Dans cette tribune d’une psychiatre-addictologue, on apprend que l’accueil des patient·es a été bouleversé dans de nombreux centres ; les personnes addictes à des substances se sont retrouvées à faire des sevrages chez elles, seules ; des AAH (allocations adulte handicapé) ont cessé d’être versées ; des solutions de logement d’urgence ont dû être trouvées, entraînant parfois des ruptures de suivi.
Malgré le confinement et le pseudo-déconfinement qui se préparent, n’oublions pas de prêter attention à nos voisin·es, à nos proches, et même aux personnes que nous croisons dans la rue.
Illustration : dessin publié dans le quatrième numéro de Sans remède, un journal alimenté par des vécus et des points de vue sur le système psychiatrique. Leur site internet étant mort, on peut retrouver les numéros un à quatre ici et le numéro cinq là (pdf).
Reporterre et Médiapart ont publié une enquête très détaillée sur les moyens déployés par la justice pour enquêter à Bure. Quand on touche au nucléaire, l’Etat français ne recule devant rien pour réprimer les opposants, cela s’est vérifié de nombreuses fois tout le long de l’histoire du mouvement anti-nucléaire français.
On a confirmation dès la première partie de l’enquête que si vous êtes passé·es à Bure lors d’un événement collectif en 2018, votre numéro a été enregistré par un « IMSI-catcher ». Si vous avez vécu à Bure, vous avez même très probablement été la cible d’écoutes téléphoniques.
On apprend dans la deuxième partie de l’enquête que la gendarmerie a une unité spécifique, avec un écusson, qui comptait au moins cinq officiers de police judiciaire (OPJ) à plein temps entre 2018 et 2019. Le salaire de ces officiers combiné au prix des écoutes est estimé à plus d’un million d’euros (fourchette basse), soit vingt fois le coût des détériorations justifiant ces enquêtes. De nombreux·ses avocat·es trouvent les sommes dépensées complètement disproportionnées.
Dans un entretien à Mediapart, Sezin Topçu explique comment les autorités françaises utilisent les sciences sociales pour choisir leurs stratégies de communications afin de marginaliser le mouvement anti-nucléaire.
Pour conclure, laissons la parole à celles et ceux qui connaissent le mieux la répression de Bure, c’est-à-dire les personnes qui la subissent. Elles décrivent la justice à Bar-Le-Duc comme un système mafieux qui ne dit pas son nom.
Pendant ce temps, surfant sur la vague écologique, la propagande nucléaire prétend que l’énergie nucléaire serait une solution contre le réchauffement climatique. Cette offensive est notamment menée par le très influent Jean-Marc Jancovici. Les arguments écologiques pour défendre le nucléaire – un comble – sont réfutés par le réseau Sortir du nucléaire dans un argumentaire solide (pdf) même si l’on peut déplorer, comme dans beaucoup de publications antinucléaires, l’absence de critique des énergies renouvelables.
Les unes de Libération et du Parisien du 24 mars et la une de Paris Match du 26 mars 2020 illustrent la folie médiatique autour de la chloroquine et la personnalisation du débat sur ce médicament.
Nous avons choisi après deux articles dans les Gazettes des confiné·es #3 et #5 de ne plus participer à la médiatisation des stupidités de Didier Raoult et de ne plus parler de chloroquine avant l’arrivée d’informations sérieuses quant à son efficacité.
Mais nous n’oublierons pas celles et ceux qui ont mis en avant la chloroquine contre toutes précautions alors que, dès le début, l’on savait que les études concernant la chloroquine n’étaient ni fiables ni concluantes. Notre troisième numéro date du 26 mars et cet article de l’Union communiste libertaire a été publié quatre jours plus tard, entre autres exemples.
Il semble de plus en plus se confirmer que les personnes ayant mis en avant la chloroquine ont participé indirectement à la surmortalité du coronavirus car cette molécule aurait plus d’effets délétères que bénéfiques. Attendons encore un peu avant de conclure quoi que ce soit.
Une certitude, on ne joue pas au hasard avec les médicaments comme le rappelle cet article qui fourmille d’exemples d’erreurs de traitements découverts par des essais cliniques sérieux. Ainsi, des prescriptions pour l’infarctus du myocarde, avant d’être vérifiées par des essais cliniques, auraient tué environ 60.000 personnes. En ce qui concerne les essais cliniques pour le coronavirus Sras-cov2, la surmédiatisation de la chloroquine les ralentit car de nombreux·ses patient·es refusent de participer aux essais cliniques qui ne leur garantissent pas d’être traité·es avec de la chloroquine. Ce ralentissement de la recherche peut aussi coûter des vies car si un traitement est bénéfique ou délétère, on le découvrira moins rapidement.
Il nous semble, même s’il faudrait une enquête approfondie pour le confirmer, que ce sont les réseaux populistes d’extrême-droite qui ont le plus surfé sur la chloroquine comme Valeurs Actuelles en France et bien entendu l’« alt-right » américaine, rangée derrière Donald Trump.
En ce moment, on n’a encore aucune certitude concernant les traitements même si des études commencent à paraître, par exemple sur le Tocilizumab pour lutter contre la tempête de cytokines ou sur le Remdesivir publiée le 29 avril. Ces articles scientifiques doivent être relus – celui sur le Tocilizumab n’est même pas encore paru, il n’y a qu’un communiqué de presse -, reproduits et confirmés par d’autres essais pour que leurs résultats soient considérés comme vérifiés. Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucun traitement miracle : par exemple, d’après les études que l’on cite, le Tocilizumab ne serait utile que sur les cas graves et le Remdesivir n’aurait qu’un effet très léger et elles sont beaucoup trop récentes pour s’appuyer dessus. Gardons en tête qu’un traitement, ce n’est pas tout ou rien : pour le Covid-19, il ne s’agira probablement que d’une légère amélioration des probabilités de survie.
Nous sommes conscient·es qu’il est extrêmement compliqué de se plonger dans la littérature scientifique sans formation et d’arriver à trier les informations selon leurs fiabilités. De nombreuses personnes se sont fourvoyées notamment à cause de l’avalanche d’articles et d’informations sur la chloroquine. Comment éviter cela sans aller vers une confiscation de la parole par des expert·es ?
La Gazette mise sur l’éducation populaire, la vérification des sources – nous intégrons systématiquement des hyperliens pour que vous puissiez vérifier nos affirmations – et la relecture collective. Les discussions et débats évitent de se laisser intoxiquer comme on peut l’être seul·e devant son écran. Alors croisez les sources, débattez et doutez des informations que vous lisez !
Jeu des sept différences entre les cartes du déconfinement du 30 avril et du 2 mai 2020 pour éditorialistes médiatiques. Pour les autres, ces cartes sont inutiles, autant attendre directement la carte du 7 mai...
