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[Portfolio] Nokia : la colère des lannionnais monte à Paris

Dès l’aube, les jeunes ingénieur·es télécoms tout juste recruté·es à Lannion et déjà viré·s par Nokia montent dans le TGV spécial 21.070. Le train, affrété par l’intersyndicale, affiche complet avec plus de 430 passagèr·es. Les Trégorrois·es sont rejoint·es par leurs collègues de Rennes puis de l’Essonne pour la manifestation parisienne.

Sous un ciel bleu dur, agité par un vent têtu, plus de 1.000 salarié·es de Nokia France manifestent entre la gare Montparnasse et les Invalides, à Paris, ce mercredi 8 juillet. Ils défendent 1.233 postes, dont 402 à Lannion, désignés pour être détruits par les dirigeants du groupe finlandais.

Mauvais signe pour l’image de marque et l’avenir de Nokia : la plupart des 200 jeunes ingénieur·es récemment recruté·es à Lannion sont de la manif’. L’ opération de com’ de l’intersyndicale capte l’attention des médias nationaux avec une bonne diffusion à l’étranger. Une gageure lorsque 195 plans similaires sont décomptés depuis début mars dans le pays.

Interrogée sur l’opportunisme de Nokia par le communiste Bruneel lors de la première séance de questions au gouvernement de Jean Castex à l’Assemblée, la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, assure être « à la manœuvre », sans apporter plus de précisions. Sur la pelouse des Invalides, les députés costarmoricains Éric Bothorel (LREM) et Marc Le Fur (LR) côtoient l’Insoumis Éric Coquerel et le trotskyste tendance LO Jean-Pierre Mercier. Deux parlementaires « pro-business » flanqués de deux habitués des camions sonos.

Les collègues grec·ques aussi ont apporté leur soutien par le biais d’une vidéo en français postée sur les réseaux sociaux. S’ils redonnent de la force, chacun sait que les discours ne suffiront pas à gripper l’engrenage qui s’est mis en action.

Jouant « le tout pour le tout », les délégué·es syndicaux promettent de mener une « politique de la terre brûlée », quitte à faire capoter les contrats 5G de l’équipementier en France. Des documents compromettants pourraient bientôt parvenir aux opérateurs.

Le premier cycle de réunions organisées en début de semaine à Paris les a convaincu·es de poursuivre sur cette voie. Surveillée par les gorilles de la sécurité, la délégation, unie, a multiplié les interruptions de séance L’Inspection du travail a d’ailleurs été saisie pour contraindre la direction à présenter le détail de son plan.

Si les syndicats comme le gouvernement constatent que la direction de Nokia reste murée dans une posture hermétique, brutale, pour ne pas dire détachée de la réalité humaine, la ministre préfère parler « l’amélioration » du PSE, tandis que les représentant·es refusent en bloc toute baisse d’effectif.

Ce plan dit de « sauvegarde de l’emploi » (PSE), porte en lui la fin des activités de recherche et développement en France. Salarié·es comme élu·es locaux en sont convaincu·es.

Gilles, syndicaliste lannionnais, est en colère.

« Personne ne comprend la stratégie de Nokia. Un PSE ça coûte très cher. S’ajoute l’impact des suppressions de postes sur la qualité et les délais de livraison de tous les produits sur lesquels on intervient. Avant Nokia était la référence : un constructeur robuste et fiable. Cette image de marque, à laquelle Nokia est très attachée, sera détériorée. C’est incompréhensible. Nokia n’a pas pu monter ce plan en quelques semaines, mais plutôt il y a six mois. À ce moment-là, l’entreprise embauchait des jeunes diplômé·es tout en prévoyant de les virer, sans traîner. En fait, nous avons affaire à des malhonnêtes qui nous servent un tissu de mensonges, d’hypocrisie et de trahison. »

Dans ce combat social, « rien ne sera pardonné » aux yeux des travailleur·ses rencontré·es par « La Déviation » le long du cortège parisien. La vague de colère des salarié·es de Nokia est à la hauteur du mur de glace de l’équipementier finlandais.

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[Portfolio] Lannion tempête contre l’ouragan Nokia

Du Nouveau parti anticapitaliste aux curés de Lannion et Perros-Guirec, des régionalistes bretons à la droite LR en passant par des écolos farouchement contre la 5G, tous se sont donnés rendez-vous samedi 4 juillet sur le quai d’Aiguillon. Le Trégor vient soutenir les salarié·es de Nokia, menacé·es de perdre leur emploi au terme d’un énième plan destructeur.

Les représentant·es des huit organisations syndicales du pays se serrent sur la petite estrade couverte installée devant La Poste. Plus de 3.500 regards se tournent vers ces élu·es du personnel, transformé·s en leaders de la lutte pour la survie du site et peut-être bien plus que cela.

Les cheveux blancs font de la place à Pauline Bondon, une ingérieure de 24 ans dont le rêve était « depuis toute petite, de vivre en Bretagne, près de la mer ». La jeune femme raconte le sentiment de trahison mêlé de sidération face aux manoeuvres opaques de la firme finlandaise. Avec son compagnon, elle se prépare à quitter la sous-préfecture « et ses petits commerces ».

Le ciel retient ses larmes, tandis que la manif’ s’étire sur les deux rives du Léguer. « No-kia, no-jobs, no future », « Keep Nokia Jobs in Lannion »… certaines pancartes s’écrivent dans la langue internationale des affaires. Leur portée doit traverser les frontières. Comme en d’autres temps de sinistre mémoire, la presse nationale a d’ailleurs fait le déplacement jusqu’à cette « Silicon Valley » ouverte à tous vents.

Un groupe de sonneurs et une fanfare accompagnent la procession qui remonte la rue des Augustins direction la mairie. Elle ammorce ensuite sa descente vers l’imposante bâtisse qui fait face à l’avenue Ernest-Renan. Sur son fronton, trois mots se détachent dans une calligraphie d’un autre siècle : téléphone, poste, télégraphe.

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