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La Gazette des confiné·es #8 – Révoltes, perspectives et travail

Contre quoi faudra-t-il lutter et comment le ferons-nous dans les prochaines semaines et mois ? Comment limiter l’influence du pouvoir politique sur nos propres corps ? C’est par des questions ouvertes que la gazette commence et vous apporte ensuite les dernières nouvelles. Des révoltes éclatent dans les centres de rétention administrative, les sous-traitants du nucléaire bossent pour EDF comme si de rien n’était, l’été s’assombrit pour les intermittent·es et Amazon subit un sérieux revers.

Il faudra lutter un peu plus…

Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il va falloir lutter encore plus pour la détruire !

On peut craindre des manifestations interdites pour « raisons sanitaires » pendant encore longtemps surtout vu que les services de renseignement s’inquiètent d’un embrasement. Il va falloir réfléchir à comment continuer à se révolter, à lutter. D’autant plus que la situation d’une crise non prévue par le capitalisme ouvre le champ des possibles révolutionnaires et contre-révolutionnaires : d’un côté l’émancipation, de l’autre l’extrême droite qui vient et la surveillance généralisée (comme le montre ce reportage glaçant en Chine diffusée par Arte).

Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6). Il y a de quoi faire !

200417 - CQFD Janvier 2020 Vos grèves seront exaucées - La Déviation
Espérons que la prédiction de la Une du numéro de janvier 2020 de CQFD se réalise !

D’autres histoires à partir de nos corps

Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.

Et ils sont violentés s’ils contreviennent aux règles édictées. Ces corps sont des territoires où les politiques s’expriment : barrières individuelles contre une propagation, pions des flux économiques, externalités d’un système carcéral qui veut conserver sa maîtrise hégémonique.

200417 - Triptych Left Panel 1981 by Francis Bacon - La Déviation
Panneau gauche d’un triptyque fait en 1981 par Francis Bacon qui anticipait deux policiers à cheval allant verbaliser une personne qui ne respecte pas le confinement.

Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.

Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.

Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.

Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.

Révoltes aux CRA de Mesnil-Amelot et de Vincennes

Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.

Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.

Le 12 avril, au CRA de Vincennes, des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.

Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».

On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…

200417 - Mur par mur nous détruirons les Cra A bas les Cra- La Déviation
Le site abaslescra.noblogs.org propose des ressources et analyses pour lutter contre les CRA.

Pour plus d’infos, on vous invite à consulter le suivi détaillé sur Paris-luttes.

Sous-traitants et illuminations nucléaires

EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.

C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.

200417 - Dans les servitudes nucléaires Revue Z by Damien Rondeau - La Déviation
Dessin de Damien Rondeau pour illustrer l’enquête parue dans la Revue Z en 2012 sur les sous-traitants du nucléaire.

Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.

Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.

Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.

Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !

Amazon : le tribunal de Nanterre fait un carton chez les salarié·es

« Première victoire syndicale » jubile Solidaires mardi 14 avril. L’Union syndicale fait plier Amazon France devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Le risque d’attraper le covid-19 dans les entrepôts de la firme justifie la réduction drastique de ses activités. La décision est relayée par CNN.

Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat.

200417 - Amazon España por dentro vue d'ensemble by Álvaro Ibáñez CC BY 2.0 - La Déviation

L’inspection du travail s’était contentée d’une mise en demeure à partir du 3 avril concernant quatre sites où l’absence de matériel de prévention et de mesures de distanciation entraînaient un risque de contagion des travailleur·ses. Nous vous en parlions dans notre sixième numéro. Affaire classée cinq jours plus tard pour trois d’entre eux. Aux yeux du ministère, mais pas de la justice !

La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.

Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.

« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »

Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.

Les salaires seront maintenus à 100 % durant ces cinq jours, mais la firme qui emploie environ 10.000 personnes dans le pays, dont un tiers en intérim envisage de les subventionner grâce au chômage partiel. Une demande qui ne manquerait pas d’audace pour une multinationale suspectée de dissimuler des milliards au fisc. Sur France Info, le directeur général d’Amazon France prend une posture de victime, tout en agitant la carte du chantage à l’emploi.

