Les slogans féministes fleurissent lors des manifestations contre le report de l’âge légal de départ à la retraite. S’estimant particulièrement pénalisées par le projet de loi porté par Élisabeth Borne et voulu par Emmanuel Macron, des militantes trégorroises ont formé le collectif des Rosies pour interpréter une chorégraphie avant les prises de parole syndicales, à Lannion (Côtes-d’Armor).
Mardi 7 février, entre 4 000 et 7 000 personnes ont de nouveau manifesté autour des quais de Lannion pour protester contre la retraite à 64 ans.
Sur la scène montée pour les prises de parole syndicale, le collectif des Rosies danse sur des chansons détournés par Attac, l’Association pour la taxation des transactions financières pour l’action citoyenne. En témoigne Women on fire, à chanter sur l’air de Freed from desire, le tube de Gala sorti en 1996.
Les Rosies désignent les femmes travailleuses qui ont joué un rôle clé pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles étaient représentées dans une célèbre affiche de propagande américaine et travaillaient dans des usines et des chantiers navals pour soutenir l’effort de guerre. Les Rosies ont ouvert de nouvelles opportunités pour les femmes sur le marché du travail et sont considérées comme des symboles de l’émancipation féminine.
Mardi 31 janvier 2023, au moins 7.100 personnes manifestent à Lannion (Côtes-d’Armor) contre le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et la suppression de plusieurs régimes dits spéciaux. Les syndicats, qui affichent un front uni, revendiquent 10.000 participants. C’est l’une des plus fortes mobilisations sociales dans le Trégor de ces vingt dernières années.
« Chaque gouvernement a sa réforme des retraites. C’est malheureux qu’ils veulent à chaque fois casser au lieu d’améliorer », déplore Romain, étudiant à l’Enssat. Âgé de 24 ans, l’élève ingénieur imagine faire partie des derniers à pouvoir partir à la retraite, avec des indemnités en baisse par rapport à ses aïeux. « Cette réforme va appauvrir une plus grande part de la population. Le régime qu’on a est stable. C’est juste qu’ils veulent le casser pour faire davantage de bénéfices, du côté des entreprises notamment. »
Comme plus de 7.100 trégorrois, Romain a rejoint le point de rendez-vous fixé par l’intersyndicale, sur le quai d’Aiguillon, en centre-ville de Lannion, ce mardi 31 janvier 2023, en fin de matinée. Après les discours, le défilé s’ébranle, rythmé notamment par la fanfare Waso.
« Ajouter une mesure d’âge est inefficace, juge Stéphane Duthil, délégué syndical CFDT chez Nokia. J’ai commencé à 23 ans. Si j’ai 43 années de cotisation, j’arrive à 66 ans. Donc les 64 ans sont utiles pour qui ? » L’inscription d’une mesure d’âge dans le projet de loi a fait basculer la confédération dirigée par Laurent Berger dans le camp des farouches opposants.
« Je n’ai pas envie de travailler jusqu’à 64 ans, renchérit Yann Labarthe, salarié chez Weldom. On a un métier qui est physique, avec des ports de charges lourdes. En plus du service à la personne, on fait pas mal de manutention. »
« Macron ira jusqu’au bout, mais il le paiera très très cher »
Malgré la démonstration de force, les manifestants restent prudents quant aux chances de remporter le bras de fer engagé avec le gouvernement.
Maël rappelle qu’Emmanuel Macron a déjà vécu la loi Travail et Nuit debout sous François Hollande, en 2016, puis la crise des Gilets jaunes, en 2018-2019. « Il ira jusqu’au bout, mais il le paiera très, très cher. Et puis il est jeune, il devra vivre avec ça très longtemps. » Flanqué d’une pancarte en forme de borne routière sur laquelle il est inscrit 49.3, le webdesigner lannionnais prédit « le début d’une série de manifs ou de colères sociales », portant également sur l’hôpital, l’éducation ou « les institutions démocratiques en perte de vitesse ».
