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La Gazette des confiné·es #5 – Journaux, chloroquine, marchés au pas

Aujourd’hui, une nouvelle prise d’otage : celle des éditeurs de presse par La Poste, qui distribuerait moins vite les journaux papier. Et d’ailleurs, les pigistes sont-iels de vrai·es journalistes ? Et tous ces médias et sources internet, quel charivari font-ils autour des solutions miracles au SRAS-Cov2, de la chloroquine au jus de carotte en passant par l’urine ?

Le remède miracle reste bien irréel, tout comme la fameuse continuité pédagogique que nous vend Blanquer, dénoncée de toute part. Le gouvernement a en tout cas trouvé un traitement radical contre les paysan·nes qui tentent d’échapper à l’agro-business : fermer tous les marchés, en maintenant les grandes surfaces. Allons-nous nous laisser à ces docteur·es Maboul le choix des prescriptions ?

Postièr·es sans masque, éditeurs sans scrupule

« Restez chez vous, mais allez bosser ! ». Au petit jeu des injonctions contradictoires, le gouvernement a donné le la et le patronat s’est accordé. Affolés par l’effondrement de la pub et les fermetures de points de vente, les éditeurs de presse quotidienne se retournent contre La Poste, qui réduit son activité courrier.  Il faut dire qu’au moins 167 agents montraient des signes de Covid-19 dans sa seule branche Réseau au 25 mars et que la direction a préféré livrer ses 300.000 masques à la police…

Quoi de plus naturel que d’employer son propre journal pour relayer une pétition, publier un édito enflammé ou partager le communiqué de son organisation ? Une campagne de presse s’est donc engagée la semaine dernière (lire notre article), avec le groupe Centre France et la famille Baylet (groupe La Dépêche) comme chefs d’orchestre. « Prise d’otage », « désertion »… inspirés par le discours martial du pouvoir, les patrons de presse se sont lâchés.

Le secteur emploie d’innombrables petites mains qui n’ont pas le statut de salarié·e et donc les droits qui s’y rattachent. On pense aux correspondant·es locaux de presse, payé·es à la tâche pour courir à travers leur canton, ainsi qu’aux porteuses et porteurs, véritables combattant·es du cycle circadien. Les imprimeries, ancien bastion CGT, ont été en grande partie externalisées. Autant dire que les éditeurs ont pris l’habitude qu’on les respecte.

Leur lobbying semble payant, puisque la secrétaire d’État à l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, annonce, lors de la séance de questions au gouvernement des sénateurs du 1er avril un « renforcement de la distribution de la presse écrite en début de semaine ».

On apprend au détour d’un communiqué de Sud-PTT que c’est Mediapost qui récupère la livraison des canards. Un choix ironique quand on sait que la filiale du groupe La Poste est spécialisée dans la distribution des publicités et qu’elle fait une lecture très singulière du code du travail.

Un choix en tout cas condamné par le syndicat qui rappelle que la direction a justifié la diminution des distributions « au nom de la sécurité des agents de la maison-mère ». Les autres peuvent bien crever !

Les pigistes ? Quels pigistes ?

Étrangement, les patrons de presse sont moins diserts lorsqu’il s’agit des pigistes. Ces journalistes non mensualisé·es mais non moins salarié·es subissent de plein fouet la baisse de pagination des journaux et les annulations d’émissions. Pourtant, certains médias rechignent à les inscrire dans le dispositif de chômage partiel. D’autres appliquent leurs propres critères d’éligibilité, excluant les plus précaires.

Habitué·es au télétravail, ils et surtout elles n’en sont pas moins déstabilisé·es par la fermeture des écoles, collèges et lycées. Quant aux pros basé·es à l’étranger, la baisse des commandes s’accompagne de difficultés diverses pour regagner la France.

Myriam Guillemaud Silenko, animatrice du pôle pigistes du Syndicat national des journalistes (SNJ) s’adresse au ministère du travail par le biais d’une pétition. Dans ses échanges avec les fédérations patronales, le principal syndicat de la profession ainsi que la CGT, la CFDT et FO menacent d’engager des poursuites contre les entreprises qui oublieraient les pigistes. Le SNJ demande même de suspendre leurs aides à la presse.