200417 - Carte implantation Amazon en France rapport Attac Solidaires 2019 - La Déviation
L’implantation d’Amazon en France a été cartographiée par Attac et l’Union syndicale Solidaires dans un rapport su l’impunité fiscale, sociale et environnementale de la firme, mis en ligne en novembre 2019. Cliquez sur l’image pour y accéder

Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ». Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.

Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.

Les intermittent·es fragilisé·es

La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).

Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.

200417 - Spectacles reportés Théâtre des Amandiers Nanterre - La Déviation
La liste des annulations s’allonge au théâtre des Amandiers de Nanterre. Le site web propose en revanche des captations. Accédez-y en cliquant sur l’image

Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.

Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.

Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.

Un premier décret publié le 14 avril est jugé très incomplet par la CGT Spectacle, qui réclame une facilitation du recours à l’activité partielle pour les personnes en CDD d’usage, notamment. Une pétition qui anticipe une longue période de vaches maigres demande la prolongation des droits un an après la date de reprise, pour tous les artistes, technicien·nes et intermittent·es.

Sur ce dossier comme sur d’autres – pensons aux pigistes, nous vous vous parlions dans notre cinquième gazette -, l’attentisme du ministère inquiète. Franck Riester n’a fait qu’ajouter à la cacophonie en déclarant jeudi 16 avril sur France Inter que les « petits festivals » pourraient se tenir à partir du 11 mai. On se pince, quand on sait que les hôtels et restos garderont portes closes et surtout que les scientifiques craignent une « seconde vague ».

Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.

Dans ces conditions, le plan spécifique du ministre de la Culture dont l’annonce est prévue dans quinze jours promet de susciter d’instances manœuvres en coulisses.

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« Macron met la sécu à disposition du capitalisme financier », accuse Serge Le Quéau

Figure de la gauche briochine, cofondateur d’Attac, engagé auprès des victimes des pesticides comme des mal-logés, Serge Le Quéau est avant tout syndicaliste. Le retraité de La Poste qui avait claqué la porte de la CFDT en 1989 pour fonder Sud PTT Bretagne fait le lien entre la privatisation des entreprises publiques et le projet de retraite à points du gouvernement Philippe-Macron. 

Quel bilan tirez-vous de ce septième temps fort de la mobilisation, dans les Côtes-d’Armor ?

On est satisfaits de la mobilisation qui a eu lieu aujourd’hui parce que dans tout le pays il y a des manifestations. Hier soir, il y a eu des manifestations aux flambeaux dans une centaine de villes en France.

Dans les Côtes-d’Armor, ça a été très, très fort. Sur Saint-Brieuc, sur Dinan, sur Lannion, sur Guingamp et aujourd’hui encore à Saint-Brieuc nous sommes plus de 3.000 à dire notre opposition à la réforme des retraites du gouvernement Philippe et Macron.

Aujourd’hui, le gouvernement a présenté en conseil des ministres le projet de loi avec tous les articles et quand on les analyse – il y a des gens qui travaillent dessus en ce moment -, on s’aperçoit que le diable se niche dans les détails. En fin de compte, il y a énormément de régressions sociales à travers ce projet de loi. Pratiquement aucune catégorie sociale, aucun salarié ni même aucun travailleur indépendant, pratiquement personne ne va bénéficier d’avantages avec cette réforme-là. Ça va être une régression formidable.

L’âge pivot qui a été retiré et finalement réintroduit – ils appellent ça un âge d’équilibre -, le fait que les retraites soient calculées sur la carrière ça ne peut entraîner que mathématiquement une baisse des pensions. En plus, il y a aussi une dépossession des syndicats et du patronat du calcul des retraites donc du montant des retraites puisque ça permettra avec le point de laisser la main libre au gouvernement pour moduler les retraites comme comme bon lui semblera.