Le 11 mai, le gouvernement prévoit de déconfiner partiellement le pays, avec d’une part des règles qui s’appliqueront partout comme l’interdiction de se déplacer à plus de 100 km de son domicile, et d’autre part des règles qui varieront selon le département, notamment la réouverture des écoles dont nous évaluions le rapport bénéfice risque dans notre précédent numéro.
Une carte du déconfinement est donc élaborée, à la manière des alertes météo. Elle peut changer quotidiennement jusqu’au 7 mai, date à laquelle elle sera fixée pour la semaine du 11 mai, avant d’être ensuite mise à jour une fois par semaine. Promesse de confusion et d’anxiété pour les habitant·es et garantie d’occuper l’agenda médiatique pour les autres. Les rédactions apprécient ces documents prêts à mâcher, à partir desquels leurs polémistes maison peuvent deviser des heures durant. Le gouvernement escomptait afficher son volontarisme, mais s’est pris les pieds dans le tapis.
La première polémique n’a en effet pas tardé. Les agences régionales de santé (ARS) de Corse et du Centre reconnaissent que des départements ont été inclus à tort dans les zones rouges dès la première livraison de la carte. Or, cela signifie pour un territoire que les libertés y seront plus sévèrement limitées.
Cela concerne notamment la Haute-Corse, le Lot (à peine 16 mort·es du Covid, une personne en réanimation) et le Cher (129 mort·es, trois personnes en réanimation). Le critère retenu est en effet le ratio entre le nombre de personnes dépistées et le nombre de venues aux urgences.
Or, ce critère est sans doute influencé tout autant par la propagation de l’épidémie que par la propension des gens à venir aux urgences pour des symptômes mineurs (et donc notamment de la disponibilité des médecins traitants, de l’angoisse générée par l’épidémie…), de la politique de l’hôpital concernant les tests de dépistages, mais aussi du nombre de personnes ayant d’autres affections…
Depuis ces critiques, la carte a été rectifiée, mais le mal est fait. C’est une nouvelle preuve d’amateurisme !
Avec Emmanuel Macron, apprenez à distinguer les vraies informations des fallacieuses !
Sur bien des domaines, l’épidémie de coronavirus permet aux dirigeant·es d’avancer leurs pions. En matière de droit du travail, comme nous l’avons déjà vu, mais aussi de contrôle de l’information. La sélection d’articles de presse publiée sur le site officiel d’un gouvernement profondément falsificateur traduit plus une volonté de désamorcer les critiques qu’une reconnaissance du travail journalistique.
« La crise du Covid-19 favorise la propagation de fake news. Plus que jamais, il est nécessaire de se fier à des sources d’informations sûres et vérifiées. » Ce constat est d’une grande banalité, mais la suite nous a étonné·es. « C’est pourquoi le site du gouvernement propose désormais un espace dédié. » Dans son tweet publié le 30 avril, la porte-parle du gouvernement Sibeth Ndiaye fait la promotion d’une revue de presse officielle, jusqu’ici passée inaperçue.
La page « désinfox coronavirus » recense jusqu’au 2 mai seize pages de liens vers Libération, 20 Minutes, l’AFP, France Info et Le Monde. Les articles nous promettent d’apprendre « pourquoi l’OMS ne recommande pas le port du masque à toute la population ? », si « la commande de drones du ministère de l’Intérieur est bien liée au contrôle du confinement ? » ou encore que « non, Emmanuel et Brigitte Macron ne font pas de Jet-Ski pendant le confinement ».
Un paragraphe en petits caractères précise que « sont référencés sur cette page les articles des médias français, depuis le 15 avril, disposant d’une rubrique « fact checking » depuis au moins 2 ans ; d’une équipe fact checking spécialisée ; et d’un accès gratuit au contenu. » Des critères arbitraires qui éliminent Mediapart ou Médiacités, dont l’indépendance éditoriale repose sur le choix du payant. La presse régionale, dépourvue de tels services, n’a pas non plus le droit de cité.
Loin de se réjouir d’une telle reconnaissance, plusieurs journalistes des rédactions concernées perçoivent le piège que représente une assimilation aussi directe au pouvoir. Chez Libération, Laurent Joffrin lui-même assure que la rédaction qu’il dirige a été mise devant le fait accompli. Sans demander la suppression de cette page, il souhaite que les internautes en soient avertis. Sûr de son fait, le Service d’information du gouvernement (SIG) propose au contraire de le contacter, « afin que les articles de votre rédaction soient recensés ».
Nous n’épiloguerons pas sur la définition du « fact-checking » et des « fake news », nous en avons déjà parlé dans La Gazette #10, et elles ont été longuement décortiquées par Frédéric Lordon dans un billet aux airs de pamphlet contre Les Décodeurs publié en janvier 2018. Rappelez-vous des gommettes de couleur attribuées par le « journal de référence » à ses concurrents. Disons simplement que la vérification des faits, un des fondements de l’éthique journalistique, nous anime tout autant pour écrire cette présente Gazette que des titres prétendument « neutres » ou « objectifs ».
Le Décodex du journal Le Monde accordait des notes en couleurs aux sites d’information ce qui a créé un tollé, Fakir étant classé orange par exemple, et les couleurs ont disparu depuis.
En revanche, nous ferons deux remarques.
La première, c’est que ce gouvernement soudain épris de vérité ne cesse d’entraver la liberté de la presse. C’est à la demande d’Emmanuel Macron qu’a été promulguée la loi sur le secret des affaires, consolidant le mur érigé par les multinationales pour se protéger des citoyen·es. Tout comme la loi anti-« fake news », qui élargit les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ainsi que des plateformes numériques, en bonnes auxiliaires de la censure.
« Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : “Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements.” […] S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout. »
La seconde remarque, c’est que la communication étatique s’insinue désormais dans chaque pores du débat public. Sans parler des relais serviles qui nichent dans les rédactions (lire à ce sujet le communiqué acide du SNJ France TV sur le 20 Heures de France 2), les encarts dans la presse, les spots télé et radio et plus insidieusement les bannières des géants du capitalisme numérique nous ramènent immanquablement vers les consignes gouvernementales.
Quoi que vous cherchiez sur le coronavirus en ligne, les géants du capitalisme numérique vous dirigeront en premier lieu vers le site du gouvernement.
N’êtes-vous pas avertis par Twitter au moindre clic sur le hashtag Covid-19 que pour « connaître les faits, de l’information et des recommandations sont disponibles sur le site officiel du Gouvernement (sic) » ? Une foire aux questions préparée par le gouvernement ne s’affiche-t-elle pas tout en haut sur Google lorsque vous interrogez le moteur de recherche à propos du coronavirus ? Facebook ne vous conseille-t-il pas d’« écouter les consignes de votre gouvernement » quand vous tapez le mot-clé « Sras-cov2 » dans la barre de recherche ?
