Raphaël, 22 ans, photoreporter
À 15h, j’ai pris le défilé par la fin et suis remonté petit à petit. L’arrière-garde était bon enfant, des drapeaux EELV se mêlaient aux tracteurs et aux chars décorés, venus de tout le grand Ouest, une part prépondérante de Bretons.
Quelques bars mobiles égayaient les mines réjouies, des vieux, des enfants, de jeunes, des hippies, des rouges, un joyeux mélange d’écolos farfelus, de paysans bien du cru.
Dans une incompréhension générale, brûle une forreuse d’un chantier proche. Le danger se fait sentir, l’ambiance monte et se fait de plus en plus lourde. Aux abords de Commerce, je cours en tête : l’ambiance s’est très nettement détériorée. La manif qui devait remonter jusqu’au 50 Otages, par le boulevard du même nom pour rejoindre la préfecture a été bloquée. La préfecture avait, la veille, refusé le parcours qui avait été donné par les organisateurs et transmis aux médias.
Pacifiquement, au début, des manifestants se sont approchés pour peindre et graffer des slogans sur les barrières.
Coupant les boulevards longeant cette artère commerciale, se dressaient sur le parcours officiel pas moins de quatre camions de CRS en première ligne, équipés de grilles anti-émeutes et de canons à eau.
À l’arrière, un important contingent de gendarmes mobiles se tenait en alerte.
Pacifiquement, au début, des manifestants se sont approchés pour peindre et graffer des slogans sur les barrières et les murs des commerces alentours.
Dans l’excitation, commencent déjà des altercations, jets de peinture sur le cordon, insultes, bagarre mais la ligne tient bon. Dispersions au jet d’eau , à la lacrymo, ensuite l’escalade est inévitable : des bouteilles, des pierres, des pavés, des panneaux sont lancés.
En réplique, les gendarmes envoient plus de lacrymos et surtout des grenades assourdissantes ou encore des tirs de flashball sur les personnes essayant d’atteindre les flans de la ligne de front. Certaines de ces grenades assourdissantes étaient en “tir tendu”, normalement proscris pour ce type de munitions.
Dans le même temps derrière des poubelles, à plat ventre, deux hommes cagoulés lancent des feux d’artifice en direction des policiers, tir tendu aussi. L’usage des grenades lacrymogène s’est fait dans une quantité et une confusion telle, que toute l’esplanade devant les barrières, bien qu’ouverte aux quatre vents était totalement gazée, refluant jusque dans les quartiers, tellement l’intensité des tirs étaient soutenue.
Un maximum de cinq personnes s’est mis à saccager des abrisbus et les locaux de la régie de transport.
Vers 16 h, la pression sur Commerce diminue sensiblement.
Le gros des manifestants a glissé le long des quais vers le point de rassemblement prévu par l’organisation.
À Commerce, sur le reculoire et dans la confusion des gaz, un maximum de cinq personnes s’est mis à saccager des abribus et les locaux de la régie de transport. Certains éclataient les vitres avec des grilles d’arbres pendant que d’autres continuaient à arracher les pavés du tramway au marteau et au burin.
Les pavés volent un moment et à 16 h 30, je décide d’évacuer Commerce, les gaz étant insoutenables.
Je ne reviens dans la manif que vers 18 h 30, là où je l’avais laissée, sur le parking de la Médiathèque , un grand espace vide en bord de Loire. Une ligne serrée de quatre-cinq camions se relayent et coupent la place en deux, avec près de 600 à 800 individus au milieu.
En avant de ce groupe, 30 personnes continuent à se relayer pour les jets de pavés. Ceux restés à l’arrière du groupe demandent de cesser les jets.
J’estimerais à 2 km² la zone qui a été totalement gazée pour la dispersion de 600 à 800 personnes.
Quarante-cinq à soixante minutes s’écoulent dans cette situation de maîtrise de la foule, seule une ligne de dix arrosés continuent d’affronter les canons. Vers 19 h 30, le dispositif policier se retire dans un nuage de gaz sans précédent.
J’estimerais à 2 km² la zone qui a été totalement gazée pour la dispersion de 600 à 800 personnes. De plus, les vents étaient contraires aux policiers ce qui a eu pour effet de disperser les gaz dans leur direction et celle du centre-ville, qu’ils protégeaient.
Sur cette journée, mon avis est que le dispositif policier mis en place ce 22 février à Nantes était en disproportion par rapport à l’annonce des organisateurs et le trajet requis. Le fait que la préfecture ait refusé le parcours, la veille même, alors que celui-ci avait été communiqué à la presse, a renforcé le côté provocation des forces de police.