Yann Labarthe observe les difficultés de ses collègues à se mettre en grève. « Ils ont déjà des salaires assez restreints, en baisse depuis l’augmentation de tous les prix. »
Parmi les inconnus figurent aussi le maintien de l’unité syndicale, inédite depuis douze ans, et qui a permis d’atteindre des niveaux de participation jamais vus depuis 2010. Nombre de manifestants tablent sur une défection de la CFDT. À ce sujet, Stéphane Duthil se veut rassurant. « Il n’y a pas qu’une seule et même idée, on a tous des idées différentes, mais on est tous rassemblés sous la même bannière pour manifester contre cette injustice. »
Une semaine avant le début de l’examen du projet de loi dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, la mobilisation s’est renforcée dans tout le pays. Au total, entre 1,270 (Intérieur) et 2,800 millions (CGT) de personnes ont défilé dans plus de 200 villes, sans heurts notables. Les villes moyennes connaissent des taux d’engagement proportionnellement plus élevés que les métropoles.
« La réforme des retraites suscite des interrogations et des doutes. Nous les entendons », a assuré la première ministre Elisabeth Borne. Deux nouvelles dates ont été fixées par l’intersyndicale, les mardi 7 et samedi 11 février.
Etudiante en année sabbatique et demandeuse d’emploi dans le domaine de l’aide à la personne, Violette et Marie ont décidé de s’investir dans la mobilisation contre la loi « Sécurité globale » et les autres textes liberticides du gouvernement Macron-Darmanin. C’est sur le marché de Lannion, ville des Côtes-d’Armor où elles traversent cette période de couvre-feu, que les deux amies sont passées d’étal en étal, une liasse de tracts dans les mains, avant la manifestation du 16 janvier 2021.
Avec d’autres copines, elles ont proposé aux client·s comme aux commerçant·s de leur transmettre un message personnel susceptible d’être scandé à la fin de la Marche des libertés programmée ce samedi. Une intiative spontanée qui complète les actions menées localement par une coordination composée d’une vingtaine de syndicats, assocations, partis de gauche et collectifs. Lannion a déjà connu un rassemblement et une marche aux flambeaux ayant rassemblé plus de 320 personnes chaque fois, depuis fin novembre.
Par le biais de cette criée, Violette et Marie escomptent surtout donner la parole à leurs pairs, âgé·es de la vingtaine, à leurs yeux sous-représenté·es dans l’espace public. Or, les restrictions de libertés décidées pendant la crise sanitaire du Coronavirus, dont certaines risquent de se pérenniser, pèsent lourd sur le moral des étudiant·es et jeunes travailleur·ses, qui aimeraient voyager, faire la fête ou tout simplement partager des moments à plusieurs.
La progression du chômage et les perspectives sombres pour l’économie accentuent le malaise d’une partie de la jeunesse, déjà confrontée à la précarité sur le marché du travail. Une jeunesse qui subit ou constate par ailleurs une répression policières de plus en plus fréquente dès qu’elle souhaite hausser le ton.
Privée de barnum depuis le passage de la tempête Alex, l’intersyndicale CFDT, CGT, CFE-CGC du site Nokia de Lannion s’est retranchée dans un gymnase prêté la ville, le jeudi 8 octobre, pour rendre compte des discussions portant sur le plan dit de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’absence d’avancée du gouvernement, dont les discussions avec la direction finlandaise du groupe de télécommunication n’ont commencé qu’à la fin de l’été, rend chaque jour plus concrête la suppression d’un emploi sur deux et la disparition à moyen terme de l’établissement.
« Nokia devrait revenir vers les salariés début octobre avec de nouvelles propositions », déclarait la ministre Agnès Pannier-Runacher lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 22 septembre. Deux semaines plus tard et en dépit de rumeurs relayées par la presse, le gouvernement demande aux élus du personnel d’attendre encore quinze jours avant de connaître les « avancées significatives » promises par le directeur général de Nokia France, Thierry Boisnon, en comité social et économique.
« On ne sait pas si ce sont des annulations de postes qu’ils vont nous annoncer, si ce sont de nouvelles activités, de nouveaux projets. […] Aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce que Nokia va mettre sur la table », déplore le délégué syndical CFDT Bernard Trémulot devant 200 collègues réunis en assemblée générale, ce jeudi, à Lannion.
En réponse, l’intersyndicale compte poursuivre ses actions, convaincue du poids des images pour maintenir l’attention des autorités sur le site de Lannion. Deux lignes semblent toutefois émerger. Après l’accrochage de 402 silhouettes sur les grilles du site le 8 septembre puis l’organisation d’un relais à vélo pour rejoindre virtuellement le siège social finlandais, le 21 septembre, certains salariés réclament des actions plus fortes, susceptibles de réduire l’activité de l’entreprise, engagée dans la bataille de la 5G.