Neuf ans que le point d’indice des fonctionnaires est bloqué

On l’a bien vu par exemple aujourd’hui il y a un blocage dans la fonction publique du point d’indice depuis 2010. Ça fait neuf ans que le point d’indice est bloqué. On peut s’attendre, si la réforme par points passe, que le gouvernement gèle la valeur du point et donc fasse baisser d’une manière automatique les retraites. Donc plus que jamais nous restons mobilisés jusqu’au retrait de ce projet néfaste pour tout le monde.

Comme Pierre Mayeur, le directeur général de l’Ocirp, union d’institutions de prévoyance, vous dites que ce projet acte l’étatisation du régime de retraite.

C’est une rupture totale avec ce qui avait été mis en place au sortir de la guerre, en 1945, avec le système de sécurité sociale qui était un exemple dans le monde entier. Aujourd’hui, on voit bien que les néolibéraux avec Macron et puis l’oligarchie ne se contentent pas d’avoir déjà capté toute la richesse que produisaient les services publics non régaliens.

Les grands services publics, que ce soient La Poste, France Télécom, EDF et la SNCF maintenant, tous ces grands services publics qui rendaient des services aux usagers, à la population dans son entier, qui étaient un moyen de redistribution des richesses dans le pays, tout ça est passé au secteur privé marchand. Il y a des fortunes considérables qui sont faites avec ces services publics non-régaliens privatisés.

Le gouvernement s’attaque en ce moment à l’éducation nationale et à la santé. On le voit bien avec la crise sociale qui existe dans ces secteurs.

Le budget de la sécu est supérieur à celui de l’Etat

Cela ne suffit pas pour satisfaire les marchés financiers et finalement ils s’attaquent à la manne de la protection sociale. Il faut se rappeler que c’est 400 milliards d’euros par an, c’est plus important que le budget de l’Etat et qu’aujourd’hui le gouvernement Macron est en train de mettre à disposition du capitalisme financier international cette manne financière qui jusqu’à présent était un système de répartition, gérée par les organisations syndicales et patronales.

C’est un recul considérable, c’est une rupture totale avec le modèle social français. On est en train de glisser doucement mais sûrement vers un néolibéralisme à l’anglaise ou à l’américaine.

Un mot sur la stratégie de l’intersyndicale à Saint-Brieuc ou dans les Côtes-d’Armor plus généralement. 

On appelle évidemment à se rassembler chaque samedi, à 11 h, devant la gare de Saint-Brieuc, en soutien à la mobilisation des cheminots.

Solidaires appelle au rassemblement organisé par la coordination régionale des Gilets Jaunes [le samedi 25 janvier, NDR]. Ils ont choisi la ville de Saint-Brieuc pour se mobiliser, à 14 h 30, place de la préfecture. On appelle également au rassemblement mercredi 29 janvier. Ce sera encore une grande journée de mobilisation interprofessionnelle.

Nous à Solidaire on se félicite que l’intersyndicale CGT-FO-FSU et Solidaires fonctionne extrêmement bien et on se réjouit aussi qu’on s’entende parfaitement bien avec les Gilets Jaunes de Saint-Brieuc. Il y a une unité très forte, qui laissera des traces.

La grève à la SNCF et la RATP diminue. Il vous faut trouver des actions qui marquent médiatiquement, comme ces marches aux flambeaux, qui semblent avoir un certain écho. On voit les avocats, d’autres professions qui déposent leurs outils. C’est un peu nouveau ça ?

Oui, c’est nouveau. On est obligé face à la détermination du gouvernement qui veut passer en force de multiplier les actions et on ne peut pas être seulement dans la grève. Il faut avoir de l’imagination dans la lutte.

Je pense que ce qu’on a été capable de faire ça permet de maintenir une pression, parce que ce que nous disons depuis pas mal de semaines c’est qu’il n’y aura pas de paix sociale dans le pays tant que le gouvernement s’entêtera à maintenir son projet.