Les barrières ont attisé la tension parmi les manifestants et les gaz et canons à eau utilisés, en réponse aux projectiles lancés n’ont fait qu’attiser les tensions.
Le gouvernement a aussi renforcé ce rendez-vous violent par l’effet d’annonces successives d’envoi de forces policières. Tout le monde s’attendait à des violences, elles ont eu lieu, elles auraient pu être évitées, par le déroulement initial de la manif.
Les liens hypertextes et exergues ont été ajoutés par l’éditeur. Les photos ont été prises par l’auteur de ces lignes.
14 réponses sur « Ils racontent la manif de Nantes de l’intérieur »
Rue Kervégan, sous les pavés, du sable.
Ma réflexion étant en cours, je poste mes observations dans les commentaires. Comme en plus je n’étais pas sur le terrain samedi, je pense que c’est leur place.
Après avoir publié ces témoignages, dont je répète assurer la crédibilité, visionné un bon paquet de longues vidéos, lu d’autres témoignages de manifestants et de journalistes, certains points me paraissent clairs :
1. La police a recouru de façon disproportionnée à la force en passant à l’offensive avec des armes potentiellement létales alors que la situation n’était pas insurrectionnelle (près du CHU notamment).
2. Il n’y avait pas de “black bloc”, du moins pas dans les proportions des 3 et 4 avril 2009 à Strasbourg lors du sommet de l’Otan. Ceux qui ont affronté les forces de l’ordre ne constituaient pas un mouvement organisé et si certains avaient prémédité des casses, d’autres paraissent avoir surtout agi en réaction au déploiement policier inédit de mémoire de syndicaliste. Contrairement à ce que dit la préfecture de Loire-Atlantique et le ministère de l’Intérieur, il n’y avait pas 1.000 casseurs.
3. Les dégradations sont politiques car ciblées : agences de voyage, bâtiments publics ou semi-publics (pour les transports en commun), représentation de Vinci en ville. Les commerces n’ayant pas de lien, même symbolique, avec le projet d’aéroport, sont laissés intacts.
4. Des milliers de manifestants, majoritairement pacifistes, ont refusé les incitations à la dispersion de la police (c’est d’autant plus clair dans cet extrait : http://youtu.be/Ve7A8AWFIt0?t=14m16s). Les dégradations et incendies sur l’agence Vinci et sur une pelle de chantier se sont déroulés en début de cortège, sans trop choquer la foule qui passait à proximité. La dégradation du matériel de la société de transport publique a néanmoins été condamnée au moment où elle se produisait.
5. 1.500 policiers et gendarmes, dont le GIPN selon Mediapart, étaient déployés. De quoi contrôler une manifestation de 100.000 personnes. Or, les manifestants étaient au plus 50.000 et la police n’a pas “maintenu l’ordre”. Le Figaro parle de 1.300 policiers qui ont tiré 1.760 grenades lacrymogènes, soit 10.560 palets : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/27/01016-20140227ARTFIG00370-casseurs-de-nantes-l-etau-se-resserre.php
D’où de nouvelles questions :
Est-ce que le recours à la violence de la part des manifestants devient légitime pour une part grandissante des personnes opposées au projet ? Cela expliquerait la volonté de rester face aux policiers qui avançaient samedi.
Quelles étaient les consignes de la police et à quoi s’attendait le préfet en barricadant de façon spectaculaire l’entrée du cours des 50 Otages ?
Et de nouvelles observations :
Le traitement médiatique de l’événement s’est fait massivement en faveur du ministère de l’Intérieur. La parole de Manuel Valls, accessoirement favorable au projet d’aéroport, n’a pas été mise en doute. Les appels à témoins de la police ont été relayés dans la presse.
Le débat autour de la présence des écologistes au gouvernement me paraît bien accessoire étant donné que par nature, les organisateurs de la manifestation ne peuvent contrôler des personnes autonomes. Il n’y a pas de lien organique avec EELV, alors comment les exclure ? Ecoutez à ce sujet l’analyse de la sociologique Virginie Grandhomme : http://www.youtube.com/watch?v=Y07IRf3N_98
Il me paraît plus intéressant aujourd’hui de se demander si le pacifisme n’en prendrait pas un sérieux coup dans l’aile, dans un pays en déficit démocratique et où 61 % des jeunes se disent prêt à participer à une “révolte de grande ampleur”, selon l’étude Génération quoi (210.000 sondés sur internet, parmi les personnes de 181 à 34 ans – http://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/25/frustree-la-jeunesse-francaise-reve-d-en-decoudre_4372879_1698637.html)
Du reste, une intervention pour déloger les occupants de la Zad paraît extrêmement risquée à tout point de vue.