« Rien n’a bougé depuis le mois de juillet. Pour avancer, on a quinze jours pour réagir, compte Abderrahim El Boujarfaoui. Si vous voulez vraiment que les choses bougent, il faut se bouger le cul parce que maintenant c’est le site de Lannion qui va fermer. » Le délégué syndical CGT obtient des applaudissements en proposant une occupation des locaux jusqu’à l’obtention de réponses.
« Il ne faut pas leur donner le bâton pour nous battre. Je pourrais arrêter de répondre aux astreintes, mais je sais qu’il y a des Portugais et des Indiens qui n’attendent que ça », rétorque un ingénieur.
Ce changement de ton passera d’abord par un appel à quitter le télétravail pour rejoindre les bureaux afin de reformer les collectifs éclatés depuis mi-mars, à l’occasion du confinement. Un premier pas vers des actions moins « gentilles » ? Ce 8 octobre, l’option du blocage était loin de faire l’unanimité, même si la patience commence à trouver ses limites parmi les cols blancs trégorrois.
Interview d’Abderrahim El Boujarfaoui, délégué CGT
Le Comité de défense de l’hôpital de Guingamp a pris place dans le cortège intersyndical qui a rassemblé 600 fonctionnaires le long des quais, à Lannion, le mardi 22 mai 2018. Le même jour, l’Agence régionale de Santé (ARS Bretagne) a annoncé la fermeture de la maternité de Guingamp pour fin janvier 2019.
Dix ans après le combat des Carhaisiennes et Carhaisiens pour sauver leur maternité, c’est au tour de la population guingampaise de se mobiliser. Les craintes exprimées par le personnel du centre hospitalier depuis plusieurs mois se sont concrétisées le jour même de la mobilisation nationale pour les services publics avec l’annonce de l’ARS, consécutive à l’avis négatif exprimé la veille par une commission chargée d’évaluer la pérennité du service.
Pour l’ARS, le territoire de santé « connaît une baisse significative de ses naissances » (moins 24 % sur cinq ans). Cette évolution était « devenue nécessaire au vu des enjeux de sécurité des prises en charge et des caractéristiques démographiques du territoire […] Faute de renforts suffisants […] et de recrutement pérennes [en pédiatrie et anesthésie] la couverture médicale du service sur ces deux spécialités reste fragile ».
Un centre de périnatalité sera créé, mais « à compter du 1er février 2019, les accouchements seront pris en charge dans les maternités environnantes. »
Le nombre de maternité ne cesse de diminuer en France, pour des raisons essentiellement budgétaires. En 2016, sept établissements ont fermé, dont six privés. On en comptait 491 en France métropolitaine à la fin de cette année.
Thierry Pérennes, figure de l’Union locale CGT de Guingamp et par ailleurs candidat du NPA aux législatives dans la quatrième circonscription des Côtes-d’Armor, communique avec le comité de défense de la maternité de Carhaix pour obtenir des conseils juridiques.
Unité pour la mater’, le 26 mai dans la rue
Conscient que la lutte se jouera surtout dans la rue, il regrette l’initiative unilatérale de cinq élus PS, dont l’ex-députée maire de Guingamp et présidente du conseil de surveillance de l’hôpital. Dans un communiqué transmis la veille à la presse, ils ont convoqué une manifestation le samedi 26 mai sans avoir contacté le comité guingampais. Ce dernier prendra néanmoins part à l’action, aux côtés du comité de soutien de l’hôpital de Paimpol, des syndicats CGT et CFDT de l’hôpital, de LFI, du NPA, de l’UBD, et bien sûr des usagères et usagers.
La « marée populaire » contre la politique jugée antisociale du gouvernement est appelée le même jour par un collectif national d’une cinquantaine d’associations, de partis et de syndicats, dont la CGT. Un défilé est prévu à Saint-Brieuc.
Parmi les autres corps de métiers de la fonction publique représentants ce mardi 22 mai à Lannion, quelques pompiers craquent des fumigènes. François Ollivier dénonce la réduction des effectifs. Le périmètre des missions est revu à la baisse, sans que d’autres agents ne prennent le relais, notamment pour intervenir dans le Ehpad.
Pire, le risque de passer à côté d’un appel d’urgence vitale grandit. Quelques jours après la mort de Naomie Musenga, moquée par une opératrice du Samu, le délégué syndical CGT du Sdis 22 estime que la plateforme commune au 18 et au 112 dans les Côtes-d’Armor a pu connaître une situation similaire faute de moyens.