On va vers un type d’actions de guérilla sociale finalement. Le gouvernement veut un affrontement frontal avec les syndicats et les salariés et nous on va multiplier les actions. On ne va pas lui laisser de repos. Nous pensons que c’est la bonne stratégie pour garder des forces et ne pas lâcher le combat et faire céder le gouvernement.

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À Saint-Brieuc, l’intersyndicale fait bloc contre la retraite Macron

Engagés dans une course de fond pour faire échec à la réforme des retraites du président Macron, les syndicats CGT, FO, FSU, CFE-CGC et Solidaires ont de nouveau battu le pavé dans les rues de Saint-Brieuc, le vendredi 24 janvier. Un rendez-vous fixé à l’échelle nationale pour répondre à la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Ce vendredi 24 janvier, entre 2.000 et 3.000 opposants à la retraite à points répondent à l’appel des syndicats, dans les rues de la préfecture des Côtes-d’Armor, lors de ce septième temps fort national. Une affluence en hausse comparée aux précédentes manifestations, toutefois bien inférieure à celle du 5 décembre, qui inaugurait ce mouvement social.

La veille, plus de 300 personnes avaient déjà défilé au crépuscule.

« La mobilisation éclairée par des flambeaux a permis à beaucoup de continuer à exiger le retrait du projet de réforme des retraites, se réjouit Matthieu Nicol, secrétaire général de la CGT des Côtes-d’Armor. Dans le même temps, la grève se poursuit dans de nombreuses professions, qui se mobilisent et multiplient les actions de dépôt des outils de travail dans les lieux symboliques. Ce matin, plus de cent enseignants étaient à l’inspection académique pour un jeté de livres, de cartables et de chaussures. »

« Ils n’ont aucune raison de continuer »

Augmenter les salaires, atteindre l’égalité salariale, mettre fin à la précarité, prendre en compte les années d’études, soumettre à cotisations les plateformes numériques, mettre fin ou compenser les exonérations patronales, réorienter les crédits d’impôts aux entreprises vers le régime de retraite, élargir l’assiette de cotisation ou encore lutter contre la fraude et l’évasion fiscale en instaurant une contribution sociale pour la protection sociale sur les revenus du capital : l’intersyndicale expose ses contre-propositions afin d’éviter « toute ouverture à la capitalisation ».

« Deux-cents milliards d’exonérations ont été accordées au patronat. Après 2027, c’est pas 14 % c’est moins de 12 % du PIB que représenterait la question des retraites, calcule Martial Collet, secrétaire départemental de la CGT-Force Ouvirère. C’est à dire un rien ! Ils n’ont aucune raison de continuer, hormis une question dogmatique et libérale. »

Réunis dans la lutte depuis près de deux mois, les responsables syndicaux affichent leur volonté de poursuivre la mobilisation sans baisse de régime. En plus du rendez-vous hebdomadaire sur le parvis de la gare, chaque samedi, ils appellent à une nouvelle manifestation départementale à Saint-Brieuc, mercredi 29 janvier, à 13 h 30. Ce sera la veille de l’ouverture de la conférence de financement convoquée par le gouvernement, sur proposition de la CFDT.

Outre la pause décidée par la CFE-CGC, le syndicat des cadres, un point de divergence apparaît concernant la place laissée aux Gilets jaunes, dont la méfiance vis-à-vis de toute organisation traditionnelle reste palpable. Seule l’Union syndicale Solidaires par la voix de sa figure locale, Serge Le Quéau, appelle à rejoindre leur propre manifestation, samedi 25 janvier. « Même si Macron le veut pas… »

Des bons points retraite pour les travailleurs sages

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Les « Gilets jaunes » de Paimpol attendus au tournant

Depuis leur cabane rudimentaire construite au bord du rond-point de la Lande-Blanche, les « Gilets jaunes » de Paimpol observent les automobilistes tourner. Cela fait bientôt six mois qu’ils y maintiennent une présence régulière. Mais après avoir reçu l’ordre du maire de quitter les lieux, ils abordent eux aussi un tournant.

