Action de prévention à Niamey au Niger menée par des militants de la Ligue panafricaine - Umoja, en avril 2020.
La crise du Covid fragilise les plus pauvres partout dans le monde et menace donc tout particulièrement les pays africains. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron fait resurgir un vieux serpent de mer, la promesse de l’annulation de la dette de ces pays. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, plus frileux, appellent simplement à la suspension des paiements.
A la fin des années 1990, l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) avait consisté à financer la lutte contre la pauvreté et annuler la dette de certains pays à la condition qu’ils appliquent des politiques imposées par la Banque mondiale, supposées mener à une « bonne gouvernance démocratique », mais consistant surtout en la privatisation de nombreux secteurs de l’économie, ne laissant que peu de marges de manœuvre aux pays concernés en suivant des méthodes employées notamment au Chili, laboratoire du néolibéralisme.
Ces contraintes avaient contribué à l’augmentation des inégalités et même à un « nivellement par le bas » des ressources. La libéralisation a par ailleurs diminué les revenus des États, les poussant à nouveau dans des spirales d’endettement.
Ce précédent et la conscience de la profonde injustice de cette dette imposée au moment de la décolonisation poussent des associations comme la Ligue panafricaine – Umoja à dénoncer la soudaine générosité occidentale : les pressions imposées pour payer les créancier·ères, le soutien aux gouvernements dictatoriaux, ne sont-ils pas à l’origine de la faiblesse des services publics en Afrique, et en particulier du système de santé ?
200430 - Dessin Blanquer sonne la rentrée des classes by Allan BArte - La Déviation
Emmanuel Macron a annoncé la réouverture des établissements scolaires (hors universités) à partir du 11 mai à la surprise de son conseil scientifique. Celui-ci recommandait de les laisser fermés jusqu’en septembre. Une diversité d’organismes scientifiques s’est d’ailleurs prononcée contre cette mesure et le groupe de travail « enseignement scolaire » du Sénat dénonce même une « impression d’impréparation et d’improvisation » (pdf).
Mis devant le fait accompli, le conseil scientifique a cependant « pris acte de la décision politique de réouverture prudente et progressive des établissements scolaires » et a proposé, dans une note du 24 avril (pdf), un ensemble de préconisations.
Cette note semble tenter de faire le tour de l’infrastructure scolaire dans son ensemble : retourner à l’école ce n’est en effet pas seulement entrer dans un bâtiment, c’est aussi le nettoyer, y emmener les élèves, leur faire à manger et les surveiller pendant qu’ils et elles mangent, etc.
Les écoles, collèges et lycées sont ainsi au centre d’un réseau d’installations mais aussi de personnes : professeur·es, personnels administratifs, agent·es d’entretien, personnels de cantine, Atsem (agent·e territorial·e spécialisé·e des écoles maternelles), AESH (accompagnant·e des élèves en situation de handicap), AVS (auxiliaires de vie scolaire), AED (assistant·e d’éducation), AP (assistant·es pédagogiques), parents, conducteur·ices de bus… (et leurs équivalents dans le privé pour certains de ces postes qui n’y ont pas le même nom).
C’est ainsi l’organisation de tout un monde que le gouvernement demande de penser… Et pour cela les établissements disposent de moins de deux semaines, dans un contexte où les communications se font à distance, où la coordination n’est pas évidente. Les personnels les plus précaires (Atsem, AESH, AVS, AP et AED, notamment) s’attendent, tout comme lors du confinement, à n’avoir des informations qu’à la toute dernière minute et à devoir se battre pour que les missions qui leur sont confiées restent dans le périmètre défini par les textes réglementaires.
Les enseignant·es, qui devaient assurer une continuité pédagogique à la maison, devront aussi assurer une continuité pédagogique de retour en classe, ceci avec un groupe déstructuré, alors que c’est l’unité de travail en contexte scolaire : les enseignant·es avertissaient déjà en début de confinement que leur travail ne pouvait être réellement continu avec le passage d’une classe à des élèves isolés.
De plus, si seule une moitié de classe est accueillie, comme le suggère Jean-Michel Blanquer, que fera l’autre ? Les enseignant·es doivent-ielles assurer la continuité pédagogique pour celleux qui restent à la maison, soit un double travail ?
Cette rentrée est basée sur le principe (très relatif) de volontariat : les parents qui le souhaitent et qui le peuvent pourront garder leurs enfants à la maison. Même si le gouvernement souhaite faire passer la réouverture des écoles, collèges et lycées comme un geste social (en remettant tout le monde à l’école, on éviterait de creuser les inégalités), c’est loin d’être le cas.
Il ne s’agit bien sûr pas de nier les différences actuelles dans l’accès à l’éducation, différences mises en avant par de nombreux·ses acteur·es de l’éducation. Une tribune publiée dans Libération rappelle que, tout comme les mesures des gouvernements qui ont accentué les inégalités sociales et scolaires, la décision de réouverture va de nouveau mettre en évidence des inégalités : les familles plus aisées pourront se permettre de garder leurs enfants avec elles et de se protéger, tandis que celles qui ont besoin que les adultes retournent travailler ne pourront pas se le permettre.
Et en fin de compte, la réouverture des écoles permettra simplement de faire garderie pour que les parents retournent bosser.
De nombreuses organisations se sont positionnées contre la réouverture des écoles, collège et lycées tant que les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies. La Coordination nationale de l’éducation dénonce un bricolage, des annonces floues et des mesures impossibles à mettre en place. Elle appelle les personnels à exercer leur droit de retrait.
200427 - Capture d'écran clip Solidaires numéro vert chômage partiel - La Déviation
Si la critique du syndicalisme est nécessaire, il est essentiel de distinguer les syndicalistes qui luttent sur le terrain de l’institution bureaucratique. Car de nombreux·ses syndicalistes font tous les jours et encore plus depuis le confinement un travail conséquent.
Le syndicat CGT Info’Com produit des visuels qui renouvellent les code du syndicalisme, quitte à se fâcher avec la maison-mère.
200428 - Banderole Le Moment venu nous nous retrouverons by Atelier McClane - La Déviation
C’est une première en « temps de paix ». A l’aube d’une catastrophe sociale annoncée, les manifs du 1er mai sont annulées. Comment diable crier son envie d’en découdre quand on est confiné·e ? La Gazette se penche sur ce dilemme.
Que vous soyez militant·e trotskiste à La Poste, prof’ d’histoire membre des Amies et amis de la Commune de Paris ou trompettiste dans la fanfare invisible, vous surveillez habituellement le parcours déclaré dans votre ville par la CGT. Problème, Démosphère reste désespérément vide. Et pour cause, puisque la centrale de Montreuil concentrera, comme beaucoup d’autres, ses efforts sur le web.
« Prenez-vous en photo avec une pancarte », « signez notre pétition #PourLeJourdAprès »… Les camarades d’Astérix rattraperont-iels vingt ans de retard dans la communication numérique ? Dans certaines villes, le traditionnel discours craché par d’antiques enceintes à une foule distraite sera diffusé sur Youtube et Facebook, en qualité HD. Au cas où le télétravail et les cours à distance vous manqueraient…
Dans un communiqué signé avec la FSU, Solidaires, l’Unef et trois associations lycéennes, la CGT n’exclut toutefois pas de sortir « pancartes et banderoles ». Un appel à l’insoumission ? Plutôt à rejoindre le #cortègedefenêtres. Une note interne de Solidaires passée entre nos mains, explique que « l’idée est de disposer/coller/accrocher le maximum de messages syndicaux dans l’espace public […] en utilisant les déplacements autorisés. Il faudra particulièrement viser les espaces d’alimentations, les lieux de travail… avec une vigilance particulière pour les supermarchés qui annoncent ouvrir le 1er mai. »
Banderole de fenêtre à Marseille immortalisée par Julien Girardot.
Le placement en garde à vue d’une Toulousaine pour crime de lèse-majesté le 23 avril a mis en lumière cette pratique qui tend à se répandre. « Soutien aux personnels hospitaliers » et « Macronavirus à quand la fin ? » étaient inscrits sur deux bâches accrochées sur un mur donnant sur la rue. Dans le 19e à Paris, un couple a également reçu la visite des papas 22 pour un joli « Macron on t’attend à la sortie ». D’autres coups de pression sont recensés à Marseille et Caen.
Le passage au dépôt vous sera épargné si vous arrivez à convaincre suffisamment d’ami·es. Un détour par le site iaata.info ou par le compte Twitter des Fenêtres en lutte peut vous dépanner, si jamais vous manquez d’inspiration. Un bon « Rends l’ISF, l’hôpital est sous perf’ ! » fera l’affaire.
Quitte à vouloir animer sa rue, autant demander l’expertise d’Attac. Cheval de Troie gonflable pour dénoncer les tribunaux d’arbitrage privés, transformation d’un Apple Store en service d’urgence, parodie de Star Wars devant le palais de justice de Paris… L’Association pour la taxation des transactions financières (et l’action citoyenne) raffole des mises en scène autant que des tableurs Excel. Cette fois, elle propose un kit « actions en confinement » pour satisfaire petits et grands.
Rien ne se perd, tout se recycle chez les altermondialistes. Des rouleaux de PQ vides peuvent ainsi se transformer en maracas militantes, un vieux t-shirt en masque revendicatif et les restes de votre garde-manger en gâteau allégé !
