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Beaucoup de pas grand chose

Puisque tout le monde parle de canicule, voilà une lecture qui se marie très bien avec des températures oscillant entre 37 et 41°c. En vrai, elle se marie à n’importe quelle saison, pourvu que vous ayez le sens de l’humour pour apprécier cette série autobiographique, « Les Petits riens », qui se décline en albums et dont le 7e volume vient de paraître.

Dans « Les Petits riens », Lewis Trondheim prend la vie comme elle va et fait de toutes ses petites anecdotes, drôles, rageantes, belles ou attristantes, des pépites.

Chacune est mise en relief par un auteur qui est à l’image du slogan de la collection Shampooing, dans laquelle paraissent ses « petits rien » aux éditions Delcourt : « Shampooing c’est pour les grands qui savent rester petits et les petits qui veulent devenir grands. » Et voilà tout est dit. On regarde la vie comme on farfouille dans sa boîte aux trésors, tout vaut le coup d’être accepté et raconté pour peu qu’on y accorde un peu d’importance.

Ça passe par ce petit buisson sec, gros comme le point qui roule, porté par le vent comme dans les westerns, que Lewis Trondheim regarde. Il se félicite de cette mini touche d’exotisme dans sa rue. Passage piéton - Les Petits riens de Lewis Trondheim tome 7 - Un arbre en furie - La Déviation

C’est aussi cette conversation avec ses vieux copains dans un bistrot, pour savoir combien d’entre eux collectionnaient les petites billes qu’il y a dans les cartouches d’encres des stylos plumes… en fait ils la faisait tous cette collection. Alors Lewis s’interroge sur le réel intérêt de la chose. En fin de soirée, il décide de donner un nom à cette collection puisqu’il n’en trouve visiblement pas sur internet : la parvapilaphilie ! Et de conclure que « ces années d’accumulation stérile auront au moins servi à ça ».

Charlie Hebdo

Il s’amuse de tout. Ses anecdotes font sourire, parfois rire un peu jaune ou rire tout court.

Le plus souvent c’est tout simplement vrai, pas de fausses notes mais une sincère autodérision. Pas de rancœur, pas de jugement ou de méchanceté.

Les petits riens de Lewis Trondheim 4. Mon ombre au loin

La violence n’est pas non plus absente dans ces « petits rien ». Résultat, on se prend parfois une claque.

Entre deux pages qui font sourire on tombe sur celle-ci par exemple : Lewis trondheim évoque les évènements de janvier en disant « depuis trois jours qu’il y a eu l’attentat, plus personne n’envoie ses bons vœux pour 2015 »… Il réfléchit en regardant par la fenêtre et ajoute : « je me demande quel va être le délai décent pour que ça reprenne… ».

Il se dit dans une autre page que s’il avait su que Wolinski allait être exécuté à la kalachnikov pour ses dessins, il ne se serait pas pris le chou avec lui lors des votes pour décerner les grands prix du festival d’Angoulême et aurait même voté pour Manara, pour lui faire plaisir.

Ce sont des remarques et des regrets doux amers qui passent d’autant mieux que l’auteur se représente sous la forme d’un faucon anthropomorphisé. Sa famille, ses amis et les autres personnages ont également des têtes d’animaux.

Les Petits riens de Lewis Trondheim - Tome 7 planche 14244  -  La Déviation

Le volume 7 s’intitule « Arbre en furie ». Il nous raconte les vélos prioritaires d’Amsterdam ; le monde parallèle des pâtes Barilla ; la découverte de la faune du Québec. C’est léger et c’est comme un miroir qui transfigure notre routine et la rehausse d’un peu de couleur, d’odeur, de sensations. Les imprévus deviennent des surprises ; les retards, des occasions de rencontres, et les virées au supermarché sont dignes des tribulations d’un aventurier.

* Le titre de l’article est inspiré de l’invariable verso de chaque volume des « Petits riens ».

