Maxence*, étudiant, 23 ans
Qu’est-ce qui t’a poussé à participer à la manifestation ?
Pour soutenir les paysans, et parce que le projet est, de toute façon, la promesse d’un désastre écologique et d’un gaspillage économique.
Dans quel état d’esprit t’y es-tu rendu ?
Détendu, ça faisait longtemps que je n’avais pas fait de manif. Mes jambes avaient d’ailleurs oublié l’effet qu’elles font…
Qui étaient les participants autour de toi, l’ambiance du défilé, les slogans entendus… ?
Les organisateurs avaient voulu une manifestation pacifique, festive et familiale, et c’est effectivement ce qu’il y a eu. Une troupe de clowns pastichait le projet (« Non à l’aéroport, Oui au spatioport … »), quelques policiers sur le chemin, plutôt souriants ceux-ci, mais pas de heurts majeurs. Les slogans étaient classiques, « Non à l’aéroport ! », « Zone à Défendre », plus amusant aussi un « On lâchera rien ! » (vu la récupération du verbe qu’a fait la « Manif’ pour Tous »…).
Une fois arrivés sur le parking de la Petite Hollande et autour du square Daviais, les manifestants s’arrêtaient et pour la plupart, partageaient boissons (alcoolisées ou non) et sandwichs avec les autres, une sorte de pique-nique citadin en somme.
Quel parcours as-tu suivi dans Nantes, de quelle heure à quelle heure ?
Je suis arrivé vers 14 h 30, j’ai pris le cortège à Hôtel-Dieu. J’ai appris, le lendemain seulement, qu’il avait commencé à 50 Otages et que des heurts avaient déjà eu lieu là bas. On a filé vers l’île de Nantes, contourné le tribunal (il était bloqué, lui aussi, par des camions de CRS), traversé le pont Anne-de-Bretagne pour rejoindre Commerce. Il était environ 16 h quand je suis arrivé sur le cours Franklin Roosevelt (le carrefour des lignes de tram).
À quel moment as-tu remarqué des affrontements ?
J’ai remarqué les affrontements dès que je suis arrivé sur le Cours. Je voyais déjà les canons à eau tirer de loin. En s’approchant, on a senti les relents de lacrymogène dans l’air, mélangés à l’eau et il n’a pas fallu longtemps pour qu’on entende les premières grenades assourdissantes.
Jamais le centre de Nantes n’avait été bloqué pour une manifestation. Même les plus pacifistes en étaient frustrés.
Est-ce que tu le pressentais ?
Évidemment, c’était une évidence. Jamais le centre de Nantes n’avait été bloqué pour une manifestation. Même les plus pacifistes en étaient frustrés, et vu l’ampleur de la manifestation les casseurs allaient évidemment en profiter pour faire ce qu’ils préfèrent.
Où étais-tu pendant que ça bardait ?
J’étais, en plein cœur du feu, c’est le cas de le dire. J’ai commencé par aller prendre en photo le dispositif (très exceptionnel) mis en place par la police. Très foucaldien par ailleurs, pour le citer, il ne servait qu’à « surveiller et punir », très dictatorial.
Peux-tu décrire les affrontements ?
J’ai su après que les premiers heurts à Commerce avaient commencé assez tranquillement. Les tracteurs s’étaient postés devant le mur de plexiglas monté pour l’occasion et des manifestants tapaient dessus.
Leur seul objectif ? Faire du bruit.
S’ils avaient voulu casser, ils leur suffisait d’aligner les tracteurs et de charger ; les forces de l’ordre auraient eu bien du mal à tenir le choc. Or, ces derniers, plutôt que de rester tranquille, ont allumé les canons à eau et lancé les premières grenades lacrymogènes, une réaction plus que disproportionnée !
Par la suite sont arrivés ce qui pourrait ressembler à des « militants anarchistes », même si je répugne à employer le mot, pour les avoir entendu, je doute qu’ils en sachent beaucoup sur l’anarchie (les tracteurs postés devant les forces de l’ordre avaient déjà reculé, ils ne voulaient probablement pas qu’on les mêlent aux violences).