Le 1er mai est aussi l’occasion de revisiter son répertoire de musiques révolutionnaires. Si l’on peut applaudir à sa fenêtre, on peut tout aussi bien y chanter. C’est la réflexion de Lillois·es, qui ont choisi la dernière création de la Cie Jolie Môme, sur l’air des Gilets jaunes. Mettez une alarme à 20 h.
Toujours pas convaincu·e ? Si vous craignez de passer pour un cédétiste en puissance, envisagez la désobéissance. A Châteaulin dans le Finistère, le gérant du tabac-presse a déjà expérimenté la manif’ solitaire, au milieu d’un pont désert. Toujours en Bretagne, Sud-PTT estime que « si les travailleurs et les postiers sont bons pour aller en masse travailler, s’ils sont bons pour qu’on leur supprime jusqu’à 10 jours de RTT ou de congés alors ils doivent avoir le droit de manifester le 1er mai, même sous des formes adaptées aux mesures sanitaires nécessaires. » Aucun rendez-vous n’est toutefois fixé.
200427 - Covidons les caisses du patronat pancarte sur un arbre à Marseille by Downscaler - La Déviation
Le 11 mai s’approche, date virtuelle d’une rentrée des classes sous surveillance et dans des conditions flippantes. Les plans du gouvernement et de son conseil scientifique pour endiguer l’épidémie sont aussi angoissants : ils préfigurent davantage des sorties limitées au travail et surveillées à grand renfort d’informatique qu’une véritable libération. Mais avant le 11 mai, concentrons-nous sur le 1er !
Nos plus ou moins bons plans pour participer quand même au 1er mai
C’est une première en « temps de paix ». A l’aube d’une catastrophe sociale annoncée, les manifs du 1er mai sont annulées. Comment diable crier son envie d’en découdre quand on est confiné·e ? La Gazette se penche sur ce dilemme.
Que vous soyez militant·e trotskiste à La Poste, prof’ d’histoire membre des Amies et amis de la Commune de Paris ou trompettiste dans la fanfare invisible, vous surveillez habituellement le parcours déclaré dans votre ville par la CGT. Problème, Démosphère reste désespérément vide. Et pour cause, puisque la centrale de Montreuil concentrera, comme beaucoup d’autres, ses efforts sur le web.
« Prenez-vous en photo avec une pancarte », « signez notre pétition #PourLeJourdAprès »… Les camarades d’Astérix rattraperont-iels vingt ans de retard dans la communication numérique ? Dans certaines villes, le traditionnel discours craché par d’antiques enceintes à une foule distraite sera diffusé sur Youtube et Facebook, en qualité HD. Au cas où le télétravail et les cours à distance vous manqueraient…
Dans un communiqué signé avec la FSU, Solidaires, l’Unef et trois associations lycéennes, la CGT n’exclut toutefois pas de sortir « pancartes et banderoles ». Un appel à l’insoumission ? Plutôt à rejoindre le #cortègedefenêtres. Une note interne de Solidaires passée entre nos mains, explique que « l’idée est de disposer/coller/accrocher le maximum de messages syndicaux dans l’espace public […] en utilisant les déplacements autorisés. Il faudra particulièrement viser les espaces d’alimentations, les lieux de travail… avec une vigilance particulière pour les supermarchés qui annoncent ouvrir le 1er mai. »
Banderole de fenêtre à Marseille immortalisée par Julien Girardot.
Le placement en garde à vue d’une Toulousaine pour crime de lèse-majesté le 23 avril a mis en lumière cette pratique qui tend à se répandre. « Soutien aux personnels hospitaliers » et « Macronavirus à quand la fin ? » étaient inscrits sur deux bâches accrochées sur un mur donnant sur la rue. Dans le 19e à Paris, un couple a également reçu la visite des papas 22 pour un joli « Macron on t’attend à la sortie ». D’autres coups de pression sont recensés à Marseille et Caen.
Le passage au dépôt vous sera épargné si vous arrivez à convaincre suffisamment d’ami·es. Un détour par le site iaata.info ou par le compte Twitter des Fenêtres en lutte peut vous dépanner, si jamais vous manquez d’inspiration. Un bon « Rends l’ISF, l’hôpital est sous perf’ ! » fera l’affaire.
Quitte à vouloir animer sa rue, autant demander l’expertise d’Attac. Cheval de Troie gonflable pour dénoncer les tribunaux d’arbitrage privés, transformation d’un Apple Store en service d’urgence, parodie de Star Wars devant le palais de justice de Paris… L’Association pour la taxation des transactions financières (et l’action citoyenne) raffole des mises en scène autant que des tableurs Excel. Cette fois, elle propose un kit « actions en confinement » pour satisfaire petits et grands.
Rien ne se perd, tout se recycle chez les altermondialistes. Des rouleaux de PQ vides peuvent ainsi se transformer en maracas militantes, un vieux t-shirt en masque revendicatif et les restes de votre garde-manger en gâteau allégé !
Le 1er mai est aussi l’occasion de revisiter son répertoire de musiques révolutionnaires. Si l’on peut applaudir à sa fenêtre, on peut tout aussi bien y chanter. C’est la réflexion de Lillois·es, qui ont choisi la dernière création de la Cie Jolie Môme, sur l’air des Gilets jaunes. Mettez une alarme à 20 h.
Toujours pas convaincu·e ? Si vous craignez de passer pour un cédétiste en puissance, envisagez la désobéissance. A Châteaulin dans le Finistère, le gérant du tabac-presse a déjà expérimenté la manif’ solitaire, au milieu d’un pont désert. Toujours en Bretagne, Sud-PTT estime que « si les travailleurs et les postiers sont bons pour aller en masse travailler, s’ils sont bons pour qu’on leur supprime jusqu’à 10 jours de RTT ou de congés alors ils doivent avoir le droit de manifester le 1er mai, même sous des formes adaptées aux mesures sanitaires nécessaires. » Aucun rendez-vous n’est toutefois fixé.
Revêches mais prévoyant·es, les Gapois·es espèrent tenir suffisamment longtemps pour y partager l’apéro. « Les mauvais petit-fours finiront ! »
Hommage aux syndicalistes qui luttent contre les abus patronaux durant le confinement
Si la critique du syndicalisme est nécessaire, il est essentiel de distinguer les syndicalistes qui luttent sur le terrain de l’institution bureaucratique. Car de nombreux·ses syndicalistes font tous les jours et encore plus depuis le confinement un travail conséquent.
Le syndicat CGT Info’Com produit des visuels qui renouvellent les code du syndicalisme, quitte à se fâcher avec la maison-mère.
Le bricolage de la réouverture des écoles, collèges et lycées
Emmanuel Macron a annoncé la réouverture des établissements scolaires (hors universités) à partir du 11 mai à la surprise de son conseil scientifique. Celui-ci recommandait de les laisser fermés jusqu’en septembre. Une diversité d’organismes scientifiques s’est d’ailleurs prononcée contre cette mesure et le groupe de travail « enseignement scolaire » du Sénat dénonce même une « impression d’impréparation et d’improvisation » (pdf).
Mis devant le fait accompli, le conseil scientifique a cependant « pris acte de la décision politique de réouverture prudente et progressive des établissements scolaires » et a proposé, dans une note du 24 avril (pdf), un ensemble de préconisations.
Cette note semble tenter de faire le tour de l’infrastructure scolaire dans son ensemble : retourner à l’école ce n’est en effet pas seulement entrer dans un bâtiment, c’est aussi le nettoyer, y emmener les élèves, leur faire à manger et les surveiller pendant qu’ils et elles mangent, etc.
Les écoles, collèges et lycées sont ainsi au centre d’un réseau d’installations mais aussi de personnes : professeur·es, personnels administratifs, agent·es d’entretien, personnels de cantine, Atsem (agent·e territorial·e spécialisé·e des écoles maternelles), AESH (accompagnant·e des élèves en situation de handicap), AVS (auxiliaires de vie scolaire), AED (assistant·e d’éducation), AP (assistant·es pédagogiques), parents, conducteur·ices de bus… (et leurs équivalents dans le privé pour certains de ces postes qui n’y ont pas le même nom).
C’est ainsi l’organisation de tout un monde que le gouvernement demande de penser… Et pour cela les établissements disposent de moins de deux semaines, dans un contexte où les communications se font à distance, où la coordination n’est pas évidente. Les personnels les plus précaires (Atsem, AESH, AVS, AP et AED, notamment) s’attendent, tout comme lors du confinement, à n’avoir des informations qu’à la toute dernière minute et à devoir se battre pour que les missions qui leur sont confiées restent dans le périmètre défini par les textes réglementaires.
Les enseignant·es, qui devaient assurer une continuité pédagogique à la maison, devront aussi assurer une continuité pédagogique de retour en classe, ceci avec un groupe déstructuré, alors que c’est l’unité de travail en contexte scolaire : les enseignant·es avertissaient déjà en début de confinement que leur travail ne pouvait être réellement continu avec le passage d’une classe à des élèves isolés.
De plus, si seule une moitié de classe est accueillie, comme le suggère Jean-Michel Blanquer, que fera l’autre ? Les enseignant·es doivent-ielles assurer la continuité pédagogique pour celleux qui restent à la maison, soit un double travail ?
