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La fille maudite du capitaine pirate

Critique – Il a illustré la Bible, la divine comédie de Dante, les contes de Charles Perrault, il a donné l’ultime coup de pouce à Rabelais, Cervantès ou Shakespeare pour achever leur gloire posthume.

Il a inspiré le cinéaste Cecil B. DeMille pour sa version titanesque des Dix Commandements, mais aussi les scènes surnaturelles de La Belle et la Bête réalisé par Jean Cocteau (1946) et aurait même insufflé à Tim Burton le goût d’une nature anthropomorphe peuplée de fantômes et de visions merveilleuses ou cauchemardesques.

G.Doré a inspiré le cinéaste Cecil B. DeMelille pour sa version titanesque des Dix Commandements - La Déviation
G.Doré a inspiré le cinéaste Cecil B. DeMille pour sa version titanesque des Dix Commandements

Gustave Doré est une légende, et l’éloge itératif de l’exposition qui lui était consacré au Musée d’Orsay a célébré, une nouvelle fois, cet artiste atypique.

En sortant de l’expo ou après avoir surfé sur Google Images vous vous êtes peut-être demandé ce que Gustave Doré aurait bien pu présenter comme histoire s’il était l’un de nos contemporains. Est-ce qu’il délaisserait la gravure pour le cinéma, conversion qu’avait choisi son ami Nadar en abandonnant ses pinceaux ?

Pas besoin de machine à remonter le temps pour le savoir. La réponse est là, sous vos yeux. Il existe un jeune artiste talentueux dont le graphisme et l’univers fantastique donnent à croire que Gustave Doré est encore de ce monde.

À l’image de son âme sœur artistique découverte comme coup de foudre, un jour, dans une boutique (écoutez l’interview !), Jeremy Bastian aurait pu signer la même phrase, désormais célèbre : « J’illustrerai tout ».

Avec un univers graphique, littéraire, et parfois acoustique, totalement immersif, l’artiste américain repousse les limites de la raison pour plonger tous nos sens au fond des océans, dans une quête qui n’a rien à envier à Alice aux pays des merveilles, Peter pan et autres récits de flibustiers.

Jeremy Bastian. La fille maudite du capitaine pirate, éditions La Cerise - La Déviation
Jeremy Bastian. La fille maudite du capitaine pirate, éditions La Cerise

Ouvrir La Fille maudite du capitaine pirate c’est savourer une excentricité assumée, dans la mise en page (des phylactères enluminurés, au format des cases) comme dans le propos. Cet artiste du Michigan, qui partage ses journées entre ses élevages de poules, canards et moutons, ses explorations des boutiques d’antiquaires et sa table à dessin, a curieusement préféré l’univers aquatique, à celui des grands paysages, la liberté de peupler les profondeurs des grands lacs plutôt que la surface des océans.

La délicatesse, la minutie des travaux d’Arthur Rackham, la rigueur du graveur énigmatique Albrecht Dürer inspirent Jeremy Bastian, qui préfère aux dessins des comics, croqués mécaniquement pour répondre à la demande, les graphismes des vieux livres d’histoire.

« Au départ, comme tout môme, je voulais être dessinateur pour Marvel ou DC, mais au fur et à mesure que je me suis imprégné des influences d’autres dessinateurs, j’ai réalisé que je ne pourrais jamais accepter de travailler pour les grosses compagnies, à cause du temps imparti pour dessiner », ajoute-t-il.

De la patience, il en a fallu à l’artiste pour accoucher de son premier ouvrage, d’abord proposé en one shot, dans une maison d’édition américaine, qui a finalement coulé, puis pour reprendre le récit et lui offrir la profondeur qui manquait. Jeremy Bastian travaille actuellement sur le tome 2, à Château Brignon. Passionné par nos arbres français (qui composent la majeure partie de ses photos souvenirs apparemment), ses prochaines pages garderont sans doute quelques effluves de Gironde, de son architecture ou au moins de son patrimoine végétal.

Jeremy Bastian. La fille maudite du capitaine pirate, éditions La Cerise - La Déviation

L’ouvrage a été choisi par les libraires Canal BD et Album pour la période du 1er mars au 30 avril 2014. Sélectionné au Prix des Libraires de bande dessinée cette année, La Fille maudite du capitaine pirate n’a pas été lauréate… mais il est à parier que le travail prometteur de Jeremy Bastian pourrait bien obtenir d’autres reconnaissances dans le milieu de la bande dessinée.

L’interview

Et avant de vous lancer dans la lecture, profitez du doux accent du Michigan de Jeremy Bastian avec cette interview réalisée lors de l’Escale du livre de Bordeaux. Un grand merci à Patrick Marcel, le traducteur de « The Cursed Pirate Girl » qui a accepté de traduire également, les paroles de l’artiste.

La Fille maudite du capitaine pirate - La Déviation

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