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La Gazette des confiné·es #8 – Révoltes, perspectives et travail

Contre quoi faudra-t-il lutter et comment le ferons-nous dans les prochaines semaines et mois ? Comment limiter l’influence du pouvoir politique sur nos propres corps ? C’est par des questions ouvertes que la gazette commence et vous apporte ensuite les dernières nouvelles. Des révoltes éclatent dans les centres de rétention administrative, les sous-traitants du nucléaire bossent pour EDF comme si de rien n’était, l’été s’assombrit pour les intermittent·es et Amazon subit un sérieux revers.

Il faudra lutter un peu plus…

Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il va falloir lutter encore plus pour la détruire !

On peut craindre des manifestations interdites pour « raisons sanitaires » pendant encore longtemps surtout vu que les services de renseignement s’inquiètent d’un embrasement. Il va falloir réfléchir à comment continuer à se révolter, à lutter. D’autant plus que la situation d’une crise non prévue par le capitalisme ouvre le champ des possibles révolutionnaires et contre-révolutionnaires : d’un côté l’émancipation, de l’autre l’extrême droite qui vient et la surveillance généralisée (comme le montre ce reportage glaçant en Chine diffusée par Arte).

Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6). Il y a de quoi faire !

200417 - CQFD Janvier 2020 Vos grèves seront exaucées - La Déviation
Espérons que la prédiction de la Une du numéro de janvier 2020 de CQFD se réalise !

D’autres histoires à partir de nos corps

Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.

Et ils sont violentés s’ils contreviennent aux règles édictées. Ces corps sont des territoires où les politiques s’expriment : barrières individuelles contre une propagation, pions des flux économiques, externalités d’un système carcéral qui veut conserver sa maîtrise hégémonique.

200417 - Triptych Left Panel 1981 by Francis Bacon - La Déviation
Panneau gauche d’un triptyque fait en 1981 par Francis Bacon qui anticipait deux policiers à cheval allant verbaliser une personne qui ne respecte pas le confinement.

Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.

Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.

Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.

Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.

Révoltes aux CRA de Mesnil-Amelot et de Vincennes

Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.

Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.

Le 12 avril, au CRA de Vincennes, des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.

Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».

On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…

200417 - Mur par mur nous détruirons les Cra A bas les Cra- La Déviation
Le site abaslescra.noblogs.org propose des ressources et analyses pour lutter contre les CRA.

Pour plus d’infos, on vous invite à consulter le suivi détaillé sur Paris-luttes.

Sous-traitants et illuminations nucléaires

EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.

C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.

200417 - Dans les servitudes nucléaires Revue Z by Damien Rondeau - La Déviation
Dessin de Damien Rondeau pour illustrer l’enquête parue dans la Revue Z en 2012 sur les sous-traitants du nucléaire.

Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.

Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.

Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.

Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !

Amazon : le tribunal de Nanterre fait un carton chez les salarié·es

« Première victoire syndicale » jubile Solidaires mardi 14 avril. L’Union syndicale fait plier Amazon France devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Le risque d’attraper le covid-19 dans les entrepôts de la firme justifie la réduction drastique de ses activités. La décision est relayée par CNN.

Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat.

200417 - Amazon España por dentro vue d'ensemble by Álvaro Ibáñez CC BY 2.0 - La Déviation

L’inspection du travail s’était contentée d’une mise en demeure à partir du 3 avril concernant quatre sites où l’absence de matériel de prévention et de mesures de distanciation entraînaient un risque de contagion des travailleur·ses. Nous vous en parlions dans notre sixième numéro. Affaire classée cinq jours plus tard pour trois d’entre eux. Aux yeux du ministère, mais pas de la justice !

La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.

Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.

« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »

Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.

Les salaires seront maintenus à 100 % durant ces cinq jours, mais la firme qui emploie environ 10.000 personnes dans le pays, dont un tiers en intérim envisage de les subventionner grâce au chômage partiel. Une demande qui ne manquerait pas d’audace pour une multinationale suspectée de dissimuler des milliards au fisc. Sur France Info, le directeur général d’Amazon France prend une posture de victime, tout en agitant la carte du chantage à l’emploi.

200417 - Carte implantation Amazon en France rapport Attac Solidaires 2019 - La Déviation
L’implantation d’Amazon en France a été cartographiée par Attac et l’Union syndicale Solidaires dans un rapport su l’impunité fiscale, sociale et environnementale de la firme, mis en ligne en novembre 2019. Cliquez sur l’image pour y accéder

Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ». Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.

Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.

Les intermittent·es fragilisé·es

La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).

Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.

200417 - Spectacles reportés Théâtre des Amandiers Nanterre - La Déviation
La liste des annulations s’allonge au théâtre des Amandiers de Nanterre. Le site web propose en revanche des captations. Accédez-y en cliquant sur l’image

Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.

Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.

Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.