Cette rentrée est basée sur le principe (très relatif) de volontariat : les parents qui le souhaitent et qui le peuvent pourront garder leurs enfants à la maison. Même si le gouvernement souhaite faire passer la réouverture des écoles, collèges et lycées comme un geste social (en remettant tout le monde à l’école, on éviterait de creuser les inégalités), c’est loin d’être le cas.
Il ne s’agit bien sûr pas de nier les différences actuelles dans l’accès à l’éducation, différences mises en avant par de nombreux·ses acteur·es de l’éducation. Une tribune publiée dans Libération rappelle que, tout comme les mesures des gouvernements qui ont accentué les inégalités sociales et scolaires, la décision de réouverture va de nouveau mettre en évidence des inégalités : les familles plus aisées pourront se permettre de garder leurs enfants avec elles et de se protéger, tandis que celles qui ont besoin que les adultes retournent travailler ne pourront pas se le permettre.
Et en fin de compte, la réouverture des écoles permettra simplement de faire garderie pour que les parents retournent bosser.
De nombreuses organisations se sont positionnées contre la réouverture des écoles, collège et lycées tant que les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies. La Coordination nationale de l’éducation dénonce un bricolage, des annonces floues et des mesures impossibles à mettre en place. Elle appelle les personnels à exercer leur droit de retrait.
Effacement de la dette africaine : de quoi parlons-nous ?
La crise du Covid fragilise les plus pauvres partout dans le monde et menace donc tout particulièrement les pays africains. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron fait resurgir un vieux serpent de mer, la promesse de l’annulation de la dette de ces pays. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, plus frileux, appellent simplement à la suspension des paiements.
Action de prévention à Niamey au Niger menée par des militants de la Ligue panafricaine – Umoja, en avril 2020.
A la fin des années 1990, l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) avait consisté à financer la lutte contre la pauvreté et annuler la dette de certains pays à la condition qu’ils appliquent des politiques imposées par la Banque mondiale, supposées mener à une « bonne gouvernance démocratique », mais consistant surtout en la privatisation de nombreux secteurs de l’économie, ne laissant que peu de marges de manœuvre aux pays concernés en suivant des méthodes employées notamment au Chili, laboratoire du néolibéralisme.
Ces contraintes avaient contribué à l’augmentation des inégalités et même à un « nivellement par le bas » des ressources. La libéralisation a par ailleurs diminué les revenus des États, les poussant à nouveau dans des spirales d’endettement.
Ce précédent et la conscience de la profonde injustice de cette dette imposée au moment de la décolonisation poussent des associations comme la Ligue panafricaine – Umoja à dénoncer la soudaine générosité occidentale : les pressions imposées pour payer les créancier·ères, le soutien aux gouvernements dictatoriaux, ne sont-ils pas à l’origine de la faiblesse des services publics en Afrique, et en particulier du système de santé ?
Au Brésil, du coup d’Etat manqué au coup de théâtre politique
Jair Bolsonaro s’est exprimé en direct pour commenter la situation. On se souvient que le président brésilien a soutenu que le jeûne religieux serait le rempart contre l’épidémie et qu’il a démis de ses fonctions son ministre de la Santé, Sergio Moro, le 16 avril, pour cause de désaccord sur la façon de gérer la crise.
La situation au Brésil est particulièrement explosive. Le 19 avril, Bolsonaro soutient une manifestation qui demande une intervention équivalent à lui donner les pleins pouvoirs. La démission de Moro ajoute une couche à cette période chaotique et les soutiens au président d’extrême-droite, notamment militaires, qui auraient pu lui faire espérer réussir un coup d’Etat, semblent se déliter.
Dernier coup de théâtre : dimanche, le chef de la police fédérale, Maurício Valeixo, est évincé par Bolsonaro et remplacé par un ami de son fils… lui-même trempé dans ces affaires de corruptions. Quand on demande à Bolsonaro de justifier ce choix, ce dernier répond « E daì ? » (et alors ?).
Suite à une de ses dernières prises de parole, certain·es estiment que Bolsonaro est cuit. S’il est destitué, c’est le vice-président qui prendrait la tête du gouvernement, Hamilton Mourão, militaire, connu, tout autant que Bolsonaro, pour ses sorties racistes et sexistes.
Merci à C.E.M. pour les nouvelles fraîches qu’ils nous a apportés directement depuis le portugais, que nous ne lisons pas !
Les grandes lignes du plan de déconfinement du conseil scientifique : surveillance et réactivité
D’après des scientifiques, nous sommes actuellement loin d’être sorti·es de l’épidémie du Covid-19. Un modèle tiré d’un article de l’Institut Pasteur estime que, même dans les zones les plus touchées, moins de 15 % de la population a été infectée par le Covid-19 (la moyenne nationale serait à 5 % avec un intervalle d’incertitude de 3 à 10 %).
Un article scientifique estime qu’il y a moins de 10 % de français·es infecté·es par le Covid-19.
La Gazette des confiné·es ne peut juger de la qualité scientifique de cet article qui se base à la fois sur les données épidémiologiques en France et des hypothèses mathématiques, c’est-à-dire des présupposés qui ne peuvent être vérifiés.
Or, d’autres articles scientifiques estiment que la fameuse « immunité collective » réclamerait plus de 60 % de personnes immunisées pour être efficace. On en est loin et ce même si tout·e infecté·e devient immunisé·e, ce qui est loin d’être sûr !
Mais le calcul est simple : si l’on veut atteindre les 60 % d’immunité collective avec le taux de mortalité estimé du Covid-19, cela fera des centaines de milliers de morts.
Le conseil scientifique – et le gouvernement avec lui -, opte pour une stratégie similaire à la Corée du Sud (mise en avant avec admiration par les médias), à savoir un déconfinement partiel avec surveillance de l’épidémie pour réagir avant que les hôpitaux ne soient débordés.
Si l’on ne trouve pas de vaccin rapidement, ce qui semble probable d’après l’Agence européenne du médicament, alors on peut penser qu’à terme, on arrivera à une immunité collective (avec la mortalité importante qui vient avec, qui peut toutefois être abaissée en cas de traitement efficace).
Tout ce que le confinement et les mesures de distanciation sociale auront permis d’obtenir, c’est d’éviter une surmortalité due au dépassement des capacités des hôpitaux. Cela fait déjà beaucoup de vies de sauvées si l’on regarde le nombre de cas estimé s’il n’y avait eu aucun confinement (voir la Gazette des confiné·es #8 à ce sujet).
Il est tout à fait possible que, même en faisant très attention collectivement, des confinements stricts de plusieurs semaines reviennent régulièrement.
Dans la pratique, qu’est-ce que cela veut dire pour les confiné·es ?
On pourra probablement revoir ses ami·es, reprendre nos activités pendant un moment. Et si l’on entend beaucoup tousser autour de nous ou si des scientifiques estiment (via des tests ou les chiffres des hôpitaux) qu’il y a beaucoup de malades et un pic important en préparation, il faudra probablement penser à se re-confiner sans tarder car l’on risque une nouvelle explosion de cas.
Si l’on attend que les hôpitaux soient débordés pour confiner, il sera trop tard pour éviter la catastrophe (à cause du décalage entre le début du confinement et le pic de besoin en lits de réanimation).
Il a fallu environ trois semaines après le confinement pour atteindre le pic du nombre de personnes en réanimation.
Plus l’on fera attention collectivement à respecter les distances de sécurité, les gestes barrières et à porter des masques, plus on peut espérer que les moments de confinement strict seront rares. Mais cela est difficile à garantir car le Covid-19 est extrêmement contagieux : il est tout à fait possible que, même en faisant très attention collectivement, des confinements stricts de plusieurs semaines reviennent régulièrement si l’on veut éviter des hôpitaux débordés (c’est l’un des quatre scénarios de sortie envisagés dans un article de l’Inserm).
Concernant l’immunité collective, on pourrait remarquer que ce taux de mortalité varie selon les âges et donc on pourrait être tenté·e de viser les 60 % d’immunisé·es uniquement parmi les personnes les moins à risque. En pratique, on peut juste constater que cela a échoué en France jusqu’ici quand on constate que le Covid-19 a réussi à rentrer dans les Ehpad malgré le confinement avec la mortalité que l’on sait. Cela ne veut pas dire que c’est infaisable.
Le gouvernement choisit un déconfinement à but économique et liberticide plutôt qu’un déconfinement dans la solidarité
La mise en place autoritaire du confinement et du déconfinement sans débat populaire et de manière opaque est à critiquer sans concessions. Elle est anxiogène et peu efficace quand on la compare à l’autogestion et à l’auto-décision locale.
On peut craindre la propagation de l’épidémie à cause du déconfinement, mais les problèmes posés par le confinement, qu’ils soient matériels pour les plus précaires ou psychologiques pour tout le monde, semblent trop importants pour l’éviter complètement.
Et dans le déconfinement, le diable se cache dans les détails pratiques. On peut être sûr·es que le gouvernement va vouloir tirer la corde au maximum pour que seuls les contacts nécessaires pour faire marcher la machine économique propagent la maladie. Et pour permettre à la machine économique de tourner le plus possible, tous les moyens seront bons à prendre comme les applications de traçage, les restrictions de liberté, et ce même s’ils ne marchent probablement pas !
Et c’est là où la lutte future prend tout son sens : d’un côté, le camp de l’économie qui souhaite que l’on travaille et que l’on évite les contacts sociaux non productifs économiquement (par exemple amicaux), de l’autre côté le camp de l’émancipation qui souhaite que la machine économique destructrice tourne le moins possible (qu’il y ait seulement les activités nécessaires à la société pour sa survie) et qu’on autorise autant que possible les contacts sociaux nécessaires à la solidarité, à l’épanouissement de tou·tes. Et à la révolution ?