Marchés au pas

Le 23 mars, le premier ministre a ordonné la fermeture de tous les marchés du pays (sauf les marchés financiers bien sûr). Pour les rouvrir, il faut une demande argumentée de la mairie, qui sera soumise au bon vouloir de la préfecture.

Suite à la mobilisation des agriculteur·ices et des vendeur·euses, un guide méthodologique a été rédigé pour cadrer ces réouvertures. Ce guide contient une vingtaine de consignes à respecter pour avoir le droit de continuer à tenir un marché.

200402 - Fais tes courses en évitant les prunes by auteur inconnu - La Déviation

En plus des consignes sanitaires de bon sens, déjà appliquées par la plupart des marchand·es qui n’ont pas attendu les ordres de l’État pour prendre des précautions, le nombre de stands est largement limité : 15 au marché des Lices de Rennes par exemple, contre 200 en temps normal. De même, seuls les stands alimentaires seront autorisés.

La mise en place de ces règles et le flicage pour les faire appliquer revient aux mairies. Pas étonnant que nombre d’entre elles y renoncent. Par ailleurs, les préfet·es gardent le dernier mot et semblent pour certain·es considérer que la présence d’un supermarché dans une ville rend inutile l’ouverture du marché. Résultat, seul un marché sur quatre est rouvert.

Heureusement, la mobilisation semble porter ses fruits. Dans les villes où les habitant·es insistent auprès des élu·es, les marchés rouvrent plus vite.

Il est normal de prendre des précautions pour éviter des contaminations inutiles, mais l’accès à l’alimentation fait partie des besoins essentiels. La différence de traitement entre les marchés et les grandes surfaces, qui permettent tous les deux de combler ce besoin est donc particulièrement choquante.

La plupart des mesures du guide méthodologique pour les marchés ne sont pas appliquées dans les supermarchés, notamment l’interdiction de toucher les produits. De même, aucune surveillance de l’application des distances de sécurité n’y est faite, alors qu’il s’agit d’endroit plus confinés, conçus pour mettre les consommateur·ices au plus près des produits.

Alors que nous sommes au milieu d’une crise mondiale qui met en évidence les limites de notre modèle de production et de distribution, profitons-en pour repenser la consommation comme le proposent ces appels de la Confédération paysanne et de paysan·nes de Loire-Atlantique. Le modèle actuel, promu par le ministère de l’Agriculture et la FNSEA est complètement dépassé par la situation, notamment parce qu’il repose sur l’exploitation de travailleur·euses détaché·es pour les récoltes.

S’approvisionner en vente directe, locale et de saison, assurer un salaire décent aux paysan·nes grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne, organiser des chantiers agricoles collectifs pour éviter le recours à des machines qu’il faut acheter à crédit et aux hydrocarbures qui les font tourner, faire les courses en commun pour aider les personnes qui sont dans l’incapacité de le faire, penser la récupération et la redistribution des invendus pour aider les plus vulnérables, etc.

Toutes ces actions permettent de mettre en place des alternatives, en construisant une autre économie, qu’il faut défendre face au capitalisme mondialisé et à l’État.

Le piège de la continuité pédagogique

Alors que de nombreuses personnes pointent la gestion catastrophique par Blanquer (ministre de l’Education nationale) de la pandémie, un syndicat de parents d’élèves (FCPE) appelle le ministre à arrêter de faire semblant que tout se passe bien.

C’est vrai que Blanquer est un habitué des mensonges éhontés : alors qu’il était confronté à une mobilisation importante contre les épreuves de contrôle continu du Bac (E3C en langage techno : épreuves communes de contrôle continu) dernièrement, il a osé prétendre que 99,9 % des enseignant·es étaient d’accords avec lui. Peut-être que réclamer sa démission est maintenant la solution la plus simple.

En plus de demander aux enseignant·es un surplus de travail considérable, il se pourrait bien que les lobbies et le gouvernement profitent de la crise pour progresser dans une éducation nationale de plus en plus envahie par le numérique.

Dans la région Grand Est, de nombreux collectifs se battent contre un plan de développement des outils numériques : le lycée 4.0. Alors que des lobbies d’experts influencent les politiques et disent que le numérique bouscule le modèle de l’école traditionnelle (sic), les enseignant·es et des personnes proches de l’éducation produisent elleux aussi des analyses qui font entendre une autre réalité.