Un premier décret publié le 14 avril est jugé très incomplet par la CGT Spectacle, qui réclame une facilitation du recours à l’activité partielle pour les personnes en CDD d’usage, notamment. Une pétition qui anticipe une longue période de vaches maigres demande la prolongation des droits un an après la date de reprise, pour tous les artistes, technicien·nes et intermittent·es.

Sur ce dossier comme sur d’autres – pensons aux pigistes, nous vous vous parlions dans notre cinquième gazette -, l’attentisme du ministère inquiète. Franck Riester n’a fait qu’ajouter à la cacophonie en déclarant jeudi 16 avril sur France Inter que les « petits festivals » pourraient se tenir à partir du 11 mai. On se pince, quand on sait que les hôtels et restos garderont portes closes et surtout que les scientifiques craignent une « seconde vague ».

Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.

Dans ces conditions, le plan spécifique du ministre de la Culture dont l’annonce est prévue dans quinze jours promet de susciter d’instances manœuvres en coulisses.

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La Gazette des confiné·es #4 – Travail du sexe, Ehpad et barricades

Les travailleur·euses du sexe, encore plus stigmatisé·es et isolé·es

Pour les travailleuses et travailleurs du sexe (TDS) aussi, l’heure est à la réflexion sur la réorganisation du travail, mais pas que. Le Syndicat du travail sexuel en France (Strass) conseille aux TDS de s’orienter plutôt vers le travail via internet, tout en prévenant des dérives possibles (vol de vidéos, cyberharcèlement, etc.) et en donnant aussi des outils à toustes celleux à qui les faibles entrées d’argent de ces activités numériques ne suffiront pas.

Beaucoup d’entre elleux se trouvent contraint·es d’accepter des situations qu’elleux refuseraient en temps normal, pour leur santé et leur sécurité : des rendez-vous pris uniquement par mèl, des clients qui demandent des passes sans préservatif, des clients qui rognent sur l’argent donné parce qu’« ils prenaient beaucoup de risques »…

Car rien n’est fait par le gouvernement pour aider les TDS, pendant cette crise, pas plus qu’à l’ordinaire. Ielles ne sont pas considéré·es comme ayant un travail (sauf quelques un·es au statut d’auto-entrepreneur·e) et n’ont pas les droits du travail associés.

Les hôtels, lieux de vie pour une partie d’entre elleux, ferment. La stigmatisation sociale et l’isolement dont ielles font déjà l’expérience quotidienne se renforcent, le stigmate de  « la pute qui attrape toutes les maladies parce que c’est bien sa faute vu son activité » se réactive pour y inclure maintenant le coronavirus. Et aujourd’hui, travailler dans la rue, c’est aussi risquer de se faire violenter par une police à cran pour faire respecter le confinement.

Face à tout cela, certain·es ont l’impression de ne plus exister. Les associations et collectifs qui les soutiennent habituellement ont dû réduire leur action, alors que la communauté des TDS est la meilleure actrice de la prévention. Pour les soutenir financièrement pendant cette période, des cagnottes ont été créées. Les associations et le Strass continuent de revendiquer pour les TDS les mêmes droits que pour toustes.

Nos vieux meurent en silence

Manque de masques et de personnels, difficultés à faire accepter le confinement à des personnes atteintes de troubles cognitifs… les contagions s’enchaînent dans au moins 100 à 150 Ehpad d’Île-de-France, malgré des mesures de confinement drastiques qui privent les résident·es, confiné·es dans leurs chambres de leurs dernières interactions sociales.

Le nombre de décès menace d’être très élevé parmi ces personnes âgées fragiles, mais les morts survenant dans les maisons de retraite ne sont pour l’heure pas incluses dans les statistiques officielles, malgré les remontées faites aux agence régionales de santé (ARS). Edouard Philippe a promis samedi qu’un bilan serait communiqué cette semaine.

Là encore, le gouvernement ne pourra pas dissoudre ses responsabilités. La baisse des financements de ces établissements pour personnes âgées dépendantes, décidée en 2018, a pu favoriser la propagation du coronavirus et accentuer la souffrance des résident·es. Alors que de grands groupes font des bénéfices importants sur les Ehpad privatisés, rappelons que les revendications syndicales sont restées lettre mortes à ce sujet.

« Ne nous applaudissez pas, soutenez nous ! »

La radinerie des directions d’hôpital force depuis des années les soignant·es à multiplier les heures supplémentaires, faute d’effectifs suffisants. Alors, quand la crise permet de le justifier, pourquoi ne pas avoir recours à des bénévoles comme les secouristes au Samu ou des scouts pour la manutention et le standard à l’hôpital ?