Il s’agira de naviguer en permanence entre la nécessaire protection collective de la société – via des interdictions que l’on se posera -, et la nécessaire critique des modalités liberticides et orientées pour l’économie choisies par le gouvernement tout en écoutant nos peurs, nos envies (lire La Gazette des confiné·es #9). Et cela ne sera pas facile !
Traçage numérique : la science comme alibi
Avec l’approche du déconfinement souhaité par Macron, le conseil scientifique a planché sur les différents outils censés éviter un retour de l’épidémie et a pondu un avis détaillé, avec des fiches techniques dans lesquelles il décrit ses états d’âme. On s’est attardé un peu sur celles qui parlent des outils numériques, et ça fout franchement les pétoches.
La question de l’utilité des applications de traçage est vite traitée, dans la fiche technique numéro quatre : « Des travaux de modélisation suggèrent que ce type d’approche peut considérablement renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie ».
On appréciera l’absence de référence vers les études en question. Il faut aller tout à la fin du document pour trouver d’où vient cette assertion : un article publié dans la revue Science et un rapport d’une membre du « think tank progressiste » Terra nova financé par Danone, Engie ou même Google…
Terra nova avait été épinglée par Le Monde diplomatique pour être un vivier à expert·es, un endroit où on cultive l’entre-soi et le conformisme idéologique des classes dirigeantes. Un chercheur américain commente les notes de Terra nova comme bien plus remarquables par leur profusion étourdissante que par leur contenu.
Ce rapport a une ligne directrice claire : le numérique vient uniquement en soutien à des mesures de contrôle épidémiologique. La question de la vie privée est donc subordonnée à celle de l’efficacité des mesures d’endiguement de l’épidémie. Elle est même complètement secondaire : les applications de traçage de contact sont vues comme un outil d’empowerment, sur la base du volontariat, dans le cadre de la civic tech, permettant de se saisir des enjeux sanitaires. On aimerait bien comprendre comment !?
À défaut, il faudra de toute façon imposer leur usage, puisqu’elles sont efficaces. Tant pis pour le volontariat…
Tout en rappelant que ce serait mieux d’avoir le consentement de la population, le conseil scientifique envisage de le rendre obligatoire et justifie cela en appelant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à la barre et son guide sur les questions éthiques de la surveillance de la santé publique : il s’agit de sauver des vies.
Si les usages volontaires sont à privilégier, des options obligatoires ne peuvent être écartées. […] Tout en pouvant techniquement se dispenser du consentement, les outils numériques permettent aussi de le recueillir à travers des usages volontaires. A défaut de consentement, un haut degré de transparence doit s’accompagner d’une information intelligible, y compris pour les personnes éloignées du numérique.
On retrouve le ton martial du gouvernement, que les scientifiques cachent d’habitude sous plus de précautions oratoires : « De manière générale, les mesures sanitaires visant à la protection de la population sont pour un État un devoir. »
Conscient·es des réticences que la population pourrait nourrir face à cette surveillance volontaire mais imposée, les éminences prennent par la suite un ton censément rassurant : « Une levée de l’anonymat n’implique pas la levée de la confidentialité. »
On aimerait les croire, ou au moins comprendre ce que ça peut bien vouloir dire. Idem lorsqu’iels insistent sur l’importance de prendre en compte « nos concitoyens éloignés du numérique » avec des « options adaptées […] à partir de moyens humains, matériels ou numériques appropriés ». On aimerait que ce soit déjà le cas en temps normal, alors qu’une partie non négligeable de la population se trouve en difficulté pour la réalisation de démarches administratives informatisées.
Extrait de L’Incal, tome 1, par Moëbius
Après avoir énuméré une vingtaine de principes de bonne gouvernance typiques de la langue de bois managériale dont on sait qu’ils ne sont que des vœux pieux, des distractions, le conseil se hasarde à aborder la question des effets sur le système de santé, ce qui donne lieu à deux pages de verbiage de cabinet de conseil, garanties sans contenu. Morceaux choisis :
Sans évoquer des scénarios – au demeurant plausibles – d’une « uberisation » du système de santé, une stratégie numérique peut déboucher sur une rupture technologique importante.
La French Tech offre des espoirs prometteurs et se mobilise pour développer de nouvelles solutions en contexte épidémique.
Que peut-on tirer de ces lectures, à part quelques tranches de rire et une bonne chair de poule ? Comme on l’avait déjà remarqué dans une précédente Gazette, le conseil scientifique fait appel à très peu de travaux scientifiques pour étayer ses affirmations. Par ailleurs, il n’y a rien de « scientifique » dans les argumentaires déployés qui sont tellement vagues qu’on ne sait même pas à quels outils numériques ils font référence.
Si le texte ressemble plus à une copie de concours d’entrée à l’ENA qu’à un article de revue scientifique, c’est parce que son objectif n’est pas d’étudier des applications concrètes, pour peser le pour et le contre, mais de donner une caution scientifique à l’action gouvernementale à venir.
Les limites à l’efficacité du traçage, posées par l’absence de libre consentement, le faible nombre d’utilisateur·ices attendu·es et les détournements de l’application ne sont même pas évoquées…
L’amateurisme des scientifiques du conseil sur les enjeux du traçage informatisé est flagrant, sans doute parce que le seul « spécialiste du numérique » parmi elleux est Aymeril Hoang, un habitué du pantouflage et ancien directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi, véritable VRP du traçage. Le conseil scientifique permet au gouvernement de se défausser des responsabilités politiques concernant son action, de manière encore plus flagrante que d’habitude.
Pour plus d’informations sur le traçage automatisé, on vous invite à lire notre hors-série sur la question (à paraître).
Quel déconfinement choisirons-nous ?
Les parties de foot ont repris dans la cour de l’immeuble d’en face. Quelques jours avant déjà, la petite vingtaine de gamin·es de la tour jouait au ballon tou·tes ensemble sur un minuscule carré d’herbe. Le terrain vague de l’autre côté de la rue est devenu un haut lieu de sociabilité, l’avenue se repeuple, les voitures et vélos circulent à nouveau.
Pour tenir le coup, nombreux·ses sont celleux qui, dès le début ou plus tardivement, se sont organisé·es des entorses, plus ou moins grosses, au confinement, comme le raconte plusieurs témoignages de La Gazette déconfinée (pdf), notre jumelle pas maléfique.
Pourtant, les réseaux sociaux et les médias dominants fustigent violemment tou·tes celleux qui dérogent un tant soit peu aux sacro-saintes règles édictées par le gouvernement – y compris les plus irrationnelles et les plus discriminatoires. Le confinement est devenu pour certain·es un code moral plus qu’une mesure sanitaire.
Alors, faut-il poursuivre consciencieusement la distanciation sociale ?
Ou peut-on se permettre d’aller voir quelques proches ? Et après le 11 mai, renverrons-nous à l’école les enfants, recommencerons-nous à voyager comme si de rien n’était ? Organiserons-nous une grosse fête avec des dizaines d’ami·es ou nous restreindrons-nous à des contacts distants ?
Débarrassons-nous de la chape moralisatrice qui s’est abattue sur nous.
L’État a suffisamment mal géré cette crise pour que nous ne lui fassions plus confiance sur ce sujet ; pourtant, la charge mentale de définir nos propres règles de conduite semble énorme à porter – nous n’avons pas un conseil scientifique sous la main, nous, et pas forcément le temps de nous pencher sur les dizaines de publications concernant le Covid… Alors, faut-il accepter aveuglément une contrainte extrinsèque, de peur de ne pas arriver à poser soi-même ses propres limitations ?
Que se passe-t-il si nous nous posons la question : vais-je mettre quelqu’un en danger en faisant telle chose ou telle autre ?
Comme l’explique l’Académie de médecine, l’isolement nous fait courir des risques psychologiques certains ; mais aller voir nos proches implique de réfléchir à l’ensemble de la chaîne de transmission qui pourrait conduire le virus jusqu’à une personne fragile.
Ces deux dangers, psychique et viral, et leur évaluation, diffèrent d’une personne, d’une interaction à l’autre, en particulier selon les conditions de son confinement, son activité professionnelle si on a été contraint·e de la poursuivre, son âge, ses facteurs de risque éventuels ainsi que ceux des personnes qui pourraient se retrouver sur nos chaînes de transmission, la probabilité d’avoir déjà été infecté·e, les angoisses des personnes avec lesquelles on vit, etc.
Nous n’avons pas de solution magique à proposer, pas de règle applicable à tou·tes.
Quelques pistes tout de même : réfléchir par nous-mêmes aux dangers que nous courrons ou que nous faisons courir aux autres dans les situations pratiques qui se présentent à nous et non dans un cadre théorique, chercher le consentement des personnes avec lesquelles nous vivons avant d’aller voir quelqu’un·e d’extérieur, voire, idéalement, définir ensemble les modalités de l’entrevue (distance d’un mètre ou câlins autorisés ?).
Cela pose néanmoins des problèmes d’intimité et de spontanéité dans les relations, et suppose une très bonne communication avec les personnes qui vivent sous le même toit que nous – situation dans laquelle sont finalement trop peu d’entre nous.
