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Ils racontent la manif de Nantes de l’intérieur

Séverine*, 24 ans, étudiante

Qu’est-ce qui t’a poussé à participer à la manifestation ?

Il allait de soi que j’allais m’y rendre en tant que nantaise opposée à la construction de cet aéroport, et à l’évacuation & la destruction de la Zad !

Dans quel état d’esprit t’y es-tu rendue ?

Je suis venue avec la certitude de revoir plein de monde, de vivre une manif pleine de créativité et de passer des moments fraternels, qui soudent les gens dans un combat commun – un combat presque gagné, je le crois !

Comme beaucoup, j’avais en tête la grande et longue manif du 24 mars 2012, cours des 50 Otages, qui nous a tous tellement marquée. Je m’attendais donc à revivre quelque chose de comparable, qui mette la patate pour des semaines !

Qui étaient les participants autour de toi, l’ambiance du défilé, les slogans entendus… ?

Comme prévu, j’ai croisé beaucoup de têtes connues, des jeunes, des moins jeunes, des couples d’amis avec leurs enfants, des encartés et des anars, des militants historiques et des Nantais dont c’était la première manif, mais aussi des gens qui venaient de plus loin.

Je n’ai vu aucun des responsables politiques qui étaient là.

Pancartes - Manifestation 22 février 2014 Nantes NDDL - Crédits Pierre-Alain Dorange - La Déviation

Ma fille ne sachant pas encore marcher, et vu l’ampleur attendue de la manif, j’ai préféré pour une fois ne pas l’emmener, histoire de ne pas me coltiner la poussette et d’être plus libre de mes mouvements, aller discuter avec les uns et les autres, aller voir au-devant ce qu’il se passe…

J’ai aperçu des gens sortir de l’agence Vinci avec une plante verte qu’ils avaient “libérée”, ça m’a fait rire. J’étais étonnée qu’on ait pu s’y introduire.

J’ai regardé passer les tracteurs en imaginant l’étonnement des automobilistes, le magnifique char salamandre, les banderoles accrochées aux immeubles, les collages, les pochoirs et les graffs… en défilant rue de Strasbourg, j’ai aperçu des gens sortir de l’agence Vinci avec une plante verte qu’ils avaient “libérée”, ça m’a fait rire. J’étais étonnée qu’on ait pu s’y introduire, au vu du dispositif policier devant le local du PS, le matin.

J’ai ensuite vu, de loin, un engin de chantier brûler dans le square Mercoeur, qui connaît lui aussi un “réaménagement” organisé par Vinci, et qui avait vu condamner des zadistes perchés dans ses arbres en 2011.

Par moments, on entendait surtout la batucada et les différentes fanfares présentes, les slogans les plus scandés étaient les traditionnels “Vinci, dégage, résistance et sabotage”, “P comme pourri et S comme salaud”, “non, non, non à l’aéroport”.

On m’a distribué différents tracts, dont un inventaire des espèces menacées, répertoriées par les naturalistes en lutte et un autre encourageant à “adopter un sous-traitant” de la multinationale Vinci. Beaucoup de gens proposaient des journaux indépendants.

Quel parcours as-tu suivi dans Nantes, de quelle heure à quelle heure ?

J’ai suivi le parcours prévu, on m’a raconté assez tard que certains s’étaient rabattus vers le sud. Je me suis beaucoup déplacée pour saluer des amis, avant de rejoindre les banderoles anticapitalistes.

À mon arrivée devant le cours des 50 Otages, je crois que la queue de cortège venait de commencer à défiler. J’étais sur le trottoir d’en face (devant la pizzeria) donc à, au moins, une cinquantaine de mètres des grilles.

Tracteur - Manifestation 22 février 2014 Nantes NDDL - Crédits Pierre-Alain Dorange - La Déviation

À quel moment ont commencé les affrontements ?

C’est à ce moment-là, quand nous sommes arrivés devant le Cours, que les autorités ont préventivement actionné leurs canons à eau avec lesquels ils diffusaient des gaz lacrymogènes (1). L’espace entre la grille placée à Commerce, au début du cours – derrière laquelle ils semblaient se tenir en masse – et l’endroit où je me tenais s’est vidé d’un coup.