Environ 150 agents de Lannion Trégor Communauté ont manifesté du siège de l’agglo vers le centre-ville, le jeudi 17 mai 2018. La grève contre la hausse du temps de travail et l’instauration d’une prime au mérite a commencé le mardi 15 mai, à l’appel de l’intersyndicale CGT-CFDT.
Qu’ils travaillent dans les déchetteries, les piscines, les services administratifs, à l’aquarium de Trégastel ou au volant d’un bus, les fonctionnaires territoriaux s’estiment lésés par l’harmonisation du volume de travail annuel à 1.607 heures, soit 35 heures par semaine, par la déduction de jours de congés. Ils jugent que le travail n’est pas récompensé, alors que les fusions rapides et successives entraînent des réorganisations dans les services.
Selon Yann Guéguen, professeur à l’école de musique du Trégor, représentant CGT et candidat LO aux législatives, les salariés de Lannion Trégor Communauté ne comptent par leurs heures. La suppression de congés permettrait surtout selon lui à l’agglo de se passer d’agents contractuels. L’assemblée générale propose de travailler un quartd’heure de plus par jour pour arriver au seuil recommandé par la Cour régionale des comptes.
Autre pierre d’achoppement, l’intégration d’une part variable dans la rémunération, basée sur l’évaluation des agents. Les grévistes dénoncent une mesure budgétaire qui risque de mettre en concurrence les agents et de dégrader l’ambiance de travail. Tout en facilitant le copinage, quand les critères sont difficilement quantifiables.
Après deux réunions de négociations, mardi puis mercredi, la délégation de grévistes ne note pas d’avancée de la part du président de Lannion Trégor Communauté. La direction de LTC renvoie à des négociations le 29 mai. Le mouvement se poursuivra ce vendredi 18 mai et pourrait durer, au moins, jusqu’au 22 mai, journée nationale de grève dans les trois fonctions publiques.
Le 12 septembre 2017, environ 1.000 Lannionnais·es ou Trégorrois·es ont participé à la manifestation organisée par l’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires, contre les ordonnances Macron modifiant le code du travail.
Parti de La Poste, le cortège s’est arrêté devant la maison du département, pour protester contre la privatisation du service des soins à la personne par l’exécutif LR-UDI, avant de revenir sur les quais d’Aiguillon en passant par la gare.
Désobéissant à leur secrétaire général Jean-Claude Mailly, des militants de FO sont venus gonfler les rangs. La France Insoumise a défilé derrière sa banderole, après les syndicats. Le groupe local du parti, dont le leader Jean-Luc Mélenchon est arrivé 2e au premier tour de l’élection présidentielle à Lannion, est lui-même membre du Front social, avec la CNT, Solidaires ou Nuit Debout Lannion. Ce collectif milite pour la convergence des luttes contre la politique libérale du gouvernement d’Edouard Philippe.
Des salarié·e·s de Nokia, ex-Alcatel-Lucent, confrontés à un nouveau plan de 91 suppressions d’emplois sur le site de Lannion Pégase, ont fait entendre leur voix.
Présent à titre personnel, le militant CFE-CGC François Schmetz (ex-Alcatel-Lucent, licencié lors du plasn Shift) nous explique pourquoi il s’oppose aux ordonnances, notamment le plafonnement des indemnités prud’homales, étant lui-même juge salarié au tribunal de Guingamp.
Lundi 4 septembre, c’est dans la cour de la sous-préfecture de Guingamp qu’une partie des élèves scolarisés à Diwan dans le Trégor ont réalisé leur rentrée.
Un peu plus de 150 parents et personnels de ces écoles immersives en breton ont en effet manifesté, après le gel des contrats aidés décidée par le gouvernement, qui a pris effet en août. Des délégations étaient venues de Lannion, Louannec, Plounévez-Moëdec, Bourbriac, Saint-Brieuc, Plésidy ou encore Louargat, dans les Côtes-d’Armor.
Sur 207 emplois en Bretagne chez Diwan, 141 bénéficiaient d’aides de l’Etat l’année dernière et 44 ont reçu un refus de renouvellement cette année.
La présidente du réseau associatif Diwan, Stéphanie Stoll, également parent d’élèves, demande l’obtention d’un statut comparable aux écoles publiques pour Diwan, afin de sortir de la précarité. Bien que sous contrat avec le ministère de l’Education nationale, les écoles Diwan ne bénéficient pas automatiquement des forfaits scolaires versés par les municipalités.