S’agit-il de se racheter une conduite après avoir accumulé des millions grâce un business de la désinformation ? Ou bien de proposer ses services à l’Etat, dans le contrôle de l’information et des populations ?
Le gouvernement remballe son projet sous la pression
A l’instar de Clément Viktorovict, d’aucuns estiment que la mise en ligne d’un article par Les Décodeurs du Monde démontant une fausse affirmation d’Olivier Véran a précipité la mort de ce service. Le gouvernement étant pris au piège de sa propre communication.
Comme nous l’avions écrit dans un article précédent, la décroissance de l’activité économique nécessaire écologiquement parlant ne peut être mise en place sans penser aux plus précaires qui ont besoin de leurs emplois pour survivre.
200502 - Rizières en terrasse dans le Yunnan une province du sud-ouest de la Chine by Jialiang Gao Wikipedia CC by-sa 3.0 - La Déviation
Sauver les apparences quand les faits vous échappent, c’est ce à quoi s’emploient Philippe, Borne et Véran. Sommés par le château de remettre tout en marche, ils occupent sans compter presque tous nos écrans. « Masques et tests manquent ? C’est bien embarrassant. Vite ! publions une carte des départements. Génératrice de stress, c’est l’intention qui compte. Croyez-nous sur parole, elle sera prête à temps. Comme nous aimons la presse, se trouvent à notre adresse les meilleurs « fact-checking » sur le confinement. Cette sélection vous choque ? Vous la dites orientée ? Montrez-nous vos papiers ! Quittez Bure prestement ! »
L’autonomie alimentaire est nécessaire pour sortir du capitalisme
Comme nous l’avions écrit dans un article précédent, la décroissance de l’activité économique nécessaire écologiquement parlant ne peut être mise en place sans penser aux plus précaires qui ont besoin de leurs emplois pour survivre.
La Gazette s’y met aussi et elle a remonté les sources de l’information derrière le traçage : un unique article publié dans Science que tout le monde cite et qui apporte plutôt des arguments pour dire que le traçage n’est pas efficace !
L’illusion de la toute puissance de la technique empêche de voir que des gestes simples permettraient de lutter contre l’épidémie.
Le gouvernement trie les « fake news » sur son site : qui se sent morveux se mouche
Avec Emmanuel Macron, apprenez à distinguer les vraies informations des fallacieuses !
Sur bien des domaines, l’épidémie de coronavirus permet aux dirigeant·es d’avancer leurs pions. En matière de droit du travail, comme nous l’avons déjà vu, mais aussi de contrôle de l’information. La sélection d’articles de presse publiée sur le site officiel d’un gouvernement profondément falsificateur traduit plus une volonté de désamorcer les critiques qu’une reconnaissance du travail journalistique.
« La crise du Covid-19 favorise la propagation de fake news. Plus que jamais, il est nécessaire de se fier à des sources d’informations sûres et vérifiées. » Ce constat est d’une grande banalité, mais la suite nous a étonné·es. « C’est pourquoi le site du gouvernement propose désormais un espace dédié. » Dans son tweet publié le 30 avril, la porte-parle du gouvernement Sibeth Ndiaye fait la promotion d’une revue de presse officielle, jusqu’ici passée inaperçue.
La page « désinfox coronavirus » recense jusqu’au 2 mai seize pages de liens vers Libération, 20 Minutes, l’AFP, France Info et Le Monde. Les articles nous promettent d’apprendre « pourquoi l’OMS ne recommande pas le port du masque à toute la population ? », si « la commande de drones du ministère de l’Intérieur est bien liée au contrôle du confinement ? » ou encore que « non, Emmanuel et Brigitte Macron ne font pas de Jet-Ski pendant le confinement ».
Un paragraphe en petits caractères précise que « sont référencés sur cette page les articles des médias français, depuis le 15 avril, disposant d’une rubrique « fact checking » depuis au moins 2 ans ; d’une équipe fact checking spécialisée ; et d’un accès gratuit au contenu. » Des critères arbitraires qui éliminent Mediapart ou Médiacités, dont l’indépendance éditoriale repose sur le choix du payant. La presse régionale, dépourvue de tels services, n’a pas non plus le droit de cité.
Loin de se réjouir d’une telle reconnaissance, plusieurs journalistes des rédactions concernées perçoivent le piège que représente une assimilation aussi directe au pouvoir. Chez Libération, Laurent Joffrin lui-même assure que la rédaction qu’il dirige a été mise devant le fait accompli. Sans demander la suppression de cette page, il souhaite que les internautes en soient avertis. Sûr de son fait, le Service d’information du gouvernement (SIG) propose au contraire de le contacter, « afin que les articles de votre rédaction soient recensés ».
Nous n’épiloguerons pas sur la définition du « fact-checking » et des « fake news », nous en avons déjà parlé dans La Gazette #10, et elles ont été longuement décortiquées par Frédéric Lordon dans un billet aux airs de pamphlet contre Les Décodeurs publié en janvier 2018. Rappelez-vous des gommettes de couleur attribuées par le « journal de référence » à ses concurrents. Disons simplement que la vérification des faits, un des fondements de l’éthique journalistique, nous anime tout autant pour écrire cette présente Gazette que des titres prétendument « neutres » ou « objectifs ».
Le Décodex du journal Le Monde accordait des notes en couleurs aux sites d’information ce qui a créé un tollé, Fakir étant classé orange par exemple, et les couleurs ont disparu depuis.
En revanche, nous ferons deux remarques.
La première, c’est que ce gouvernement soudain épris de vérité ne cesse d’entraver la liberté de la presse. C’est à la demande d’Emmanuel Macron qu’a été promulguée la loi sur le secret des affaires, consolidant le mur érigé par les multinationales pour se protéger des citoyen·es. Tout comme la loi anti-« fake news », qui élargit les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ainsi que des plateformes numériques, en bonnes auxiliaires de la censure.
« Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : “Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements.” […] S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout. »
La seconde remarque, c’est que la communication étatique s’insinue désormais dans chaque pores du débat public. Sans parler des relais serviles qui nichent dans les rédactions (lire à ce sujet le communiqué acide du SNJ France TV sur le 20 Heures de France 2), les encarts dans la presse, les spots télé et radio et plus insidieusement les bannières des géants du capitalisme numérique nous ramènent immanquablement vers les consignes gouvernementales.
Quoi que vous cherchiez sur le coronavirus en ligne, les géants du capitalisme numérique vous dirigeront en premier lieu vers le site du gouvernement.
N’êtes-vous pas avertis par Twitter au moindre clic sur le hashtag Covid-19 que pour « connaître les faits, de l’information et des recommandations sont disponibles sur le site officiel du Gouvernement (sic) » ? Une foire aux questions préparée par le gouvernement ne s’affiche-t-elle pas tout en haut sur Google lorsque vous interrogez le moteur de recherche à propos du coronavirus ? Facebook ne vous conseille-t-il pas d’« écouter les consignes de votre gouvernement » quand vous tapez le mot-clé « Sras-cov2 » dans la barre de recherche ?