200423 - Une épidémie révélatrice Bullshit Religieux Tronche de Fake 5.1 - La Déviation
Il fut un temps où les épidémies se combattaient à coups de longues processions pendant lesquelles les fidèles se flagellaient en signe de pénitence. De nos jours, et bien que de subtiles améliorations technologiques aient permis le remplacement des lanières des fouets par les gaz lacrymogènes, les spécialistes recommandent plutôt d’éviter les grands rassemblements pour apaiser les dieux et déesses courroucé·es.
Les organisateur·ices du congrès évangéliste de Mulhouse l’ont appris à leurs dépens : ce rassemblement de 2.000 personnes fin février a probablement fortement contribué à la diffusion du virus en France.
Malgré ce fâcheux précédent, diverses mouvances religieuses ont tenté par la suite de contrer le coronavirus en organisant messes et autres bénédictions publiques, comme le raconte cet épisode de Tronche de Fake sur Youtube. Les intégristes ne manquent d’ailleurs pas d’explications farfelues pour expliquer la pandémie : jusqu’à Daesh, qui y voit une malédiction destinée à détruire l’Occident, et recommande prudemment à ses fidèles de ne pas trop voyager…
Mais les fausses rumeurs ne sont pas la chasse gardée des religieux·ses. Comme recensé sur le site Hoaxbuster qui traque les manipulations sur internet, une déferlante de théories complotistes s’est abattue sur les réseaux : un quart des Français·es penserait ainsi que le Covid sort d’un laboratoire selon un sondage, la chloroquine continue à être un grand succès médiatique sans réelle preuve scientifique d’efficacité, etc.
Comme évoqué dans nos numéros précédents (ici et là), ces idées, parfois véhiculées par des scientifiques ou des médecins, peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
La « fake news », information non vérifiée ou volontairement trafiquée, est devenue l’emblème du mandat de Donald Trump. Si aucun milieu n’est épargné, les infaux sont particulièrement utilisées par l’extrême-droite. Les cadres du Rassemblement national ont par exemple détourné d’anciennes vidéos de rixes pour faire croire à des scènes de pillage à Aubervilliers au début du confinement. Dans le même genre, le syndicat de police Synergie-Officiers dénonce un non-respect du confinement avec des vidéos datant en fait d’août 2019.
Ici, la « fake news » prépare le terrain à la justification de la répression violente dans les quartiers populaires.
De manière paradoxale, le pouvoir médiatique et politique, lui-même pourtant grand producteur de « fake news », s’est réapproprié le concept et s’en sert désormais pour discréditer toutes sortes d’informations, y compris véridiques ; comme expliqué dans cet article sur lundi.am, c’est une manière de cadenasser la parole, de laisser le privilège d’informer à une petite caste de « professionel·les », journalistes ou politiques de métier.
Si certaines informations nous semblent séduisantes ou proviennent de figures d’autorités (scientifiques primés, grands médias etc.), sachons garder une distance critique : les infaux, qu’elles manipulent nos opinions politiques ou qu’elles servent juste de distraction, ne sont jamais innocentes…
200423 - Maintien de l'ordre à quel prix rapport Acat France - La Déviation
La situation est explosive dans les quartiers populaires. La faim (nous vous en parlons ici), l’accumulation d’humiliations quotidiennes, de procès-verbaux font monter la tension.
Le rapport de l’ACAT produit en 2016 sur l’ordre et la force dénonce à la page 90 la guerre médiatique entreprise systématiquement contre les victimes de violences policières.
200423 - Affiche Soylent Green de Richard Fleischer 1973 roman Harry Harrison
Baisse de 35 % de la consommation, instabilité des cours de la bourse, chute prévue de six points du PIB, la décroissance s’est brutalement invitée dans notre monde et les économistes suent à grosses gouttes.
Au point de faire peur au patronat suisse qui s’inquiète que « certaines personnes soient tentées de s’habituer à la situation actuelle, ivoire se laissent séduire par ses apparences insidieuses […], beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d’agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la société de consommation… »
L’article 12 dispose bien que « l’Agence des participations de l’État (APE) veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ».
Hélas, une recherche rapide dans le bilan d’activité 2018-2019 de l’APE, dont la tâche est de gérer les actions détenues par l’État dans diverses entreprises, nous apprend que le mot-clé « transition écologique » peut s’appliquer à EDF ou Engie. Soit parmi les fournisseurs d’énergie les plus polluants d’après le guide de Greenpeace. Ajoutons-y des pontes de l’industrie minière comme Eramet et le tableau est complet. « Écologie libérale, mensonge du capital », scandait-on aux manifs climat !
Le film Pas res nos arresta réalisé par l’Amassada propose une critique sans concessions du capitalisme vert et de l’éolien industriel.
Ce collectif budgétaire vient s’ajouter à un premier plan, validée le 18 mars et en précède en autre, probablement discuté en mai. Cent-dix milliards seront déjà reversés aux entreprises sous différentes formes : chômage partiel, garantie sur des prêts, « fonds de solidarité », etc.
Et nouveau bonus lors du passage au Sénat : une exonération de charge sur les heures supp’ ! En guise de consolation, on se contentera d’une prime pour les soignant·es et les professionel·les de l’aide sociale à l’enfance, et d’un maigre fonds d’un million d’euros pour lutter contre les violences conjugales…
Dans une lettre interceptée par Le Canard enchaîné, le Medef demande au gouvernement français, de suspendre toute sa politique en matière d’environnement, dont la loi mobilité, la loi sur l’économie circulaire ou la loi anti-gaspillage. Un décret sur la qualité de l’air est aussi dans son viseur, au motif qu’il faille préserver la filière automobile. Sans parler de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas carbone, deux textes qui constituent « la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique », de l’aveu même du gouvernement, cité par Le Journal du Dimanche.
Or, une reprise accompagnée d’une surconsommation d’énergie fossile menace car le cours du baril de pétrole s’est effondré avec la diminution de la consommation, atteignant des prix négatifs, et ce malgré une baisse de l’extraction décidée conjointement par les pays producteurs de l’Opep.
L’économie peut-elle être éthique ? Rien n’est moins sûr, mais certains pays comme le Danemark, font moins pire que d’autres, en soumettant les entreprises bénéficiaires des largesses de l’État à des conditions strictes : pas de dividende pour les actionnaires, ni de rachat de leurs propres actions par les entreprises (ce qui est une manière de rémunérer les actionnaires), et pas de sous pour les entreprises ayant des fonds dans les paradis fiscaux. Sur ce dernier point des amendements centristes et communistes, à la portée relative, ont été votés au Sénat dans le cadre du projet de loi de finance rectificative. Avant d’être retiré du texte final jeudi, à la demande expresse du gouvernement. On y a presque cru.
Le site academia a lancé une pétition à cesser toute mesure non urgente non liée à la pandémie notamment car le confinement empêche l’expression, les manifestations. Ca serait en effet la moindre des choses si l’on était en démocratie...
Dans ces conditions, organiser la continuité pédagogique ou même la tenue d’examens est criminel tant que les conditions matérielles de survie ne sont pas garanties pour tou·tes les étudiant·es. C’est une cause de suicides.
On peut aussi déplorer des morts par manque de soins notamment chez les étudiant·es étrangèr·es qui sont particulièrement vulnérables.
À ces conditions de survie parfois difficiles s’ajoutent des inégalités d’accès à internet, à un ordinateur, à un endroit calme pour travailler pendant le confinement.
Mais pourquoi nage-t-on en plein délire avec le maintien des examens qui est décidé quasiment partout de manière désordonnée ? Le collectif des Facs et Labos en lutte va jusqu’à dire que le bateau coule dans un communiqué appelant lui aussi à la validation automatique. À Nantes, le président l’a annoncé ; à Tours, la seule information disponible est cette interview.
La vraie raison est probablement à chercher dans le manque d’enseignant·es dans ces universités devenues « autonomes » financièrement depuis 2007 : comment ne pas sélectionner si l’on manque déjà de personnel quand on sélectionne ? C’est ce que dénonce le collectif des Précaires de l’université de Nantes en même temps que la marchandisation des savoirs et la dématérialisation des métiers de l’enseignement.
Cette année peut être comprise comme un coup d’essai à grande échelle pour ces nouvelles modalités d’enseignement et d’évaluation. Alors ne tombons pas dans le panneau et ne cédons pas à la stratégie du choc : il est urgent de refuser tout examen en ligne et d’exiger la validation automatique !
200423 - BlackRock Ces financiers qui dirigent le monde capture d'écran documentaire Arte - La Déviation
BlackRock, c’est ce gestionnaire d’actifs (c’est à dire de produits financiers) qui est devenu un des plus gros investisseurs mondiaux après la crise de 2008 et est actionnaires de quasiment toutes les grosses entreprises. Particulièrement implanté aux États-Unis, il est aussi arrivé sur le champ européen et cherche à se faire une place sur les marchés émergents de certains pays africains. En France, il soutient la redirection des retraites vers des formes de retraite par capitalisation.
BlackRock a refait surface dans les médias très récemment, parce que ce gestionnaire d’actifs vient d’obtenir la charge de travailler sur l’intégration des facteurs sociaux et environnementaux dans la supervision bancaire, suite à un appel d’offres de la Commission européenne. C’est relativement risible lorsqu’on sait que BlackRock investit dans de nombreuses entreprises pétrolières et plus généralement dans les entreprises phare des différentes indices boursiers du monde, peu connues pour leur investissement social ou environnemental.
