Christelle Moreau, psychanaliste, se lance, en décembre dernier, dans la création d’une entreprise de vente de box littéraires. Avec Simon Tripnaux, développeur web, elle cofonde Aksebo. À l’aube de l’envoi de cette cinquième box, Christelle Moreau me confiait qu’ils avaient dépassé les 700 abonnés mensuel. Sept-cents box sont donc envoyées à 700 esprits curieux.
Pour mieux comprendre les enjeux de l’industrie du livre et de cette petite entreprise, elle répond à mes questions.
RD – Comment est né le projet de box littéraire Aksebo ?
C’est simple, j’ai commencé par regarder les avis qui existaient sur les différentes box. Le contenu de ces box ne nous intéressait pas du tout à Simon et à moi. Alors on s’est demandé ce qui nous rassemblait tous les deux. Eh bien ce sont les livres. J’ai regardé dans ma bibliothèque et je me suis demandé avec qui j’aimerais travailler et comment je pourrais travailler avec eux.
Je me suis vite heurtée aux lois, à la législation du livre et au carcan des maisons d’édition. J’ai tout de même fini par lancer l’idée sur les réseaux sociaux. Nous avons juste demandé « Une box littéraire, est-ce que ça vous intéresserait ? ». Et les gens ont répondu : « Pourquoi pas pour Noël ? ».
L’idée est partie de plusieurs constats. Il y a énormément de librairies qui ne fonctionnent qu’aux têtes de gondole, avec les grandes maisons d’édition et au marketing. Ils ne font pas leur travail de libraire et laissent l’utilisateur venir à eux. Aussi, la plupart des maisons d’édition vendent en achat ferme. À partir de là, les libraires ne veulent pas s’engager avec de petits ouvrages, quand les grandes maisons d’édition développent un marketing énorme qui assure la vente de leurs ouvrages.
RD – Vous avez parlé de la difficulté de mettre en place cette box. Quelles sont les législations qui vous ont empêché de faire ce que vous désiriez ?
Au final, on a réussi à travailler en prenant en compte ces contraintes. On s’est vraiment intéressé à comment monter ce projet avec les éditeurs. Sans ça, je pense qu’on se serait pris une grosse claque. Ils ont su nous donner les pistes pour qu’on puisse travailler dans de bonnes conditions avec tout le monde. La loi, qui n’a pas été tellement un frein mais qui nous a permis d’aller plus loin et de nous intéresser au produit « livre » dans tout son parcours, c’est la loi Lang. Elle est incontournable et permet aux ouvrages d’être vendus à un prix unique pendant au moins deux ans.
Un ouvrage a trois mois pour se vendre en librairie. Il suffit qu’il y ait un énorme best-seller pour tout écraser.
Du coup on propose aux éditeurs de travailler sur tout leur répertoire et pas seulement sur les derniers ouvrages. La box étant au prix fixe de 25 €, avec trois ou qyatre ouvrages nous nous serions restreints à travailler uniquement avec du format poche. On propose donc de mettre un ou deux livres d’actualité dont le prix est fixe. Par contre, pour le reste on peut annoncer n’importe quel prix. Certains soldeurs vendent des ouvrages pour 1 €. C’est comme ça que nous constituons la box. Ça n’est pas parce qu’un livre ne relève plus de la loi Lang qu’on ne le présente plus à notre comité de lecture.
Il faut comprendre que lorsque l’éditeur plébiscite un ouvrage c’est qu’il l’a lu, il l’a aimé et il a désiré le porter. Les ventes peuvent ne pas être à la hauteur car le tirage a pu être sur-évalué ou qu’il y a eu un problème de marketing. Un ouvrage a trois mois pour se vendre en librairie. Il suffit qu’il y ait un énorme best-seller pour tout écraser.
La loi du marché est assez difficile. Alors le premier constat, c’est de voir que dans ma bibliothèque il y a des ouvrages qui ne sont plus de ce monde, et qui sont pourtant des perles. C’est vraiment dommage de passer à côté. Alors quand il s’agit de redonner une seconde chance à un ouvrage, je trouve ça génial.
Nous sommes dans une ère de facilité. Cela me paraît important d’aller chercher les sous-cultures là où elles sont quand le marketing est présent partout.
Quelles différences y a t-il entre une box Aksebo et une librairie indépendante ?
Pas grand chose. La seule différence c’est qu’on est accessible partout alors que la librairie est accessible là où elle est. Par exemple, à Bergerac, il y a bien une librairie qui fait bien son travail parce qu’elle sait dénicher de petits ouvrages. Mais il n’y a pas de librairie indépendante. Il faut tout de même aller solliciter le libraire pour savoir s’il connaît tel ou tel livre.
Nous sommes dans une ère de facilité. Cela me paraît important d’aller chercher les sous-cultures là où elles sont quand le marketing est présent partout.
Avant, la part de marché entre les quelques best-seller et les petites et moyennes maisons d’édition était égale. Depuis 2013, ce sont les best-seller qui sont majoritaires face à tout le reste de la production.
RD – Votre constat est alarmant. Est-ce que ça vous a fait peur de vous lancer dans l’industrie du livre ?