S’agit-il de se racheter une conduite après avoir accumulé des millions grâce un business de la désinformation ? Ou bien de proposer ses services à l’Etat, dans le contrôle de l’information et des populations ?
Le gouvernement remballe son projet sous la pression
Carte de France du déconfinement : un peu plus d’amateurisme pseudo-scientifique
Jeu des sept différences entre les cartes du déconfinement du 30 avril et du 2 mai 2020 pour éditorialistes médiatiques. Pour les autres, ces cartes sont inutiles, autant attendre directement la carte du 7 mai…
Le 11 mai, le gouvernement prévoit de déconfiner partiellement le pays, avec d’une part des règles qui s’appliqueront partout comme l’interdiction de se déplacer à plus de 100 km de son domicile, et d’autre part des règles qui varieront selon le département, notamment la réouverture des écoles dont nous évaluions le rapport bénéfice risque dans notre précédent numéro.
Une carte du déconfinement est donc élaborée, à la manière des alertes météo. Elle peut changer quotidiennement jusqu’au 7 mai, date à laquelle elle sera fixée pour la semaine du 11 mai, avant d’être ensuite mise à jour une fois par semaine. Promesse de confusion et d’anxiété pour les habitant·es et garantie d’occuper l’agenda médiatique pour les autres. Les rédactions apprécient ces documents prêts à mâcher, à partir desquels leurs polémistes maison peuvent deviser des heures durant. Le gouvernement escomptait afficher son volontarisme, mais s’est pris les pieds dans le tapis.
La première polémique n’a en effet pas tardé. Les agences régionales de santé (ARS) de Corse et du Centre reconnaissent que des départements ont été inclus à tort dans les zones rouges dès la première livraison de la carte. Or, cela signifie pour un territoire que les libertés y seront plus sévèrement limitées.
Cela concerne notamment la Haute-Corse, le Lot (à peine 16 mort·es du Covid, une personne en réanimation) et le Cher (129 mort·es, trois personnes en réanimation). Le critère retenu est en effet le ratio entre le nombre de personnes dépistées et le nombre de venues aux urgences. Or, ce critère est sans doute influencé tout autant par la propagation de l’épidémie que par la propension des gens à venir aux urgences pour des symptômes mineurs (et donc notamment de la disponibilité des médecins traitants, de l’angoisse générée par l’épidémie…), de la politique de l’hôpital concernant les tests de dépistages, mais aussi du nombre de personnes ayant d’autres affections…
Depuis ces critiques, la carte a été rectifiée, mais le mal est fait. C’est une nouvelle preuve d’amateurisme !
On n’oublie pas et on ne pardonne pas Raoult et ses sbires médiatiques qui ont relayé ses falsifications
Les unes de Libération et du Parisien du 24 mars et la une de Paris Match du 26 mars 2020 illustrent la folie médiatique autour de la chloroquine et la personnalisation du débat sur ce médicament.
Nous avons choisi après deux articles dans les Gazettes des confiné·es #3 et #5 de ne plus participer à la médiatisation des stupidités de Didier Raoult et de ne plus parler de chloroquine avant l’arrivée d’informations sérieuses quant à son efficacité.
Mais nous n’oublierons pas celles et ceux qui ont mis en avant la chloroquine contre toutes précautions alors que, dès le début, l’on savait que les études concernant la chloroquine n’étaient ni fiables ni concluantes. Notre troisième numéro date du 26 mars et cet article de l’Union communiste libertaire a été publié quatre jours plus tard, entre autres exemples.
Il semble de plus en plus se confirmer que les personnes ayant mis en avant la chloroquine ont participé indirectement à la surmortalité du coronavirus car cette molécule aurait plus d’effets délétères que bénéfiques. Attendons encore un peu avant de conclure quoi que ce soit.
Une certitude, on ne joue pas au hasard avec les médicaments comme le rappelle cet article qui fourmille d’exemples d’erreurs de traitements découverts par des essais cliniques sérieux. Ainsi, des prescriptions pour l’infarctus du myocarde, avant d’être vérifiées par des essais cliniques, auraient tué environ 60.000 personnes. En ce qui concerne les essais cliniques pour le coronavirus Sras-cov2, la surmédiatisation de la chloroquine les ralentit car de nombreux·ses patient·es refusent de participer aux essais cliniques qui ne leur garantissent pas d’être traité·es avec de la chloroquine. Ce ralentissement de la recherche peut aussi coûter des vies car si un traitement est bénéfique ou délétère, on le découvrira moins rapidement.
Il nous semble, même s’il faudrait une enquête approfondie pour le confirmer, que ce sont les réseaux populistes d’extrême-droite qui ont le plus surfé sur la chloroquine comme Valeurs Actuelles en France et bien entendu l’« alt-right » américaine, rangée derrière Donald Trump.
En ce moment, on n’a encore aucune certitude concernant les traitements même si des études commencent à paraître, par exemple sur le Tocilizumab pour lutter contre la tempête de cytokines ou sur le Remdesivir publiée le 29 avril. Ces articles scientifiques doivent être relus – celui sur le Tocilizumab n’est même pas encore paru, il n’y a qu’un communiqué de presse -, reproduits et confirmés par d’autres essais pour que leurs résultats soient considérés comme vérifiés. Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucun traitement miracle : par exemple, d’après les études que l’on cite, le Tocilizumab ne serait utile que sur les cas graves et le Remdesivir n’aurait qu’un effet très léger et elles sont beaucoup trop récentes pour s’appuyer dessus. Gardons en tête qu’un traitement, ce n’est pas tout ou rien : pour le Covid-19, il ne s’agira probablement que d’une légère amélioration des probabilités de survie.
Nous sommes conscient·es qu’il est extrêmement compliqué de se plonger dans la littérature scientifique sans formation et d’arriver à trier les informations selon leurs fiabilités. De nombreuses personnes se sont fourvoyées notamment à cause de l’avalanche d’articles et d’informations sur la chloroquine. Comment éviter cela sans aller vers une confiscation de la parole par des expert·es ?
La Gazette mise sur l’éducation populaire, la vérification des sources – nous intégrons systématiquement des hyperliens pour que vous puissiez vérifier nos affirmations – et la relecture collective. Les discussions et débats évitent de se laisser intoxiquer comme on peut l’être seul·e devant son écran. Alors croisez les sources, débattez et doutez des informations que vous lisez !
Dans cette tribune d’une psychiatre-addictologue, on apprend que l’accueil des patient·es a été bouleversé dans de nombreux centres ; les personnes addictes à des substances se sont retrouvées à faire des sevrages chez elles, seules ; des AAH (allocations adulte handicapé) ont cessé d’être versées ; des solutions de logement d’urgence ont dû être trouvées, entraînant parfois des ruptures de suivi.
