Diaporama sonore – Le festival Désir Désirs œuvre depuis 21 ans, dans la ville de Tours, à offrir une programmation cinématographique autour de la thématique du genre. Cette année le festival s’est associé à la bibliothèque centrale pour proposer la lecture de Mon frère, ma princesse, pièce de théâtre jeunesse de Catherine Zambon.
Les dernières dénonciations entendues dans les Manifs pour tous envers certains ouvrages comme Papa porte une robe ou Tous à poil ont amené certains militants à réclamer la censure de ces livres dans les bibliothèques municipales.
Je me suis rendu à cette lecture. Mon frère, ma princesse représente-t-il un danger ?
Mercredi 19 février, nous sommes à la bibliothèque centrale de Tours et il est bientôt 16h. La compagnie Möbius-Band semble très sereine à quelques minutes de l’entrée en scène.
Les interrogations portent plus sur la rencontre qui aura lieu après. Les bibliothécaires ont aperçu un homme susceptible de perturber la représentation. « Pas d’inquiétude ! C’est un habitué, il aime juste faire valoir son opinion », nous dit-on. Pauline Bourse, metteuse en scène, précise : « Le débat est fait pour les enfants, nous voulons juste parler du texte. »
“Il n’est pas question de faire des sélections”
Car lorsque la bibliothèque centrale a pris connaissance du projet initié par l’équipe du festival Désir Désirs, la polémique n’existait pas encore. Mais depuis début février, la bibliothèque a reçu un message indiquant une liste des ouvrages à retirer, comme cela a été le cas dans d’autres villes.
Si la démarche militante reste très marginale, elle n’en a pas moins fait réagir les personnes concernées. Colette Girard, adjointe à la culture à la ville de Tours, avait déjà profité de l’inauguration du festival, le 12 février, pour s’indigner contre cet appel à la censure.
Pour Céline Gitton, coordinatrice de l’action culturelle pour la bibliothèque municipale de Tours, « il n’est pas question de faire des sélections, c’est hors de propos pour un bibliothécaire ».
Ce texte parle de l’identité, et le théâtre est bien l’endroit où l’on change d’identité.
La représentation théâtrale souffre malgré elle de l’actualité chargée autour du genre. La rencontre prévue après la lecture n’attire que les adultes et transforme ce moment d’échange en débat sur la littérature jeunesse.
“Doit-on donner autant de visibilité à ces problématiques ?” “Sont-elles sur-représentées ?” “Diffuser une œuvre littéraire traitant du genre est-il un geste politique ?”
Si la contestation a trouvé son unique porte-voix dans l’assemblée, son écho retentit sans encombre, obligeant les comédiens, la bibliothèque et les responsables du festival à justifier méticuleusement leur choix et assurer qu’aucun complot ne vise à transformer nos enfants en ce qu’ils ne sont pas.
Contrairement à ce que le titre Mon frère, ma princesse peut laisser suggérer, Alyan, 5 ans, ne cherche pas à tout prix à devenir une princesse. Au fur de la pièce, il se voit en dragon, en maman, en fée Nayla ou encore en pétunia.
La seule chose dont il ne se réclame pas, c’est bien d’être un garçon, ce qui déclenche bien évidemment les réactions de son entourage. Face à l’incompréhension de la mère et aux moqueries des camarades de classe, sa sœur Nina le défend.
« Ce texte parle de l’identité, explique la metteuse en scène, et le théâtre c’est bien l’endroit où l’on change d’identité. » Car les différents protagonistes qui gravitent autour d’Alyan peuvent difficilement se prévaloir d’être les parfaits stéréotypes masculins et féminins.
La mère avoue ne jamais porter de robe et a un poste à grande responsabilité. Nina joue au foot et trouve les princesses stupides. Et enfin Dillo, camarade de Nina, ne veut pas se battre et trouve le rose cool.
Si le texte de Catherine Zambon réussit à apporter un très beau message de tolérance, la lecture théâtralisée proposée par la compagnie Möbius-Band ouvre une autre dimension à ce récit.
Les deux comédiens disposent de codes vestimentaires (bonnets, vestes) pour interpréter les six personnages principaux de la pièce.
Au fur et à mesure que le rythme de la lecture s’accélère et que les personnages se répondent, les changements de costumes s’emmêlent. Dillo ou Ben se retrouve interprété dans l’ombre du costume d’Alyan et inversement.
Outre la magnifique coordination des comédiens qui réussissent à donner une dimension comique à des endroits où elle n’existait pas dans le texte, les personnages se confondent pour leur apporter une nouvelle lecture. On ne sait plus qui parle. On ne sait plus qui est qui. Et peu importe.
Mon frère, ma princesse a reçu le prix Collidram pour l’édition 2012-2013. Chaque année, l’association Posture invite un comité de collégiens à sélectionner 4 pièces de théâtre contemporaines. Il a également reçu le dixième prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public, décerné par la bibliothèque de théâtre Armand Gatti, l’Inspection Académique du Var et le rectorat de Nice.
Témoignages inédits. On entend tout et son contraire sur la manifestation anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui s’est déroulée à Nantes, samedi. Du nombre de manifestants à l’identité de ceux qui se sont opposés violemment à la police, tout est nature à controverses.
Comme trop souvent, seuls les acteurs institutionnels ont le droit de s’exprimer dans l’arène médiatique. Ministère de l’Intérieur, partis, associations pro et anti-aéroport et mairie s’affrontent dans une bataille de communication qui dessert la compréhension des faits.
Or, j’ai le sentiment que ce qui s’est produit est éminemment plus complexe que ce que Patrick Rimbert (maire de Nantes), Manuel Valls, Cécile Duflot ou Julien Durand (président de l’AcipaAssociation citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. C'est l'association historique de lutte contre la construction de l'aéroport, fondée en novembre 2000.) peuvent ou veulent bien admettre.
J’ai voulu comprendre ce qui se cache derrière les images sensationnelles d’une ville que d’aucuns n’hésitent pas à qualifiée de “dévastée”, sans avoir peur du poids des mots.
Qu’est-ce qui a déclenché cette violence ?
Il y avait-il vraiment des “blacks blocs venus de l’étranger” face aux policiers ?