D’après nos sources, certains hôpitaux auraient également essayé de faire travailler gratuitement les étudiant·es en médecine comme aide-soignant·e ou infirmier·ère dans les unités Covid, avant de faire machine arrière devant une levée de boucliers des concerné·es, soucieux·ses de ne pas dévaloriser et précariser un peu plus le travail de leurs collègues paramédicaux.

Avoir de quoi vivre, un peu de temps pour soi et un toit au-dessus de la tête, est-ce trop demander ?

Les personnels sont en lutte depuis plusieurs mois pour sauver l’hôpital public, au bord de la rupture bien avant le coronavirus !

Par ailleurs, si les initiatives pour soutenir, et notamment héberger les soignant·es se multiplient, certain·es les traitent comme de véritables pestiféré·es, leur demandant poliment de quitter leur immeuble pour ne pas risquer de contaminer les voisin·es !

Comme les profs ou les agriculteur·ices, les soignant·es sont apprécié·es pour leur utilité mais nié·es dans leurs besoins fondamentaux – avoir de quoi vivre, un peu de temps pour soi et un toit au-dessus de la tête -, est-ce trop demander ?

La surveillance s’installe… pour toujours ?

Alors que la loi sur l’état d’urgence sanitaire, qualifiée de scélérate par l’avocat Raphaël Kempf, est validée par le Conseil constitutionnel de manière douteuse (le délai de 15 jours n’ayant pas été respecté à cause de « circonstances exceptionnelles »…), il se peut que le confinement s’installe pour longtemps dans nos sociétés.

C’est du moins ce que pense un journaliste scientifique américain, une information à prendre avec des pincettes car elle se fonde sur des prédictions mathématiques incertaines vu qu’on sait encore peu de choses sur le Covid-19.

Mais on peut être certain que l’Etat poussera pour garder ses nouveaux joujoux sécuritaires (comme il a pu le faire pour le terrorisme en 2015) : utilisation des données téléphoniques pour géolocaliser les personnes (avec l’approbation de la commission nationale informatique et libertés (Cnil)…), drones pour surveiller les Parisien·nes, interdiction de se déplacer sans attestation, etc.

Si on croyait encore en les « gardes-fou » de l’état de droit (Conseil constitutionnel ou Cnil), il y a de quoi être déçu ! Pour la Cnil, on était prévenu depuis longtemps !

Le confinement n’arrête pas les violences policières !

On le sait, les contrôles de police sont d’une violence inouïe dans les quartiers populaires, cela ne s’est pas arrêté avec le confinement comme le dénoncent de nombreuses associations.

Au contraire, les policiers ont la meilleure des excuses pour arrêter n’importe qui dans la rue, vérifier le bon respect des mesures de confinement et même contrôler nos courses. Un recensement avec vidéos a été publié sur Paris-Luttes Infos.

Merci pour ce travail, celui de David Dufresnes, qui poursuit sa série « Allô, Place Beauvau » et celui de l’Observatoire des violences policières et continuons de lutter contre toutes les discriminations !

« Le fait divers fait diversion »

Depuis le début du confinement, une petite musique s’invite en boucle dans les communications du gouvernement, les médias de masse et les réseaux sociaux. Elle accompagne le mot d’ordre « restez chez vous » et sonne un peu trop le tambour et le clairon visant à nous mettre au pas.

Cette musique, c’est la stigmatisation des gen·tes qui sortiraient pour des motifs injustifiés.

De nombreuses personnes, à commencer par les keufs, les politicien·nes, les éditorialistes, mais aussi les soignant·es et voisin·es de palier se sentent légitimes à décider quelles sorties sont justifiées. Évidemment, certaines personnes ou populations sont davantage visées. Les JT se sont attardés longtemps sur le marché de Barbès. Les syndicats de flics n’hésitent pas à balancer des « fake news » pour s’en prendre encore aux quartiers populaires.

Quand on y regarde de plus près, on se demande si tout ça ne sert pas aussi à nous enfumer en rejetant la faute de la propagation du virus sur les individus.

Après dix jours de confinement, 225.000 personnes ont été verbalisées (ça fait au moins 30 millions d’euros, et l’amende vient de passer à 200 balles). Soit moins de 25.000 personnes par jour, en comptant celleux qui se sont pris une prune parce que les flics ont jugé qu’aller acheter des protections hygiéniques, laver ses vêtements ou faire un test de grossesse ne fait pas partie des motifs de première nécessité ou qu’on doit rester confiné chez soi même lorsqu’on a pas de domicile.

À comparer aux dizaines de millions de déplacements pour les municipales, mais surtout aux millions de personnes qui continuent d’aller travailler tous les jours, la plupart du temps sans aucune protection…

Frontières nationales ou barricades villageoises

Alors qu’en Europe les États se barricadent à coup de lois, de décrets et d’amendes, il y a des régions du mondes où littéralement, des barricades sont élevées.