Malgré le confinement et le pseudo-déconfinement qui se préparent, n’oublions pas de prêter attention à nos voisin·es, à nos proches, et même aux personnes que nous croisons dans la rue.
A Bure, la justice s’acharne contre les antinucléaires
Dans un entretien à Mediapart, Sezin Topçu explique comment les autorités françaises utilisent les sciences sociales pour choisir leurs stratégies de communications afin de marginaliser le mouvement anti-nucléaire.
Reporterre et Médiapart ont publié une enquête très détaillée sur les moyens déployés par la justice pour enquêter à Bure. Quand on touche au nucléaire, l’Etat français ne recule devant rien pour réprimer les opposants, cela s’est vérifié de nombreuses fois tout le long de l’histoire du mouvement anti-nucléaire français.
On a confirmation dès la première partie de l’enquête que si vous êtes passé·es à Bure lors d’un événement collectif en 2018, votre numéro a été enregistré par un « IMSI-catcher ». Si vous avez vécu à Bure, vous avez même très probablement été la cible d’écoutes téléphoniques.
On apprend dans la deuxième partie de l’enquête que la gendarmerie a une unité spécifique, avec un écusson, qui comptait au moins cinq officiers de police judiciaire (OPJ) à plein temps entre 2018 et 2019. Le salaire de ces officiers combiné au prix des écoutes est estimé à plus d’un million d’euros (fourchette basse), soit vingt fois le coût des détériorations justifiant ces enquêtes. De nombreux·ses avocat·es trouvent les sommes dépensées complètement disproportionnées.
Pour conclure, laissons la parole à celles et ceux qui connaissent le mieux la répression de Bure, c’est-à-dire les personnes qui la subissent. Elles décrivent la justice à Bar-Le-Duc comme un système mafieux qui ne dit pas son nom.
Pendant ce temps, surfant sur la vague écologique, la propagande nucléaire prétend que l’énergie nucléaire serait une solution contre le réchauffement climatique. Cette offensive est notamment menée par le très influent Jean-Marc Jancovici. Les arguments écologiques pour défendre le nucléaire – un comble – sont réfutés par le réseau Sortir du nucléaire dans un argumentaire solide (pdf) même si l’on peut déplorer, comme dans beaucoup de publications antinucléaires, l’absence de critique des énergies renouvelables.
Pour éviter de finir dans les petits papiers des RG, protégez-vous
Vous avez flippé en lisant la brève au-dessus ? Voici quelques rappels pour votre prochaine sortie en zone sensible (manif’ compris) qu’on peut aussi trouver sur le site du Réseau d’autodéfense juridique collective :
Effacez vos textos (une garde à vue est si vite arrivée…), voire emmenez un téléphone que vous n’utilisez que pour ça, avec seulement les numéros dont vous avez besoin.
Utilisez une messagerie sécurisée (Riseup, Protonmail etc.) et apprenez à crypter vos mèls. Évitez de donner des infos sensibles via Facebook (voir notamment la brochure Face à Facebook), Gmail ou autre…
Pour les recherches « à risque » sur le web, utilisez Tor, qui garantit votre anonymat.
Chiffrez vos données sensibles sur votre ordinateur.
Installez Linux sur votre PC. Les dernières versions de Windows sont pleines de failles bien pratiques pour l’espionnage… Même si vous utilisez quelques astuces pour vous en prémunir, il est vraisemblable que des infos partent quand même sur leurs serveurs…. Vous pouvez aussi utiliser une session temporaire comme Tails.
Si on ne les arrête pas avant, les capitalistes auront même détruit le ciel étoilé pour faire du profit
Aujourd’hui, il y a environ 5.000 satellites artificiels d’après le Bureau des Affaires Spatiales de l’Onu (anglais) en orbite autour de la Terre. Le projet Starlink du constructeur aérospatial américain SpaceX prévoit d’en envoyer à lui seul 42.000 pour son projet démentiel consistant à fournir un internet à grande vitesse partout dans le monde. Un budget prévisionnel de 10 milliards de dollars lui est alloué…
L’article de Jonathan Bourguignon dans Lundi matin revient sur les origines hippies des mouvements de hacker·euses libertarien·nes de la Silicon Valley. Ainsi, dans l’imaginaire start-up, la connexion au réseau internet concrétiserait l’interconnexion mentale rêvée par les hippies. Et Elon Musk, avec le projet SpaceX, apporterait la libération et l’éveil aux populations opprimées par des gouvernements qui censurent internet (Wikipédia était interdit en Turquie jusque très récemment et est bloqué en Chine depuis mai 2019 par exemple).
Mais cette fable libertarienne ne peut convaincre que les gens qui se voilent la face sur la réalité des Gafam dont le seul but est le profit et qui n’hésitent pas à investir dans la reconnaissance faciale et dans la surveillance de masse. Et il ne faut pas oublier que le réseau de l’interconnexion s’appuie sur une infrastructure destructrice de l’environnement et que des gens luttent contre celle-ci, comme en Aveyron, à l’Amassada, où l’on propose de trancher le filet / réseau dans un tract contre les éoliennes industrielles (pdf).
Quant à l’utilité d’Internet pour éveiller les consciences, un article publié sur Paris-Luttes Info rappelle que 34 % du trafic sur Internet vient de la consultation de VoD (vidéos à la demande : Netflix, Amazon Prime, etc..) et que 27 % vient de la consultation de vidéos pornographiques.
De plus, les débris spatiaux posent le risque du Syndrome de Kessler qui prévoit que si trop d’objets sont en orbites autour de la Terre alors les collisions créeront tellement de débris qu’il sera impossible d’envoyer des objets dans l’espace. Ainsi, envoyer autant de satellites en orbites, SpaceLink n’étant pas le seul car Amazon prévoit d’en envoyer 3200 et OneWeb 5200, pourrait faire dégénérer la situation. La solution d’après les agences spatiales ? Mettre encore plus d’objets en orbites, mais cette fois-ci des nettoyeurs de débris ! Il serait peut-être plus simple et efficace d’interdire Starlink et de penser l’espace comme un commun…
Elle était dans la rue le 1er mai : M. expose ses motivations
D’irréductibles Lannionnais·es ont maintenu par leur présence la continuité historique des rassemblements du 1er mai.
Une manifestante nous explique les raisons de sa présence.
« Je suis plutôt anti-grandes messes, non croyante, mais surtout n’aimant pas la « journée de.. ». Et puis je n’ai pas attendu le confinement pour faire gaffe et soutenir les gens fragiles ! Je ne veux pas engorger les hostos, je ne traîne pas dans les rayons des magasins, en pensant à tous ces hommes, mais surtout toute ces femmes appelées en « première ligne » (caissières, infirmières, couturières, maîtresses..).