Diwan Bretagne compte 47 écoles, 6 collèges et un lycée (à Carhaix), scolarisant 4.400 élèves.
Josy Le Gendre et Gaëlle Gourioux font partie de ces personnels employés en Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), qui ont appris pendant la dernière semaine d’août qu’elles ne feraient pas leur rentrée. Elles assuraient souvent des rôles d’Atsem ou de surveillance. Cette décision brutale prise faute du renouvellement de la totalité des financements par l’Etat, qui obligent ces femmes âgées de plus de 50 ans à pousser (de nouveau) la porte de Pôle emploi. Solidaires de Diwan, elles manifestaient elles aussi en ce jour de rentrée des classes dans la cité de la Plomée.
En conseil municipal le soir-même, le maire de Guingamp Philippe Le Goff a annoncé qu’il adresserait un courrier de soutien à Diwan, après le vote d’une motion à l’unanimité. Le député LREM Yannick Kerlogot, qui s’était rendu à la manifestation, « partage pleinement le constat du ministre du Travail mais […] souhaite interpeller sur la brutalité de la décision ».
“310.000 à 320.000 emplois aidés” devraient être financés cette année, contre 457.000 en 2016.
À dire vrai, les manifestants ne croisent pas grand monde, en ce mardi matin, dans les rues de Bégard. L’hôpital psychiatrique géré par la fondation du Bon Sauveur est le premier employeur de la commune. Cette ville dans la ville emploie près de 800 professionnels aux métiers divers, tandis que le chef lieu de canton des Côtes-d’Armor n’a plus dépassé les 5.000 habitants depuis la fin des 1980.
La nuée de drapeaux rouges se dirige tout naturellement vers la mairie, où les attendent le maire communiste Gérard Le Caër et son adjointe Cindirella Bernard, cheffe du groupe PCF au conseil départemental et candidate aux législatives. Des militants mélenchonistes distribuent des tracts et les soutiens des uns et des autres à la gauche du PS se taquinent gentiment. Le co-secrétaire de l’union locale CGT de Guingamp Thierry Pérennès est présent. Le 16 février, il discourait aux côtés de Philippe Poutou, en meeting à Bégard.
Images exclusives d’un défilé polémique. Les 13 et 14 juillet 2016, Nuit Debout Lannion organise un carnaval révolutionnaire et coupe des têtes, provoquant l’ire du Parti socialiste et du préfet des Côtes-d’Armor. Était-ce justifié ? À vous de juger.
Au quatrième mois de mobilisation contre la loi Travail et au 84e jour de présence quotidienne devant la mairie de Lannion pour Nuit Debout, quelques militants organisent un « carnaval révolutionnaire », annoncé dans la presse.
Le 13 juillet, avant le traditionnel bal des pompiers du quai d’Aiguillon, puis le 14 juillet, les militants baladent une charrette dans laquelle sont installés des poupées représentant le président de la République, François Hollande, son premier ministre, Manuel Valls, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, le président du Medef, Pierre Gattaz, et la députée PS de Lannion-Paimpol, Corinne Erhel (décédée un an plus tard d’un arrêt cardiaque, en plein meeting pour Emmanuel Macron).
Seule Corinne Erhel sera épargnée par L’Ankou, le « serviteur de la mort » dans la mythologie bretonne.
Le 19 juillet, le Parti socialiste des Côtes-d’Armor publie un communiqué pour « condamner une mise en scène macabre […] une incitation à la haine et à la violence ».
Dans la foulée, le préfet des Côtes-d’Armor, Pierre Lambert, condamneà son tour « cette mascarade faussement républicaine. Un dépôt de plainte est envisagé pour diffamation publique et outrage à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique. […] Toute manifestation nouvelle, susceptible de troubler l’ordre public, organisée à Lannion et à l’initiative des auteurs de ces actions, sera strictement interdite. »
Plus tard, Myriam El Khomri témoigne lors du documentaire sur Nuit Debout diffusé par France 5 avoir vécu cette décapitation symbolique, dont elle a été informée, comme une « intimidation ».
Finalement, Nuit Debout Lannion poursuit ses actions sans être inquiété. Aucun militant n’est poursuivi pour ce carnaval et ceux traînés devant le tribunal pour des rassemblements sur le parvis de la mairie de Lannion ou sur les rails de la ligne TGV Paris-Brest sont relaxés lors de procès organisés à Guingamp.