Les manifestants condamnent-ils unanimement les dégradations urbaines ?
Je n’étais pas à Nantes samedi. Je connais bien la ville, sa géographie, son histoire sociale. Je m’intéresse de près à l’affaire Notre-Dame-des-Landes et j’ai eu envie de savoir ce qui s’est déroulé.
Il s’agit d’une démarche à l’origine personnelle, dont les témoignages reccueillis relèvent, je le crois, de l’intérêt général.
Cinq témoignages pour éclairer
J’ai demandé à cinq personnes en qui j’ai confiance et qui manifestaient à Nantes de me raconter ce qu’elles ont vu et ressenti. Je les ai prévenues que je publierai ici leur point de vue.
Ce sont donc cinq vérités que je vous livre. Elles se recoupent souvent dans la description et s’opposent parfois frontalement dans l’interprétation des violences.
Je suis convaincu que dans un conflit social, toutes les paroles méritent d’être entendues. Vous, lecteurs, n’êtes pas dénués d’esprit critique.
C’est en toute conscience que j’ai décidé de publier le témoignage brut d’un manifestant qui a pris part aux violences, parce que je le crois aussi sincère que les autres. Sans volonté de légitimer cette parole, mais sans vouloir la discréditer a priori.
Il ne s’agit pas de l’aboutissement d’une enquête. Tous ces témoignages en constituent plutôt la fondation. Ils complètent le film de la journée tourné et monté sans commentaire par Gaspard Glanz pour Rennes TV.
Reportage – Depuis l’annonce de la liquidation judiciaire de l’enseigne Chapitre le 2 décembre, les 57 librairies françaises avaient deux mois pour trouver acheteur. Le 10 février, le tribunal de commerce de Paris a statué la fermeture définitive de 23 d’entre elles. Depuis, la CGT, syndicat majoritaire des salariés, appelle à l’occupation des lieux afin d’obtenir la réévaluation des primes de licenciement.
Pour les salariés des enseignes de Lyon, Boulogne ou encore Tours, le dernier chapitre n’a pas eu le dénouement espéré. Parmi les 23 librairies qui ont dû fermer leurs portes lundi soir, neuf sont actuellement occupées d’après la CGT. J’ai rencontré les occupants à Tours.
Mardi 11 février 2014, 16 h. “L’heure tranquille” est un nom qui sonne parfois comme une malédiction pour le centre commercial qui accueille les 17 salariés de l’enseigne Chapitre tourangelle. Ils ne sont pas nombreux à arpenter la galerie commerciale en ce jour pluvieux. Seuls quelques rares passants marmonnent leur soutien à la vue des drapeaux CGT, et des doux messages à l’attention des patrons du groupe.
“Il n’y a jamais eu autant de clients qu’en ce moment”
À l’intérieur, Damien, libraire spécialisé BD, polar et science fiction, est seulement accompagné d’une militante CGT. Ils gardent le fort pendant que le reste de l’équipe rencontre Marie-France Beaufils, maire communiste de Saint-Pierre-des-Corps et sénatrice d’Indre-et-Loire. “Il n’y a jamais eu autant de clients qu’en ce moment”, blague Damien.
La librairie n’a jamais réellement décollé depuis son installation en 2009. “L’heure tranquille” serait-elle trop tranquille ? Damien acquiesce. Le climat désertique de ce centre commercial ne permettait pas d’espérer une potentielle reprise de l’activité.
Depuis lundi soir, ils sont “quatre, allez cinq salariés” à participer à cette occupation. Douze manquent à l’appel. “Ils ne se sentent pas concernés, ils ont tourné la page”, regrette Séverine, libraire ultra-mobilisée. On ne la verra que quelques courtes minutes. Elle court partout pour mobiliser médias et politiques.
Une prime de 880 €
À l’origine, ce sont les salariés de Montbéliard qui les ont appelés pour leur proposer d’organiser cette mobilisation. “C’est un mouvement qui est venu des salariés syndiqués”, précise Damien. Car à Tours, aucun n’appartient à la CGT.
Il n’y aura plus de reprise possible, ils n’y ont jamais cru. Mais les conditions de départ ne sont pas satisfaisantes. Avec cinq ans d’ancienneté, un salarié comme Damien partira avec une prime de 880 €. La direction a été intransigeante. Les primes ne dépasseront pas les minimums légaux.
Seulement pour Damien il s’agit d’un non-sens. “Le stock restant des 23 librairies représente 11 millions d’euros et nos dirigeants préfèrent embaucher des intérimaires qui seront payés 50 % de plus pour emballer le stock. Ça veut dire qu’il y a bien de la trésorerie. Selon lui, les salariés qui avaient été licenciés plus tôt en 2012 à Saint-Nazaire avaient pu partir avec près de 20 000 euros d’indemnités. Aujourd’hui, la stratégie des occupants est bien de garder les stocks et d’empêcher l’arrivée des intérimaires.
Jeudi prochain, un CE exceptionnel se tiendra pour éventuellement étudier la réévaluation des indemnités. “On n’a pas fixé de montant précis, mais partir avec moins de 1 000 euros, il y a un malaise”, confie notre hôte, même s’il ne croît pas un seul instant que les négociations aboutiront positivement.
L’occupation continuera-t-elle ? Damien hésite à se prononcer. La fatigue se ressent déjà et les soutiens semblent trop peu nombreux. Pourtant la CGT a envoyé ses délégués départementaux.
“Si on s’ennuie, on a de la lecture”
Aucune manifestation n’est prévue pour le moment, mais la ministre et ancienne députée de Tours Marisol Touraine doit se rendre dans sa ville. Pour la syndicaliste, c’est l’occasion d’attirer l’attention au sein d’une autre mobilisation. Pendant ce temps, on s’occupe comme on peut. On s’informe sur La Rotative, le webzine engagé local.
“Des amis vont nous ramener un Scrabble, et puis si on s’ennuie on a de la lecture”. Avant de partir Damien m’invite à découvrir la sélection littéraire très spéciale qu’ils ont mis en exposition dans la vitrine. “Le livre pour trouver votre travail”, “Manifeste des chômeurs heureux” ou encore “Avant de disparaître”.