Probablement la frange dure du mouvement (ceux qui ont tenu pendant des mois le terrain à défendre…), ils étaient là pour « casser du flic ». Ils ont traditionnellement déterré les pavés et commencé à bombarder les miliciens en armure.
Ce ne sont pas ici des casseurs pas essence, l’utilité de la violence dans les mouvements contestataires est un autre débat. Mais ils ont rapidement été rejoints par des casseurs, qui avaient ramené marteaux, merlins, masques à gaz, voire scies. Ils ont, eux, commencé à démolir les vitrines.
Les militants (les vrais) ont commencé à leur crier d’arrêter car ils décrédibilisaient le mouvement, mais ils n’ont fait que casser plus. Ils ont saccagé la boutique de la Tan (Transport de l’agglomération nantaise, NDLR) et lancé le mobilier sur les policiers (accompagnés, notons-le, de gendarmes, une belle preuve de coopération inter-services…).
Mais ils avaient des armes, étaient clairement violents, j’ai entendu distinctement l’un d’eux dire « on s’en fout, nous, de l’aéroport ! On est là pour casser ! ».
Contrairement à ce qu’a dit Manuel Valls, les casseurs n’étaient sûrement pas 1.000. [Plutôt] entre 200 et 300.
À ce moment-là, je tiens à préciser quelque chose : contrairement à ce qu’à dit Manuel Valls, ils n’étaient sûrement pas 1.000. On s’approche bien plus du nombre qu’a évoqué Françoise Verchère (conseillère générale PG, opposée au projet d’aéroport, NDLR) sur BFM TV (pourtant rarement du côté « gaucho »), entre 200 et 300 casseurs.
Les incendies ont commencé à prendre de l’ampleur (des structures qu’on croyait en acier étaient en fait majoritairement faites de bois). Pourtant, les forces de l’ordre, qui disposaient de puissants canons à eau, n’ont pas cru bon de sortir pour aller éteindre le feu.
Pendant plus d’une heure et demie, ils sont restés derrière leur mur, à lancer de l’eau et des grenades lacrymogènes sur la FOULE, foule qui contenait enfants et personnes âgées, puisque la manifestation se devait d’être familiale…
Avec des murailles montées sur les axes principaux pour empêcher la manifestation de passer, le résultat était prévisible.
Les casseurs ont continué à briser des vitrines et à incendier des poubelles. Vers 18 h, les CRS ont fini par réussir à les arrêter. La foule s’est dissipée. Toute circulation, même piétonne, a été interdite ce samedi soir dans le centre de Nantes.
Quelle est ton opinion sur le dispositif policier ?
Le dispositif était de très loin disproportionné par rapport à une manifestation qui se promettait d’être violente. On n’a pas affaire ici à de la protection de biens et de personnes, mais bien à de la provocation. La mise en état de siège d’une ville pour mettre en colère sa population est une technique vieille comme la guerre (Sun Tzu en parlait déjà…). C’est clairement ce que j’ai vu.
Avec des murailles montées sur les axes principaux pour empêcher la manifestation de passer, le résultat était prévisible : les plus hargneux étaient bloqués dans une nasse entre les CRS, et le reste de la manifestation, elle, pacifique. Dans une manifestation standard, les casseurs sont rapidement dispersés sur les côtés et attrapés par petits groupes par la police.
Ici, il avaient tout le loisir de s’organiser, puisqu’ils restaient au même endroit, et, tels de petits poteaux obéissants, police et gendarmerie ne bougeaient pas pour les arrêter. Y a t-il besoin de rappeler qu’ils sont ici pour défendre la population, manifestants compris ?
J’ai vu des blessés chez les manifestants, que les médias n’ont pas rapporté (je me fiche des blessés chez les anti-émeutiers, ça fait parti de leur travail, soyons réaliste).
