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[Vidéos] Des salaires au climat, pourquoi manifestaient-ils ce 13 octobre à Lannion

Quatre mois après les derniers feux de la bataille des retraites, l’intersyndicale du Trégor n’a guère mobilisé au-delà des rangs militants, vendredi 13 octobre 2023. Mais parce qu’il faut se méfier de l’eau qui dort, nous avons tendu l’oreille pour comprendre ce qui fait marcher ceux qui ont fait le déplacement.

Premier rendez-vous syndical majeur depuis la rentrée, si l’on compte à part la mobilisation contre le racisme et les violences policières du 23 septembre, cette journée de grève interprofessionnelle devait rallumer la flamme du mouvement social. À Lannion, sous-préfecture des Côtes-d’Armor, seuls 350 motivés ont suivi les porteurs de banderole pour un « petit tour des ponts » autour du Léguer. Loin des 7.000 manifestants comptés régulièrement par les képis au printemps.

Si les drapeaux de la CGT et de la CFDT ont de nouveau flotté dans la même direction, localement, la confédération Force ouvrière s’est fait porter pâle.

Dans l’argumentaire déployé pour rejoindre les cortèges par la CGT, l’opposition au report de l’âge légal de départ à la retraite n’est plus que la cinquième raison citée. Derrière l’augmentation générale des salaires, l’égalité femmes-hommes, la défense des services publics et la « transition écologique socialement juste ». Volonté de tourner la page ou dépit ? Que ce soit à la tribune ou sur le pavé, nul ne souhaite s’appesantir sur le revers majeur subi plus tôt dans l’année.

« Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir »

« MÊME EN TRAVAILLANT SE LOGER DEVIENT COMPLIQUÉ », ROBIN MAILLOT (UNSA) / Lannion - 13 octobre 2023

« C’est une date européenne qui intervient dans un contexte très difficile pour les citoyens qui ont le moins, convient Robin Maillot, représentant du personnel pour l’Unsa dans l’éducation. Plus ça va, plus les prix augmentent et je pense qu’on n’a pas fini de parler de l’énergie. Les coûts de l’énergie pour les collèges et les lycées, qui vont retomber sur les conseils départementaux et régionaux, vont exploser. »

L’été a aussi laissé des traces à l’hôpital. Faute de personnels suffisants, les urgences de nombreux établissements ne sont régulièrement plus accessibles la nuit sans passer par la régulation du Samu. À Guingamp, les accouchements ne sont plus assurés.

« On voit qu’on gère la misère, constate Robin Maillot. Inversement, on a des aides aux entreprises absolument pas assujetties à des contreparties ce qui est particulièrement inadmissible. Les riches n’ont jamais été aussi riches et les Restos du cœur n’arrivent plus à fournir. »

La conférence sociale promise par Emmanuel Macron pour se pencher sur les branches professionnelles dont des échelons débutent sous le Smic et inaugurée le 16 octobre par Élisabeth Borne ne suscite aucun enthousiasme.

Dans les rangs de la jeunesse, si les questions sociales demeurent importantes, les préoccupations environnementales affleurent rapidement.

« Je me suis préparé à mourir »

Pancarte louant « la seule planète le kouign-amann existe », Mona, déplore que « le gouvernement ne fasse rien du tout pour l’écologie ». La lycéenne en arts du cirque à Savina, venue spécialement avec ses camarades de Tréguier, aimerait que les politiques s’attaquent à la fast-fashion, à savoir la mode éphémère qui implique une production massive de vêtements dans des pays où la main-d’œuvre est sous-payée voire exploitée. « On s’habille tous en frip’, donc il y a plein de moyens de faire autrement. »

« IL FAUT AGIR CONTRE LA FAST FASHION », MONA ET ZOÉ, LYCÉENNES / Lannion - 13 octobre 2023

Pas beaucoup plus âgé que Mona, Winaël a déjà expérimenté la violence d’État.

« À Sainte-Soline, avant d’y aller, je me suis préparé à mourir, j’ai dû prévenir des proches que potentiellement j’irai mourir et je suis passé pas très loin de la mort », témoigne dans un calme déconcertant ce lycéen nazairien, dont le casque est décoré d’un autocollant “no bassaran”.