Au moins ont-ils facilité la tâche des chercheurs qui se pencheront sur les archives de la presse régionale dans plusieurs décennies. Impossible d’en douter, ce 1er mai se déroule bien en 2019, à l’amorce d’une troisième année de présidence Macron. Les chasubles fluos envahissent le cadre et même s’ils ne sont qu’une vingtaine, leurs porteurs rendent la marche paimpolaise un brin plus dynamique qu’à l’accoutumée.

Des « Gilets jaunes » aux côtés des drapeaux rouges, l’image devient coutumière. Loin, pourtant, des premiers mots d’ordre du mouvement, qui fleuraient bon l’anti-syndicalisme. L’élargissement progressif des revendications les a rapprochés des organisations de gauche. Ils parlent aujourd’hui d’inégalités sociales et fiscales à résorber et d’institutions à démocratiser. C’est d’ailleurs l’appel clairement anticapitaliste rédigé lors de la deuxième Assemblée des assemblées, dite de Saint-Nazaire, qui a tenu lieu de discours à ses représentantes, juste après les prises de parole de FO et de la CGT.

Le gilet s’effiloche

Témoin d’une époque déjà révolue, le groupe Facebook paimpolais s’appelle encore « Non à l’augmentation des taxes ». Créé le 29 octobre 2018, il a connu son pic d’activité le weekend du 17 novembre. Des centaines d’habitants avaient alors investi pas moins de quatre ronds-points et barrés le pont de Lézardrieux nuit et jour. Un début en fanfare qui avait incité France 2 et RMC à dépêcher des équipes dans ce petit bout de Bretagne nord, à la recherche de caractères bien trempés.

Jamais éteinte, la flamme s’est toutefois considérablement tassée. Par lassitude, éloignement des revendications de base ou par la magie des annonces présidentielles ? Les Paimpolais réunissaient 400 citoyens pour l’un des premiers débats publics de l’hexagone, début janvier. Puis 150, deux jours plus tard, sur les pavés.

Malgré l’arrivée des beaux jours, leurs dernières initiatives n’ont pas connu pareil succès. Une trentaine de participants lors d’un défilé carnavalesque le 10 mars et une cinquantaine le samedi suivant, en comptant les militants écologistes venus manifester pour le climat. À l’image de Roland Jeanjean, ancien routier présent depuis le premier jour, les Paimpolais ont d’ailleurs épousé la cause des « Coquelicots » contre les pesticides de synthèse. Au risque de froisser leurs voisins agriculteurs dans cette région légumière.

La cabane du phœnix

Les « Gilets jaunes » se sont d’ailleurs faits quelques ennemis. De retour près de leur cabane totémique après la manifestation du 1er mai, Roland Jeanjean se remémore le déménagement consécutif à l’incendie subi dans la nuit du 18 au 19 décembre. Les militants ont démonté Ker Melen – le lieu jaune, en breton -, d’abord érigé près de l’aire de covoiturage de la Lande-Blanche, pour le rebâtir sur le terre-plein situé entre la route qui mène à la déchetterie et la départementale qui plonge vers la zone commerciale de Kerpuns. Le début d’une longue série. « Si ça continue on va la construire en papaings », ironise le retraité, qui pense tenir une piste.

« On est sur quelqu’un qui vient assez souvent enlever des objets qu’on met : des affiches, les croix des douze personnes qui sont décédées sur les ronds-points, énumère Roland Jeanjean. Pour la cabane on n’a pas la preuve formelle, mais c’est peut-être indirectement les mêmes personnes. »

Le coup de grâce, c’est peut-être le maire UDI de Paimpol, Jean-Yves de Chaisemartin, qui l’a porté. Au lendemain de la fête internationale des travailleurs, il fixe un ultimatum aux « Gilets jaunes », les obligeant à plier bagage d’ici le 7 mai à minuit. Les raisons invoquées sonnent comme un prétexte. Des problèmes de sécurité routière et le dépôt de listes estampillées « gilets jaunes » aux européennes. Notamment celles menées par le chanteur Francis Lalanne et le forgeron du Vaucluse Christophe Chalençon. « On n’a donné aucune consigne de vote », rappelait pourtant Cécile Paracice, la veille.