C’est loin d’être la première fois que BlackRock assure des missions liées aux banques en Europe. Suite à la crise de 2008, plusieurs pays, comme l’Irlande ou la Grèce, avaient fait appel à lui. En 2014, la Banque centrale européenne (BCE) avait dû réaliser une évaluation complète et BlackRock figurait parmi les consultants extérieurs en charge du dossier, comme le rappelle une partie de ce documentaire fourni diffusé par Arte en 2019.
En ces multiples occasions, BlackRock gagne de l’argent par ces activités d’analyse et de conseil mais Sylvain Leder, dans un article du Monde diplomatique, nous rappelle que ces apports ne représentent que peu par rapport aux données économiques, potentiellement sensibles, récoltées.
La puissance de BlackRock provient en effet en grande partie de sa capacité d’analyse d’une masse de données importante. Il dispose d’un ensemble de serveurs, établis dans la petite ville de Wenatchee aux États-Unis, qui a l’avantage de la présence d’un barrage fournissant de l’électricité peu chère. C’est un élément crucial pour BlackRock et son programme d’analyse dédié Aladdin, qui fait de l’analyse de données à grande échelle… le tout permettant de brasser journalièrement des sommes à hauteur du PIB américain (la bagatelle de – environ – 18.000 milliards de dollars).
À côté de ses activités d’analyse et de conseil, BlackRock nous était bien connu jusqu’à présent pour ses activités d’investissement : la réforme des retraites, stoppée en plein vol par Covid-19, prévoyait d’ouvrir la voie aux retraites par capitalisation privée, et le gérant d’actif y avait un rôle clef.
Des militant·es ont laissé des souvenirs de leur passage au siège parisien de BlackRock le 10 février 2020, en plein mouvement de grève pour les retraites. Certain·es ont passé 48 heures en garde à vue. (Image issue du compte rendu de Ricochets).
Entre l’activité d’analyse et de conseil qui lui permet de récolter de nombreuses données et l’activité d’investissement qui dépend de l’analyse de ce type de données, quid des conflits d’intérêts et des délits d’initiés chez BlackRock ? Le gestionnaire indique que ces deux secteurs d’activité sont bien séparés… Des doutes ont pu émerger lorsqu’il a acheté en Grèce peu de temps avant la crise et y a gagné : son service d’analyse-conseil venait de passer au peigne fin les comptes de la Grèce à la demande de la BCE (et c’est un exemple parmi d’autres).
Quoi qu’il en soit, BlackRock pratique en tout cas bien le pantouflage : Médiapart résumait ainsi (article payant) que le président de la branche française de Blackrock, Jean-François Cirelli, est un ancien des gouvernements de Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin ; en Suisse ce rôle a échu à l’ancien patron de la banque centrale ; en Grèce, à l’ex-responsable d’un programme gouvernemental de privatisation ; et en Allemagne, à l’ancien chef au Parlement de la CDU (parti d’Angela Merkel).
Et d’ailleurs, Jean-François Cirelli est lui-même membre du Comité action publique 2022, qui doit faire des propositions de réforme de l’État : un comité où se télescopent joyeusement privé et public.
Alors que la situation pandémique fragilise les États et leurs services publics déjà très amoindris, des gérants d’actifs et fonds d’investissement comme BlackRock se manifesteront-ils comme des sauveurs pour l’économie mondiale ? Les secteurs publics constituent des investissement sûrs, prévisibles et à long terme pour eux et donc un engagement rentable. BlackRock, qui connaît moins les marchés des pays du Sud, pourrait aussi en profiter pour prolonger des partenariats lui ouvrant la porte à des marchés en expansion, comme le décrit la fin du documentaire. Ceci alors que, non considéré comme un établissement bancaire, BlackRock échappe aux régulations mises en place pour contrôler ceux-ci après la crise de 2008…
200423 - Grève des loyers Toguether we choose food not rent - La Déviation
Se loger, se soigner ou se nourrir, les locataires ne veulent pas choisir. En Espagne comme à New-York, des mots d’ordre de grève obligent les gouvernements à réagir. Le mouvement pourrait gagner la France, où l’épidémie de Covid-19 assomme les classes populaires. Le logement y représente un poste de dépense majeur et contraint.
Capitale du capitalisme, New York se flétrit à vue d’oeil. Plus d’1,1 million d’habitant·es y sont désormais inscrit·es au chômage, soit environ 13 % de la population contre 3,4 % il y a trois mois. Les quelques centaines de dollars distribués chaque mois aux allocataires ne suffisent pas, quand les loyers comptent un zéro supplémentaire.
Dans ces conditions, le Workers’ Day prend une nouvelle dimension. Des militant·es comptent y renouer avec les grandes grèves de locataires (payant) du début du XXe siècle. Le 1er mai, synonyme de jour de paiement, pourrait se transformer un mouvement de désobéissance massif. Pour bon nombre par nécessité, et pour d’autres par solidarité.
La situation est tout aussi critique en Espagne, où le chômage s’apprête à retrouver les sommets connus en 2013, c’est-à-dire supérieur à 26 %. De l’autre côté des Pyrénées, la grève des loyers se dit huelga de alquiler et le mouvement éponyme voit fleurir des comités dans les grandes villes.
Le premier ministre PSOE (équivalent du PS en Espagne)a décidé de suspendre les expulsions jusqu’au sixième mois suivant la pandémie et de prolonger automatiquement les contrats locatifs arrivant à terme. Mais pas question, à ce stade, de suspendre les loyers et encore moins de les annuler.
Si le système social français, même attaqué, sert encore d’amortisseur aux crises, le tsunami s’approche. Des banques alimentaires constatent une hausse des demandes de la part des associations comme Les Restos du Cœur, signe de l’arrivée de nouveaux bénéficiaires. Dans toutes les zones où l’économie informelle occupe une place importante, la situation est extrêmement préoccupante.
Le chercheur à l’Institut de recherche économiques et sociales (Ires) Pierre Concialdi estime que 6 à 7 millions de personnes seront ainsi mises en difficulté par la récession [1], dans une note commentée sur Mediapart (payant). Ce qui ne comprend même pas les étudiant·es, une partie des retraité·es et d’autres populations situées aux marges des statistiques comme les sans-abris. L’auteur du rapport trouve la réponse des pouvoirs publics insuffisante et rappelle que la réduction de dépenses sociales n’est pas abandonnée, dans la lignée de la baisse des APL décidée en parallèle d’une quasi-suppression de l’ISF au début du mandat d’Emmanuel Macron.
Droit au logement (DAL) enfonce le clou sur « l’irresponsable inaction du gouvernement » et prend l’initiative d’un appel à la mobilisation pour obtenir un moratoire sur les loyers. Derrière cette revendication phare, l’association demande aussi la suspension des sanctions, un budget pour apurer la dette des ménages en difficulté et l’organisation rapide d’une baisse des loyers. Plusieurs responsables politiques, associatifs et syndicaux la soutiennent.
« Dans un premier temps, suspendre au plus vite le prélèvement bancaire automatique ; dans un second temps, si le gouvernement reste sourd à la détresse des locataires en difficulté, d’ici la prochaine échéance, suspendre le loyer en s’assurant auparavant de ne pas se mettre plus en difficulté. »
La mobilisation prend une forme plus directe et plus autonome dans certaines régions. A Toulouse le collectif « On ne paie plus 31 » entend devenir la bête noire des bailleurs. Son mode d’emploi prend compte les risques encourus. L’un de ses visuels promeut « un monde sans la pire des épidémies : patrons, proprios, flics ». Plus cordiale, une lettre type permet d’informer son propriétaire de son défaut de paiement.
Dans le Nord, l’Atelier populaire d’urbanisme du quartier de Fives a signé dès le 3 avril un communiqué pour soutenir les grévistes. L’association se bat depuis 2014 contre les marchands de sommeil. Elle exige que « que toutes les dettes locatives contractées pendant et des suites de cette période soient nulles et non avenues et que les bailleurs sociaux soient contraints de ne plus percevoir les loyers ».
En Bretagne, des « précaires et solidaires de Brest et alentours » ont lancé un canal sur Telegram pour discuter. Idem à Rennes, où une adresse courriel y est dédiée. A Saint-Brieuc, chef-lieu des Côtes-d’Armor connu pour sa proportion importante de logements vacants, les occupant·es du squat de La Baie Rouge – sous le coup d’une obligation de quitter les lieux -, se préparent à rejoindre le mouvement. Levez la tête, des draps blancs pourraient bientôt flotter aux fenêtres. Et ce sera pas en signe de renoncement.
Au menu particulièrement riche de cette dixième gazette : les grèves des loyers vont-elles se propager en France ? Quels sombres méfaits la compagnie Blackrock prépare-t-elle ? Pourquoi les universités souhaitent-elles maintenir à tout prix les examens ? Le gouvernement se met-il à la décroissance ou est-il en train de donner des milliards aux entreprises polluantes ? La Gazette s’est aussi intéressée aux émeutes en banlieue et à l’utilisation des « fake news » en période de confinement.
La grève des loyers gagnera-t-elle la France ?
Se loger, se soigner ou se nourrir, les locataires ne veulent pas choisir. En Espagne comme à New-York, des mots d’ordre de grève obligent les gouvernements à réagir. Le mouvement pourrait gagner la France, où l’épidémie de Covid-19 assomme les classes populaires. Le logement y représente un poste de dépense majeur et contraint.