Si la fin de partie des salariés de Chapitre ne connaît pas de fin heureuse, elle aura au moins le mérite d’être bien documentée.
Débat – Quand on demande à Yann Barthès comment lui et son équipe se qualifient, il répond “journalistes”. La Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), elle, a donné un avis différent en juin 2012 en ne renouvelant qu’une partie des cartes de presse de l’équipe. Le motif ? L’émission était trop souvent à la frontière entre information et divertissement.
Qu’en est-il plus d’un an après, alors que Le Petit Journal bat des records d’audience, avec plus de 1,5 million de fidèles ? Sylvain Ernault et Gary Dagorn, téléspectateurs réguliers de l’émission et eux-mêmes journalistes, débattent sur les limites du mélange des genres. Derrière le statut de l’émission : la crédibilité du journalisme.
Au-delà des erreurs factuelles du Petit Journal, il y a surtout pour moi le mélange de l’information et du divertissement (infotainment) qui est préjudiciable pour tous les autres journalistes.
Il est d’ailleurs amusant de remarquer que l’émission reprend le nom de ce quotidien conservateur “à un sou” (1863 – 1944), dont les romans feuilletons étaient l’un des premiers arguments de vente (avec les faits divers). Les Plenel de l’époque y voyaient une dérive vers le mercantilisme autant que l’avilissement d’une presse préférant l’émotion à la raison. On sortait à peine de la Révolution et les journaux étaient encore vus par les intellectuels comme les vecteurs presque sacrés de la démocratie. C’est une vision trop radicale, mais les termes du débat ont 150 ans.
De mon point de vue, les “bourdes” sont très représentatives de l’esprit de cette émission.
S’ils doivent choisir entre respecter la réalité et et la tordre pour que la blague fonctionne, ils tordront la réalité. Ils sacrifient l’info et choisissent le divertissement.
Le contrat de lecture est vicié dès le départ. Sur quel pied le téléspectateur doit-il danser ? L’humour n’empêche pas la réflexion, c’est le rôle de la satire, représentée sur la même chaîne par les Guignols de l’Info. Mais les Guignols pastichent, détournent, ils n’enquêtent pas et les auteurs ne demandent rien d’autre que de rester des auteurs.
Le plus tragique étant que Le Petit Journal lève des lièvres. Il a été le seul à s’apercevoir que Marine Le Pen utilisait des figurants pour organiser des tables rondes (24 octobre 2013). Quel statut donner à cette information révélée dans une émission d’humour ? Et par ricochet, que faisaient les confrères journalistes ? Le Front national peut avoir beau jeu de retourner cette histoire à son avantage en pointant les failles du programme.
Oui, ils se décrédibilisent tout seuls. Mais malgré ça, le Petit Journal a déjà montré dans le passé que l’humour n’était pas incompatible avec l’info ou la réflexion. Leur ironie sur les faiblesses et les incohérences de la communication politique durant les présidentielles était assez pédagogique et ils étaient un peu les seuls à désacraliser la parole politique en remettant le contexte, les absurdités et les incohérences.
Depuis, la formule du Petit Journal est moins politique et plus “divertissante” : la Minute pop d’Ophélie Meunier, le défi Musca, etc.
Il y a aussi la caution journalistique du programme en la personne de “l’envoyé spécial” Martin Weill. Une blogueuse de l’Express l’avait surnommé le “Tintin génial du Petit Journal”. C’est bien trouvé. Si on se souvient bien, Tintin est un journaliste, mais on ne le voit presque jamais enquêter. On suit ses péripéties de héros par-delà les mers.
Martin Weill, qui a à peu près notre âge et celui du public visé, est un moyen d’identification parfait pour tous les jeunes qui se rêvent globe-trotters. J’ose espérer que ça ne devienne pas le modèle des futurs grands reporters, car sur le terrain, ses reportages s’apparentent à une suite de gags qui prennent l’actualité géopolitique pour prétexte.
Que retient-on de son voyage en Israël et Palestine ? Que les journalistes courent pour obtenir une interview de François Hollande. Qu’un joueur de trompette joue faux. Quels scoops ! Mais au fait, il était là pourquoi Hollande ? La mise en contexte est sommaire, il n’y a pas d’angle et le tout est surjoué.
Un extrait : “François Hollande s’apprête à repartir, du coup les journalistes français remontent dans les bus de la délégation française pour le suivre jusqu’à Jérusalem. Mais nous, on décroche, la caravane ça suffit”. “Voyez comme on est vertueux par rapport aux autres”, s’attend-on presque à l’entendre dire. C’est une parodie d’investigation, mais ce n’est même pas drôle.
On apprend souvent peu ou pas assez. Par exemple, lorsque mi-novembre Martin Weill se rend à Ramalah, on y trouve plus sur la visite du président que l’on apprend de la vie des Palestiniens : une minute avec un Palestinien qui parle des colons israéliens, un micro-trottoir de 45 secondes et ça s’arrête là.
C’est dommage car il y a là une formule qui tente une approche assez pragmatique et simple : Martin se rend sur place et tente de comprendre la vie des gens dans des territoires dont la situation est complexe. Les reportages gagneraient à faire plus d’info, comme ce qu’ils ont pu faire pour Détroit. Et même si ça reste assez survolé à la vue de la complexité du sujet, la démarche entreprise ici est vraiment une formule qui marche car Martin ne parle pas comme un journaliste, c’est un voyageur avec ses observations propres et cette approche très simple amène à vulgariser les sujets. C’est un pari intéressant pour amener un public vers des informations qu’il ne “consommerait” pas forcément s’il les trouvait dans un journal classique, voire spécialisé (Le Monde Diplo par exemple).
“La démarche entreprise ici est vraiment une formule qui marche car Martin ne parle pas comme un journaliste.” Gary
Je vois plus de sensationnalisme que de journalisme dans cette séquence. Faire un reportage à la première personne ne me dérange pas tellement. Que Martin Weill soit au centre de la narration est une façon comme une autre de raconter une histoire, de capter l’attention du téléspectateur. Une méthode sans doute adaptée à la cible. Mais pour que ça devienne intéressant, il faudrait lui accorder plus de temps de manière à développer. Et il faudrait surtout éviter les approximations contraires à toute déontologie. En trois mois, Acrimed et Arrêt sur Images ont déjà pointé des erreurs lors de plusieurs étapes : au Mexique et en Russie.