Je me suis alors retrouvée en première ligne sans même le savoir quand ils ont envoyé les premières grenades.

Moi qui m’étais retournée, le visage dans le foulard en soie d’une copine, je me suis alors retrouvée en première ligne sans même le savoir quand ils ont envoyé les premières grenades. À croire qu’au bout d’à peine une heure, la manifestation, qui regroupait plusieurs dizaines de milliers de personnes, était censée se terminer, selon le préfet. Je n’avais jamais vu ça à Nantes.

Est-ce prévu/prévisible, prémédité ?

Si des affrontements avec la police en marge ou en fin de manifestations s’étaient déjà vus, personne ne pouvait s’attendre à ce qu’il s’est passé. Pour reprendre les termes d’une copine, à partir de ce moment-là, on a vécu une véritable “émeute familiale” qui a duré plusieurs heures.

Les gens de tout âge qui étaient venus du fait que la manif se voulait populaire, familiale… ont été tellement excédés par l’interdiction des trois-quarts du parcours et par la répression qu’ils ont choisi de résister, de rester face à la police, parfois en première ligne (auprès des clowns qui ont été formidables).

Commerce-Manifestation-22-février-2014-Nantes-NDDL-Crédits-Sébastien-Hermann-La-Déviation

J’ai encore du mal à comprendre la stratégie policière de ce samedi, mais je pense que, côté manifestant, même les plus rodés et préparés à la répression ne s’attendaient pas à ça.

Très peu avaient de quoi répondre aux tirs de grenade et de flashball, et parmi ceux-là encore, la plupart se servaient de ce qu’ils trouvaient dans leur environnement immédiat (canettes, plus tard pavés, mobilier) ou renvoyaient directement les grenades de l’envoyeur.

Comme je n’ai vu personne envoyer de cocktail molotov ou toute autre chose qui j’imagine se préparent plutôt à l’avance, je ne pense pas que la tournure des événements ait réellement été préméditée par les manifestants.

Où étais-tu pendant que ça bardait et peux-tu décrire les affrontements ?

Comme je le disais plus haut, j’étais d’abord sur le trottoir en face des grilles. Je me suis placée ensuite un peu plus loin des lacrymos sur la rue Duguay-Trouin. J’étais un peu plus près, cour Flanklin Roosevelt, quand le feu s’est répandu dans les cabanes de la Semitan.

Des gens racontaient autour de moi que ça aurait pu être dangereux, et qu’il aurait été plus malin de se concentrer sur le commissariat. Quelqu’un derrière moi a brisé une vitrine.

Au bout d’un moment, les affrontements se sont en partie déportés sur le square Fleuriot (la place avec la fontaine près de la place Commerce). Après la manif, des proches m’ont raconté qu’ils y avaient été bloqués.

Des gens avaient dressé une barricade et dépavaient la rue parallèle au même moment.

Je suis ensuite allée voir ce qu’il se passait de l’autre côté de la rue, en passant par la place de la Petite Hollande. L’ambiance était toujours à la fête. Je me suis approché des pelouses du quai Turrenne et j’ai vu les canons à eau qui avançaient. J’ai aussi vu un blessé, le visage ensanglanté. Des gens avaient dressé une barricade et dépavaient la rue parallèle au même moment.

Les corps de police (gendarmes mobiles, CRS, Compagnie départementale d’intervention et d’autres que je n’ai pas reconnus – on m’a dit des Équipes régionales d’intervention et de sécurité) tentaient encore de nous faire reculer. On se demandait s’ils allaient nous éloigner comme ça jusqu’à Atlantis.

Quai-Turenne-canon-à-eau-blindé-Manifestation-22-février-2014-Nantes-NDDL-Crédits-Sébastien-Hermann

Ils nous lançaient des grenades comme si leurs munitions étaient illimitées, et je regardais sans cesse en l’air, de peur de ne pas les voir arriver et d’être touché par des éclats. Je les voyais tomber sur des gens devant moi, parfois derrière moi.

Un ami a été blessé par un tir de flashball.