Capitale du capitalisme, New York se flétrit à vue d’oeil. Plus d’1,1 million d’habitant·es y sont désormais inscrit·es au chômage, soit environ 13 % de la population contre 3,4 % il y a trois mois. Les quelques centaines de dollars distribués chaque mois aux allocataires ne suffisent pas, quand les loyers comptent un zéro supplémentaire.
Dans ces conditions, le Workers’ Day prend une nouvelle dimension. Des militant·es comptent y renouer avec les grandes grèves de locataires (payant) du début du XXe siècle. Le 1er mai, synonyme de jour de paiement, pourrait se transformer un mouvement de désobéissance massif. Pour bon nombre par nécessité, et pour d’autres par solidarité.
La situation est tout aussi critique en Espagne, où le chômage s’apprête à retrouver les sommets connus en 2013, c’est-à-dire supérieur à 26 %. De l’autre côté des Pyrénées, la grève des loyers se dit huelga de alquiler et le mouvement éponyme voit fleurir des comités dans les grandes villes.
Le premier ministre PSOE (équivalent du PS en Espagne)a décidé de suspendre les expulsions jusqu’au sixième mois suivant la pandémie et de prolonger automatiquement les contrats locatifs arrivant à terme. Mais pas question, à ce stade, de suspendre les loyers et encore moins de les annuler.
Si le système social français, même attaqué, sert encore d’amortisseur aux crises, le tsunami s’approche. Des banques alimentaires constatent une hausse des demandes de la part des associations comme Les Restos du Cœur, signe de l’arrivée de nouveaux bénéficiaires. Dans toutes les zones où l’économie informelle occupe une place importante, la situation est extrêmement préoccupante.
Le chercheur à l’Institut de recherche économiques et sociales (Ires) Pierre Concialdi estime que 6 à 7 millions de personnes seront ainsi mises en difficulté par la récession(1), dans une note commentée sur Mediapart (payant). Ce qui ne comprend même pas les étudiant·es, une partie des retraité·es et d’autres populations situées aux marges des statistiques comme les sans-abris. L’auteur du rapport trouve la réponse des pouvoirs publics insuffisante et rappelle que la réduction de dépenses sociales n’est pas abandonnée, dans la lignée de la baisse des APL décidée en parallèle d’une quasi-suppression de l’ISF au début du mandat d’Emmanuel Macron.
Droit au logement (DAL) enfonce le clou sur « l’irresponsable inaction du gouvernement » et prend l’initiative d’un appel à la mobilisation pour obtenir un moratoire sur les loyers. Derrière cette revendication phare, l’association demande aussi la suspension des sanctions, un budget pour apurer la dette des ménages en difficulté et l’organisation rapide d’une baisse des loyers. Plusieurs responsables politiques, associatifs et syndicaux la soutiennent.
« Dans un premier temps, suspendre au plus vite le prélèvement bancaire automatique ; dans un second temps, si le gouvernement reste sourd à la détresse des locataires en difficulté, d’ici la prochaine échéance, suspendre le loyer en s’assurant auparavant de ne pas se mettre plus en difficulté. »
La mobilisation prend une forme plus directe et plus autonome dans certaines régions. A Toulouse le collectif « On ne paie plus 31 » entend devenir la bête noire des bailleurs. Son mode d’emploi prend compte les risques encourus. L’un de ses visuels promeut « un monde sans la pire des épidémies : patrons, proprios, flics ». Plus cordiale, une lettre type permet d’informer son propriétaire de son défaut de paiement.
Dans le Nord, l’Atelier populaire d’urbanisme du quartier de Fives a signé dès le 3 avril un communiqué pour soutenir les grévistes. L’association se bat depuis 2014 contre les marchands de sommeil. Elle exige que « que toutes les dettes locatives contractées pendant et des suites de cette période soient nulles et non avenues et que les bailleurs sociaux soient contraints de ne plus percevoir les loyers ».
En Bretagne, des « précaires et solidaires de Brest et alentours » ont lancé un canal sur Telegram pour discuter. Idem à Rennes, où une adresse courriel y est dédiée. A Saint-Brieuc, chef-lieu des Côtes-d’Armor connu pour sa proportion importante de logements vacants, les occupant·es du squat de La Baie Rouge – sous le coup d’une obligation de quitter les lieux -, se préparent à rejoindre le mouvement. Levez la tête, des draps blancs pourraient bientôt flotter aux fenêtres. Et ce sera pas en signe de renoncement.
BlackRock attend les retraites en faisant des audits bancaires en Europe
BlackRock, c’est ce gestionnaire d’actifs (c’est à dire de produits financiers) qui est devenu un des plus gros investisseurs mondiaux après la crise de 2008 et est actionnaires de quasiment toutes les grosses entreprises. Particulièrement implanté aux États-Unis, il est aussi arrivé sur le champ européen et cherche à se faire une place sur les marchés émergents de certains pays africains. En France, il soutient la redirection des retraites vers des formes de retraite par capitalisation.
BlackRock a refait surface dans les médias très récemment, parce que ce gestionnaire d’actifs vient d’obtenir la charge de travailler sur l’intégration des facteurs sociaux et environnementaux dans la supervision bancaire, suite à un appel d’offres de la Commission européenne. C’est relativement risible lorsqu’on sait que BlackRock investit dans de nombreuses entreprises pétrolières et plus généralement dans les entreprises phare des différentes indices boursiers du monde, peu connues pour leur investissement social ou environnemental.
C’est loin d’être la première fois que BlackRock assure des missions liées aux banques en Europe. Suite à la crise de 2008, plusieurs pays, comme l’Irlande ou la Grèce, avaient fait appel à lui. En 2014, la Banque centrale européenne (BCE) avait dû réaliser une évaluation complète et BlackRock figurait parmi les consultants extérieurs en charge du dossier, comme le rappelle une partie de ce documentaire fourni.
En ces multiples occasions, BlackRock gagne de l’argent par ces activités d’analyse et de conseil mais Sylvain Leder, dans un article du Monde diplomatique, nous rappelle que ces apports ne représentent que peu par rapport aux données économiques, potentiellement sensibles, récoltées.
La puissance de BlackRock provient en effet en grande partie de sa capacité d’analyse d’une masse de données importante. Il dispose d’un ensemble de serveurs, établis dans la petite ville de Wenatchee aux États-Unis, qui a l’avantage de la présence d’un barrage fournissant de l’électricité peu chère. C’est un élément crucial pour BlackRock et son programme d’analyse dédié Aladdin, qui fait de l’analyse de données à grande échelle… le tout permettant de brasser journalièrement des sommes à hauteur du PIB américain (la bagatelle de – environ – 18.000 milliards de dollars).
À côté de ses activités d’analyse et de conseil, BlackRock nous était bien connu jusqu’à présent pour ses activités d’investissement : la réforme des retraites, stoppée en plein vol par Covid-19, prévoyait d’ouvrir la voie aux retraites par capitalisation privée, et le gérant d’actif y avait un rôle clef.
Des militant·es ont laissé des souvenirs de leur passage au siège parisien de BlackRock le 10 février 2020, en plein mouvement de grève pour les retraites. Certain·es ont passé 48 heures en garde à vue. (Image issue du compte rendu de Ricochets).
Entre l’activité d’analyse et de conseil qui lui permet de récolter de nombreuses données et l’activité d’investissement qui dépend de l’analyse de ce type de données, quid des conflits d’intérêts et des délits d’initiés chez BlackRock ? Le gestionnaire indique que ces deux secteurs d’activité sont bien séparés… Des doutes ont pu émerger lorsqu’il a acheté en Grèce peu de temps avant la crise et y a gagné : son service d’analyse-conseil venait de passer au peigne fin les comptes de la Grèce à la demande de la BCE (et c’est un exemple parmi d’autres).
Quoi qu’il en soit, BlackRock pratique en tout cas bien le pantouflage : Médiapart résumait ainsi (article payant) que le président de la branche française de Blackrock, Jean-François Cirelli, est un ancien des gouvernements de Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin ; en Suisse ce rôle a échu à l’ancien patron de la banque centrale ; en Grèce, à l’ex-responsable d’un programme gouvernemental de privatisation ; et en Allemagne, à l’ancien chef au Parlement de la CDU (parti d’Angela Merkel).
Et d’ailleurs, Jean-François Cirelli est lui-même membre du Comité action publique 2022, qui doit faire des propositions de réforme de l’État : un comité où se télescopent joyeusement privé et public.
Alors que la situation pandémique fragilise les États et leurs services publics déjà très amoindris, des gérants d’actifs et fonds d’investissement comme BlackRock se manifesteront-ils comme des sauveurs pour l’économie mondiale ? Les secteurs publics constituent des investissement sûrs, prévisibles et à long terme pour eux et donc un engagement rentable. BlackRock, qui connaît moins les marchés des pays du Sud, pourrait aussi en profiter pour prolonger des partenariats lui ouvrant la porte à des marchés en expansion, comme le décrit la fin du documentaire. Ceci alors que, non considéré comme un établissement bancaire, BlackRock échappe aux régulations mises en place pour contrôler ceux-ci après la crise de 2008…
Pourquoi les universités s’obstinent-elles à sélectionner ?