La perte de l’appui municipal fragilise un peu plus les irréductibles paimpolais, au moment où ceux-ci cherchent à raviver la flamme. Un banquet citoyen est d’ailleurs organisé ce 4 mai. « Pour que les gens comprennent pourquoi on est encore dans la rue, explique Cécile Paracice. On veut pas des miettes, on ne veut pas de la mendicité, on ne veut pas de l’assistanat. On veut vivre tout simplement de notre travail. »

Mise à jour du 8 mai 2019 : La commune a mis à exécution sa menace en rasant la cabane mardi 7 mai, à l’aube, en présence du maire UDI Jean-Yves de Chaisemartin, qui est par ailleurs vice-président en charge des infrastructures routières au conseil départemental des Côtes-d’Armor. L’opération s’est déroulée dans le calme, en présence de « Gilets jaunes » qui ont surveillé les lieux toute la nuit. Ils se sont ensuite installés sur une prairie avoisinante et confient leur volonté de mettre sur un pied un nouveau QG.

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Premières de corvées, premières mobilisées à Guingamp

Les femmes ont toujours été impliquées dans les luttes sociales, mais leur présence est particulièrement remarquée depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Ce sont elles qui tenaient le mégaphone lors de la manifestation intersyndicale du 5 février 2019, à Guingamp. Rencontre avec Frambroise Clausse, conseillère en orientation professionnelle, Soizic Roche, aide-soignante dans un Ehpad, et Marie-Françoise Zanchi, secrétaire générale de la CGT de l’aide et des soins à domicile des Côtes-d’Armor.

Plusieurs dizaines de « gilets jaunes » ont répondu à l’appel des syndicats CGT, Solidaires et FSU, lors de la journée de grève du 5 février 2019, à Guingamp. Une première pour un mouvement qui veille jalousement à son indépendance vis-à-vis de toute structure établie et au sujet duquel nombre de syndicalistes ont d’abord eu de la méfiance, y voyant la main de l’extrême-droite et des mots d’ordre poujadistes.

Quatre prises de parole ont inauguré le rassemblement, entre le rond-point du Vally et l’ancien monastère des Augustines hospitalières – réhabilité en mairie. Flora Bochet, secrétaire générale de l’union locale CGT, a d’abord lu le texte commun, dénonçant notamment « la précarité organisée dans les entreprises locales, notamment dans l’agroalimentaire, le commerce, les services » (vidéo ci-dessous).

Framboise Clausse, « gilet jaune » de Kernilien a livré un témoignage plus personnel, racontant la maltraitance dont a souffert sa mère, en maison de retraite « du fait du manque de moyens » (idem).

« Les femmes sortent de leurs cuisines, elles sortent de leurs usines »

Auteure d’un livre publié en 2009 intitulé « À ma mère, à mes filles, à vous toutes » (éditions Épée Et Chemins), dans lequel est relaté son « parcours de guérison » après le viol dont elle a été victime à l’âge de 18 ans, la militante féministe se réjouit de la mobilisation en cours.

« On n’a jamais vu autant de femmes dans les rues, constate Framboise Clausse. Ça, c’est très particulier, parce que les hommes ont l’habitude d’occuper le terrain, c’est plus facile. Pour nous les femmes c’est toujours un effort supplémentaire d’agir dans le domaine public, de se montrer, de prendre la parole. Et aujourd’hui, les femmes sortent de leurs cuisines, sortent de leurs usines, parce qu’elles voudraient que le monde soit meilleur pour leurs enfants. »

Les premières études sociologiques confirment cette observation. (lire l’encadré ci-dessous)

Des travailleuses malades du « care »

Les femmes étant largement majoritaires dans les professions du soin, du « care » en anglais, c’est assez logiquement que se trouve à Guingamp une délégation 100 % féminine du syndicat départemental CGT de l’aide et du soin à domicile.