La stratégie des policiers avec les grenades semblait consister à les lancer le plus loin possible, pour que ceux à l’avant ne puissent pas reculer. Ceux à l’arrière étaient donc, finalement, les premiers touchés. J’ai d’ailleurs été impressionnée de la distance (peut-être 250 m) à laquelle elles pouvaient être envoyées.

Un ami a été blessé par un tir de flashball (à l’aine), j’ai vu de nombreuses blessures, mais je ne crois pas avoir vu de balle sur l’instant. Il était parfois difficile de distinguer ce qui arrivait, de plus les nuages de lacrymo recouvraient tout.

Souvent, avec des amies, on courrait, les yeux fermés, en se tenant les mains les unes les autres. Jusqu’à ce que ça passe et que ça recommence, un peu plus loin. On voulait rester, le plus possible.

Ils ont réussi à nous repousser comme ça, petit à petit, vers le square Daviais, jusqu’au bout du parking de la Petite Hollande. Parfois, eux aussi reculaient, et les clowns lançaient “on a gagné !”. Quand je suis partie peu après 18 h 30, il y avait encore beaucoup de monde sur le parking, et j’ai croisé un homme avec un bandeau ensanglanté sur son œil.

Quelle est ton opinion sur le dispositif policier (par rapport à d’habitude) ?

Je n’ai personnellement jamais vu un tel dispositif sur Nantes, ni même ailleurs (y compris sur le contre-G20 de Nice…) : toutes les forces de police et de gendarmerie possibles et imaginables étaient présentes. De plus, le stock de munitions devait être affolant.

Séverine-Manifestation-Nantes-NDDL-22-février-2014-Crédits-Sébastien-Hermann-La-Déviation

Concernant les blessés, l’équipe médic fait état de treize blessés par flashball au visage, je crois qu’on tient là un triste record français, Outre-Mer compris. C’est une chance qu’il n’y ait pas eu de mort !

Aussi, j’aimerais que les médias, si prompts à chiffrer la casse, n’oublient pas de faire le décompte de l’intégralité des coûts liés à la répression.

Quelle est ton opinion sur les affrontements ?

J’ai été agréablement surprise par la compréhension dont faisaient preuve les gens de tout âge envers ceux qui allaient au-devant la police : il y avait un esprit unitaire, car nous étions tous attaqués et si, bien sûr, tout le monde n’allait pas au charbon (loin de là, notamment moi-même !) tout le monde, sur place, semblait comprendre la légitimité de se défendre… cela contraste d’ailleurs avec les réactions des non-manifestants, le lendemain.

*Le nom a été modifié. Les liens hypertextes et exergues ont été ajoutés par l’éditeur. Les photos sont de Sébastien Hermann (Flickr, CC) et Pierre-Alain Dorange (Flickr, CC)

(1) L’ajout de gaz lacrymogène dans l’eau projetée par les canons est possible. Cependant, leur emploi à Nantes est soumis à controverse.

Félix - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationMaxence - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationRaphaël - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationClément - Bandeau Nantes NDDL - La DéviationMenu - Bandeau Nantes NDDL - La Déviation

Par Sylvain Ernault

Journaliste professionnel basé à Lannion, dans les Côtes-d'Armor, j'ai cofondé le média d'enquêtes « Splann ! » afin d'éclaircir les zones d'ombre de la société bretonne. Sur « La Déviation », j'écris sur les luttes sociales, les atteintes à l'environnement et parfois, encore, sur les festivals. Vous pouvez suivre ma revue de presse quotidienne à travers mes profils sur les réseaux sociaux.

14 réponses sur « Ils racontent la manif de Nantes de l’intérieur »

Ma réflexion étant en cours, je poste mes observations dans les commentaires. Comme en plus je n’étais pas sur le terrain samedi, je pense que c’est leur place.

Après avoir publié ces témoignages, dont je répète assurer la crédibilité, visionné un bon paquet de longues vidéos, lu d’autres témoignages de manifestants et de journalistes, certains points me paraissent clairs :

1. La police a recouru de façon disproportionnée à la force en passant à l’offensive avec des armes potentiellement létales alors que la situation n’était pas insurrectionnelle (près du CHU notamment).