Il est bon de rappeler quelques évidences : trop de temps d’écran a des effets néfastes sur la santé des plus jeunes, les Gafam investissent sur le marché de l’éducation et la volonté d’utiliser le numérique est incompatible avec l’impératif écologique.

God save the chloroqueen

Le professeur Raoult, infectiologue à l’IHU Marseille et ancien membre du conseil scientifique mandaté par l’Élysée, le répète : la chloroquine, ou son dérivé, l’hydroxychloroquine, guérirait du coronavirus. Sa position a été largement relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Au point que les hôpitaux testant les traitements contre le coronavirus peinent à convaincre les patient·es de participer aux études en cours.

Mais des problèmes majeurs dans l’étude du Dr Raoult ont été pointés par le reste de la communauté médicale : aucune comparaison sérieuse n’a été faite entre des patient·es traité·es et non traité·es ; par ailleurs, certaines données auraient été supprimées de l’étude car en défaveur de l’hydroxychloroquine… Plusieurs autres articles publiés par le passé par l’IHU étaient truqués ou d’une éthique douteuse.

Le professeur Raoult a réalisé une deuxième étude, qui n’est, à nouveau, pas interprétable faute de patient·es témoins (non traité·es par hydroxychloroquine) à comparer aux patient·es recevant l’hydroxychloroquine. Deux études chinoises, ici et , trouvent quant à elles des résultats contradictoires ; néanmoins, ce sont des études réalisées avec très peu de personnes, qui permettent donc difficilement de conclure et qui sont aussi contestées.

Pour le moment, nous ne pouvons être convaincu·es ni de son efficacité, ni de son absence d’efficacité. Restons prudent·es devant les « expert·es » mis·es en avant par les médias ou le gouvernement, fussent-iels médecins ou scientifiques de formation…

Faux espoirs et vrais dangers

Si la plupart des « conseils » dispensés sur internet sont relativement inoffensifs (boire de l’eau, des boissons chaudes ou du jus de carotte, méditer…), certains « remèdes miracles » contre le coronavirus ont été à l’origine de drames. Ainsi, en Iran, 210 personnes seraient mortes après avoir consommé de l’alcool frelaté. Parmi les conseils plus ou moins dangereux et sans fondement rationnel, certains incitent à boire sa propre urine, de l’eau de Javel, des solutions d’argent colloïdal, ou à prendre de la cocaïne.

L’(hydroxy)chloroquine, qui peut induire de graves troubles cardiaques, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres médicaments courants (antibiotiques, traitements psychiatriques ou cardiologiques) n’est pas en reste : en France, dix personnes au moins seraient en réanimation après en avoir ingéré en auto-médication. Aux États-Unis, une personne est morte après avoir consommé le phosphate de chloroquine contenu dans le produit destiné à laver son aquarium.

Et il ne faut pas croire que l’on rend service aux gens en leur prescrivant de la chloroquine même avant la fin des essais cliniques : dans le contexte d’une épidémie, la chose la plus éthique à faire est de tester les médicaments avant de les prescrire à cause des nombreux effets secondaires.

En fait, quand on teste des médicaments (un groupe auquel on donne le médicament et un autre groupe auquel on donne un placebo et on traite de la même manière les patients en dehors de ce médicament particulier), il est souvent plus sûr d’être dans le groupe placebo plutôt que de prendre des molécules dont on ne connaît pas les effets !

Le technicisme ambiant nous pousse à ne percevoir que les effets positifs espérés des médicaments ; attention à ne pas sous-estimer les dangers des solutions miracles, d’où quelles viennent !

Illustration : Boîtes aux lettres à Ravenne en Italie by Chris Blonk licence Unsplash

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Profs aux enchères, décision du ministère

Des élèves du lycée Savina de Tréguier ont bradé leurs profs et leurs spécialités lors d’une parodie de vente aux enchères, le mercredi 27 mars 2019. Une performance théâtrale pour dénoncer une baisse de moyens alloués par le rectorat, somme toute logique dans un établissement formant de futurs artistes.

Le lycée général et professionnel Savina propose plusieurs spécialités artistiques, comme le cinéma, le cirque ou le théâtre. Des options danse et arts plastiques doivent s’ouvrir en septembre 2019, mais l’équipe enseignante dénonce l’absence de moyens accordés par le ministère de l’Education nationale pour fonctionner correctement.