Les Petits riens, Lewis Trondheim, éditions Delcourt, collection Shampooing, « Arbre en Furie », 125 pages, 9 juin 2015, 9,90 €.

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Li Zhiwu renouvelle l’art de la BD chinoise traditionnelle

Le lianhuanhua, littéralement “images qui s’enchaînent” est un genre en déclin en Chine, méconnu ailleurs… Découvrez la traduction de la BD de Li Zhiwu.

On part en Chine. Mais pas dans la Chine d’aujourd’hui, celle de Xi Jinping. Non. On va assister à la chute de la dynastie mandchoue et à l’avènement de la République de Chine avec la victoire du communisme. « Au pays du Cerf blanc » est, initialement, un récit de Chen Zhongshi publié en 1993, un monument littéraire en Chine qu’il a mis vingt-huit ans à accoucher, une étourdissante fresque historique qui débute en 1911 pour s’achever en 1949, lors de la prise du pouvoir par Mao.

Plutôt que de m’attaquer en 816 pages de la version traduite du roman, (parue aux éditions du Seuil pour les plus courageux), j’ai choisi d’en feuilleter tout autant, mais celles de l’adaptation en bande dessinée réalisée par Li Zhiwu en 2002, dont la traduction française vient d’être publiée. Une adaptation qu’il a choisi de réaliser, selon la tradition de la BD chinoise, en lianhuanhua (ou “images enchaînées”, NDLE).

Une tradition ancienne, millénaire, “mais après 1949, ils ont beaucoup été utilisés par le pouvoir en place pour montrer l’histoire d’une certaine manière et aussi pour mettre en avant l’évolution de la société chinoise”, explique Li Zhiwu.

L’auteur du roman a intégré le parti communiste en 1966. Aujourd’hui ce genre n’est plus vraiment usité en Chine, mais pour lui, c’était incontournable d’employer ce style littéraire pour adapter « Au pays du cerf Blanc ».

Si Li Zhiwu a choisi de respecter une tradition millénaire dans la mise en forme, son style graphique est assez novateur quand on compare son lianhuanhua avec d’autres plus anciens.

“Je m’inspire plutôt d’une tradition issue de la calligraphie ou du dessin de paysages chinois et c’est avec un trait presque caricatural que j’ai eu envie de dessiner les personnages”.

« Au pays du cerf Blanc », Bailuyuan,  page 119 - La Déviation

Li Zhiwu. Crédits Yohan Radomski
Li Zhiwu. Crédits Yohan Radomski

Le style graphique contribue pour beaucoup à l’humour du récit, déjà présent dans les lignes du roman de Chen Zhongshi. Savamment redécoupée, cette bande dessinée traditionnelle qui nous fait parcourir à toute vitesse la vie de ces deux clans : la famille Bai et la famille Lu qui s’affrontent sur le partage des terres, le pouvoir au sein du village du Cerf Blanc…

Au fil des pages et des années, on a l’impression d’être assis au milieu du village à les regarder s’aimer ou se déchirer lorsque les catastrophes diverses, famine, bandits, révoltes s’abattent sur leur village. Et pour ne pas se perdre entre les générations, un petit arbre de chacune des familles a soigneusement été dessinée en fin d’ouvrage.

L’adaptation française en lianhuanhua d’« Au pays du cerf blanc » a été éditée en deux volumes aux éditions de la Cerise. Le tome 2, qui nous mènera jusqu’en 1949, devrait être publié dans quelques mois.

Merci à Yohan Radomski d’avoir traduit les propos de Li Zhiwu.

Au pays du Cerf blanc, Chen Zhongshi et Li Zhiwu, Éditions de la cerise, avril 2014, 29 €.

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L’Émission Dessinée : le rendez-vous manqué ?

Point de vue – On l’attendait depuis plusieurs semaines cet événement. Pensez donc, « La Revue Dessinée », qui a su se creuser une niche au milieu de la jungle des kiosques à journaux en proposant un défi éditorial audacieux dans un format soigné, et qui se lance à la télé ! Ça promettait !