Des policiers de toute la France ont été appelés pour cette manifestation, c’était une exagération évidente du risque, alors qu’en novembre 2012, une manifestation déjà de grande ampleur, n’avait pas fait plus de violence qu’à l’accoutumée (le dispositif était le même que d’habitude…).
Je ne sais pas si les casseurs ont été poussés par des « policiers infiltrés », je ne suis ni médium, ni au Siècle (club de réflexion parisien, NDLR), mais la provocation du ministère de l’Intérieur était là, sans aucun doute.
Quelle est ton opinion sur les affrontements ?
Je suis au premier abord contre la violence (comme je crois tout être humain moderne et sensé qui a retenu l’Histoire…). Mais il faut se rendre à l’évidence, contre un gouvernement de plus en plus autoritaire (c’est d’autant plus dur à admettre lorsque le gouvernement est dit socialiste), il faut commencer à se poser la question de la légitimité de la violence face à des forces de l’ordre qui ne remplissent plus l’un de leur premier devoir : se poser la question de la légitimité des ordres qu’ils reçoivent par rapport aux valeurs qu’ils portent.
Il faut néanmoins faire une différence entre les saccages et la lutte contre l’autoritarisme.
Le film Insurgence
Il faut néanmoins faire une différence entre les saccages et la lutte contre l’autoritarisme, je peux être pour le catapultage de pavés, mais je serai toujours contre la dévastation gratuite des biens publics (reconstruit grâce aux impôts par ailleurs).
Il y a sept ans, un lycéen perdait son œil parce qu’un milicien zélé avait tiré au flash-ball dans le visage plutôt que dans les jambes. La police n’a écopé de rien, la famille est aujourd’hui en cours de cassation… Que faire contre un gouvernement qui ne punit plus la barbarie dans ses propres rangs ?
* Le nom a été modifié. Les liens hypertextes et exergues ont été ajoutés par l’éditeur. Les photos ont été prises par l’auteur de ces lignes.
14 réponses sur « Ils racontent la manif de Nantes de l’intérieur »
Rue Kervégan, sous les pavés, du sable.
Ma réflexion étant en cours, je poste mes observations dans les commentaires. Comme en plus je n’étais pas sur le terrain samedi, je pense que c’est leur place.
Après avoir publié ces témoignages, dont je répète assurer la crédibilité, visionné un bon paquet de longues vidéos, lu d’autres témoignages de manifestants et de journalistes, certains points me paraissent clairs :
1. La police a recouru de façon disproportionnée à la force en passant à l’offensive avec des armes potentiellement létales alors que la situation n’était pas insurrectionnelle (près du CHU notamment).
2. Il n’y avait pas de “black bloc”, du moins pas dans les proportions des 3 et 4 avril 2009 à Strasbourg lors du sommet de l’Otan. Ceux qui ont affronté les forces de l’ordre ne constituaient pas un mouvement organisé et si certains avaient prémédité des casses, d’autres paraissent avoir surtout agi en réaction au déploiement policier inédit de mémoire de syndicaliste. Contrairement à ce que dit la préfecture de Loire-Atlantique et le ministère de l’Intérieur, il n’y avait pas 1.000 casseurs.
3. Les dégradations sont politiques car ciblées : agences de voyage, bâtiments publics ou semi-publics (pour les transports en commun), représentation de Vinci en ville. Les commerces n’ayant pas de lien, même symbolique, avec le projet d’aéroport, sont laissés intacts.
4. Des milliers de manifestants, majoritairement pacifistes, ont refusé les incitations à la dispersion de la police (c’est d’autant plus clair dans cet extrait : http://youtu.be/Ve7A8AWFIt0?t=14m16s). Les dégradations et incendies sur l’agence Vinci et sur une pelle de chantier se sont déroulés en début de cortège, sans trop choquer la foule qui passait à proximité. La dégradation du matériel de la société de transport publique a néanmoins été condamnée au moment où elle se produisait.