Discuter de la violence en général comme si c’était un fait décontextualisé ça me parait particulièrement risqué que ce soit pour la légitimer ou pour la condamner. La violence a des raisons, c’est un moyen comme un autre.
Je doute qu’on puisse comprendre la violence avec une approche revendicative. La violence n’est pas là pour faire pression sur le gouvernement car cela signifierait s’en remettre au gouvernement – ou une autre institution peu importe – pour prendre des décisions alors que nous voulons la mort de l’état – et pas un “état plus démocratique”.
La casse c’est comme une vengeance de notre impuissance dans notre quotidien face aux forces qui le régissent. On profite de l’anonymat de la foule, de la difficulté pour les mécanismes de coercition de la contrôler afin de transgresser la loi, comme pour provoquer. Parce qu’on ne croit rien de possible dans le cadre légal.
Il y a une désillusion pas toujours théorisée mais d’après moi parfaitement justifiée. Désillusion vis-à-vis des syndicats et de leur service d’ordre, vis-à-vis des partis et de leur parlementarisme, vis-à-vis de l’état, de ses flics et de ses énarques… En tout cas c’est comme ça que je comprends ma violence. Ce n’est pas un avertissement, c’est un spasme d’indépendance. On ne répond pas à des erreurs, on s’en sert comme justification pour se révolter contre toute l’oppression qui pèse sur nos épaules chaque jour.
Merci pour ces témoignanges ! Etant plus du coté des “violents” que des “pacifistes”, je trouve qu’il manque tout de même la question du refus de l’autorité “en général” et le refus de l’autorité “sociale” (c’est à dire l’image “spectaculaire”) pour les manifestants.
C’est dommage car ça permet aussi de mieux comprendre la violence, le fait que certains manifestants aient une conscience différente des évenements et pensent que c’est une minorité qui doit lutter contre une majorité, et qui refusent l’idéalisme, donc qu’ils se fichent un peu de l’image qu’ils peuvent donner.
Je crois que les deux derniers manifestants qui témoignent ont un regard très critique envers l’autorité sociale, qui veut que les manifestations soient, en France, depuis les années 1980, pacifiques.
Suite à la manifestation nantaise, la notion de pacifisme est discutée sur ce blog, http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=1700 et sur de nombreuses pages Facebbok, ce qui semble montrer que parmi les militants écologistes, les actions radicales et illégales ne sont pas exclues.
Un des slogans scandé, taggé et mis en pratique samedi n’était-il pas “Vinci, dégage, résistance et sabotage” ?
Certaines prises de parole à la tribune allaient dans ce sens et étaient applaudies.
Selon cet article du Monde, il y a ceux qui veulent “condamener”, ceux qui veulent “déplorer” (http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/02/28/notre-dame-des-landes-les-opposants-veulent-un-front-uni_4374972_3244.html#xtor=AL-32280515), je rajouterai ceux qui veulent “justifier”. Le débat est houleux, mais dans la boue de NDDL toutes les composantes du mouvement restent unies (agriculteurs, zadistes souvent anarchistes, population locale).
Cette question n’est pas propre au mouvement écologique. Le mouvement des Bonnets rouges a donné lieu à des dégradations de biens et des affrontements avec les représentants de l’Etat, les séquestrations de patrons sont courantes, etc. Greenpeace mène des actions coups de poing.
La question se pose d’ailleurs à chaque mouvement de grande ampleur où la jeunesse est présente, CPE, LRU, retraites… Même si les organisations, les syndicats et les partis, n’ont jamais revendiqué d’actions violentes, ce qui les éloignerait des institutions !
Je crois vraiment que plutôt que se demander si EELV a sa place au gouvernement, alors que ce parti ne structure pas la lutte de NDDL (enjeu politicien), la manifestation de Nantes met un enjeu plus important sur la table :
Jusqu’à quand les manifestants resteront majoritairement pacifistes ? Est-ce qu’une guérilla rurale serait populaire ?
Allons plus loin. Les manifestants anti-NDDL ne refusent plus la violence car ils savent que sans la défense au corps à corps de la Zad lors de l’intervention César, il n’y aurait déjà plus de lutte.