Je me confine plus ou moins, oui, sans me plier en pensant qu’on aurait pu faire mieux avec nos intelligences collectives comme d’hab’, mais dans ce contexte je ne peux – on ne peut, à mon avis – se laisser voler ce droit inaliénable, celui de manifester, qui se gagna en ces 1er mai dans le sang des travailleur·ses, des opprimé·es… Surtout pas avec une reprise déjà bien entamée de nombreux secteurs économiques ; sans parler de ceux, qui, on se demande bien pourquoi, n’ont jamais arrêté (Airbus, pour n’en citer qu’un) !
Ils veulent un déconfinement, sous contrôle, et où c’est encore l’économie qui prime. Tout comme cela explique le délai avant ce confinement total, alors que l’OMS tirait dès janvier la sonnette d’alarme ; mais, comme pour Tchernobyl, la France devait peut-être « être épargnée »…
On ne leur cédera pas ce plaisir moutonneux de leur laisser rênes et de leur faire confiance, tandis qu’ils continuent à passer des lois qui font payer leurs erreurs aux « petits » (mais costauds et nombreux !) avant tout. Déni de démocratie que ces mesures prises unilatéralement comme les jours de congés supprimés chez celleux qui n’ont pas chômé. « Si les travailleur·ses et les postièr·es sont bons pour aller en masse travailler, s’iels sont bons pour qu’on leur supprime jusqu’à dix jours de RTT ou de congés alors iels doivent avoir le droit de manifester le 1er mai. »
Ce confinement n’a pas été le même pour tout le monde : on pense aux femmes et enfants subissant des violences, aux mal (pas)-logé·es, aux prisonnièr·es à l’isolement et sans protection, aux personnes enfermées dans les centres de rétention administrative (CRA) en grève de la faim, et puis… « plus une place en réanimation dans le 93 » et – entre autres – une enfant de cinq ans vraisemblablement blessée par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) dans une cité où les droits étendus des policiers rendent les bavures fréquentes, tandis que les plus riches ont retrouvé les maisons secondaires, parfois même les îles privées.
Sinon les « cadeaux d’État » aux entreprises sont bien relancés – 300 milliards d’euros prêtés (garantis), notamment aux plus grandes boites, Fnac, Darty, Air France, etc. Mais ne parlons pas de nationalisation, houla !, même en temps de « guerre ».
D’où vient tout cet argent, alors que seulement 260 millions d’euros ont été débloqués pour l’hôpital en début de crise. On n’a pas la mémoire courte et l’an dernier une information avait fuité : un projet d’économie de 960 millions d’euros sur les hôpitaux était projeté par notre gouvernement.
Je suis dégoutée face au pseudo mea-culpa de Macron : « Nos soignant·es qui se battent aujourd’hui pour sauver des vies se sont hier battu·es, souvent, pour sauver l’hôpital, notre médecine » Waw ! Alors que les CRS étaient envoyés face aux hospitaliers, comme aux autres, depuis un an qu’iels se battaient, criant à la pénurie « L’État compte les sous, on va compter les morts » (slogan de décembre 2019).
Pouvons-nous nous contenter de quelques applaudissement face à la souffrance, au surmenage, aux tentatives de joindre les deux bouts de ce qui a été un jour gagné mais depuis, toujours détruit : un bon système de santé, assez de lits et de matériel, en mutualisant les coûts ?
Les raisons ne manquent pas et les habitudes de contrôle et de soumissions se prennent si vite… Comme l’habitude des drones au-dessus de la tête pour les Niçois·es entre autres. Que dire aussi de cette nature bafouée dans ce système néolibéral, qui ne peut, elle, être confinée, et qui nous promet des catastrophes, face auxquelles nos inégalités ne feront que se creuser !
Alors je ne vais pas leur faire cadeau de 135 €, comme j’ai tenté de ne pas le faire pendant ces nombreuses manifs interdites (une habitude ces derniers temps), mais non, je ne juge pas, mais je ne « fête » pas ce 1er mai sur mon ordi ou mon balcon (j’en ai pas… de balcon). M. »
200427 - Footing devant un cinéma MK2 à Paris by Jeanne Menjoulet CC BY-ND 2.0 - La Déviation
Les parties de foot ont repris dans la cour de l’immeuble d’en face. Quelques jours avant déjà, la petite vingtaine de gamin·es de la tour jouait au ballon tou·tes ensemble sur un minuscule carré d’herbe. Le terrain vague de l’autre côté de la rue est devenu un haut lieu de sociabilité, l’avenue se repeuple, les voitures et vélos circulent à nouveau.
Pour tenir le coup, nombreux·ses sont celleux qui, dès le début ou plus tardivement, se sont organisé·es des entorses, plus ou moins grosses, au confinement, comme le raconte plusieurs témoignages de La Gazette déconfinée (pdf), notre jumelle pas maléfique.
Pourtant, les réseaux sociaux et les médias dominants fustigent violemment tou·tes celleux qui dérogent un tant soit peu aux sacro-saintes règles édictées par le gouvernement – y compris les plus irrationnelles et les plus discriminatoires. Le confinement est devenu pour certain·es un code moral plus qu’une mesure sanitaire.
Alors, faut-il poursuivre consciencieusement la distanciation sociale ?
Ou peut-on se permettre d’aller voir quelques proches ? Et après le 11 mai, renverrons-nous à l’école les enfants, recommencerons-nous à voyager comme si de rien n’était ? Organiserons-nous une grosse fête avec des dizaines d’ami·es ou nous restreindrons-nous à des contacts distants ?
Débarrassons-nous de la chape moralisatrice qui s’est abattue sur nous.
L’État a suffisamment mal géré cette crise pour que nous ne lui fassions plus confiance sur ce sujet ; pourtant, la charge mentale de définir nos propres règles de conduite semble énorme à porter – nous n’avons pas un conseil scientifique sous la main, nous, et pas forcément le temps de nous pencher sur les dizaines de publications concernant le Covid… Alors, faut-il accepter aveuglément une contrainte extrinsèque, de peur de ne pas arriver à poser soi-même ses propres limitations ?
Que se passe-t-il si nous nous posons la question : vais-je mettre quelqu’un en danger en faisant telle chose ou telle autre ?
Comme l’explique l’Académie de médecine, l’isolement nous fait courir des risques psychologiques certains ; mais aller voir nos proches implique de réfléchir à l’ensemble de la chaîne de transmission qui pourrait conduire le virus jusqu’à une personne fragile.
Ces deux dangers, psychique et viral, et leur évaluation, diffèrent d’une personne, d’une interaction à l’autre, en particulier selon les conditions de son confinement, son activité professionnelle si on a été contraint·e de la poursuivre, son âge, ses facteurs de risque éventuels ainsi que ceux des personnes qui pourraient se retrouver sur nos chaînes de transmission, la probabilité d’avoir déjà été infecté·e, les angoisses des personnes avec lesquelles on vit, etc.