5. 1.500 policiers et gendarmes, dont le GIPN selon Mediapart, étaient déployés. De quoi contrôler une manifestation de 100.000 personnes. Or, les manifestants étaient au plus 50.000 et la police n’a pas “maintenu l’ordre”. Le Figaro parle de 1.300 policiers qui ont tiré 1.760 grenades lacrymogènes, soit 10.560 palets : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/27/01016-20140227ARTFIG00370-casseurs-de-nantes-l-etau-se-resserre.php
D’où de nouvelles questions :
Est-ce que le recours à la violence de la part des manifestants devient légitime pour une part grandissante des personnes opposées au projet ? Cela expliquerait la volonté de rester face aux policiers qui avançaient samedi.
Quelles étaient les consignes de la police et à quoi s’attendait le préfet en barricadant de façon spectaculaire l’entrée du cours des 50 Otages ?
Et de nouvelles observations :
Le traitement médiatique de l’événement s’est fait massivement en faveur du ministère de l’Intérieur. La parole de Manuel Valls, accessoirement favorable au projet d’aéroport, n’a pas été mise en doute. Les appels à témoins de la police ont été relayés dans la presse.
Le débat autour de la présence des écologistes au gouvernement me paraît bien accessoire étant donné que par nature, les organisateurs de la manifestation ne peuvent contrôler des personnes autonomes. Il n’y a pas de lien organique avec EELV, alors comment les exclure ? Ecoutez à ce sujet l’analyse de la sociologique Virginie Grandhomme : http://www.youtube.com/watch?v=Y07IRf3N_98
Il me paraît plus intéressant aujourd’hui de se demander si le pacifisme n’en prendrait pas un sérieux coup dans l’aile, dans un pays en déficit démocratique et où 61 % des jeunes se disent prêt à participer à une “révolte de grande ampleur”, selon l’étude Génération quoi (210.000 sondés sur internet, parmi les personnes de 181 à 34 ans – http://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/25/frustree-la-jeunesse-francaise-reve-d-en-decoudre_4372879_1698637.html)
Du reste, une intervention pour déloger les occupants de la Zad paraît extrêmement risquée à tout point de vue.
Discuter de la violence en général comme si c’était un fait décontextualisé ça me parait particulièrement risqué que ce soit pour la légitimer ou pour la condamner. La violence a des raisons, c’est un moyen comme un autre.
Je doute qu’on puisse comprendre la violence avec une approche revendicative. La violence n’est pas là pour faire pression sur le gouvernement car cela signifierait s’en remettre au gouvernement – ou une autre institution peu importe – pour prendre des décisions alors que nous voulons la mort de l’état – et pas un “état plus démocratique”.
La casse c’est comme une vengeance de notre impuissance dans notre quotidien face aux forces qui le régissent. On profite de l’anonymat de la foule, de la difficulté pour les mécanismes de coercition de la contrôler afin de transgresser la loi, comme pour provoquer. Parce qu’on ne croit rien de possible dans le cadre légal.
Il y a une désillusion pas toujours théorisée mais d’après moi parfaitement justifiée. Désillusion vis-à-vis des syndicats et de leur service d’ordre, vis-à-vis des partis et de leur parlementarisme, vis-à-vis de l’état, de ses flics et de ses énarques… En tout cas c’est comme ça que je comprends ma violence. Ce n’est pas un avertissement, c’est un spasme d’indépendance. On ne répond pas à des erreurs, on s’en sert comme justification pour se révolter contre toute l’oppression qui pèse sur nos épaules chaque jour.
Merci pour ces témoignanges ! Etant plus du coté des “violents” que des “pacifistes”, je trouve qu’il manque tout de même la question du refus de l’autorité “en général” et le refus de l’autorité “sociale” (c’est à dire l’image “spectaculaire”) pour les manifestants.
C’est dommage car ça permet aussi de mieux comprendre la violence, le fait que certains manifestants aient une conscience différente des évenements et pensent que c’est une minorité qui doit lutter contre une majorité, et qui refusent l’idéalisme, donc qu’ils se fichent un peu de l’image qu’ils peuvent donner.