À ce jour, en décembre 2017, Nuit Debout Lannion continue de se réunir chaque semaine, participe au Front social Lannion-Trégor, qui s’oppose au contre-réformes Macron. Le groupe informel s’inscrit dans de nombreuses luttes contre l’extraction de sable en baie de Lannion, les projets miniers en Centre-Bretagne, les accords de libre échange, l’extrême-droite, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou l’austérité budgétaire dans les hôpitaux publics.
Cette vidéo amateur inédite que nous nous sommes procurés avec l’accord son auteur a été tournée le 24 mars entre 14 h et 14 h 30, depuis un appartement situé sur le boulevard Amiral-Courbet, entre les arrêts de tram Motte-Rouge et Saint-Félix. Des manifestants, pour la plupart âgés d’une vingtaine d’années, quittent alors le centre-ville pour rejoindre l’université. Les bâtiments Censive et Tertre de la faculté de sciences humaines sont bloqués depuis l’aube.
L’homme violenté par des policiers se fait appeler Max. Âgé de 32 ans, il est animateur socioculturel et milite pour de nombreuses causes, à Nantes. Un ami à lui nous décrit un « mec très calme, posé. Jamais violent. » Après avoir été conduit au CHU, il a été placé en garde à vue.
Première vidéo mise en ligne dans la nuit du 24 au 25 mars sur Facebook :
Une autre amie nous apporte le témoignage de Max et nous précise qu’il a reconnu posséder des bombes de peinture qui n’auraient pas servi. Il n’avait, vendredi matin, pas porté plainte, mais ignorait la saisie de l’IGPN par la procureure de la République, Brigitte Lamy.
« [Max] était en train de donner du sérum physiologique à deux étudiantes aveuglées par le gaz lacrymo quand il a vu arriver un véhicule de gendarmes mobiles. Ils ont commencé à traverser la voie de tram tous les trois, mais visiblement pas assez vite au goût des agents de la CDI [Compagnie départementale d’intervention, NDLR] qui les ont chargé pour les repousser alors qu’ils étaient déjà en train de partir…
Ensuite on voit ce qu’il se passe sur la vidéo. Les policiers qui l’ont frappé ont ensuite appelé les pompiers, et attendu leur arrivée auprès de Max, assis au sol, sans lui donner ne serait-ce que de quoi éponger son sang. Max, une fois dans le véhicule des pompiers, un fourgon de police continuera à le suivre.
Les agents le suivront encore jusqu’au service des urgences, où M. ne sera séparé d’eux que par un rideau, et soigné en entendant leurs conversations. Il exprimera d’ailleurs son malaise en disant quelque chose du genre « vous me mettez en insécurité, vous me tapez dessus et vous me suivez jusqu’à l’hôpital » Le médecin lui fera sept points de suture. Puis les policiers le feront monter dans leur propre véhicule avant d’appeler leur hiérarchie, visiblement pas convaincue par la nécessité d’une garde à vue. Max les entendra dire : « ça fait 1 heure 30 qu’on poireaute pour le mettre en GAV, on ne va quand même pas le relâcher. »
Un second coup de fil et les agents seront satisfaits. M. sera donc placé en garde à vue et interrogé, il reconnaîtra être en possession d’un mégaphone mais les policiers ne trouveront aucun délit à lui mettre sur le dos. Il passera pourtant la nuit en cellule, car « la nuit porte conseil ». Le lendemain, après une nouvelle tentative d’interrogatoire, il sera finalement libéré. Sans convocation ni rappel à la loi. »
Les vidéastes amateurs nous disent être encore restés une demi-heure à leur fenêtre avant de quitter les lieux à cause du gaz lacrymogène. Un véhicule de police a fini par obstruer leur vision. Encore selon eux, des pompiers sont intervenus. Nous ne savons pas encore ce qui s’est produit ensuite.
Mise à jour du 26 mars, 11 h 30 : Presse Océan nous apprend que cette vidéo a déclenché hier l’ouverture d’une enquête par la police des polices, l’IGPN, saisie par le parquet. Nous pouvons rajouter que les auteurs de cette vidéo n’ont pas encore été contacté.
Dans la matinée, au moins 6.000 manifestants ont défilé contre la loi Travail. C’est plus que les 9 et 17 mars et plus que dans n’importe quelle autre ville de France, si l’on s’en tient aux chiffres du ministère de l’Intérieur.