2. Il n’y avait pas de “black bloc”, du moins pas dans les proportions des 3 et 4 avril 2009 à Strasbourg lors du sommet de l’Otan. Ceux qui ont affronté les forces de l’ordre ne constituaient pas un mouvement organisé et si certains avaient prémédité des casses, d’autres paraissent avoir surtout agi en réaction au déploiement policier inédit de mémoire de syndicaliste. Contrairement à ce que dit la préfecture de Loire-Atlantique et le ministère de l’Intérieur, il n’y avait pas 1.000 casseurs.

3. Les dégradations sont politiques car ciblées : agences de voyage, bâtiments publics ou semi-publics (pour les transports en commun), représentation de Vinci en ville. Les commerces n’ayant pas de lien, même symbolique, avec le projet d’aéroport, sont laissés intacts.

4. Des milliers de manifestants, majoritairement pacifistes, ont refusé les incitations à la dispersion de la police (c’est d’autant plus clair dans cet extrait : http://youtu.be/Ve7A8AWFIt0?t=14m16s). Les dégradations et incendies sur l’agence Vinci et sur une pelle de chantier se sont déroulés en début de cortège, sans trop choquer la foule qui passait à proximité. La dégradation du matériel de la société de transport publique a néanmoins été condamnée au moment où elle se produisait.

5. 1.500 policiers et gendarmes, dont le GIPN selon Mediapart, étaient déployés. De quoi contrôler une manifestation de 100.000 personnes. Or, les manifestants étaient au plus 50.000 et la police n’a pas “maintenu l’ordre”. Le Figaro parle de 1.300 policiers qui ont tiré 1.760 grenades lacrymogènes, soit 10.560 palets : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/27/01016-20140227ARTFIG00370-casseurs-de-nantes-l-etau-se-resserre.php

D’où de nouvelles questions :

Est-ce que le recours à la violence de la part des manifestants devient légitime pour une part grandissante des personnes opposées au projet ? Cela expliquerait la volonté de rester face aux policiers qui avançaient samedi.

Quelles étaient les consignes de la police et à quoi s’attendait le préfet en barricadant de façon spectaculaire l’entrée du cours des 50 Otages ?

Et de nouvelles observations :

Le traitement médiatique de l’événement s’est fait massivement en faveur du ministère de l’Intérieur. La parole de Manuel Valls, accessoirement favorable au projet d’aéroport, n’a pas été mise en doute. Les appels à témoins de la police ont été relayés dans la presse.

Le débat autour de la présence des écologistes au gouvernement me paraît bien accessoire étant donné que par nature, les organisateurs de la manifestation ne peuvent contrôler des personnes autonomes. Il n’y a pas de lien organique avec EELV, alors comment les exclure ? Ecoutez à ce sujet l’analyse de la sociologique Virginie Grandhomme : http://www.youtube.com/watch?v=Y07IRf3N_98

Il me paraît plus intéressant aujourd’hui de se demander si le pacifisme n’en prendrait pas un sérieux coup dans l’aile, dans un pays en déficit démocratique et où 61 % des jeunes se disent prêt à participer à une “révolte de grande ampleur”, selon l’étude Génération quoi (210.000 sondés sur internet, parmi les personnes de 181 à 34 ans – http://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/25/frustree-la-jeunesse-francaise-reve-d-en-decoudre_4372879_1698637.html)

Du reste, une intervention pour déloger les occupants de la Zad paraît extrêmement risquée à tout point de vue.

Discuter de la violence en général comme si c’était un fait décontextualisé ça me parait particulièrement risqué que ce soit pour la légitimer ou pour la condamner. La violence a des raisons, c’est un moyen comme un autre.
Je doute qu’on puisse comprendre la violence avec une approche revendicative. La violence n’est pas là pour faire pression sur le gouvernement car cela signifierait s’en remettre au gouvernement – ou une autre institution peu importe – pour prendre des décisions alors que nous voulons la mort de l’état – et pas un “état plus démocratique”.
La casse c’est comme une vengeance de notre impuissance dans notre quotidien face aux forces qui le régissent. On profite de l’anonymat de la foule, de la difficulté pour les mécanismes de coercition de la contrôler afin de transgresser la loi, comme pour provoquer. Parce qu’on ne croit rien de possible dans le cadre légal.
Il y a une désillusion pas toujours théorisée mais d’après moi parfaitement justifiée. Désillusion vis-à-vis des syndicats et de leur service d’ordre, vis-à-vis des partis et de leur parlementarisme, vis-à-vis de l’état, de ses flics et de ses énarques… En tout cas c’est comme ça que je comprends ma violence. Ce n’est pas un avertissement, c’est un spasme d’indépendance. On ne répond pas à des erreurs, on s’en sert comme justification pour se révolter contre toute l’oppression qui pèse sur nos épaules chaque jour.