Je crois que les deux derniers manifestants qui témoignent ont un regard très critique envers l’autorité sociale, qui veut que les manifestations soient, en France, depuis les années 1980, pacifiques.
Suite à la manifestation nantaise, la notion de pacifisme est discutée sur ce blog, http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1700 et sur de nombreuses pages Facebbok, ce qui semble montrer que parmi les militants écologistes, les actions radicales et illégales ne sont pas exclues.
Un des slogans scandé, taggé et mis en pratique samedi n’était-il pas “Vinci, dégage, résistance et sabotage” ?
Certaines prises de parole à la tribune allaient dans ce sens et étaient applaudies.
Selon cet article du Monde, il y a ceux qui veulent “condamener”, ceux qui veulent “déplorer” (http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/02/28/notre-dame-des-landes-les-opposants-veulent-un-front-uni_4374972_3244.html#xtor=AL-32280515), je rajouterai ceux qui veulent “justifier”. Le débat est houleux, mais dans la boue de NDDL toutes les composantes du mouvement restent unies (agriculteurs, zadistes souvent anarchistes, population locale).
Cette question n’est pas propre au mouvement écologique. Le mouvement des Bonnets rouges a donné lieu à des dégradations de biens et des affrontements avec les représentants de l’Etat, les séquestrations de patrons sont courantes, etc. Greenpeace mène des actions coups de poing.
La question se pose d’ailleurs à chaque mouvement de grande ampleur où la jeunesse est présente, CPE, LRU, retraites… Même si les organisations, les syndicats et les partis, n’ont jamais revendiqué d’actions violentes, ce qui les éloignerait des institutions !
Je crois vraiment que plutôt que se demander si EELV a sa place au gouvernement, alors que ce parti ne structure pas la lutte de NDDL (enjeu politicien), la manifestation de Nantes met un enjeu plus important sur la table :
Jusqu’à quand les manifestants resteront majoritairement pacifistes ? Est-ce qu’une guérilla rurale serait populaire ?
Allons plus loin. Les manifestants anti-NDDL ne refusent plus la violence car ils savent que sans la défense au corps à corps de la Zad lors de l’intervention César, il n’y aurait déjà plus de lutte.
“Nous sommes nombreux à l’avoir constaté : si, le 22, il a bien dû y avoir quelques propos hostiles aux « casseurs », nous n’avons pas eu l’occasion d’en entendre, ni chez les manifestants de base, ni chez les paysans sur leurs tracteurs qui attendaient tranquillement en regardant l’action, ni chez les dizaines, peut-être les centaines, de personnes qui ont pris les dégâts en photo, ni chez les milliers qui suivaient en retrait les affrontements. S’affirmait là une forme de complicité implicite, peut-être même pour nombre d’entre nous une forme de lutte par procuration. Cette attitude s’explique par la compréhension de ce que tant de commentateurs refusent de voir, et que Nicolino a bien exprimé : l’affrontement avec la police et le refus de se laisser intimider par l’appareil guerrier de l’État ont été essentiels dans le succès de la lutte jusqu’à présent. Aurait-on tant parlé de la manif de Nantes si elle s’était cantonnée à parcourir le trajet imposé en scandant des slogans et en souriant aux caméras ? Dans ce mouvement comme dans tant d’autres auparavant, les épisodes de bagarre concourent à exercer une pression sur le gouvernement. Quel que soit le peu de sympathie que beaucoup de Nantais éprouvent pour les « casseurs », le fait que l’obstination de l’ancien maire à construire son aéroport entraîne tant de désordres ne joue pas en sa faveur. La solidarité avec les interpellés et les condamnés est donc essentielle.”
http://www.article11.info/?Retour-a-Nantes-Reflexions-autour#forum38203
Il faut aussi verser à la réflexion ce texte de Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l’extrême droite, qui revient sur l’histoire de l’usage de la violence par les groupes politiques.