À l’image d’Anne Huonnic, professeure d’anglais et de danse, beaucoup refusent ce qu’ils considèrent comme l’imposition implicite d’un choix entre options à proposer.

Le conseil d’administration a voté le 7 février contre une dotation globale horaire (DGH) en baisse de 59 heures (pour un total de 860 heures). Elle s’appuie sur un recul des inscriptions (135 élèves contre 165, en moyenne, ces dernières années) prévu par le rectorat. Un calcul contesté par les enseignants.

Une des cinq classes de seconde fermera à la rentrée et un départ à la retraite d’un professeur de lettres ne sera pas remplacé. Le corps enseignant, dont une majorité était en grève le 24 janvier, craint d’être confronté à des classes surchargées, atteignant 40 élèves en terminale S.

C’est plus largement la logique de la réforme des lycées portée par le ministre Jean-Michel Blanquer, censée donner plus d’autonomie aux établissements, qui soulève l’hostilité. Des collègues du lycée Pavie de Guingamp étaient d’ailleurs présents à Savina ce 27 mars et des relations existent aussi avec Kerraoul à Paimpol et Le Dantec, à Lannion.

Si aucun drapeau syndical ou politique n’a été brandi, plusieurs écharpes de maires étaient en revanche visibles lors de cette « vente ». Des élus de Tréguier et Minihy-Tréguier se sont joints aux manifestants.

Des élèves affirment leur intention de se constituer en syndicat. Un premier noyau compterait une quarantaine de membres. En plus des actions touchant à l’éducation, 250 lycéennes et lycéens avaient aussi participé à la grève mondiale pour le climat, relayée le vendredi 15 mars, dans les rues de Tréguier.

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« La mer s’élève, nous aussi ! »

La jeunesse lannionnaise a massivement rejoint le mouvement international de grève scolaire pour le climat, le vendredi 15 mars 2019. Près de 500 lycéen·ne·s et étudiant·e·s ont manifesté entre le lycée Le Dantec et le parvis de la mairie pour obliger les décideurs à accélérer les efforts de réduction de gaz à effet de serre, principaux responsables du dérèglement climatique.

L’appel à la grève scolaire pour le climat

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L’IUT de Lannion va-t-il cuire à l’étouffée ?

Hervé Chuberre est représentant du personnel (SNPREES-FO) à l’IUT de Lannion. Professeur de physique à l’Enssat, il nous explique les raisons de l’entretien sollicité auprès de la sous-préfète, Christine Royer, et du rassemblement organisé simultanément sous ses fenêtres, le jeudi 25 octobre 2018.

L’avenir de l’Institut universitaire de technologie trégorrois s’écrit en pointillés. L’établissement public fait les frais d’une politique austéritaire qui devrait s’amplifier. Rennes 1, dont il dépend, a été placé sous tutelle du rectorat, et donc du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche dirigé par Frédérique Vidal, à cause d’un déficit atteignant 2,8 millions d’euros cette année.

Un plan social à Rennes 1

Ce jeudi, le conseil d’administration de l’université a validé le plan de retour à l’équilibre présenté par son président David Alis. Il prévoit la suppression de 120 postes, dont 28 enseignants-chercheurs, sur un total de 3.300 personnels, d’ici la rentrée 2021. La masse salariale représente 213 millions d’euros sur un budget de 283 millions.

Yann Le Page, secrétaire de la CGT-Ferc, calcule même que 274 postes seront économisés, grâce au non renouvellement de contractuels.

« Cette amputation fait suite au plan de 100 suppressions de postes en cours depuis 2016 » et s’ajoute « à la baisse de 25 % sur les cinq dernières années des crédits affectés par l’université aux formations et laboratoires de recherche, et prévoit une baisse supplémentaire de 15 % alors que, sur la même période, le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter (+ 12 %) », renseigne l’intersyndicale, qui organisait également un rassemblement dans la capitale bretonne.

Dans une interview accordée à Ouest-France, David Alis demande un soutien financier du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche pour payer les fonctionnaires et rénover le parc immobilier de l’université.