Au Chili, l’archipel de Chiloe ne compte pour l’instant que deux cas de contamination. Les organisations sociales avaient obtenu des autorités un isolement réel avec pour seule exception l’approvisionnement en produits de base. Face au non respect de l’accord par l’industrie de la pêche, les habitants ont décidé que seules émeutes et barricades permettraient de fermer les accès aux îles.

En Algérie, en plein mouvement de contestation populaire, la confiance dans la capacité de l’État à gérer la situation est inexistante, et dans certains villages, forts d’une tradition d’auto-organisation, les habitants décident d’anticiper et de fermer les routes. On voit le même phénomène en zones rurales, dans d’autres pays où le vent de la révolte a soufflé cette année, comme en Inde ou au Liban.

À comparer avec la situation que l’on vit en France, où la gestion de nos déplacements se décide au « 20 heures » ou dans les préfectures et reste bien le monopole de l’État, dans les faits comme dans les pensées. Quand en janvier des villageois chinois décident de s’organiser ainsi, pour France 2, ils « paniquent » et  « font la loi».

Pour vivre heureuses, vivons masquées !

C’est une des questions que tout le monde se pose en ce moment : où sont passés les masques ? Si vous voulez la réponse, on vous invite à lire cet article.

Le gouvernement et la haute administration sont tellement en PLS sur cette question qu’iels préfèrent prétendre que les masques ne servent à rien plutôt que d’admettre à quel point iels se sont planté·es à force de suivre le dogme néolibéral. Sauf que les masques sont un moyen essentiel de lutter contre la propagation de l’épidémie.

Réapproprions nous les moyens de production !

N’attendons pas que Macron et sa bande fassent venir des stocks de Chine.

Réapproprions nous les moyens de production ! Avec une machine à coudre et les tutos et patrons disponibles sur internet, on peut fabriquer des masques en tissus réutilisables.

Ces masques sont moins efficaces que ceux qui sont utilisés dans les hôpitaux, mais c’est toujours mieux que de ne rien porter.

Ils permettent de réduire le risque de contaminer les gens que vous croisez et font sans doute l’affaire si vous n’êtes pas entouré·es de personnes porteuses du virus. C’est pas pour rien qu’ils sont obligatoires aujourd’hui dans plusieurs pays d’Asie, y compris à Hong-Kong où ils avaient été interdits suite aux manifs.

Faites-en pour vous, vos potes et les soignant·es de ville et des Ehpad, qui manquent de masques. Si vous êtes déter, vous pouvez même coudre des blouses avec des vieux draps !

Illustration : Un baiser masqué à Bryne en Norvège by Daniel Tafjord

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Urgence vitale pour l’hôpital de Paimpol

Paimpol n’avait pas connu telle démonstration citoyenne depuis longtemps. Peut-être doit-on remonter en février 2003, quand 10.000 personnes avaient manifesté pour défendre la maternité. En vain.

Samedi 9 septembre, c’est encore le comité de soutien à l’hôpital de Paimpol (22), mené par Yves Ballini du PCF et Philippe Couleau de l’UDB, qui a fait descendre entre 3.000 et 5.000 Bretons dans les rues de la cité des Islandais, dans les Côtes-d’Armor. Cette fois, ce sont les urgences qui inquiètent.

En mai, les personnels ont prévenu le comité que l’Agence régionale de santé (ARS) comptait supprimer un poste de médecin de nuit. Plusieurs rassemblements et quelques milliers de signatures plus tard, l’Etat est revenu sur sa décision, inspiré par une lettre des médecins. La partie n’est toutefois pas gagné car rien n’est signé et un poste de médecin urgentiste est désormais menacé en journée. L’ARS s’appuie sur une pénurie de médecins en Bretagne.

Malmenée par la désertification médicale qui touche aussi la côte nord de la Bretagne, la population craint au final la fermeture des urgences, comme l’a déjà connu Tréguier. Environ 42.000 habitants permanents se situent dans la zone de rayonnement du centre hospitalier paimpolais, à 45 minutes minimum du premier hôpital (Saint-Brieuc, Lannion ou Guingamp).

Des délégations d’autres hôpitaux de proximité avaient fait le déplacement, dont la coordination nationale elle-même. Celle-ci dénonce plus largement la loi du marché qui pèse sur les services publics, contraints à des coupes dans les effectifs et les moyens, jusqu’à des fermetures d’hôpitaux. La santé des patients est parfois atteinte et de nombreux agents font des dépressions.

Reportage : Avec Yves Ballini, président du comité de soutien à l’hôpital de Paimpol, Ghislaine Fichou, infirmière aux urgences et Céline Le Doré, aide soignante et représentante CGT.

Ressources

Pétition pour l’hôpital de Paimpol

Coordination nationale des hôpitaux de proximité

Enquête d’Envoyé spécial, diffusée le 7 septembre 2017, “L’hôpital en état d’urgence”

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