Dans ces conditions, organiser la continuité pédagogique ou même la tenue d’examens est criminel tant que les conditions matérielles de survie ne sont pas garanties pour tou·tes les étudiant·es. C’est une cause de suicides.
On peut aussi déplorer des morts par manque de soins notamment chez les étudiant·es étrangèr·es qui sont particulièrement vulnérables.
À ces conditions de survie parfois difficiles s’ajoutent des inégalités d’accès à internet, à un ordinateur, à un endroit calme pour travailler pendant le confinement.
Mais pourquoi nage-t-on en plein délire avec le maintien des examens qui est décidé quasiment partout de manière désordonnée ? Le collectif des Facs et Labos en lutte va jusqu’à dire que le bateau coule dans un communiqué appelant lui aussi à la validation automatique. À Nantes, le président l’a annoncé ; à Tours, la seule information disponible est cette interview.
La vraie raison est probablement à chercher dans le manque d’enseignant·es dans ces universités devenues « autonomes » financièrement depuis 2007 : comment ne pas sélectionner si l’on manque déjà de personnel quand on sélectionne ? C’est ce que dénonce le collectif des Précaires de l’université de Nantes en même temps que la marchandisation des savoirs et la dématérialisation des métiers de l’enseignement.
Cette année peut être comprise comme un coup d’essai à grande échelle pour ces nouvelles modalités d’enseignement et d’évaluation. Alors ne tombons pas dans le panneau et ne cédons pas à la stratégie du choc : il est urgent de refuser tout examen en ligne et d’exiger la validation automatique !
Soutenir les actionnaires, l’industrie ou la « transition » ?
Baisse de 35 % de la consommation, instabilité des cours de la bourse, chute prévue de six points du PIB, la décroissance s’est brutalement invitée dans notre monde et les économistes suent à grosses gouttes. Au point de faire peur au patronat suisse qui s’inquiète que « certaines personnes soient tentées de s’habituer à la situation actuelle, voire se laissent séduire par ses apparences insidieuses […], beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d’agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la société de consommation… »
L’article 12 dispose bien que « l’Agence des participations de l’État (APE) veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». Hélas, une recherche rapide dans le bilan d’activité 2018-2019 de l’APE, dont la tâche est de gérer les actions détenues par l’État dans diverses entreprises, nous apprend que le mot-clé « transition écologique » peut s’appliquer à EDF ou Engie. Soit parmi les fournisseurs d’énergie les plus polluants d’après le guide de Greenpeace. Ajoutons-y des pontes de l’industrie minière comme Eramet et le tableau est complet. « Écologie libérale, mensonge du capital », scandait-on aux manifs climat !
Le film Pas res nos arresta réalisé par l’Amassada propose une critique sans concessions du capitalisme vert et de l’éolien industriel.
Ce collectif budgétaire vient s’ajouter à un premier plan, validée le 18 mars et en précède en autre, probablement discuté en mai. Cent-dix milliards seront déjà reversés aux entreprises sous différentes formes : chômage partiel, garantie sur des prêts, « fonds de solidarité », etc.
Et nouveau bonus lors du passage au Sénat : une exonération de charge sur les heures supp’ ! En guise de consolation, on se contentera d’une prime pour les soignant·es et les professionel·les de l’aide sociale à l’enfance, et d’un maigre fonds d’un million d’euros pour lutter contre les violences conjugales…
Le patronat, qui mange à tous les râteliers, profite par ailleurs de la crise pour tenter d’infléchir les objectifs de baisse d’émission de CO2 de l’Union européenne. Dans une lettre interceptée par Le Canard enchaîné, le Medef demande au gouvernement français, de suspendre toute sa politique en matière d’environnement, dont la loi mobilité, la loi sur l’économie circulaire ou la loi anti-gaspillage. Un décret sur la qualité de l’air est aussi dans son viseur, au motif qu’il faille préserver la filière automobile. Sans parler de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas carbone, deux textes qui constituent « la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique », de l’aveu même du gouvernement, cité par Le Journal du Dimanche.
Or, une reprise accompagnée d’une surconsommation d’énergie fossile menace car le cours du baril de pétrole s’est effondré avec la diminution de la consommation, atteignant des prix négatifs, et ce malgré une baisse de l’extraction décidée conjointement par les pays producteurs de l’Opep. Dans le même genre, l’industrie du plastique tente de tirer les marrons du feu en s’attaquant aux réglementations futures sur le plastique à usage jetable au nom de la lutte contre le Covid-19.
L’économie peut-elle être éthique ? Rien n’est moins sûr, mais certains pays comme le Danemark, font moins pire que d’autres, en soumettant les entreprises bénéficiaires des largesses de l’État à des conditions strictes : pas de dividende pour les actionnaires, ni de rachat de leurs propres actions par les entreprises (ce qui est une manière de rémunérer les actionnaires), et pas de sous pour les entreprises ayant des fonds dans les paradis fiscaux. Sur ce dernier point des amendements centristes et communistes, à la portée relative, ont été votés au Sénat dans le cadre du projet de loi de finance rectificative. Avant d’être retiré du texte final jeudi, à la demande expresse du gouvernement. On y a presque cru.
Violences policières et émeutes
La situation est explosive dans les quartiers populaires. La faim (nous vous en parlions plus haut), l’accumulation d’humiliations quotidiennes, de procès-verbaux font monter la tension.
Le rapport de l’ACAT produit en 2016 sur l’ordre et la force dénonce à la page 90 la guerre médiatique entreprise systématiquement contre les victimes de violences policières.
Il fut un temps où les épidémies se combattaient à coups de longues processions pendant lesquelles les fidèles se flagellaient en signe de pénitence. De nos jours, et bien que de subtiles améliorations technologiques aient permis le remplacement des lanières des fouets par les gaz lacrymogènes, les spécialistes recommandent plutôt d’éviter les grands rassemblements pour apaiser les dieux et déesses courroucé·es.
Les organisateur·ices du congrès évangéliste de Mulhouse l’ont appris à leurs dépens : ce rassemblement de 2.000 personnes fin février a probablement fortement contribué à la diffusion du virus en France.
Malgré ce fâcheux précédent, diverses mouvances religieuses ont tenté par la suite de contrer le coronavirus en organisant messes et autres bénédictions publiques, comme le raconte cet épisode de Tronche de Fake. Les intégristes ne manquent d’ailleurs pas d’explications farfelues pour expliquer la pandémie : jusqu’à Daesh, qui y voit une malédiction destinée à détruire l’Occident, et recommande prudemment à ses fidèles de ne pas trop voyager…
Mais les fausses rumeurs ne sont pas la chasse gardée des religieux·ses. Comme recensé sur le site Hoaxbuster qui traque les manipulations sur internet, une déferlante de théories complotistes s’est abattue sur les réseaux : un quart des Français·es penserait ainsi que le Covid sort d’un laboratoire selon un sondage, la chloroquine continue à être un grand succès médiatique sans réelle preuve scientifique d’efficacité, etc. Comme évoqué dans nos numéros précédents (ici et là), ces idées, parfois véhiculées par des scientifiques ou des médecins, peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
La « fake news », information non vérifiée ou volontairement trafiquée, est devenue l’emblème du mandat de Donald Trump. Si aucun milieu n’est épargné, les infaux sont particulièrement utilisées par l’extrême-droite. Les cadres du Rassemblement national ont par exemple détourné d’anciennes vidéos de rixes pour faire croire à des scènes de pillage à Aubervilliers au début du confinement. Dans le même genre, le syndicat de police Synergie-Officiers dénonce un non-respect du confinement avec des vidéos datant en fait d’août 2019. Ici, la « fake news » prépare le terrain à la justification de la répression violente dans les quartiers populaires.
De manière paradoxale, le pouvoir médiatique et politique, lui-même pourtant grand producteur de « fake news », s’est réapproprié le concept et s’en sert désormais pour discréditer toutes sortes d’informations, y compris véridiques ; comme expliqué dans cet article sur lundi.am, c’est une manière de cadenasser la parole, de laisser le privilège d’informer à une petite caste de « professionel·les », journalistes ou politiques de métier.
Si certaines informations nous semblent séduisantes ou proviennent de figures d’autorités (scientifiques primés, grands médias etc.), sachons garder une distance critique : les infaux, qu’elles manipulent nos opinions politiques ou qu’elles servent juste de distraction, ne sont jamais innocentes…
Notre jumelle pas maléfique
La Gazette des confiné·es ne doit pas être confondue avec la Gazette déconfinée, collectif arriégeois dont nous lisons les publications avec plaisir. Bonne continuation à elle !
Illustration de une : Visuel de la grève des loyers du collectif des Précaires et solidaires de Brest, publié sur Bourrasques-Info.org
(1)En 2018, 26,6 % de la dépense de consommation finale des ménages était allouée au logement selon les calculs de l’Insee, soit 6,5 points de plus qu’en 1990. C’est de loin le premier poste de dépenses, l’écart se creusant avec l’alimentation (17,1 %) et les transports (14,3 %). Il représentait 9.575 € pour les locataires du parc du secteur privé et 7.441 € dans le parc social, en partie pris en charge par des aides.
Or, cette part du budget va mécaniquement augmenter pour les foyers qui voient leur revenu baisser. Cela représenterait déjà 35 % des ménages d’actifs, d’après une enquête réalisée par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès datant de mars. Et même 52 % chez les « catégories pauvres » contre 27 % chez les « hauts revenus ».