Menace sur le DUT journalisme

Les conséquences se feront particulièrement sentir à Lannion. Selon la trajectoire dessinée par le PREQ, en septembre 2019 et par comparaison avec la rentrée 2015, l’IUT aura perdu 13 % de ses personnels. Dans le même temps, les dotations versées par l’université auront baissé de près de 50 %.

Six postes d’enseignants-chercheurs sur 70 pourraient disparaître en 2019 (8,6 % de l’effectif), plus trois postes non-enseignants sur 36 (8,3 %).

Certaines filières sont déjà fragilisées. Le département information-communication a perdu trois maîtres de conférence en quelques années, d’abord gelés, puis supprimés. Il pourrait encore voir partir trois contractuels et un professeur d’anglais.

Le DUT journalisme vient pourtant d’être confirmé comme l’une des quatorze formations nationales reconnues par la CPNEJ, au même titre que l’ESJ Lille, le Celsa ou le Cuej. Avec Cannes, Lannion est la seule école à recruter des étudiants en journalisme au niveau bac. Un choix revendiqué par les enseignants, qui y voient une manière d’apporter de la diversité dans une profession où la reproduction sociale joue à plein.

Département de sciences sociales isolé dans une université qui se tourne de plus en plus vers les sciences dites dures. Campus situé dans une petite ville éloignée des lieux de pouvoir dans un contexte de métropolisation. Le particularisme lannionnais semble aujourd’hui en grand danger, à cause du tarissement de ses ressources.

L’Enssat, l’école d’ingénieurs de Lannion qui dépend de Rennes 1, est également concernée. C’est pourquoi la prochaine assemblée générale sera commune aux deux établissements, après les vacances de la Toussaint. Encouragés par la sous-préfète, la délégation compte élargir sa recherche de soutiens locaux en contactant les industriels locaux, tels que Nokia ou Orange.

Disclaimer
L’auteur a étudié pendant trois ans le journalisme à l’IUT de Lannion. Il y intervient aujourd’hui comme vacataire d’enseignement.

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Diwan défend ses emplois aidés à Guingamp

Lundi 4 septembre, c’est dans la cour de la sous-préfecture de Guingamp qu’une partie des élèves scolarisés à Diwan dans le Trégor ont réalisé leur rentrée.

Un peu plus de 150 parents et personnels de ces écoles immersives en breton ont en effet manifesté, après le gel des contrats aidés décidée par le gouvernement, qui a pris effet en août. Des délégations étaient venues de Lannion, Louannec, Plounévez-Moëdec, Bourbriac, Saint-Brieuc, Plésidy ou encore Louargat, dans les Côtes-d’Armor.

Sur 207 emplois en Bretagne chez Diwan, 141 bénéficiaient d’aides de l’Etat l’année dernière et 44 ont reçu un refus de renouvellement cette année.

La présidente du réseau associatif Diwan, Stéphanie Stoll, également parent d’élèves, demande l’obtention d’un statut comparable aux écoles publiques pour Diwan, afin de sortir de la précarité. Bien que sous contrat avec le ministère de l’Education nationale, les écoles Diwan ne bénéficient pas automatiquement des forfaits scolaires versés par les municipalités.

Diwan Bretagne compte 47 écoles, 6 collèges et un lycée (à Carhaix), scolarisant 4.400 élèves.

Josy Le Gendre et Gaëlle Gourioux font partie de ces personnels employés en Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE), qui ont appris pendant la dernière semaine d’août qu’elles ne feraient pas leur rentrée. Elles assuraient souvent des rôles d’Atsem ou de surveillance. Cette décision brutale prise faute du renouvellement de la totalité des financements par l’Etat, qui obligent ces femmes âgées de plus de 50 ans à pousser (de nouveau) la porte de Pôle emploi. Solidaires de Diwan, elles manifestaient elles aussi en ce jour de rentrée des classes dans la cité de la Plomée.

En conseil municipal le soir-même, le maire de Guingamp Philippe Le Goff a annoncé qu’il adresserait un courrier de soutien à Diwan, après le vote d’une motion à l’unanimité. Le député LREM Yannick Kerlogot, qui s’était rendu à la manifestation, « partage pleinement le constat du ministre du Travail mais […] souhaite interpeller sur la brutalité de la décision ».

“310.000 à 320.000 emplois aidés” devraient être financés cette année, contre 457.000 en 2016.