Merci pour ces témoignanges ! Etant plus du coté des “violents” que des “pacifistes”, je trouve qu’il manque tout de même la question du refus de l’autorité “en général” et le refus de l’autorité “sociale” (c’est à dire l’image “spectaculaire”) pour les manifestants.

C’est dommage car ça permet aussi de mieux comprendre la violence, le fait que certains manifestants aient une conscience différente des évenements et pensent que c’est une minorité qui doit lutter contre une majorité, et qui refusent l’idéalisme, donc qu’ils se fichent un peu de l’image qu’ils peuvent donner.

Je crois que les deux derniers manifestants qui témoignent ont un regard très critique envers l’autorité sociale, qui veut que les manifestations soient, en France, depuis les années 1980, pacifiques.

Suite à la manifestation nantaise, la notion de pacifisme est discutée sur ce blog, http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1700 et sur de nombreuses pages Facebbok, ce qui semble montrer que parmi les militants écologistes, les actions radicales et illégales ne sont pas exclues.

Un des slogans scandé, taggé et mis en pratique samedi n’était-il pas “Vinci, dégage, résistance et sabotage” ?

Certaines prises de parole à la tribune allaient dans ce sens et étaient applaudies.

Selon cet article du Monde, il y a ceux qui veulent “condamener”, ceux qui veulent “déplorer” (http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/02/28/notre-dame-des-landes-les-opposants-veulent-un-front-uni_4374972_3244.html#xtor=AL-32280515), je rajouterai ceux qui veulent “justifier”. Le débat est houleux, mais dans la boue de NDDL toutes les composantes du mouvement restent unies (agriculteurs, zadistes souvent anarchistes, population locale).

Cette question n’est pas propre au mouvement écologique. Le mouvement des Bonnets rouges a donné lieu à des dégradations de biens et des affrontements avec les représentants de l’Etat, les séquestrations de patrons sont courantes, etc. Greenpeace mène des actions coups de poing.

La question se pose d’ailleurs à chaque mouvement de grande ampleur où la jeunesse est présente, CPE, LRU, retraites… Même si les organisations, les syndicats et les partis, n’ont jamais revendiqué d’actions violentes, ce qui les éloignerait des institutions !

Je crois vraiment que plutôt que se demander si EELV a sa place au gouvernement, alors que ce parti ne structure pas la lutte de NDDL (enjeu politicien), la manifestation de Nantes met un enjeu plus important sur la table :

Jusqu’à quand les manifestants resteront majoritairement pacifistes ? Est-ce qu’une guérilla rurale serait populaire ?

Allons plus loin. Les manifestants anti-NDDL ne refusent plus la violence car ils savent que sans la défense au corps à corps de la Zad lors de l’intervention César, il n’y aurait déjà plus de lutte.

“Nous sommes nombreux à l’avoir constaté : si, le 22, il a bien dû y avoir quelques propos hostiles aux « casseurs », nous n’avons pas eu l’occasion d’en entendre, ni chez les manifestants de base, ni chez les paysans sur leurs tracteurs qui attendaient tranquillement en regardant l’action, ni chez les dizaines, peut-être les centaines, de personnes qui ont pris les dégâts en photo, ni chez les milliers qui suivaient en retrait les affrontements. S’affirmait là une forme de complicité implicite, peut-être même pour nombre d’entre nous une forme de lutte par procuration. Cette attitude s’explique par la compréhension de ce que tant de commentateurs refusent de voir, et que Nicolino a bien exprimé : l’affrontement avec la police et le refus de se laisser intimider par l’appareil guerrier de l’État ont été essentiels dans le succès de la lutte jusqu’à présent. Aurait-on tant parlé de la manif de Nantes si elle s’était cantonnée à parcourir le trajet imposé en scandant des slogans et en souriant aux caméras ? Dans ce mouvement comme dans tant d’autres auparavant, les épisodes de bagarre concourent à exercer une pression sur le gouvernement. Quel que soit le peu de sympathie que beaucoup de Nantais éprouvent pour les « casseurs », le fait que l’obstination de l’ancien maire à construire son aéroport entraîne tant de désordres ne joue pas en sa faveur. La solidarité avec les interpellés et les condamnés est donc essentielle.”