Ces aides à domicile et autres aides-soignantes courent la campagne pour veiller sur des personnes fragiles, le plus souvent âgées. Un travail qui nécessite de l’empathie, pratiqué en dépit de contrats à temps partiel, comprenant des amplitudes horaires souvent indécentes (9 h – 19 h, payés 5 heures), pour un salaire inférieur au Smic, résume Soizic Roche, qui travaille dans un Ehpad, à Plestin-Les-Grèves. « Nos métiers sont en train de disparaître », tranche-t-elle, en appelant au Conseil départemental, à l’Agence régionale de santé et à l’Etat.

Sa secrétaire générale, Marie-Françoise Zanchi, est convaincue que les employeurs profitent d’une certaine docilité de ces travailleuses pour rogner sur les primes et même sur les frais de déplacement. Le syndicat dénonce la fusion des 80 structures des Côtes-d’Armor, initiée en 2017 par le Conseil départemental à majorité LR-UDI, qui aboutit à des compressions d’effectifs et à des temps de trajets rallongés. Des groupes privés ont parfois repris l’activité gérée jusqu’à présent par des associations, en lien avec les collectivités locales.

Plusieurs marches de femmes « gilets jaunes » ont illustré le besoin de mettre en avant des revendications spécifiques, comme l’égalité de salaires entre les sexes ou la pénalisation réelle des violences conjugales. L’une des plus importantes s’est d’ailleurs déroulée le dimanche 26 janvier, à Saint-Brieuc. Menée par des militantes grimées en Marianne, elle avait réunie près de 300 personnes. Les journalistes présents avaient souligné le caractère pacifique de cette manifestation, contrastant avec les violences observées la veille, à Rennes.

Des femmes majoritaires chez les « gilets jaunes », plus qu’une impression
Selon l’enquête menée par cinq sociologues de Sciences Po Grenoble, par le biais de questionnaires en ligne diffusés sur 300 groupes Facebook de « gilets jaunes », 56 % des 1.455 réponses exploitées émanent de femmes. Elles apparaissent toutefois surreprésentées dans l’échantillon des manifestant·e·s « moins actif·ve·s ».
Les chercheurs insistent sur l’importante proportion de « gilets jaunes » en situation de forte précarité. Ils sont 74 %, soit le double de la moyenne nationale. Les femmes (78 %) sont plus touchées que les hommes (68 %).

Leurs prises de parole


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Intermarché, champ de bataille de la guerre des prix

Mercredi 7 février, des exploitants agricoles membres de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs des Côtes-d’Armor (JA 22) ont bloqué les accès du magasin Intermarché situé à Saint-Agathon, près de Guingamp. Avec une dizaine de tracteurs tirant des remorques, ils ont déversé divers déchets à partir de 10 h 30, environ.

Le directeur du magasin, Erik Soret, est venu discuter sur le parking avec des manifestants, dont Jean-Marc Lohier, leader de la FDSEA dans la canton de Plouaret et responsable départemental de la section lait au sein de son syndicat.

Répartition de la valeur et des marges

Les négociations commerciales annuelles, qui s’arrêtent le 28 février, ne satisfont pas les producteurs. Ils reprochent aux distributeurs ainsi qu’aux transformateurs de ne pas respecter les engagements pris lors des Etats généraux de l’alimentation organisées par le gouvernement. Notamment de limiter les promotions.

Si des mesures du projet de loi qui en découle les intéressent, ils demandent son application immédiates.

L’UFC Que Choisir estime que la hausse de 10 % du seuil de revente à perte inscrite dans la loi présentée en conseil des ministres coûtera 5 milliards d’euros, à la charge des consommateurs.