Me voilà donc à l’heure au rendez-vous. Et avec un lancement pareil, le présentateur Ziad Maalouf semblait avoir donné le la d’une sacrée émission. (voir en intégralité)

L’Émission Dessinée c’est une production indépendante et libre, c’est une œuvre sonore, graphique, visuelle, toutes les séquences seront dessinées et mises en musique.

Inutile de s’attarder sur les flops, gros et petits, qui ont parsemé cette première émission, même s’ils ont commencé tôt : aucun applaudissement à la fin du chouette « générique » siffloté par Bernardo Cinquetti, pour accompagner à la guitare les traits de crayon de Thibaut Soulcié qui proposait une introduction dessinée de cette soirée.

Premier flop à deux minutes du lancement donc, auquel s’enchaîneront les mauvais réglages sons des invités, dont chaque début d’intervention s’est quasi systématiquement retrouvé étouffé.

Face à ces embûches, le choix du direct n’était peut-être pas le plus judicieux (d’autant que la pause de 40 minutes nous a laissé pauvres ères, désœuvrés derrière notre écran alors la prochaine fois que vous voulez boire une tisane ou faire pipi ça peut être sympa de penser à un vide un peu plus récréatif pour nous aussi).

Dommage enfin que l’affichage des noms ait été plusieurs fois erronés face aux visages correspondants. Tout ça ça peut arriver, et ça donnait même un petit air « les copains parlent aux copains ».

Mais voilà, justement, les auteurs présents sur le plateau de L’Émission Dessinée, (alias les locaux de la rédaction de la revue éponyme), semblaient endormis. Peu enthousiastes ou stressés. Bref, la fan de la première heure que je suis attendais un peu plus d’enthousiasme de certains de ses auteurs préférés.

Le grand entretien avec René Pétillon, pas très anglé, a suffi pour plomber définitivement l’ambiance. Il y pouvait rien René, mais 48 minutes a papoter, sans même un verre de bière pour dérider l’assemblée, ça fait long la parlote.

On aurait préféré que ce grand entretien le soit un peu moins (grand) ou qu’il soit découpé et proposé en guise de fil rouge de l’émission. Idem pour les différentes rubriques. Agencées autrement, elles auraient pu donner plus de rythme.

Tac au tac, La tête à tuto, Plans larges

Les bons points reviennent au Tac au tac, proposé en hommage à Jean Frapat, son légendaire producteur décédé le 8 octobre. En croisant les doigts pour que, hommage ou pas, cette capsule continue et se développe dans les prochaines émissions dessinées !

Un tonnerre d’applaudissements aussi à la Tête à tuto, des leçons rigolotes où Loïc Sécheresse et Thibault Soulcié expliquent chacun LEUR façon de dessiner Jean-François Copé… « Mal dessiné, on dirait Gargamel », et celle de Manuel Valls « quid de son oreille gauche ou droite penche le plus ?! »…

Bonne surprise également avec les Plans larges : trois débats pour présenter trois grands reportages parus dans le dernier et l’avant-dernier numéro de la Revue.

Le premier concernait l’enquête de Catherine Le Gall et Benjamin Adam sur les fameux emprunts toxiques qui font des ravages parmi les collectivités locales. Au cours du visionnage en direct, sur Youtube, un spectateur a exprimé dans le forum en ligne, son regret que la journaliste menant le débat n’ait pas demandé au duo comment ils avaient travaillé à la vulgarisation des termes techniques.

La Revue Dessinée est suffisamment innovante avec son parti pris « d’informer autrement » qu’il est dommage d’utiliser le sujet de l’enquête comme prétexte à l’organisation d’un débat qui creuse finalement peu le travail de narration.

