents près du pont de la Motte Rouge à Nantes », titre sobrement Presse Océan. « La manifestation dégénère : 19 interpellations, 5 blessés », compte Ouest-France. Au vu des images que nous nous sommes procurés, une question se pose : dans l’escalade de la violence, la police arrose-t-elle le feu avec de l’essence ?

20160324 - Violences policières à Nantes - 26

Cette vidéo amateur inédite que nous nous sommes procurés avec l’accord son auteur a été tournée le 24 mars entre 14 h et 14 h 30, depuis un appartement situé sur le boulevard Amiral-Courbet, entre les arrêts de tram Motte-Rouge et Saint-Félix. Des manifestants, pour la plupart âgés d’une vingtaine d’années, quittent alors le centre-ville pour rejoindre l’université. Les bâtiments Censive et Tertre de la faculté de sciences humaines sont bloqués depuis l’aube.

L’homme violenté par des policiers se fait appeler Max. Âgé de 32 ans, il est animateur socioculturel et milite pour de nombreuses causes, à Nantes. Un ami à lui nous décrit un « mec très calme, posé. Jamais violent. » Après avoir été conduit au CHU, il a été placé en garde à vue.

Première vidéo mise en ligne dans la nuit du 24 au 25 mars sur Facebook :

Une autre amie nous apporte le témoignage de Max et nous précise qu’il a reconnu posséder des bombes de peinture qui n’auraient pas servi. Il n’avait, vendredi matin, pas porté plainte, mais ignorait la saisie de l’IGPN par la procureure de la République, Brigitte Lamy.

« [Max] était en train de donner du sérum physiologique à deux étudiantes aveuglées par le gaz lacrymo quand il a vu arriver un véhicule de gendarmes mobiles. Ils ont commencé à traverser la voie de tram tous les trois, mais visiblement pas assez vite au goût des agents de la CDI [Compagnie départementale d’intervention, NDLR] qui les ont chargé pour les repousser alors qu’ils étaient déjà en train de partir…
Ensuite on voit ce qu’il se passe sur la vidéo. Les policiers qui l’ont frappé ont ensuite appelé les pompiers, et attendu leur arrivée auprès de Max, assis au sol, sans lui donner ne serait-ce que de quoi éponger son sang. Max, une fois dans le véhicule des pompiers, un fourgon de police continuera à le suivre.
Les agents le suivront encore jusqu’au service des urgences, où M. ne sera séparé d’eux que par un rideau, et soigné en entendant leurs conversations. Il exprimera d’ailleurs son malaise en disant quelque chose du genre « vous me mettez en insécurité, vous me tapez dessus et vous me suivez jusqu’à l’hôpital » Le médecin lui fera sept points de suture. Puis les policiers le feront monter dans leur propre véhicule avant d’appeler leur hiérarchie, visiblement pas convaincue par la nécessité d’une garde à vue. Max les entendra dire : « ça fait 1 heure 30 qu’on poireaute pour le mettre en GAV, on ne va quand même pas le relâcher. »
Un second coup de fil et les agents seront satisfaits. M. sera donc placé en garde à vue et interrogé, il reconnaîtra être en possession d’un mégaphone mais les policiers ne trouveront aucun délit à lui mettre sur le dos. Il passera pourtant la nuit en cellule, car « la nuit porte conseil ». Le lendemain, après une nouvelle tentative d’interrogatoire, il sera finalement libéré. Sans convocation ni rappel à la loi. »

Les vidéastes amateurs nous disent être encore restés une demi-heure à leur fenêtre avant de quitter les lieux à cause du gaz lacrymogène. Un véhicule de police a fini par obstruer leur vision. Encore selon eux, des pompiers sont intervenus. Nous ne savons pas encore ce qui s’est produit ensuite.

Mise à jour du 26 mars, 11 h 30 : Presse Océan nous apprend que cette vidéo a déclenché hier l’ouverture d’une enquête par la police des polices, l’IGPN, saisie par le parquet. Nous pouvons rajouter que les auteurs de cette vidéo n’ont pas encore été contacté.

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Dans la matinée, au moins 6.000 manifestants ont défilé contre la loi Travail. C’est plus que les 9 et 17 mars et plus que dans n’importe quelle autre ville de France, si l’on s’en tient aux chiffres du ministère de l’Intérieur.

Plusieurs centaines de personnes ont refusé l’ordre de dispersion, devant la préfecture, et sont entrées en conflit avec les policiers, déployés en nombre tout au long du parcours.

Cette vidéo fait écho à celle qui montre un policier ascéner, le même jour et dans le même contexte de lutte, un coup de poing à un élève de seconde près du lycée Bergson, à Paris.

Elle s’ajoute à une long liste de faits rapportés par des militants depuis le début de cette mobilisation sociale : l’irruption de CRS dans un amphi de Tolbiac où débutait une assemblée générale le 17 mars, une manifestation dispersée à coups de matraques à Lyon le même jour ou encore une réunion empêchée dans les mêmes circonstances à Strasbourg.

Elle rappelle aussi le lourd déploiement policier du 22 février 2014, dans ces mêmes rues nantaises, lors d’une manifestation de grande ampleur contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous avions publié une série de témoignages qui soulignaient la provocation d’un tel dispositif.

Le 27 novembre 2007, Pierre Douillard lycéen de 17 ans, est éborgné par un tir de LBD (flash-ball tireur de balles de défense), dans les jardins du rectorat, lors d’un rassemblement anti-LRU. Après six ans de procédure, le tireur Mathieu Léglise est définitivement relaxé.

Le collectif né à cette occasion liste les affaires de violences policière. On y retrouve hélas la mort de Rémi Fraisse, tué par un jet de grenade assourdissante, le 25 octobre 2014, à Sivens. Des témoins ont affirmé devant les juges que l’étudiant toulousain avait les bras en lair, abonde justement Mediapart.

Les manifestants sont-ils de plus en plus violents ? Une chose est sûre, les policiers sont de plus en plus armés.

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