http://www.article11.info/?Retour-a-Nantes-Reflexions-autour#forum38203

Il faut aussi verser à la réflexion ce texte de Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l’extrême droite, qui revient sur l’histoire de l’usage de la violence par les groupes politiques.

Il ne s’agit pas de mettre les extrêmes sur un pied d’égalité, mais de montrer que la violence des extrêmes correspond à un contexte.

“La violence des extrémistes ne serait alors que la version brutale, saisissante, de cette sinistrose induite par une société réduite au consumérisme, sans récit historique ni projet politique, où l’Etat n’influe pas sur l’économique. Comme l’électeur, mais autrement. Les radicaux ne réclament-ils pas un retour du politique et un sens commun? Cela met nettement moins à l’aise que de ressasser les thèmes du «deux poids, deux mesures» et de la «violence des extrêmes».”

http://www.slate.fr/story/83941/ultra-gauche-extreme-droite-radicale

Si le gouvernement fait confiance aux mêmes agents de renseignements que ceux qui avaient travaillé sur Julien Coupat, ça nous situe le niveau de crédibilité de leur histoire de black blocs allemands.

Valls qui pointe des casseurs zadistes, Auxiette et la droite qui demandent l’évacuation de la Zad, la boucle est bouclée.

Une émeute dégénère à Nantes

La journée avait pourtant commencé dans une ambiance bon enfant : au moins deux engins de chantier incendiés; une agence Vinci saccagée; des policiers harcelés. Les émeutiers s’en prennant également à la mairie, un poste de police et plusieurs magasins du centre-ville.

Or dans la journée, plusieurs centaines de personnes ont convergé vers la ville dans la claire intention de manifester pacifiquement. « Ces agissements sont inacceptables » s’est empressé de dénoncer un porte parole des insurgés et membre du collectif People VS Nantes, « la présence de la gauche organisée en cortège au sein de nos émeutes est inadmissible. Il ne fait aucun doute qu’ils sont venus de toute la France et de l’étranger uniquement dans le but de scander des slogans, brandir des banderoles et ne pas s’en prendre au mobilier urbain. Nous ne les laisserons pas gâcher notre fête. »

La suite : http://juralib.noblogs.org/

Tout est question de point de vue ;)

Adieu les jeunes moyens, les pires de tous
Ces baltringues supportent pas la moindre petite secousse
Adieu les fils de bourges
Qui possèdent tout mais n’savent pas quoi en faire
Donne leur l’Éden, ils t’en font un Enfer
Adieu tous ces profs dépressifs
T’as raté ta propre vie, comment tu comptes élever mes fils ?
Adieu les grévistes et leur CGT
Qui passent moins d’temps à chercher des solutions qu’des slogans pétés
Qui fouettent la défaite du survêt’ au visage
Transforment n’importe quelle manif’ en fête au village
Adieu les journalistes qui font dire c’qu’ils veulent aux images
Vendraient leur propre mère pour écouler quelques tirages
Adieu la ménagère devant son écran
Prête à gober la merde qu’on lui jette entre les dents
Qui pose pas d’questions tant qu’elle consomme
Qui s’étonne même plus d’se faire cogner par son homme
Adieu ces associations bien-pensantes
Ces dictateurs de la bonne conscience
Bien contents qu’on leur fasse du tort
C’est à celui qui condamnera l’plus fort

Le site d’info écolo Reporterre propose un compte rendu minuté de la manifestation, qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur celle-ci.