Le 25 mars 2023, il participait à la manifestation contre la construction de méga-bassines dans les Deux-Sèvres, lors de laquelle plus de 5.000 grenades lacrymogènes et de désencerclement ont été tirées par les gendarmes.

Un rapport des observatoires des libertés publiques et des pratiques policières cosigné par la Ligue des droits de l’homme (LDH) reprend le bilan délivré par les Soulèvements de la Terre, à savoir 200 manifestants blessés dont 40 gravement, 20 mutilées ou au pronostic fonctionnel engagé parmi lesquelles une personne au pronostic vital engagé. Peu après les affrontements, le procureur du département avait lui annoncé 47 gendarmes blessés, dont deux en urgence absolue lors de leur prise en charge, et deux journalistes en urgence relative.

« Si le gouvernement me considère comme “éco-terroriste”, ça en devient une légion d’honneur parce que la vraie répression, la vraie violence, elle n’est pas de soutenir les familles des vitrines. Ce sont les gens qui sont mutilés, qui meurent. […] Même l’Onu considère la France comme une démocratie défaillante, poursuit le militant du Mouvement national lycéen (MNL). Là, le gouvernement veut réautoriser le glyphosate, qui cause des troubles sur les cerveaux des enfants. Il favorise le profit avant tout. »

« AVANT SAINTE-SOLINE, JE ME SUIS PRÉPARÉ À MOURIR », WINAËL (MNL) / Lannion - 13 octobre 2023

Les questions internationales ont quant à elles été soigneusement évitées dans le discours lu à trois voix par des représentantes de la FSU, de la CFDT et de la CGT juste avant le défilé. Les organisations syndicales ont rappelé leur « attachement aux valeurs républicaines, aux libertés démocratiques, individuelles et collectives, en particulier le droit de grève et de manifestation ». Est-ce une allusion au télégramme du ministre de l’Intérieur demandant au préfet d’interdire toute manifestation pro-palestinienne ?

Au pied du podium, un tract distribué par l’association France Palestine Solidarité Trégor met les pieds dans le plat. Après une dénonciation « sans ambiguïté » de l’attaque du Hamas qui a « pris pour cible de très nombreux civils non armés », l’organisation alerte sur la réponse du gouvernement israélien. « Une escalade placée sous le signe de la vengeance » face à laquelle l’AFPS réclame des autorités françaises et européennes qu’elles se mobilisent pour un cessez-le-feu immédiat.

Le chaos du monde qui ébranle la coalition de gauche à l’Assemblée nationale mettra-t-elle en sourdine les aspirations sociales et écologistes ? Alors que la résurgence d’attentats islamistes favorise les discours martiaux et la désignation de boucs émissaires, les militants ont de quoi être inquiets.

« CONTRE L’AUSTÉRITÉ EN FRANCE COMME EN EUROPE », DISCOURS INTERSYNDICAL / Lannion - 13 octobre 2023
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Angoulême 2014 en 7 polémiques

Angoulême ne serait pas Angoulême sans ses polémiques. Cette année, les organisateurs, qui attendent 200.000 visiteurs en l’espace de quatre jours, doivent répondre aux critiques sur plusieurs fronts.

Abstention de l’académie des Grand prix, lettre ouverte contre l’entreprises israélienne Sodastream, articles critiques sur la réception des éditeurs ou des journalistes web, pétition japonaise contre une exposition coréenne, voici quelques actions qui font du bruit à Angoulême. On fait le point.

1/ La Cité internationale de la BD

C’est une affaire compliquée qui mériterait un dessin. La prochaine fois, promis.

La société 9eArt+, qui gère le festival, est en conflit avec la Cité internationale de la BD, ouverte depuis 2008 à Angoulême. Cet établissement public de production, de commerce et d’exposition, avait pourtant été créé par les pouvoirs publics pour venir en aide au festival.