Plusieurs centaines de personnes ont refusé l’ordre de dispersion, devant la préfecture, et sont entrées en conflit avec les policiers, déployés en nombre tout au long du parcours.
Cette vidéo fait écho à celle qui montre un policier ascéner, le même jour et dans le même contexte de lutte, un coup de poing à un élève de seconde près du lycée Bergson, à Paris.
Elle s’ajoute à une long liste de faits rapportés par des militants depuis le début de cette mobilisation sociale : l’irruption de CRS dans un amphi de Tolbiac où débutait une assemblée générale le 17 mars, une manifestation dispersée à coups de matraques à Lyon le même jour ou encore une réunion empêchée dans les mêmes circonstances à Strasbourg.
Elle rappelle aussi le lourd déploiement policier du 22 février 2014, dans ces mêmes rues nantaises, lors d’une manifestation de grande ampleur contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous avions publié une série de témoignages qui soulignaient la provocation d’un tel dispositif.
Le 27 novembre 2007, Pierre Douillard lycéen de 17 ans, est éborgné par un tir de LBD (flash-ball tireur de balles de défense), dans les jardins du rectorat, lors d’un rassemblement anti-LRU. Après six ans de procédure, le tireur Mathieu Léglise est définitivement relaxé.
Le collectif né à cette occasion liste les affaires de violences policière. On y retrouve hélas la mort de Rémi Fraisse, tué par un jet de grenade assourdissante, le 25 octobre 2014, à Sivens. Des témoins ont affirmé devant les juges que l’étudiant toulousain avait les bras en lair, abonde justement Mediapart.
Les manifestants sont-ils de plus en plus violents ? Une chose est sûre, les policiers sont de plus en plus armés.
Témoignages inédits. On entend tout et son contraire sur la manifestation anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui s’est déroulée à Nantes, samedi. Du nombre de manifestants à l’identité de ceux qui se sont opposés violemment à la police, tout est nature à controverses.
Comme trop souvent, seuls les acteurs institutionnels ont le droit de s’exprimer dans l’arène médiatique. Ministère de l’Intérieur, partis, associations pro et anti-aéroport et mairie s’affrontent dans une bataille de communication qui dessert la compréhension des faits.
Or, j’ai le sentiment que ce qui s’est produit est éminemment plus complexe que ce que Patrick Rimbert (maire de Nantes), Manuel Valls, Cécile Duflot ou Julien Durand (président de l’AcipaAssociation citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. C'est l'association historique de lutte contre la construction de l'aéroport, fondée en novembre 2000.) peuvent ou veulent bien admettre.
J’ai voulu comprendre ce qui se cache derrière les images sensationnelles d’une ville que d’aucuns n’hésitent pas à qualifiée de “dévastée”, sans avoir peur du poids des mots.
Qu’est-ce qui a déclenché cette violence ?
Il y avait-il vraiment des “blacks blocs venus de l’étranger” face aux policiers ?
Les manifestants condamnent-ils unanimement les dégradations urbaines ?
Je n’étais pas à Nantes samedi. Je connais bien la ville, sa géographie, son histoire sociale. Je m’intéresse de près à l’affaire Notre-Dame-des-Landes et j’ai eu envie de savoir ce qui s’est déroulé.
Il s’agit d’une démarche à l’origine personnelle, dont les témoignages reccueillis relèvent, je le crois, de l’intérêt général.
Cinq témoignages pour éclairer
J’ai demandé à cinq personnes en qui j’ai confiance et qui manifestaient à Nantes de me raconter ce qu’elles ont vu et ressenti. Je les ai prévenues que je publierai ici leur point de vue.
Ce sont donc cinq vérités que je vous livre. Elles se recoupent souvent dans la description et s’opposent parfois frontalement dans l’interprétation des violences.
Je suis convaincu que dans un conflit social, toutes les paroles méritent d’être entendues. Vous, lecteurs, n’êtes pas dénués d’esprit critique.
C’est en toute conscience que j’ai décidé de publier le témoignage brut d’un manifestant qui a pris part aux violences, parce que je le crois aussi sincère que les autres. Sans volonté de légitimer cette parole, mais sans vouloir la discréditer a priori.
Il ne s’agit pas de l’aboutissement d’une enquête. Tous ces témoignages en constituent plutôt la fondation. Ils complètent le film de la journée tourné et monté sans commentaire par Gaspard Glanz pour Rennes TV.