Il ne s’agit pas de mettre les extrêmes sur un pied d’égalité, mais de montrer que la violence des extrêmes correspond à un contexte.
“La violence des extrémistes ne serait alors que la version brutale, saisissante, de cette sinistrose induite par une société réduite au consumérisme, sans récit historique ni projet politique, où l’Etat n’influe pas sur l’économique. Comme l’électeur, mais autrement. Les radicaux ne réclament-ils pas un retour du politique et un sens commun? Cela met nettement moins à l’aise que de ressasser les thèmes du «deux poids, deux mesures» et de la «violence des extrêmes».”
http://www.slate.fr/story/83941/ultra-gauche-extreme-droite-radicale
Si le gouvernement fait confiance aux mêmes agents de renseignements que ceux qui avaient travaillé sur Julien Coupat, ça nous situe le niveau de crédibilité de leur histoire de black blocs allemands.
Valls qui pointe des casseurs zadistes, Auxiette et la droite qui demandent l’évacuation de la Zad, la boucle est bouclée.
Une émeute dégénère à Nantes
La journée avait pourtant commencé dans une ambiance bon enfant : au moins deux engins de chantier incendiés; une agence Vinci saccagée; des policiers harcelés. Les émeutiers s’en prennant également à la mairie, un poste de police et plusieurs magasins du centre-ville.
Or dans la journée, plusieurs centaines de personnes ont convergé vers la ville dans la claire intention de manifester pacifiquement. « Ces agissements sont inacceptables » s’est empressé de dénoncer un porte parole des insurgés et membre du collectif People VS Nantes, « la présence de la gauche organisée en cortège au sein de nos émeutes est inadmissible. Il ne fait aucun doute qu’ils sont venus de toute la France et de l’étranger uniquement dans le but de scander des slogans, brandir des banderoles et ne pas s’en prendre au mobilier urbain. Nous ne les laisserons pas gâcher notre fête. »
La suite : http://juralib.noblogs.org/
Tout est question de point de vue ;)
Adieu les jeunes moyens, les pires de tous
Ces baltringues supportent pas la moindre petite secousse
Adieu les fils de bourges
Qui possèdent tout mais n’savent pas quoi en faire
Donne leur l’Éden, ils t’en font un Enfer
Adieu tous ces profs dépressifs
T’as raté ta propre vie, comment tu comptes élever mes fils ?
Adieu les grévistes et leur CGT
Qui passent moins d’temps à chercher des solutions qu’des slogans pétés
Qui fouettent la défaite du survêt’ au visage
Transforment n’importe quelle manif’ en fête au village
Adieu les journalistes qui font dire c’qu’ils veulent aux images
Vendraient leur propre mère pour écouler quelques tirages
Adieu la ménagère devant son écran
Prête à gober la merde qu’on lui jette entre les dents
Qui pose pas d’questions tant qu’elle consomme
Qui s’étonne même plus d’se faire cogner par son homme
Adieu ces associations bien-pensantes
Ces dictateurs de la bonne conscience
Bien contents qu’on leur fasse du tort
C’est à celui qui condamnera l’plus fort
[…] Cinq manifestants anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes nous racontent leur manif du 22 février à Nantes et leur opinion sur les violences. […]
Le site d’info écolo Reporterre propose un compte rendu minuté de la manifestation, qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur celle-ci.
C’est une synthèse de divers témoignages, de personnes se trouvant à différents endroits simultanément.
http://www.reporterre.net/spip.php?article5482
On y retrouve les observations faites par nos cinq sources.
En résumé, le cortège s’est scindé en deux. Alors que la tête, partie de la préfecture, comprenant les organisateurs et les politiques, s’est dirigée vers l’île de Nantes (parcours pensé quelques heures auparavant, lire “Maxence”), le corps du cortège, allant moins vite, a stagné au niveau du CHU.