Pas du tout. On verra bien ce que ça donne en fait. L’industrie va mal, mais pourquoi ? À qui la faute ? Si je n’avais pas ma petite librairie à côté de chez moi, je n’irais même pas en librairie. Tous ces mêmes livres en tête de gondole, je ne les achète pas. Et puis je n’ai pas le temps. Ça part aussi de ce constat-là. Avec cette box, je me fais plaisir et je fais plaisir à d’autres qui sont dans le même cas que moi. Ils n’ont pas beaucoup d’argent, pas beaucoup de temps et ne souhaitent pas manger ce qu’on leur donne.
Et bien sûr, ils souhaitent être surpris. Quand vous êtes en librairie et que vous vous autorisez à découvrir un auteur, la surprise est totale. Vous ne connaissez ni la qualité de l’ouvrage, ni ses auteurs. Nous, on offre la possibilité d’avoir un comité de lecture. Alors si 4 personnes ont déjà aimé un livre, pourquoi pas eux ? Après, ça peut faire un flop ou pas du tout.
RD – Aksebo est un flop ?
Eh bien pas du tout ! Aujourd’hui, nous avons parfaitement équilibré notre structure indépendante. Par contre, comme toute structure, il faudrait qu’elle dégage des bénéfices et qu’on puisse en vivre. L’idée, c’est encore de faire connaître la box. On a le sentiment que de plus en plus de personnes la découvriront, puisque le bouche à oreille fonctionne énormément.
Sur le formulaire d’inscription, nous demandons d’où ils ont entendu parler d’Aksebo. On s’aperçoit que ça passe beaucoup par les blogs et les amis. On s’est aperçu qu’une fois qu’on adhère à la box, les amis suivent.
RD – Aksebo n’est pas juste une box, elle propose également beaucoup d’échanges.
Ça me semble obligatoire sinon ça ferait flop. On essaye vraiment de coller à leurs attentes. Ils nous font part de leurs envies et nous proposent des maisons d’édition avec qui travailler. Là, la boucle est bouclée. Ou bien ils nous permettent d’aborder des angles qu’on ne connaît pas bien. Par exemple, je suis complètement étrangère à la science-fiction. Eh bien j’ai beaucoup appris des utilisateurs qui en souhaitaient.
Le comité de lecture sert aussi à ça, et les utilisateurs nous épaulent dans la démarche. Sur le site, ils peuvent également nous faire part d’envies très précises. Cela ne veut pas dire qu’ils auront ces livres. Mais ça nous permet de deviner ce qui leur ferait plaisir.
RD – Quel est le public cible de cette box ?
Ce n’était pas possible à la base de ne pas fonctionner avec notre réseau. On s’est donc adressé à nos amis qui ont des profils similaires. Autrement dit des psys, des médecins et des blogueurs. Pour la première box, on a tapé fort. On avait la possibilité de la livrer pour Noël. Mais elle ne répondait pas du tout à ce qu’on pouvait offrir pour Noël. Niveau coloris, c’était un peu glauque. Enfin plutôt sobre. Mais ça a été qualifié de glauque.
Le pari était gagné puisqu’ils ont su passer outre la couverture
À l’intérieur, on pouvait trouver les éditions Agone que j’affectionne énormément. On y trouvait un livre politique, un autre sociologique et un roman sur l’alcoolisme.
Le premier recul des utilisateurs, ça a été de dire « Oh là là, c’est blanc et noir, ça ne me donne pas envie. Il faudra faire plus gai la prochaine fois ». Alors on a laissé un petit mot pour les inviter à laisser passer les fêtes, se poser plus tard devant le thé qu’on leur avait offert, et à passer outre la couverture. Parce que la couverture est d’une froideur propre aux éditions Agone. Mais les gens ont adhéré puisque que seuls trois sur les 80 premières box n’ont pas été reconduites. Mais le pari était gagné puisqu’ils ont su passer outre la couverture d’ouvrages vers lesquels ils n’auraient pas été.
RD – Aksebo c’est donc de la surprise et de la découverte ?
On espère. Mais attention, il n’y a pas que des couvertures froides et repoussantes. Par exemple, en comité de lecture, je leur ai proposé des ouvrages de maisons d’édition croisées au salon du livre. Je les ai posé sur la table, et les 6 membres du comité se sont positionnés sur les éditions Babel et Le Rouergue. C’est exceptionnel car j’avais un panel d’une vingtaine de maisons d’édition et tout le monde s’est arrêté vers les plus belles couvertures et les plus gros livres.
Au final, on a quand même sélectionné un livre de chacune de ces maisons d’édition. Mais en même temps, il y a de petites structures qui ont été sélectionnées et qui gagnent à être connues comme Le Muscadier ou l’Entretemps. Et ça, c’est magique.
Disclaimer
Avant de réaliser ce dossier, Christelle Moreau a contacté notre rédaction pour présenter la box Aksebo. Convaincu qu’il s’agissait là d’une bonne occasion pour aborder la situation de l’industrie du livre en France, j’ai réalisé cet interview et reçu une box d’une valeur de 25 € en service presse.
2 réponses sur « Aksebo met la littérature en box »
j’ai pris un abonnement pour 6 mois à Aksebo en juin et n’ai reçu depuis qu’une seule box. Mes mails à cette start up restent sans réponse.
Je considère que c’est une société fictive et frauduleuse.
Aksebo est une véritable arnaque ! On est prélevé mais on ne reçoit jamais rien ! Personne en répond jamais à nos mails et nos appels. C’est une honte ! De vrais charlatans que sont Christelle Moreau et Simon Tripnaux. A éviter absolument !