La manif’ proche de déraper

Les échanges tendus ont été interrompus par le conjoint d’une agricultrice, venu spécialement pour s’opposer aux manifestants. Il reproche aux membres de la FDSEA de ne pas l’avoir soutenu dans un conflit avec la coopérative Sodiaal, qui ramasse le lait, voire d’avoir précipité l’arrêt de sa production à Brélidy, près de Bégard. En colère contre le système productiviste, il estime que l’avenir se trouve dans les circuits courts et une montée en gamme.

La tension est encore montée d’un cran un peu plus tard, cette fois avec des salariés de l’enseigne, obligés de dégager à la main les ordures pour permettre la reprise de l’activité. Ce magasin avait déjà été ciblé le 26 janvier, par un raid nocturne. Intermarché, Leclerc, Géant et Carrefour sont dans la ligne de mire de la FDSEA depuis fin janvier, en particulier dans l’ouest des Côtes-d’Armor. Après quelques grillades, les agriculteurs se sont rendus à Carrefour, dans l’après-midi.

D’autres groupes ont mené des actions simultanées à Dinan, Châteaulin ou Vannes et ces “mercredis des négos” pourraient s’étendre à d’autres départements, en dehors de la Bretagne, dans les prochains jours.

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Ils racontent la manif de Nantes de l’intérieur

Témoignages inédits. On entend tout et son contraire sur la manifestation anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui s’est déroulée à Nantes, samedi. Du nombre de manifestants à l’identité de ceux qui se sont opposés violemment à la police, tout est nature à controverses.

Comme trop souvent, seuls les acteurs institutionnels ont le droit de s’exprimer dans l’arène médiatique. Ministère de l’Intérieur, partis, associations pro et anti-aéroport et mairie s’affrontent dans une bataille de communication qui dessert la compréhension des faits.

Or, j’ai le sentiment que ce qui s’est produit est éminemment plus complexe que ce que Patrick Rimbert (maire de Nantes), Manuel Valls, Cécile Duflot ou Julien Durand (président de l’AcipaAssociation citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. C'est l'association historique de lutte contre la construction de l'aéroport, fondée en novembre 2000.) peuvent ou veulent bien admettre.

J’ai voulu comprendre ce qui se cache derrière les images sensationnelles d’une ville que d’aucuns n’hésitent pas à qualifiée de “dévastée”, sans avoir peur du poids des mots.

Qu’est-ce qui a déclenché cette violence ?

Il y avait-il vraiment des “blacks blocs venus de l’étranger” face aux policiers ?

Les manifestants condamnent-ils unanimement les dégradations urbaines ?

Je n’étais pas à Nantes samedi. Je connais bien la ville, sa géographie, son histoire sociale. Je m’intéresse de près à l’affaire Notre-Dame-des-Landes et j’ai eu envie de savoir ce qui s’est déroulé.

Il s’agit d’une démarche à l’origine personnelle, dont les témoignages reccueillis relèvent, je le crois, de l’intérêt général.

Cinq témoignages pour éclairer

J’ai demandé à cinq personnes en qui j’ai confiance et qui manifestaient à Nantes de me raconter ce qu’elles ont vu et ressenti. Je les ai prévenues que je publierai ici leur point de vue.

Ce sont donc cinq vérités que je vous livre. Elles se recoupent souvent dans la description et s’opposent parfois frontalement dans l’interprétation des violences.

Je suis convaincu que dans un conflit social, toutes les paroles méritent d’être entendues. Vous, lecteurs, n’êtes pas dénués d’esprit critique.

C’est en toute conscience que j’ai décidé de publier le témoignage brut d’un manifestant qui a pris part aux violences, parce que je le crois aussi sincère que les autres. Sans volonté de légitimer cette parole, mais sans vouloir la discréditer a priori.

Il ne s’agit pas de l’aboutissement d’une enquête. Tous ces témoignages en constituent plutôt la fondation. Ils complètent le film de la journée tourné et monté sans commentaire par Gaspard Glanz pour Rennes TV.

Félix - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationMaxence - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationRaphaël - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationSéverine - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationClément - Bandeau Nantes NDDL - La Déviation

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