Nous n’avons pas de solution magique à proposer, pas de règle applicable à tou·tes.
Quelques pistes tout de même : réfléchir par nous-mêmes aux dangers que nous courrons ou que nous faisons courir aux autres dans les situations pratiques qui se présentent à nous et non dans un cadre théorique, chercher le consentement des personnes avec lesquelles nous vivons avant d’aller voir quelqu’un·e d’extérieur, voire, idéalement, définir ensemble les modalités de l’entrevue (distance d’un mètre ou câlins autorisés ?).
Cela pose néanmoins des problèmes d’intimité et de spontanéité dans les relations, et suppose une très bonne communication avec les personnes qui vivent sous le même toit que nous – situation dans laquelle sont finalement trop peu d’entre nous.
200427 - Rapport Terra Nova Coronavirus Regards sur une crise - La Déviation
Avec l’approche du déconfinement souhaité par Macron, le conseil scientifique a planché sur les différents outils censés éviter un retour de l’épidémie et a pondu un avis détaillé, avec des fiches techniques dans lesquelles il décrit ses états d’âme. On s’est attardé un peu sur celles qui parlent des outils numériques, et ça fout franchement les pétoches.
La question de l’utilité des applications de traçage est vite traitée, dans la fiche technique numéro quatre : « Des travaux de modélisation suggèrent que ce type d’approche peut considérablement renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie ».
On appréciera l’absence de référence vers les études en question. Il faut aller tout à la fin du document pour trouver d’où vient cette assertion : un article publié dans la revue Science et un rapport d’une membre du « think tank progressiste » Terra nova financé par Danone, Engie ou même Google…
Terra nova avait été épinglée par Le Monde diplomatique pour être un vivier à expert·es, un endroit où on cultive l’entre-soi et le conformisme idéologique des classes dirigeantes. Un chercheur américain commente les notes de Terra nova comme bien plus remarquables par leur profusion étourdissante que par leur contenu.
Ce rapport a une ligne directrice claire : le numérique vient uniquement en soutien à des mesures de contrôle épidémiologique. La question de la vie privée est donc subordonnée à celle de l’efficacité des mesures d’endiguement de l’épidémie. Elle est même complètement secondaire : les applications de traçage de contact sont vues comme un outil d’empowerment, sur la base du volontariat, dans le cadre de la civic tech, permettant de se saisir des enjeux sanitaires. On aimerait bien comprendre comment !?
À défaut, il faudra de toute façon imposer leur usage, puisqu’elles sont efficaces. Tant pis pour le volontariat…
Tout en rappelant que ce serait mieux d’avoir le consentement de la population, le conseil scientifique envisage de le rendre obligatoire et justifie cela en appelant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à la barre et son guide sur les questions éthiques de la surveillance de la santé publique : il s’agit de sauver des vies.
Si les usages volontaires sont à privilégier, des options obligatoires ne peuvent être écartées. […] Tout en pouvant techniquement se dispenser du consentement, les outils numériques permettent aussi de le recueillir à travers des usages volontaires. A défaut de consentement, un haut degré de transparence doit s’accompagner d’une information intelligible, y compris pour les personnes éloignées du numérique.
On retrouve le ton martial du gouvernement, que les scientifiques cachent d’habitude sous plus de précautions oratoires : « De manière générale, les mesures sanitaires visant à la protection de la population sont pour un État un devoir. »
Conscient·es des réticences que la population pourrait nourrir face à cette surveillance volontaire mais imposée, les éminences prennent par la suite un ton censément rassurant : « Une levée de l’anonymat n’implique pas la levée de la confidentialité. »
On aimerait les croire, ou au moins comprendre ce que ça peut bien vouloir dire. Idem lorsqu’iels insistent sur l’importance de prendre en compte « nos concitoyens éloignés du numérique » avec des « options adaptées […] à partir de moyens humains, matériels ou numériques appropriés ». On aimerait que ce soit déjà le cas en temps normal, alors qu’une partie non négligeable de la population se trouve en difficulté pour la réalisation de démarches administratives informatisées.
Extrait de L’Incal, tome 1, par Moëbius
Après avoir énuméré une vingtaine de principes de bonne gouvernance typiques de la langue de bois managériale dont on sait qu’ils ne sont que des vœux pieux, des distractions, le conseil se hasarde à aborder la question des effets sur le système de santé, ce qui donne lieu à deux pages de verbiage de cabinet de conseil, garanties sans contenu. Morceaux choisis :
Sans évoquer des scénarios – au demeurant plausibles – d’une « uberisation » du système de santé, une stratégie numérique peut déboucher sur une rupture technologique importante.
La French Tech offre des espoirs prometteurs et se mobilise pour développer de nouvelles solutions en contexte épidémique.
Que peut-on tirer de ces lectures, à part quelques tranches de rire et une bonne chair de poule ? Comme on l’avait déjà remarqué dans une précédente Gazette, le conseil scientifique fait appel à très peu de travaux scientifiques pour étayer ses affirmations. Par ailleurs, il n’y a rien de « scientifique » dans les argumentaires déployés qui sont tellement vagues qu’on ne sait même pas à quels outils numériques ils font référence.
Si le texte ressemble plus à une copie de concours d’entrée à l’ENA qu’à un article de revue scientifique, c’est parce que son objectif n’est pas d’étudier des applications concrètes, pour peser le pour et le contre, mais de donner une caution scientifique à l’action gouvernementale à venir.
Les limites à l’efficacité du traçage, posées par l’absence de libre consentement, le faible nombre d’utilisateur·ices attendu·es et les détournements de l’application ne sont même pas évoquées…
L’amateurisme des scientifiques du conseil sur les enjeux du traçage informatisé est flagrant, sans doute parce que le seul « spécialiste du numérique » parmi elleux est Aymeril Hoang, un habitué du pantouflage et ancien directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi, véritable VRP du traçage. Le conseil scientifique permet au gouvernement de se défausser des responsabilités politiques concernant son action, de manière encore plus flagrante que d’habitude.
Pour plus d’informations sur le traçage automatisé, on vous invite à lire notre hors-série sur la question (à paraître).
200427 - Et après vivre autre chose collage publicitaire détourné à Marseille by Julien Girardot - La Déviation
La mise en place autoritaire du confinement et du déconfinement sans débat populaire et de manière opaque est à critiquer sans concessions. Elle est anxiogène et peu efficace quand on la compare à l’autogestion et à l’auto-décision locale.
On peut craindre la propagation de l’épidémie à cause du déconfinement, mais les problèmes posés par le confinement, qu’ils soient matériels pour les plus précaires ou psychologiques pour tout le monde, semblent trop importants pour l’éviter complètement.