C’est une synthèse de divers témoignages, de personnes se trouvant à différents endroits simultanément.

http://www.reporterre.net/spip.php?article5482

On y retrouve les observations faites par nos cinq sources.

En résumé, le cortège s’est scindé en deux. Alors que la tête, partie de la préfecture, comprenant les organisateurs et les politiques, s’est dirigée vers l’île de Nantes (parcours pensé quelques heures auparavant, lire “Maxence”), le corps du cortège, allant moins vite, a stagné au niveau du CHU.

Ne sachant pas par où aller, une partie des manifestants s’est retrouvée face aux grilles anti-émeutes dressées devant le cours des 50 Otages (lire “Séverine”). Ce cours est un passage traditionnel des manifestations. En colère, des manifestants ont tambouriné sur la grille. Des objets ont été lancés sur les CRS se trouvant derrière. Ceux-ci ont répondu par des jets de lacrymo et l’usage des canons à eau (très rarement déployés à Nantes, mais ça c’était avant).

Au même moment, des groupes mobiles de quelques dizaines de personnes au plus, sont arrivés devant les barrières de police. Ce sont eux, qualifiés de “black blocs” qui ont poursuivi le harcèlement en utilisant des armes plus dangereuses que des œufs de peinture (pavés, chariots en feu, feux d’artifice, fumigènes).

Ces groupes avaient déjà saccagés une agence Vinci (rue de Strasbourg), mis le feu à une foreuse (Boufay), lancés des câbles lestés sur les voix de chemin de fer et attaqué le commissariat se trouvant près du CHU.

Les affrontements se sont propagés dans diverses rues et squares, jusqu’à s’arrêter lorsque la police a repoussé les derniers manifestants sur le parking de la Petite Hollande, face à la Médiathèque, vers 18 h (lire Clément et Séverine).

Pendant ce temps, les commerces continuaient à tourner en centre-ville. Pendant longtemps, des manifestants ont dansé à quelques centaines de mètres des affrontements, dans une atmosphère toxique (lire Maxence).

L’auteur de l’article note sur les affrontements :

“Mais sur tout le cours Franklin Roosevelt, il y a des centaines de personnes, peut-être des milliers, qui regardent ce qui se passe, par curiosité et avec une certaine empathie.” (lire Félix et Raphaël)

Bilan des blessés :

Manifestants : 50 blessures dont 13 au visage (cause flashball, grenades assourdissantes et matraques). (source : équipe médicale de la Zad)

Policiers et gendarmes : 10 blessés “passés par l’hôpital”, selon le préfet.

Rien ne permet formellement de dire que ceux qui ont affrontés la police le plus violemment sur des occupants (ou squatteurs) de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. C’est pourtant le discours du ministère de l’Intérieur depuis le premier soir, qui sert d’argument à ceux qui veulent reprendre la Zad pour commencer les travaux (comme Jacques Auxiette, le président de région).

D’ailleurs, beaucoup de questions restent posées :

Pourquoi les organisateurs n’avaient pas prévu de service d’ordre ou des relais guidant les manifestants sur le parcours ?

Pourquoi le bar-concert Le Chat Noir (nom équivoque) a été attaqué, alors que les autres cibles étaient des bâtiments publics, des banques, agences de voyage ou l’agence Vinci ? https://www.facebook.com/photo.php?fbid=635175949883016&set=a.128676927199590.22587.128533713880578&type=1&stream_ref=10

Pourquoi la police a fait un usage disproportionné de la force quand elle s’est trouvée face à des manifestants pacifiques (devant le CHU notamment), entraînant plusieurs blessures graves, dont parmi eux deux journalistes parfaitement identifiés ?

Pourquoi les autorités ont préféré faire passer la manifestation rue étroite de Strasbourg, où se trouve une agence Vinci, plutôt que sur le cours des 50 Otages, beaucoup plus large et contrôlable.

Quel est le sens des déclarations exagérées sur l’état de la ville de Nantes par des élus (champ lexical de la guerre : “guerilla urbaine”, “saccage”, “black bloc”, etc.) ? Pour cette dernière question, il semble que le bar n’était pas une cible, mais les policiers qui se trouvaient à côté. Plusieurs personnes parlent de “tirs foireux” sur Facebook.

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