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Mission Knut, l’anti-jeu vidéo

Critique – La dernière fois je vous parlais de Candy crush saga en tant qu’interface d’accès à la recherche en mathématiques appliquées sans prérequis culturel. Cette fois-ci, j’ai envie de discuter de ce qui fait le fun dans le jeu, et d’éducation. Nous en viendrons à Mission Knut, qui représente à mes yeux un Amoco Cadiz vidéo-ludique.

Mais vous savez quoi ? Jouons, on parlera après.

Celui où on est seul

Nous sommes aux sources du casse-tête : votre cervelle contre la difficulté de la configuration proposée, stou. On aime ou on n’aime pas.

Les règles ? Non hein, ça vient tout seul. Et au pire, vous savez que vous pouvez cliquer sur le p’tit point d’interrogation. Le jeu c’est aussi une culture et des codes.

Celui qui vous parle

Encore des carrés, mais là, c’est un peu différent.

Copie d'écran d'une partie de Game about squares. Pour jouer c'est là-bas que ça se passe http://gameaboutsquares.com/ (et toujours sans pub).
Capture d’écran d’une partie de Game about squares. Pour jouer c’est là-bas que ça se passe (et toujours sans pub).

Celui-ci illustre à merveille la notion de progression (pourtant présente dans le précédent). Très régulièrement, les solutions qui vous ont permis de passer au niveau suivant ne suffisent plus, il faut trouver un truc en plus. Bé oué, s’il n’y avait aucun enjeu, on s’ennuierait et clac, on passerait à autre chose. Or, relever un défi, c’est fun. À l’opposé, si on devait commencer par le dernier niveau, pfff, laissez tomber, inabordable (en tout cas pour moi !).

Toujours sans fioriture. Pas de pub ni temps de chargement, accès immédiat, règles du jeu intuitives. Il vous parle de vous entre les niveaux… et ça n’est pas anecdotique. Vous les écoutez vous les gens qui passent leur temps à parler d’eux-mêmes ?

Celui qui a fait le buzz

Si vous l’avez loupé celui-là, c’est que vous avez dû passer les derniers mois à hiberner. Accès immédiat, commandes fluides, graphismes ultra-clairs. Quand on ne voit que la qualité du concept, c’est que tout le reste est au rendez-vous.

Capture d'écran d'une partie de 2048
Capture d’écran d’une partie de 2048, pour tester, c’est là-bas que ça se passe.

Dixit l’auteur, 2048 est dérivé de 1024 de Veewo studio, lui même dérivé de Three, qui s’inspirait des mécaniques du Taquin… Oui, le jeu c’est aussi du recyclage. Parlez-en avec les ayants-droit de My way, le concept d’adaptation, ils adorent. Seule différence pour le jeu vidéo, du fait d’un statut juridique délicat, les mécaniques ne sont que très peu voire pas protégeables. De ce fait, elles restent librement (et gratuitement) réutilisables. Ahah, ça vous en bouche un coin hein?

Pourquoi un principe est-il fun et pas un autre ? Il est parfois possible de l’expliquer a posteriori. Mais soyons sérieux, dans la conception du cocktail qui fonctionne, il y a une bonne partie de mystère. Toujours est-il qu’avec 2048, des millions de gens se sont éclatés à réviser la suite des 2n, sans même parler du fait qu’ils ont abordé des problématiques de ressource limitée, gestion de l’espace etc.

Celui qui console de celui qui a fait le buzz

Vous avez testé 2048, et vous galérez comme un chien mort. Ou alors vous y étiez presque, et paf, un 2 qui pope au plus mauvais endroit. Vengez-vous avec 8402.

Vengeance! Capture d'écran d'une partie de 8402. Pour jouer ça se passe là-bas https://sphere.chronosempire.org.uk/~HEx/8402/
Vengeance ! Capture d’écran d’une partie de 8402. Pour jouer ça se passe là-bas.

En matière de vengeance, on a déjà vu mieux. C’est qu’elle a de la ressource cette evil AI player, de quoi filer des complexes. Bon, on peut faire son/sa susceptible certes, mais une fois la claque digérée, observez puis revenez à 2048.

Hey, vous avez remarqué ? Avec 2048 et son pote, en fait, on joue contre l’ordinateur. Il n’est plus question seulement d’une difficulté statique posée par une configuration à résoudre. Y’a de l’IA.