Assez d’accord avec ça, les reportages ne montrent parfois qu’une partie de la réalité. Le Petit Journal ne retient que les parties des événements qui se prêtent à la moquerie ou aux sarcasmes (à l’exception des reportages de Weill, qui n’ont pas de visée humoristique). Le but n’est alors pour l’information elle-même mais l’utilisation de l’info pour faire rire. Ce n’est plus du journalisme à ce moment-là !
Une autre critique à laquelle j’adhère c’est de considérer que Le Petit Journal dévoie la critique des médias. C’est ainsi que l’émission se présente. C’est vrai que certaines révélations sur les ménages des journalistes télé ont eu leur petit effet.
Or, cette critique n’est que superficielle. Jamais Le Petit Journal n’analysera, par exemple, quelle finalité poursuit peut-être TF1 en truquant le son des sifflets contre François Hollande le 11 novembre. Il n’est jamais question des relations troubles entre les industriels et les patrons de médias. La connivence entre journalistes vedettes et politiques, le cercle très restreint de propriétaires de médias, ils sont là les vrais scandales qui nuisent gravement à la crédibilité de notre travail. Elle est là l’origine de la défiance toujours plus grande du public, qui aboutit sur un rejet en bloc des productions, même les meilleures, au profit des manipulateurs.
En restant dans le registre de la farce et en dépolitisant leurs analyses, les responsables du Petit Journal sont des “chiens de garde” comme les autres.
“En restant dans le registre de la farce et en dépolitisant leurs analyses, les responsables du Petit Journal sont des “chiens de garde” comme les autres.” Sylvain
Ils appartiennent à un grand groupe qui a des intérêts, donc leur critique des médias n’est pas très subversive. De plus, les critiques de Serge Halimi et Gilles Balbastre ont quelque part une logique “anti-système” et très politisée.
Eux restent dans la critique douce parce que d’une certaine façon, ils ne sont pas en position de faire plus subversif, et n’en ont sûrement pas la volonté. Le fait de ne pas être en position n’excuse pas pour autant la superficialité de leurs moqueries. Je pense qu’il s’agit surtout, pour eux, de rester divertissant. Le côté “on ne se prend pas la tête”, le côté “cool” en pâtirait et les audiences aussi.
D’ailleurs il faut noter que Le Petit journal est un îlot entouré par un océan de pub. Une page avant, après et même pendant, pour un programme qui ne dépasse pas 24 minutes ! Un teasing à la fin du Grand journal, un autre au début comme sommaire et encore un autre à la reprise. Même les journaux des grandes chaînes françaises, malgré les reproches qu’on peut leur faire, n’ont pas cédé à la tentation de la publicité intercalée.
Le Petit Journal est une machine à cash, qui met à disposition des publicitaires du “temps de cerveau disponible”, au dernier moment de la journée où c’est possible sur Canal +, en clair. Il s’agit d’en profiter jusqu’au bout.
Certes, c’est le cas de tous les programmes de divertissement sur les chaînes privées et souvent aussi les chaînes publiques. Là où je trouve que c’est pernicieux, c’est que Le Petit Journal prétend être autre chose ou apporter plus que du divertissement. Dans la famille des émissions sur les médias, il est pourtant à ranger dans la même catégorie que Touche pas à mon poste (D8) et non dans celle de Médias le magazine (France 5).
Disons qu’à titre personnel, je ne le place pas dans le pur divertissement. Il mélange les genres et jouent à la frontière (parfois très mince) entre donner de l’info, voire souvent de la méta-info (sur la façon dont les médias fonctionnent, l’envers du décors d’une com’ politique), et faire dans le divertissement (donc nécessité d’être drôle). Je pense d’ailleurs que c’est le pari de Yann Barthès aussi d’essayer d’allier les deux.
Après, là où je pense qu’il “subit” aussi la nécessité de garder son audience, c’est le petit remaniement qu’est la venue d’Ophélie Meunier et de Maxime Musca pour cibler un public précis. Je pense que c’est un choix plus dicté par la chaîne que par les ambitions éditoriales de Barthès.
J’ai longtemps cru en ce programme car la télévision, ce mass-media par excellence, manque d’impertinence, malgré tout ce qu’on nous a raconté sur la révolution post-81, la fin de l’ORTF, la multiplication des chaînes, etc. Les bidonnages multiples pendant la campagne présidentielle, sur Dupont-Aignan puis Mélenchon et Joly m’ont alerté.
L’apothéose, ce fut lorsque les candidats se présentèrent les uns après les autres sur le plateau. Yann Barthès, qui avait pointé l’envers de la communication de Nicolas Sarkozy sans relâche pendant tout le quinquennat, s’est retrouvé face à l’ “accusé” Sarkozy. Mais ce qui s’est produit, c’est qu’au lieu de passer sur le gril, Sarkozy est paradoxalement apparu sympathique en plaisantant avec son “procureur”. Surtout, les faits qui lui étaient reprochés paraissaient tellement ridicules (les discours copier-coller, les tics…) que sa communication a été au contraire relégitimée.
L’écume sur laquelle Barthès a construit son émission s’est envolée en un coup de vent.
Jamais une émission vraiment impertinente – aujourd’hui il est question évidemment de l’être avec le pouvoir PS – n’aurait pu devenir le théâtre communicationnel de celui qui était moqué pendant cinq ans. Pour ça, il aurait fallu attaquer les points sensibles : les discours haineux de Dakar et de Grenoble, la complaisance avec les régimes dictatoriaux de Kadhafi, Ben Ali et Al Assad, l’affaire du vaccin contre le H5N1, etc. Tant d’occasions ratées d’être impertinent tout en provoquant les sourires.
C’est totalement vrai. Il y a eu une vraie impertinence dans le passé, mais dès qu’il s’agit de respecter les “leçons” que Le Petit Journal donne (souvent avec raison) à la profession, Yann Barthès sèche. C’était vrai pour toutes les manipulations de montage qu’ont pu subir les reportages et duplex, c’est aussi vrai lorsqu’il s’agit d’avoir un face-à-face avec l’un des principaux personnages critiqués.