“Nous sommes nombreux à l’avoir constaté : si, le 22, il a bien dû y avoir quelques propos hostiles aux « casseurs », nous n’avons pas eu l’occasion d’en entendre, ni chez les manifestants de base, ni chez les paysans sur leurs tracteurs qui attendaient tranquillement en regardant l’action, ni chez les dizaines, peut-être les centaines, de personnes qui ont pris les dégâts en photo, ni chez les milliers qui suivaient en retrait les affrontements. S’affirmait là une forme de complicité implicite, peut-être même pour nombre d’entre nous une forme de lutte par procuration. Cette attitude s’explique par la compréhension de ce que tant de commentateurs refusent de voir, et que Nicolino a bien exprimé : l’affrontement avec la police et le refus de se laisser intimider par l’appareil guerrier de l’État ont été essentiels dans le succès de la lutte jusqu’à présent. Aurait-on tant parlé de la manif de Nantes si elle s’était cantonnée à parcourir le trajet imposé en scandant des slogans et en souriant aux caméras ? Dans ce mouvement comme dans tant d’autres auparavant, les épisodes de bagarre concourent à exercer une pression sur le gouvernement. Quel que soit le peu de sympathie que beaucoup de Nantais éprouvent pour les « casseurs », le fait que l’obstination de l’ancien maire à construire son aéroport entraîne tant de désordres ne joue pas en sa faveur. La solidarité avec les interpellés et les condamnés est donc essentielle.”
http://www.article11.info/?Retour-a-Nantes-Reflexions-autour#forum38203
Il faut aussi verser à la réflexion ce texte de Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l’extrême droite, qui revient sur l’histoire de l’usage de la violence par les groupes politiques.
Il ne s’agit pas de mettre les extrêmes sur un pied d’égalité, mais de montrer que la violence des extrêmes correspond à un contexte.
“La violence des extrémistes ne serait alors que la version brutale, saisissante, de cette sinistrose induite par une société réduite au consumérisme, sans récit historique ni projet politique, où l’Etat n’influe pas sur l’économique. Comme l’électeur, mais autrement. Les radicaux ne réclament-ils pas un retour du politique et un sens commun? Cela met nettement moins à l’aise que de ressasser les thèmes du «deux poids, deux mesures» et de la «violence des extrêmes».”
http://www.slate.fr/story/83941/ultra-gauche-extreme-droite-radicale
Si le gouvernement fait confiance aux mêmes agents de renseignements que ceux qui avaient travaillé sur Julien Coupat, ça nous situe le niveau de crédibilité de leur histoire de black blocs allemands.
Valls qui pointe des casseurs zadistes, Auxiette et la droite qui demandent l’évacuation de la Zad, la boucle est bouclée.
Une émeute dégénère à Nantes
La journée avait pourtant commencé dans une ambiance bon enfant : au moins deux engins de chantier incendiés; une agence Vinci saccagée; des policiers harcelés. Les émeutiers s’en prennant également à la mairie, un poste de police et plusieurs magasins du centre-ville.
Or dans la journée, plusieurs centaines de personnes ont convergé vers la ville dans la claire intention de manifester pacifiquement. « Ces agissements sont inacceptables » s’est empressé de dénoncer un porte parole des insurgés et membre du collectif People VS Nantes, « la présence de la gauche organisée en cortège au sein de nos émeutes est inadmissible. Il ne fait aucun doute qu’ils sont venus de toute la France et de l’étranger uniquement dans le but de scander des slogans, brandir des banderoles et ne pas s’en prendre au mobilier urbain. Nous ne les laisserons pas gâcher notre fête. »
La suite : http://juralib.noblogs.org/
Tout est question de point de vue ;)
Adieu les jeunes moyens, les pires de tous
Ces baltringues supportent pas la moindre petite secousse
Adieu les fils de bourges
Qui possèdent tout mais n’savent pas quoi en faire
Donne leur l’Éden, ils t’en font un Enfer
Adieu tous ces profs dépressifs
T’as raté ta propre vie, comment tu comptes élever mes fils ?
Adieu les grévistes et leur CGT
Qui passent moins d’temps à chercher des solutions qu’des slogans pétés
Qui fouettent la défaite du survêt’ au visage
Transforment n’importe quelle manif’ en fête au village
Adieu les journalistes qui font dire c’qu’ils veulent aux images
Vendraient leur propre mère pour écouler quelques tirages
Adieu la ménagère devant son écran
Prête à gober la merde qu’on lui jette entre les dents
Qui pose pas d’questions tant qu’elle consomme
Qui s’étonne même plus d’se faire cogner par son homme
Adieu ces associations bien-pensantes
Ces dictateurs de la bonne conscience
Bien contents qu’on leur fasse du tort
C’est à celui qui condamnera l’plus fort
[…] Cinq manifestants anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes nous racontent leur manif du 22 février à Nantes et leur opinion sur les violences. […]
Le site d’info écolo Reporterre propose un compte rendu minuté de la manifestation, qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur celle-ci.