Celui qui achève ceux qui font les malins avec 2048

Vous faisiez les malins ? Pour moins la ramener, c'est là-bas que ça se passe.
Vous faites les malins avec 2048 ? Pour moins la ramener, c’est 2048-hard, et c’est là-bas que ça se passe.

Voilà, voilà. Vous venez de vous prendre la notion d’équilibrage en plein dans la face. S’il y a IA, il est possible d’ajuster la difficulté. Un jeu qui vous défonce, c’est pas marrant. Et si un jeu n’est pas marrant, il ne concerne que quelques indiens perchés sur leur montagne.

De l’intérêt de connaître le public que l’on vise et de s’adapter à lui.

Celui qui fait la guerre

Okay, le même topo fonctionne avec un autre concept. Amateurs de jeux de stratégie, inutile de perdre votre temps. À ceux qui ne connaissent pas, ça peut faire une bonne intro.

Tout le principe du jeu de strat en 3 graphismes : c'est là-bas que ça se passe.
Capture d’écran de Dicewars. Tout le principe du jeu de strat. en trois graphismes : c’est là-bas que ça se passe.

Quand on n’y connaît rien, on attaque par la configuration à deux joueurs, puis on progresse. Ah ça fonctionne bien, y’a des ptits bruits sympas, un peu de hasard, les différentes IA ne réagissent pas de la même façon tout ça.

Celui qui laisse complètement perplexe

Passons au niveau supérieur. Le jeu qui créé un lien affectif pour faire un truc avec.

Capture d'écran d'une partie de Don't shoot the puppy, jouable là-bas.
Capture d’écran d’une partie de Don’t shoot the puppy, jouable là-bas.

Désolée, j’aurais voulu ne sélectionner que des trucs sans pub, mais je n’ai pas d’équivalent à celui-là qui remplisse le critère. C’est juste énorme, et ce pour plusieurs raisons selon moi.

Ce jeu-là vous saisit par les sentiments pour mieux vous rendre idiot. Vous pouvez trouver ça complètement absurde, inutile etc. Perso, j’ai pris ma clickeuse folle intérieure en flag’ : surtout ne rien toucher alors que j’en crève d’envie. Même si vous vous demandez à quoi ça rime, j’vous jure, testez, allez jusqu’au bout et observez ce que ça génère en vous. C’est passionnant.

Autre élément, après avoir passé huit minutes à déjouer les plans machiavéliques des concepteurs, vous savez ce qu’envie veut dire. Seul bémol, il est possible que la mayonnaise ne prenne que sur les gamers. Nous en revenons à la culture…

Celui qui est beau

À entrer dans le monde de l’agilité, autant le faire de la plus belle des façons.

Aura, par le collectif One life remains (jeux expérimentaux)
Capture d’écran d’Aura, envol disponible là-bas.

Juste owi \o/

Notez bien que pour un tel résultat, le jus de cervelle ne suffit pas. Il faut que ce soit celui d’artistes… accompagnés de développeurs qui maîtrisent. La façon dont les commandes répondent est juste puissante.

Art, ah y est, le mot est lâché.

Celui qui fait pulser l’adrénaline

One life remains, même collectif que précédemment joue encore (ça se sent que j’ai les nerfs d’avoir loupé leur installation en gare de Brest ?).

Pacmad par le collectif One life remains, ça se joue là-bas. http://oneliferemains.com/game.php?game=pacmad
Capture d’écran de Pacmad qui se joue là-bas.

Croquer les ptits pour avoir la ressource d’échapper aux gros quand vous vous prenez les pieds dans le tapis, ça vous parle ? Ajoutez à cela un rythme ultra rapide, et vous obtenez un vrai discours aussi dense que complexe. Inutile d’aller claquer une 3D invraisemblablement réaliste et des équipes de 80 personnes pour ça.
Ça fait de la flippe hein ? Qui a dit que l’art ne suscite que des émotions confortables ?

Voici donc quelques jeux qui m’ont accrochée sur le net. Aucune prétention d’être exhaustive. Il en existe sans doute plein d’autres dans la même veine, le seul défaut expliquant leur absence étant de ne pas s’être trouvés sur ma route. Mon critère pour cet article était que les jeux présentés soient accessibles gratuitement et sans délais.