En novembre, le président du Conseil général de la Charente, Michel Boutant, a imposé que les structures s’entendent pour que le festival obtienne des subventions. Les organisateurs l’ont vécu comme un chantage.

Gilles Ciment, directeur de la Cité de la BD sur la sellette, a même fait un burn-out la semaine dernière après une entrevue houleuse avec Michel Boutant. Il est en arrêt maladie pendant le week-end du festival.

Pour compliquer le tout, le journaliste Didier Pasamonik, éditorialiste du site Actuabd.com, a publié une missive incendiaire, dans laquelle il s’en prend aux organisateurs.

Eric Loret remarque dans Libération qu’on “comprendra surtout que c’est affaire de haines intestines un peu plus compliquées que les Atrides et loin, très loin de quelque pensée que ce soit pour le public“.

2/ Le nouveau règlement du Grand Prix

Le changement de mode de désignation du Grand prix de la ville d’Angoulême, seule récompense vraiment marquante du week-end, a provoqué l’abstention d’une majorité des membres de l’académie des Grands prix.

Sur les 26 académiciens, récompensés lors des 40 éditions précédentes, qui devaient désigner leur successeur, 16 n’ont pas voté cette année. Ils sont courroucés de devoir partager l’urne avec l’ensemble de leurs confrères présents à Angoulême. Philippe Druillet parle même de “mépris”. L’académie s’est donc dissoute, mais une grande partie des anciens distingués voteront tout de même dans le nouveau collège unique.

La BD évolue, s’internationalise, et les avis de l’académie étaient souvent jugés old school et ethno-centrés. Cette année, il en sera forcément autrement. Les finalistes sont Bill Watterson, Katsuhiro Otomo et Alan Moore.

Alan Moore - Grand Prix potentiel du festival d'Angoulême 2014 - La Déviation
“J’ai décidé de ne plus accepter de prix, il ne faut pas m’en vouloir. […] Je ne me rends plus dans les festivals, je n’accepte plus aucune récompense. Je conçois et j’apprécie les sentiments de tous ces gens qui me choisissent, mais je ne veux assumer que ce que j’ai décidé moi-même d’entreprendre, pas ce que les autres veulent de moi.” Alan Moore

Le pire est peut-être à venir, puisque l’Anglais Alan Moore a fait savoir qu’il n’accepterait pas la distinction s’il était élu. Bill Watterson, quant à lui, ne veut plus rencontrer un seul journaliste. Problèmatique quand on sait que le Grand prix d’une année devient le président de l’édition suivante.

3/ Le partenariat avec l’Israélien Sodastream

9eArt+ a perdu plusieurs sponsors privés d’envergure ces derniers temps. Les centres Leclerc et la Fnac ont retiré leurs billes. Un nouvel acteur entre dans le jeu cette année, la compagnie de gazéification de l’eau à domicile Sodastream. L’affaire fait des bulles qui piquent.

Sodastream est une entreprise israélienne. L’association Charente Palestine solidarité est montée au créneau, dénonçant l’implantation d’une usine dans une colonie israélienne en Cisjordanie.

Charente Palestine solidarité appelle au boycott de la marque et prévient d’une action coup de poing pendant le festival.

Sodastream Angoulême 2014 - Page Facebook - La Déviation
Photo de l’espace Sodastream au festival d’Angoulême. Crédits Sodastream page Facebook

Alertés, plusieurs dessinateurs ont signé une lettre ouverte contre ce partenariat, dont Siné, Joe Sacco ou Willis From Tunis. Le délégué général du festival Franck Bondoux défend l’entreprise qui “n’a jamais été condamnée en France”, note-t-il.

4/ La réception de l’éditeur Bamboo

Le septième éditeur en nombre de nouveautés publiées en 2013 ne posera pas ses tréteaux à Angoulême cette année. Bamboo, connu pour ses séries Les Profs ou Les Gendarmes, se sent “méprisé” par les organisateurs.

Dénonçant en bloc le prix trop élevé des stands, le désintérêt des journalistes, le fait d’être tenu à l’écart des distinctions ou le système des dédicaces, qualifiées “d’abattage“, Olivier Sulpice préfère se rendre dans des festivals “à taille humaine”. Ce qu’aurait cessé d’être le FIBD.