Le fil rouge qui guide la ligne du Petit journal est que ça reste cool. À mon sens, pour faire de l’info et rester engagé, Barthès devra aussi montrer qu’il est capable de faire du sérieux. Ce qu’il a tenté face à Frigide Barjot, sans grande réussite parce qu’il ne pouvait pas franchir la ligne qui aurait fait passer la discussion dans la polémique, le débat houleux. Donc au final, l’impertinence de surface du Petit Journal me paraît assez conformiste.
Infographie – À moins d’avoir passé le week-end dans une grotte isolée, perdue au milieu du Vercors, oui vous êtes au courant : le Front national a gagné une importante élection dimanche au soir, à Brignoles. Oui, le Front national a triomphé ! Oui, le Front National progresse inévitablement dans le cœur des électeurs !
Mais au fait, de quelle élection parle-t-on ? De l’élection présidentielle ! Non ? Ah non. Il s’agit d’une législative partielle alors ? Le FN progresse à l’Assemblée nationale ? Non non. Une élection régionale peut-être ? Non, rien de tout cela car il s’agissait en réalité d’une élection cantonale. Qu’est-ce qu’une cantonale ? Tout simplement l’élection des conseillers généraux.
Quoi, seulement ?
Oui, il ne s’agit seulement que d’un seul conseiller général. Pourquoi cette question ? Parce que la couverture médiatique dont cette petite cantonale partielle a bénéficié est incroyable tant elle est démesurée. Voyez plutôt :
La presse écrite affiche des unes qui font peur, les chaînes d’info en continu sont en couverture spéciale pendant toute la soirée, alternant entre une déclaration de Marine Le Pen sur le recul de la pensée unique et le candidat frontiste nouvellement élu affichant fièrement ses ambitions et sa fierté de travailler pour les “vrais Français”.
Les mots employés sont cruels, terribles : le front républicain est mort, le Front National progresse à vue d’œil. Vraiment ?
Sur les onze élections partielles (législatives et cantonales) tenues depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012, le Front national a été éliminé dès le premier tour huit fois, soit 72 % du temps.
Le front républicain a été appelé trois fois et a fonctionné deux fois. Cette élection est donc la première à voir le front républicain faillir face au Front national. De là à parler de sa mort (c’est-à-dire de sa totale incapacité à refonctionner à l’avenir) c’est totalement précipité et probablement faux.
Sur les résultats des dernières législatives partielles, on peut d’ailleurs constater que les bons scores du Front national sont réalisés dans des départements où le vote d’extrême-droite est déjà un peu plus élevé que la moyenne nationale.
De plus, si l’on prend le premier tour, on s’aperçoit que le Front national perd des voix dans certaines circonscriptions. Dans l’Hérault, le FN avait rassemblé 11.329 voix aux législatives de juin 2012 et seulement 8.240 en décembre 2012, soit une baisse de 28 %.
Dans l’Oise, la frontiste Florence Italiani qui est arrivée au second tour, a réuni au premier tour 7.249 électeurs en mars 2013 contre 11.185 en juin 2012, soit là aussi une baisse conséquente (35 %) ! Ce qui montre que le vote d’adhésion seul ne permet pas au Front National de faire de gros scores. Il lui faut atteindre le second tour pour que son score bondisse, parfois du simple au double. Il y a donc clairement un vote de rejet qui profite au FN. Ce vote de rejet étant systématiquement dirigé contre l’UMP, une partie de l’électorat de gauche alimente le vote Front national, comme l’explique très justement Nicolas Lebourg, historien des droites extrêmes, au Monde.fr.
La couverture délirante et dérangeante de cette minuscule élection fait une publicité incroyable au Front national et laisse à penser que le parti progresse et qu’il s’agit d’une importante victoire. Mais il y a 4.030 conseillers généraux en France ! Et il ne s’agit que d’un seul siège, oui un seul !
Pour rappel, voici le nombre de conseillers généraux par parti politique en France.
Alors pourquoi avoir parlé de cette cantonale en particulier ?
Saviez-vous que deux autres cantonales partielles ont eu lieu cette année, dans l’anonymat médiatique le plus complet ? Et vous savez quoi ? Le FN y a fait des scores inférieurs (troisième place avec 11,6 % à Mantes-la-Jolie et quatrième place avec 15,89 % à Aubenton).
Ce qui revient à dire que sur les trois cantonales partielles de 2013, le FN a fait un bon score sur une élection sur trois. Voilà qui remet les choses en perspective, loin de la surenchère dangereuse d’une bonne partie des médias à Brignoles.
Finalement, ceux qui en parlent le mieux, ce sont encore les guignols de l’info.
C’est une bande dessinée engagée que signent le dessinateur Alexis Horellou et sa compagne Delphine Le Lay. Le récit d’une part de l’histoire contemporaine de la Bretagne, racontée du côté des militants antinucléaires. Ces militants, ce sont les habitants de Plogoff, ce village de la Pointe du Raz, qui s’est soulevé, il y a plus de trente ans, contre l’implantation d’une centrale nucléaire sur ses terres.
C’est l’histoire érigée en légende des Plogoffites. De leur prise de conscience des dangers de l’atome, au moment où la Bretagne se lasse de laver ses côtes souillées par le pétrole, au renoncement de l’État sous la nouvelle présidence Miterrand, en 1981. Des années marquées par des combats épiques contre les forces de l’ordre, des rassemblements géants qui marquent les débuts de l’écologie politique, mais aussi des coup de blues et des trahisons. “Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait“, aurait pu écrire d’eux Mark Twain. Delphine Le Lay souhaitait mettre en valeur cet exemple de résistance populaire. Interview.
Sylvain Ernault – Vous êtes originaire de Quimper, mais vous n’aviez qu’un an lors des événements de Plogoff. Qu’est-ce que cette lutte représente pour vous ?