Techniquement, 99 % des lecteurs ont lâché ce papier pour rester sur un des jeux présentés. Ils louperont donc ce que je peux avoir à dire maintenant. Bon, je pense qu’ils devraient survivre quand même. Pour les autres, la suite porte sur le fait que dans serious game, il y a game.

Celui qui a fait saigner mon cœur

Si j’ai pris la peine de raconter tout ça, c’est aussi pour en arriver à quelque chose qui m’a fait froid dans le dos il y a quelques jours. Maintenant que nous avons quelques éléments en commun, nous pouvons y aller.

Je viens de découvrir Mission Knut. C’est un jeu destiné à faire connaître les pourquoi et les comment du Parlement européen. C’est donc un serious game. Comme le disait notre ami Confucius : « Dis-moi et j’oublierai, montre-moi et je me souviendrai, implique-moi et je comprendrai ». Le fun comme outil pour impliquer les gens, jusque là, tout va bien.

D’abord le trailer.

Je ne peux m’empêcher de penser que quand on n’a pas le budget pour une grosse prod’, on en évite la rhétorique, d’autant qu’en matière de super-héros, le commissaire européen, c’est pas ce qui vient à l’esprit en premier lieu. Erf. Admettons.

Puis vient le jeu à proprement parler (rappel, il est là-bas). J’ai chronométré, en ne lisant rien et en passant tous les textes dès qu’il est possible de le faire, il faut quatre minutes pour poser sa première question (c’est la base du gameplay). En lisant, dommage, c’est indispensable pour comprendre les règles, nous arrivons donc à un bon dix minutes. Dix minutes de culture et de codes technocrate-centrés à ingurgiter, quand on s’adresse à des gens qui eux sont dans le jeu vidéo. Non. Non, définitivement non.

S’il y en a qui jouent pour de vrai, qui ressentent quelques chose en dehors d’un ennui profond, et ce sans faire partie des indiens perchés sur leur montagne (au hasard, les créateurs ou les corps de métiers présentés), qu’ils me contactent. Ça n’est pas une blague. J’ai vraiment envie de savoir. Si de telles personnes existent, ce qu’elles ont à m’apprendre dépasse mon imagination.

Mission Knut Journaux - La Déviation

Revenons à mon steak. La critique est facile certes. Pourtant je ne peux m’empêcher de penser qu’un truc reprenant un peu le principe de Sim city (à ne pas confondre avec Les Sims) aurait bien mieux fonctionné. Peut-être que je sous-estime les temps de développement, que ça n’était pas faisable pour des questions de coût. Dans ce cas, je ne saurais que suggérer de faire appel à des gens tels que ceux à l’origine des exemples précédents.

En fait, je pense avoir une petite idée de ce qui a mené à ce jeu. Ptet qu’il serait judicieux de déposer un dossier de financement auprès de la Commission européenne pour un dispositif destiné à sensibiliser les acteurs de la sensibilisation sur ce qu’il est possible de faire, et ce qu’il faut à tout prix éviter, nan ? (C’est dit sur un ton ironique, malgré tout…)

En écrivant ce papier je pense aussi aux dégâts à moyen-terme d’un tel projet. Avec des précédents de ce type (ne me dites pas que des gens jouent, je n’y crois pas), autant dire que la planche est savonnée au dernier degré pour les artistes et game designers de talent qui auraient un projet à présenter. Tout ça les éloigne encore un peu plus du vrai rôle d’utilité publique qui pourrait leur revenir. À la place, ceux qui arrivent encore à tenir bon se trouvent confinés dans un ghetto de confidentialité.

Mission Knut écolo - La Déviation

Bien sûr qu’il est déterminant se sensibiliser les masses au fonctionnement des institutions. Si pour ça on doit permettre aux gens de mettre à feu et à sang le trafic maritime mondial dans un jeu, et bien pourquoi pas ? Je vous parie un resto que ça ne créera pas une génération de psychopathes qui vont se fader dix ans d’études puis grimper patiemment les échelons afin de se trouver en position de mettre leur projet diabolique à exécution.

PS : si un tel jeu se met en place, envoyez-moi le lien SVP. Moi aussi j’veux mettre le trafic maritime mondial à feu et à sang !

Image à la une : Fun par Elizabeth Hudy, licence CC-BY-ND disponible sur Flickr.

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