5/ La réception de la presse web

Bédéo sèche le festival d’Angoulême” et le revendique.

La position est osée. Considérant qu’il est délaissé au profit des médias de masse, le site spécialisé n’envoie aucune équipe couvrir le premier événement bédé hexagonal.

“Avec les autres sites BD, nous nous étions coordonnés pour proposer un partenariat à la hauteur de l’évènement. Avec cinq sites BD motivés qui captent l’essentiel des bédéphiles du web, nous nous sommes dit que nous allions enfin pouvoir discuter. Que nenni…”, écrit Laurence Seguy dans son édito coup de gueule, concluant d’un cinglant “la BD vit tous les jours en dehors du FIBD et nous l’aimons comme ça ! En revanche, on se demande si le FIBD aime encore la BD“.

6/ La plagiat des Schtroumpfs noirs

Là, c’est d’une polémique en puissance dont il est question. Les éditions La Cinquième couche vendent une nouvelle version des Schtroumpfs noirs (1963). La BD originelle est accusée de racisme. Le synopsis tient en effet dans une maladie, transmise par une mouche, qui transforme les Schtroumpfs bleus en Schtroumpfs noirs en les rendant méchants.

Dans la version anglophone, les petits personnages de Peyo étaient passés au violet pour que l’album puisse être commercialisé. Dans la BD en vente à Angoulême, l’auteur passe du violet au bleu, tournant ainsi l’histoire au ridicule.

Les mêmes éditeurs s’étaient rendus en 2012 à Angoulême avec des albums de Katz, détournement de Maus d’Art Spiegelmann, dans lesquels tous les personnages avaient des têtes de chat. Face à la colère de Flammarion et Spiegelmann, les albums avaient été détruits pour éviter un procès.

7/ L’exposition coréenne sur les “femmes de réconfort”

Encore plus inattendue : la pétition adressée au festival par une association de femmes japonaises. Japanese Women for Justice and Peace reproche la tenue d’une exposition sur les “femmes de réconfort” sur le stand de la Corée du Sud. Près de 14.000 signatures ont été recueillies et transmises aux organisateurs, aux politiques comme à la presse.

Selon le texte de la pétition (disponible en français), la Corée du Sud mènerait une “campagne malveillante anti-japonaise”. Par le biais du festival, elle ferait courir le chiffre de 200.000 esclaves sexuelles coréennes forcées de se prostituer pendant la Seconde Guerre mondiale, au service des militaires japonais.

“On ne nie jamais l’existence des femmes de réconfort. Mais ni 200.000, ni enlevées, ni forcées par l’Armée impériale japonaise ! […] Et au festival, le gouvernement coréen manipule le festival d’Angoulême comme un champ de bataille politique et diplomatique. Il est en train de conspirer contre notre pays”, renchérit l’association japonaise sur un ton nationaliste.

Mercredi, le stand japonais Nextdoor, accusé de négationnisme, a été fermé. La Charente Libre rapporte qu’un huissier est intervenu pour constaté la présence de croix gammées et de saluts nazis sur des planches mises en avant sur le stand.

Difficile d’y voir une apologie de l’Allemagne nazie, chacun en jugera.

Vendredi, l’ambassadeur japonais en France, Yoichi Suzuki, a « regretté vivement que cette exposition ait lieu », estimant qu’il s’agissait « d’un point de vue erroné qui complique davantage les relations entre la Corée du Sud et le Japon ».

Les réactions pro-japonaises sont nombreuses sur les réseaux sociaux.

“La plupart des historiens estiment à 200 000 le nombre de femmes – surtout des Coréennes, Chinoises et Philippines – réduites en esclavage sexuel par Tokyo pendant la Seconde guerre mondiale”, écrit le Nouvel Observateur.

Voici le festival d’Angoulême au cœur d’un conflit diplomatique qui dépasse cette fois de loin les frontières de la Charente. Qui a dit que la BD était un loisir d’enfants ?

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