Ne sachant pas par où aller, une partie des manifestants s’est retrouvée face aux grilles anti-émeutes dressées devant le cours des 50 Otages (lire “Séverine”). Ce cours est un passage traditionnel des manifestations. En colère, des manifestants ont tambouriné sur la grille. Des objets ont été lancés sur les CRS se trouvant derrière. Ceux-ci ont répondu par des jets de lacrymo et l’usage des canons à eau (très rarement déployés à Nantes, mais ça c’était avant).
Au même moment, des groupes mobiles de quelques dizaines de personnes au plus, sont arrivés devant les barrières de police. Ce sont eux, qualifiés de “black blocs” qui ont poursuivi le harcèlement en utilisant des armes plus dangereuses que des œufs de peinture (pavés, chariots en feu, feux d’artifice, fumigènes).
Ces groupes avaient déjà saccagés une agence Vinci (rue de Strasbourg), mis le feu à une foreuse (Boufay), lancés des câbles lestés sur les voix de chemin de fer et attaqué le commissariat se trouvant près du CHU.
Les affrontements se sont propagés dans diverses rues et squares, jusqu’à s’arrêter lorsque la police a repoussé les derniers manifestants sur le parking de la Petite Hollande, face à la Médiathèque, vers 18 h (lire Clément et Séverine).
Pendant ce temps, les commerces continuaient à tourner en centre-ville. Pendant longtemps, des manifestants ont dansé à quelques centaines de mètres des affrontements, dans une atmosphère toxique (lire Maxence).
L’auteur de l’article note sur les affrontements :
“Mais sur tout le cours Franklin Roosevelt, il y a des centaines de personnes, peut-être des milliers, qui regardent ce qui se passe, par curiosité et avec une certaine empathie.” (lire Félix et Raphaël)
Bilan des blessés :
Manifestants : 50 blessures dont 13 au visage (cause flashball, grenades assourdissantes et matraques). (source : équipe médicale de la Zad)
Policiers et gendarmes : 10 blessés “passés par l’hôpital”, selon le préfet.
Rien ne permet formellement de dire que ceux qui ont affrontés la police le plus violemment sur des occupants (ou squatteurs) de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. C’est pourtant le discours du ministère de l’Intérieur depuis le premier soir, qui sert d’argument à ceux qui veulent reprendre la Zad pour commencer les travaux (comme Jacques Auxiette, le président de région).
D’ailleurs, beaucoup de questions restent posées :
Pourquoi les organisateurs n’avaient pas prévu de service d’ordre ou des relais guidant les manifestants sur le parcours ?
Pourquoi le bar-concert Le Chat Noir (nom équivoque) a été attaqué, alors que les autres cibles étaient des bâtiments publics, des banques, agences de voyage ou l’agence Vinci ? https://www.facebook.com/photo.php?fbid=635175949883016&set=a.128676927199590.22587.128533713880578&type=1&stream_ref=10
Pourquoi la police a fait un usage disproportionné de la force quand elle s’est trouvée face à des manifestants pacifiques (devant le CHU notamment), entraînant plusieurs blessures graves, dont parmi eux deux journalistes parfaitement identifiés ?
Pourquoi les autorités ont préféré faire passer la manifestation rue étroite de Strasbourg, où se trouve une agence Vinci, plutôt que sur le cours des 50 Otages, beaucoup plus large et contrôlable.
Quel est le sens des déclarations exagérées sur l’état de la ville de Nantes par des élus (champ lexical de la guerre : “guerilla urbaine”, “saccage”, “black bloc”, etc.) ? Pour cette dernière question, il semble que le bar n’était pas une cible, mais les policiers qui se trouvaient à côté. Plusieurs personnes parlent de “tirs foireux” sur Facebook.
[…] Elle rappelle aussi le lourd déploiement policier du 22 février 2014, dans ces mêmes rues nantaises, lors d’une manifestation de grande ampleur contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous avions publié une série de témoignages qui soulignaient la provocation d’un tel dispositif. […]