Et dans le déconfinement, le diable se cache dans les détails pratiques. On peut être sûr·es que le gouvernement va vouloir tirer la corde au maximum pour que seuls les contacts nécessaires pour faire marcher la machine économique propagent la maladie. Et pour permettre à la machine économique de tourner le plus possible, tous les moyens seront bons à prendre comme les applications de traçage, les restrictions de liberté, et ce même s’ils ne marchent probablement pas !
Et c’est là où la lutte future prend tout son sens : d’un côté, le camp de l’économie qui souhaite que l’on travaille et que l’on évite les contacts sociaux non productifs économiquement (par exemple amicaux), de l’autre côté le camp de l’émancipation qui souhaite que la machine économique destructrice tourne le moins possible (qu’il y ait seulement les activités nécessaires à la société pour sa survie) et qu’on autorise autant que possible les contacts sociaux nécessaires à la solidarité, à l’épanouissement de tou·tes. Et à la révolution ?
Il s’agira de naviguer en permanence entre la nécessaire protection collective de la société – via des interdictions que l’on se posera -, et la nécessaire critique des modalités liberticides et orientées pour l’économie choisies par le gouvernement tout en écoutant nos peurs, nos envies (lire La Gazette des confiné·es #9). Et cela ne sera pas facile !
200427 - Henrik Salje Cécile Tran Kiem Noémie Lefrancq Noémie Courtejoie Paolo Bosetti et al Estimating - La Déviation
D’après des scientifiques, nous sommes actuellement loin d’être sorti·es de l’épidémie du Covid-19. Un modèle tiré d’un article de l’Institut Pasteur estime que, même dans les zones les plus touchées, moins de 15 % de la population a été infectée par le Covid-19 (la moyenne nationale serait à 5 % avec un intervalle d’incertitude de 3 à 10 %).
Un article scientifique estime qu’il y a moins de 10 % de français·es infecté·es par le Covid-19.
La Gazette des confiné·es ne peut juger de la qualité scientifique de cet article qui se base à la fois sur les données épidémiologiques en France et des hypothèses mathématiques, c’est-à-dire des présupposés qui ne peuvent être vérifiés.
Or, d’autres articles scientifiques estiment que la fameuse « immunité collective » réclamerait plus de 60 % de personnes immunisées pour être efficace. On en est loin et ce même si tout·e infecté·e devient immunisé·e, ce qui est loin d’être sûr !
Mais le calcul est simple : si l’on veut atteindre les 60 % d’immunité collective avec le taux de mortalité estimé du Covid-19, cela fera des centaines de milliers de morts.
Le conseil scientifique – et le gouvernement avec lui -, opte pour une stratégie similaire à la Corée du Sud (mise en avant avec admiration par les médias), à savoir un déconfinement partiel avec surveillance de l’épidémie pour réagir avant que les hôpitaux ne soient débordés.
Si l’on ne trouve pas de vaccin rapidement, ce qui semble probable d’après l’Agence européenne du médicament, alors on peut penser qu’à terme, on arrivera à une immunité collective (avec la mortalité importante qui vient avec, qui peut toutefois être abaissée en cas de traitement efficace).
Tout ce que le confinement et les mesures de distanciation sociale auront permis d’obtenir, c’est d’éviter une surmortalité due au dépassement des capacités des hôpitaux. Cela fait déjà beaucoup de vies de sauvées si l’on regarde le nombre de cas estimé s’il n’y avait eu aucun confinement (voir la Gazette des confiné·es #8 à ce sujet).
Il est tout à fait possible que, même en faisant très attention collectivement, des confinements stricts de plusieurs semaines reviennent régulièrement.
Dans la pratique, qu’est-ce que cela veut dire pour les confiné·es ?
On pourra probablement revoir ses ami·es, reprendre nos activités pendant un moment. Et si l’on entend beaucoup tousser autour de nous ou si des scientifiques estiment (via des tests ou les chiffres des hôpitaux) qu’il y a beaucoup de malades et un pic important en préparation, il faudra probablement penser à se re-confiner sans tarder car l’on risque une nouvelle explosion de cas.
Si l’on attend que les hôpitaux soient débordés pour confiner, il sera trop tard pour éviter la catastrophe (à cause du décalage entre le début du confinement et le pic de besoin en lits de réanimation).
Il a fallu environ trois semaines après le confinement pour atteindre le pic du nombre de personnes en réanimation.
Plus l’on fera attention collectivement à respecter les distances de sécurité, les gestes barrières et à porter des masques, plus on peut espérer que les moments de confinement strict seront rares. Mais cela est difficile à garantir car le Covid-19 est extrêmement contagieux : il est tout à fait possible que, même en faisant très attention collectivement, des confinements stricts de plusieurs semaines reviennent régulièrement si l’on veut éviter des hôpitaux débordés (c’est l’un des quatre scénarios de sortie envisagés dans un article de l’Inserm).
Concernant l’immunité collective, on pourrait remarquer que ce taux de mortalité varie selon les âges et donc on pourrait être tenté·e de viser les 60 % d’immunisé·es uniquement parmi les personnes les moins à risque. En pratique, on peut juste constater que cela a échoué en France jusqu’ici quand on constate que le Covid-19 a réussi à rentrer dans les Ehpad malgré le confinement avec la mortalité que l’on sait. Cela ne veut pas dire que c’est infaisable.
Jair Bolsonaro s’est exprimé en direct pour commenter la situation. On se souvient que le président brésilien a soutenu que le jeûne religieux serait le rempart contre l’épidémie et qu’il a démis de ses fonctions son ministre de la Santé, Sergio Moro, le 16 avril, pour cause de désaccord sur la façon de gérer la crise.
La situation au Brésil est particulièrement explosive. Le 19 avril, Bolsonaro soutient une manifestation qui demande une intervention équivalent à lui donner les pleins pouvoirs. La démission de Moro ajoute une couche à cette période chaotique et les soutiens au président d’extrême-droite, notamment militaires, qui auraient pu lui faire espérer réussir un coup d’Etat, semblent se déliter.
Dernier coup de théâtre : dimanche, le chef de la police fédérale, Maurício Valeixo, est évincé par Bolsonaro et remplacé par un ami de son fils… lui-même trempé dans ces affaires de corruptions. Quand on demande à Bolsonaro de justifier ce choix, ce dernier répond « E daì ? » (et alors ?).
Suite à une de ses dernières prises de parole, certain·es estiment que Bolsonaro est cuit. S’il est destitué, c’est le vice-président qui prendrait la tête du gouvernement, Hamilton Mourão, militaire, connu, tout autant que Bolsonaro, pour ses sorties racistes et sexistes.
Merci à C.E.M. pour les nouvelles fraîches qu’ils nous a apportés directement depuis le portugais, que nous ne lisons pas !