Delphine Le Lay – C’était vraiment une légende pour moi Plogoff, le petit village d’irréductibles qui avait résisté à l’envahisseur et qui était sorti vainqueur ; ça n’allait pas très loin, mais ça faisait rêver. Et puis il y a deux ans, il y a eu évidemment la catastrophe à Fukushima et puis en même temps Plogoff fêtait ses trente ans. Là, j’ai entendu une émission de radio qui retraçait les événements. Ça m’a éclairé et ça m’a enthousiasmé bien plus. J’ai découvert une mobilisation, un acte de désobéissance civile très fort et qui était arrivé à une victoire.
Votre ouvrage s’inscrit dans un corpus déjà assez riche, il y a déjà eu un film, des reportages télé, des livres…
…Mais pas encore de BD. Voilà c’est chouette, on est contents de compléter le tableau. J’ai lu, je le pense, tous les ouvrages qui existent sur le sujet et chacun apporte, je trouve, un éclairage différent sur les événements. Il y a deux reportages (télé, NDLR) et chaque personne qui s’est intéressée au sujet pour un média ou pour un autre apporte quelque chose de différent et j’espère qu’on apporte aussi un éclairage par la BD.
Vous avez été surprise de la violence de l’opposition entre les antinucléaires et les policiers, lors de l’enquête d’utilité publique, au printemps 1980 ?
Oui, c’est même choquant. Le film des Le Garrec (Des Pierres contre des fusils, NDLR) est vraiment étonnant. Je le dis assez souvent, même c’est vrai que si notre génération n’avait eu que les témoignages des gens qui ont vécu les événements, moi je ne les aurai pas cru. Je me serais dit “oui bon, l’émotion prend le dessus. Ils ont cru qu’ils allaient mourir mais c’était pas vrai“. En fait quand on voit les images et le son du film des Le Garrec on se dit “mais c’est dingue“, c’est vraiment des scènes de combat et d’affrontements hyper violents et qui n’ont pas eu lieu qu’à Plogoff. Dans d’autres endroits aussi.
“Trois ans après Creis-Malville,
ils faisaient la même à Plogoff.
C’est dingue, c’est énervant en fait.”
À Creis-Malville il y a eu un mort, et c’était trois ans avant les événements à Plogoff, et quelqu’un était déjà tombé, un manifestant sous les grenades offensives des gardes mobiles. Trois ans après, ils faisaient la même à Plogoff et c’est dingue, c’est énervant en fait. Du coup c’est chouette si cette histoire peut en réveiller d’autres et se transmettre.
Nicole et Félix Le Garrec ont écrit la préface de votre BD. Ils sont donc les auteurs d’un film, réalisé pendant la guérilla rurale qui s’est tenue pendant l’enquête d’utilité publique dans le canton de Plogoff en 1980. Comment ont-ils apprécié votre ouvrage ?
Eux, je crois qu’ils sont contents de passer le flambeau, d’après ce qu’ils mettent dans leur préface. Et puis ils sont contents qu’on s’y soit intéressés. Ils y voient un intérêt que des jeunes générations, qui n’ont pas connu les événements, s’emparent du sujet et le racontent. Et puis à la fois que ce soit une BD parce que c’est aussi un médium qui est approché par d’autres générations, par des gens qui ne se sont peut-être pas intéressés par le sujet et qui par la BD vont y venir.
Après, j’ai des retours de gens qui ont vécu les événements et la plupart disent qu’ils s’y retrouvent bien et ils reconnaissent bien les événements et l’ambiance de l’époque et, du coup, on est contents de ne pas avoir trahi les personnes, que ce soit juste.
Vous rencontrez de nouveaux témoins des événements depuis la sortie du livre ?
J’ai rencontré des gens en dédicace. Alexis est allé à Rennes et ensuite, ensemble, on est allés à Brest et à Quimper. On a rencontré des gens qui ont vécu les événements, même parfois très proches. Il y a un tas d’anecdotes qui sont revenues et que j’ignorais, donc je crois que je n’ai pas fini d’en apprendre sur le sujet. Je crois qu’il y a autant de Plogoff que de gens qui ont vécu les événements. C’est assez marrant.
“Un deuxième tome ?
C’est une idée que je laisse à d’autres.
Mais bon, pourquoi pas ?”
J’ai découvert un tas de documentation supplémentaire. On pourrait presque faire un autre livre, avec tout ce que je recueille en dédicaces pour l’instant (rires).
Un deuxième tome, c’est une idée !
Une idée que je laisse à d’autres. Mais bon, pourquoi pas. Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet, j’ai dû quand même faire des choix et je n’ai pas pu tout raconter. Déjà tout ce que je savais, je n’ai pas pu tout raconter, alors tout ce que j’ignorais et que j’apprends maintenant, c’est très riche.
Vous avez des contacts avec des policiers qui se sont opposés aux Plogoffites, parfois violemment, pendant l’enquête d’utilité publique ?
Non, je n’ai pas de contact. Je n’ai pas cherché à en avoir parce que leur point de vue était mis en images dans le documentaire de Brigitte Chevet, qui a fait un reportage vingt ans après les événements, et qui est allée à la rencontre de différents acteurs de tous bords. Donc ça rend son reportage très intéressant.
Bon, j’avais ce point de vue là, je devais choisir une trame, donc je suis restée sur ma lignée de départ. Par contre, des gens qui ont vécu les événements m’ont dit que de leur point de vue – c’est un témoignage qui revenait souvent – certains gardes mobiles n’étaient pas bien d’être là.
C’était compliqué pour eux à vivre, ils étaient là parce que c’était leur métier et qu’ils devaient le faire, mais ils étaient mal à l’aise et pas très heureux d’être là. Ça, je l’ai mis dans l’histoire parce que ça me semblait important. Ça revenait beaucoup. C’était pas eux les méchants, en tout cas pas tous (rires), malgré les apparences.
Plogoff reste une lutte emblématique pour les écologistes et altermondialistes bretons. Comment vous l’expliquez ?
Même au niveau national ça reste le combat populaire contre le nucléaire qui a été finalement victorieux. Il n’y a pas eu de centrales à Plogoff. Après, c’est à mettre un peu en demi-mesure parce qu’il y a eu un certain nombre d’éléments qui se sont bien accordés et puis une conjoncture qui a fait qu’en fin de lutte, la victoire est arrivée.