C’est une synthèse de divers témoignages, de personnes se trouvant à différents endroits simultanément.
http://www.reporterre.net/spip.php?article5482
On y retrouve les observations faites par nos cinq sources.
En résumé, le cortège s’est scindé en deux. Alors que la tête, partie de la préfecture, comprenant les organisateurs et les politiques, s’est dirigée vers l’île de Nantes (parcours pensé quelques heures auparavant, lire “Maxence”), le corps du cortège, allant moins vite, a stagné au niveau du CHU.
Ne sachant pas par où aller, une partie des manifestants s’est retrouvée face aux grilles anti-émeutes dressées devant le cours des 50 Otages (lire “Séverine”). Ce cours est un passage traditionnel des manifestations. En colère, des manifestants ont tambouriné sur la grille. Des objets ont été lancés sur les CRS se trouvant derrière. Ceux-ci ont répondu par des jets de lacrymo et l’usage des canons à eau (très rarement déployés à Nantes, mais ça c’était avant).
Au même moment, des groupes mobiles de quelques dizaines de personnes au plus, sont arrivés devant les barrières de police. Ce sont eux, qualifiés de “black blocs” qui ont poursuivi le harcèlement en utilisant des armes plus dangereuses que des œufs de peinture (pavés, chariots en feu, feux d’artifice, fumigènes).
Ces groupes avaient déjà saccagés une agence Vinci (rue de Strasbourg), mis le feu à une foreuse (Boufay), lancés des câbles lestés sur les voix de chemin de fer et attaqué le commissariat se trouvant près du CHU.
Les affrontements se sont propagés dans diverses rues et squares, jusqu’à s’arrêter lorsque la police a repoussé les derniers manifestants sur le parking de la Petite Hollande, face à la Médiathèque, vers 18 h (lire Clément et Séverine).
Pendant ce temps, les commerces continuaient à tourner en centre-ville. Pendant longtemps, des manifestants ont dansé à quelques centaines de mètres des affrontements, dans une atmosphère toxique (lire Maxence).
L’auteur de l’article note sur les affrontements :
“Mais sur tout le cours Franklin Roosevelt, il y a des centaines de personnes, peut-être des milliers, qui regardent ce qui se passe, par curiosité et avec une certaine empathie.” (lire Félix et Raphaël)
Bilan des blessés :
Manifestants : 50 blessures dont 13 au visage (cause flashball, grenades assourdissantes et matraques). (source : équipe médicale de la Zad)
Policiers et gendarmes : 10 blessés “passés par l’hôpital”, selon le préfet.
Rien ne permet formellement de dire que ceux qui ont affrontés la police le plus violemment sur des occupants (ou squatteurs) de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. C’est pourtant le discours du ministère de l’Intérieur depuis le premier soir, qui sert d’argument à ceux qui veulent reprendre la Zad pour commencer les travaux (comme Jacques Auxiette, le président de région).
D’ailleurs, beaucoup de questions restent posées :
Pourquoi les organisateurs n’avaient pas prévu de service d’ordre ou des relais guidant les manifestants sur le parcours ?
Pourquoi le bar-concert Le Chat Noir (nom équivoque) a été attaqué, alors que les autres cibles étaient des bâtiments publics, des banques, agences de voyage ou l’agence Vinci ? https://www.facebook.com/photo.php?fbid=635175949883016&set=a.128676927199590.22587.128533713880578&type=1&stream_ref=10
Pourquoi la police a fait un usage disproportionné de la force quand elle s’est trouvée face à des manifestants pacifiques (devant le CHU notamment), entraînant plusieurs blessures graves, dont parmi eux deux journalistes parfaitement identifiés ?
Pourquoi les autorités ont préféré faire passer la manifestation rue étroite de Strasbourg, où se trouve une agence Vinci, plutôt que sur le cours des 50 Otages, beaucoup plus large et contrôlable.
Quel est le sens des déclarations exagérées sur l’état de la ville de Nantes par des élus (champ lexical de la guerre : “guerilla urbaine”, “saccage”, “black bloc”, etc.) ? Pour cette dernière question, il semble que le bar n’était pas une cible, mais les policiers qui se trouvaient à côté. Plusieurs personnes parlent de “tirs foireux” sur Facebook.
[…] Elle rappelle aussi le lourd déploiement policier du 22 février 2014, dans ces mêmes rues nantaises, lors d’une manifestation de grande ampleur contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Nous avions publié une série de témoignages qui soulignaient la provocation d’un tel dispositif. […]