La mobilisation n’a pas été aussi simple que ça. C’est pas comme je le pensais enfant, une bande d’habitants de Plogoff qui ont jeté quelques cailloux à la tête des CRS et les CRS qui ont dit “d’accord on s’en va“. Ça a été, évidemment, bien plus complexe que ça, bien plus long et il y a eu beaucoup d’acteurs qui ont tissé la mobilisation, mois après mois, années après années et puis le contexte politique de la fin avec l’élection de Mitterrand qui a fait que l’opportunité était là, après cette résistance, de finalement mettre un terme au projet.
“C’est plein d’espoirs et, en même temps,
on se rend compte que c’est compliqué,
le pouvoir est quand même très fort.”
Donc ça reste une lutte emblématique au niveau de la Bretagne, mais aussi hors de la Bretagne ; et au niveau du nucléaire et au niveau de toutes les oppositions qu’on peut avoir envie de faire vivre. Celle-ci a abouti par plein d’événements intéressants. C’est pas si simple de réussir une mobilisation comme ils ont réussi la leur. Il a fallu pas mal d’ingrédients qui se connectent les uns avec les autres et au bon moment pour arriver à ça. C’est plein d’espoirs et, en même temps, on se rend compte que c’est compliqué, le pouvoir est quand même très fort.
Mitterrand avait promis que Plogoff ne se ferait pas, mais vous rappelez que depuis 1982, 39 réacteurs ont été mis en service en France.
Malgré des oppositions aussi, des gens se sont opposés partout où des centrale devaient être construites et dans les territoires frontaliers des centrales. Le Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse ont soutenu la France dans ces oppositions. Pour le coup, ça ne s’est pas passé comme à Plogoff…
Malgré la promesse de Mitterrand, d’autres projets de centrales ont été sérieusement étudiés en Bretagne. Finalement, c’est la catastrophe de Tchernobyl qui a réglé la question. Dans ce flou, comment avez-vous décidé de poser le crayon ?
Le sifflet de l’arbitre, c’était clairement Mitterrand, malgré le fait qu’il y a eu des rebondissements après ça, la fin n’a pas été aussi simple que ça effectivement. Pour installer quelque chose en Bretagne, depuis c’est compliqué. Je pense qu’on montre les dents assez facilement sur ce territoire là, surtout qu’il y a quand même du nucléaire en Bretagne, militaire ou civil.
Dans l’écriture de la BD, ça s’arrête à 81. En 81, Mitterrand dans ses propositions il y a une proposition qui a trait aux énergies. Ça coupe là et après on arrive à 2012, puisque c’est en 2012 qu’on a terminé notre album. On fait le bilan de la situation énergétique en France, avec 39 réacteurs nucléaires depuis et puis un référendum qu’on attend toujours, des crédits alloués aux énergies renouvelables, des choses comme ça. C’est un bilan finalement assez gris par rapport aux promesses.
Aujourd’hui, Notre-Dame-des-Landes représente une nouvelle lutte des écologistes en Bretagne. Vous avez pensé en faire une BD ?
Non, peut-être dans trente ans, on verra, pour l’instant déjà je ne connais pas très bien le sujet, je sais qu’il y a des parallèles de faits, mais qui ne sont pas évidents non plus. Et puis, il y a un collectif qui a sorti une BD sur Notre-Dame-des-Landes aussi.
Il n’est jamais question de Radio Plogoff dans votre BD. Pourquoi ?
Oui c’est vrai. Non, malheureusement. J’ai quelques regrets de gens que j’ai vite fait mentionné, mais qui avaient une part plus importante que celle que je leur ai laissée dans le bouquin et la radio en fait partie. J’ai eu assez peu d’infos a priori sur ce sujet et du coup je n’en ai pas cherché davantage. J’avais beaucoup beaucoup de choses et c’est passé à côté. Comme Jean Kergrist, le “clown atomique”, ça fait partie des personnages forts de l’histoire que j’ai à peine montré. J’espère qu’ils ne m’en voudront pas trop !
Sur Radio Plogoff, j’ai trouvé très peu d’infos dans les livres. Et puis les gens qui m’ont parlé de Plogoff ne m’ont pas trop parlé de la radio, sauf à dire qu’il y avait une radio. Je ne sais pas qui l’animaient, je ne sais pas combien de temps par jour, par semaine, je n’en sais rien du tout.
Votre prochain projet de BD, il a un rapport avec l’actualité, les luttes…
On a tout le temps plein de projets avec Alexis, mais celui qui, a priori, se fera le plus facilement c’est aussi une forme de mobilisation et c’est aussi en Bretagne. Mais bon, pour l’instant je ne sais pas exactement sous quelle forme ni rien, donc je n’en parle pas tout de suite. Le premier livre qu’on avait fait (Lyz et ses cadavres exquis, NDLR) va être réédité par un autre éditeur et assorti de la suite et fin de l’histoire, donc en 2014 normalement le bouquin sortira, avec 100 pages supplémentaires.
Le couple sera en dédicace, à Lannion, le 25 mai, de 15 h à 18 h, à la librairie Gwalarn.
Plogoff, Delphine Le Lay et Alexis Horellou, Delcourt, mars 2013, 14,95 €.
C’est une journée spéciale le 6 mai. Une journée de frictions, de choix, de contrastes, d’émotions. Nous avons élu nos deux derniers présidents de la République, au suffrage universel, un 6 mai.
Ce fut un point de bascule. En 2007 et 2012, chaque fois, une longue campagne prenait fin. Une nouvelle séquence politique s’ouvrait. Ce jour rythme nos vies de citoyens.
C’est ce jour symbolique que nous avons choisi pour lancer notre média.
Parce que c’est un jour d’expression. Dans les urnes, dans les salons, dans les cafés, parfois jusque dans la rue, la parole se libère les jours d’élection.
Donner notre point de vue, apporter notre regard sur les événements, aiguiser notre sens critique, c’est justement ce que nous permettra ce site.
Nous sommes des amis jeunes journalistes, rencontrés à l’IUT de Lannion et aujourd’hui dispersés un peu partout en France pour pratiquer notre passion. Nous souhaitons partager nos coups de cœur et nos coups de gueule. Présenter nos découvertes. Tester des outils, interroger notre métier. Garder espoir dans un pays tourmenté et en pleine crise de la presse.
Parce que le web nous permet de dialoguer avec nos lecteurs, parce que nous n’écrivons pas pour nous, le débat fait partie de l’ADN de “La Déviation”.
Si le 6 mai est éminemment une journée politique, c’est aussi une journée médiatique. Une journée excitante pour les journalistes. Aujourd’hui, même sans élection, notre 6 mai est une journée spéciale.
Infographie – Qui de François-Hollande ou de Jean-Luc Mélenchon agite le plus de drapeaux français ? Qui d’entre eux deux porte le mieux la cravate ? Nos meilleurs statisticiens se sont penchés sur ces questions, à l’occasion de la sortie de deux albums photos qui retracent leurs campagnes respectives.
Six mois après la présidentielle, les leaders de la gauche s’opposent de nouveau dans nos calculettes.
Disclaimer
Les illustrations présentes dans cette infographie sont issues des deux ouvrages sus-cités. Ces albums permirent de récolter – le plus sérieusement du monde – les présentes données, qui donnèrent forme aux compteurs, diagrammes et autres camemberts que vous venez d’admirer. Nous vous prions de croire que bien que maintes fois manipulés, les livres n’ont à aucun moment souffert.
L’album de campagne de François Hollande est réalisé par le reporter-photographe indépendant et “Corrézien de souche” Marc Chaumeil, né en 1962, qui a “partagé depuis février 2011 l’essentiel du quotidien de campagne” du candidat PS “des premiers meetings à la victoire”.
L’éditeur, Privat, avait déjà publié l’essai du candidat à la candidature socialiste, intitulé “Le rêve français”, pendant l’été 2011. Bien qu’il s’agisse d’un livre à la gloire de notre monarque républicain (et que son nom soit sanctifié, amen), les auteurs revendiquent un regard avec “distance et ironie” et veulent produire un compte-rendu “apaisé, sincère et lumineux” de la campagne.L’album de Jean-Luc Mélenchon, ou plutôt du Front de Gauche, est réalisé par Stéphane Burlot “photographe autodidacte, né à Sarcelles en 1969“. Il est de la famille, on lui dit “tu, camarade” puisque photographe officiel du Parti de Gauche et membre du Front de Gauche.
La maison d’édition, Bruno Leprince, propose en premier lieu des livres sur la gauche, mais aussi des ouvrages érotiques et des BD. Rarement les trois à la fois, bien qu’il faudrait y penser… Bref.
L’album de François Hollande compte 29 pages de moins que celui de Jean-Luc Mélenchon du Front de Gauche, il est aussi deux fois plus petit. Il est pourtant plus cher de 30 %. Il y a 2,4 fois plus de photos de communistes (dont 17 doubles-pages, 131 vignettes et 77 photos en noir et blanc) que de socialistes (dont 25 doubles-pages, 75 vignettes et aucune photo en noir et blanc). Ce calcul d’apothicaire permet de déterminer que la photo du PS coûte 13,17 centimes, alors que celle du FDG coûte 4,21 centimes ! Deux visions du monde. Mais que voulez-vous ? C’est la rigueur le sérieux de gauche.
Le militant, transi d’admiration, saura vite choisir le bon bouquin chez le libraire. Il faut dire qu’ils sont déjà bien partis, l’un à la fête de la rose de Bihlac, l’autre à la fête de l’Huma. Mais le Français normal ma bonne dame, celui qui chôme dur ou pointe au chômage, lequel de ces précieux témoignages de photojournalistes il doit acheter ? Je vous le demande ! Le Hollande à 20 € ou le Merluche à 15 ? Après des heures de débats, nos statisticiens ont ménagé la chèvre et le chou avant de pondre une motion de synthèse molle. La voici en exclusivité :
“Considérons A, François Hollande, 32 drapeaux étoilés sur fond bleu, les deux pieds dans la bouse, la cravate de travers, un verre à la main, de plus en plus entouré par la foule, mais de plus en plus séparé d’elle par les vitres, les journalistes ou ses soutiens politiques. Puis considérons B, Jean-Luc Mélenchon, 34 drapeaux syndicaux dont 29 CGT, un petit livre rouge à la main, parmi les ouvriers, de plus en plus entouré par la foule, souvent sur des podiums et parfois derrière la banderole de tête. Sachant que A rencontre Jacques Chirac et B Éva Joly, compte tenu que A serre des mains à 14 personnes et B à 3, mais que les deux prient parfois avec leurs mains. Alors A (devenu président) + B (membre de l’opposition) sont très différents, mais pas fâchés à jamais. Équation valable dans cinq ans.”
François Hollande. Président élu, Marc Chaumeil, Serge Raffy, Sibylle Vincendon, Editions Privat, 19€50.
Résistance. L’album de campagne du Front de gauche, Stéphane Burlot, Bruno Leprince éditions, 15 €.
De l’accord pour la construction d’une centrale nucléaire en Bretagne en 1975, à l’abandon du projet par François Mitterrand tout juste élu en 1981, la Bretagne vit six années d’une lutte antinucléaire intense, dont l’affaire de Plogoff est le sommet.
La chronologie animée que nous vous proposons dans ce dossier n’est qu’un court résumé des principales dates du conflit qui oppose d’un côté le gouvernement Giscard et EDF et de l’autre les habitants de Plogoff avec les militants antinucléaires français. Les événements de Plogoff se déroulent au printemps 1980, pendant l’enquête d’utilité publique que les habitants refusent fermement.
Conseil de lecture : le diaporama est conçu pour être lu la première fois d’une traite, sans intervenir manuellement, afin de profiter de l’ambiance sonore qui correspond aux images. Vous pouvez ensuite revenir sur certains passages pour approfondir des informations grâce aux boutons en forme de croix.
Gérard Borvon, , ’10 mai 1981, le jour où Plogoff a gagné’, S-eau-s, 4 octobre 2007, <http://seaus.free.fr/spip.php?article230> [Page consultée le 25 juin 2011]