« Un lien doit s’établir, avec la volonté d’associer le meilleur des deux rives où chacun joue sa partition : le journaliste, avec sa rigueur de l’info, la qualité de ses sources ; le dessinateur avec la puissance de son imaginaire, sa poésie, ses ficelles narratives », précise l’éditorial du numéro 5 de La Revue Dessinée. C’est cette danse à deux qu’a bien réussi à présenter le deuxième Plan large de la soirée, concernant le long travail d’enquête de Benoît Collombat et Étienne Davodeau sur l’assassinat du Juge Renaud (abonnés Le Monde).

C’est pas le tout de vous voir parler et dessiner, chers auteurs adorés, on veut que vous nous ouvriez la porte de ce laboratoire enthousiasmant qu’est La Revue Dessinée !

Et toi ? T’en as pensé quoi ?

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Aksebo met la littérature en box

Test – Depuis décembre, Christelle Moreau, psychanalyste, et Simon Tripnaux, développeur web, forment le couple parfait pour se lancer dans l’aventure de la première box littéraire française. 0 % tête de gondole et 100 % découverte, Aksebo s’annonce comme un remède pour les curieux qui ne veulent plus bouffer ce qu’on leur donne.

15 jours avant la fin du mondeLa racine de l’OmbuLe 116, centre d’art contemporainLes Oiseaux architectes – Le montreur d’AdzirieInterview de Christelle Moreau

Le ton est donné. Dans cette box, on ne retrouvera pas les derniers ouvrages de Marc Levy, ni le dernier tome d’Astérix et Obélix. En lisant le dossier de presse, les seuls mots mis en gras sont se laisser surprendre. Une idée qui n’a rien pour me déplaire.

Être surpris oui, mais pas sans filet. Aksebo me propose alors de choisir des thématiques qui me correspondent. Théâtre, arts visuels, architecture, BD, la liste est vite trouvée.

La Box Aksebo n’est certainement pas la plus aguicheuse du marché. Dans mon carton, un simple papier noir vient enrober un sac en papier kraft estampillé du logo. De la simplicité, et du recyclé-recyclable. Jusque-là, mon âme d’écolo-bobo est plutôt satisfaite.

À l’intérieur, pas moins de sept marque-pages viennent accompagner cette promesse de découverte littéraire. Si l’objet est utile, la perspective de commencer sept livres à la fois ne m’enchante guère. Admettons alors cette coquetterie de lecteur, qui coûte peu de choses, et qui ne risque pas encore de détruire nos forêts.

À cela s’ajoute un petit cale-livre toujours utile, quelques flyers (au hasard, Sortir du nucléaire), et enfin le fanzine du mois. Car tous les mois un fanzine différent est envoyé avec la box.

Ici, il s’agit d’IF Magazine, semestriel culturel toulousain, distribué dans toute la France.

Et ces livres alors ?

15 jours avant la fin du monde, LL de Mars, 6 pieds sous terre, 2004

Trente pages de bande dessinée dans lesquelles l’auteur nous décrit une banale discussion entre deux hommes férus de salles de sport. Le temple du culte du corps nous offre un théâtre rempli de haine, d’individualisme, de racisme et d’inculture.

Sous cette plume drôle et acide, il ne pouvait se cacher qu’un auteur maudit par la vie, un peu trop engagé dans une lutte contre l’inculture qu’il ne gagnera jamais. C’est du moins ce que l’on peut comprendre en lisant sa très cynique biographie.

En bon soldat contre la bien-pensance et la culture de masse, c’est ainsi qu’il écrit en 2005 Henri, le lapin aux grosses couilles. Titre provocateur qui ne peut que nous rappeler les récentes manifestations contre ces ouvrages de littérature jeunesse qui viendraient pervertir nos enfants.

La racine de l’Ombu, Julio Cortazar et Alberto Cedron, CMDE, 2013

Éditée aux éditions CMDE en 2013, la bande dessinée des deux Argentins date pourtant des années 1970. L’artiste peintre Julio Cortazar et l’écrivain Alberto Cedron mettent des images et des mots sur la dictature argentine.

Censuré dans leur propre pays, l’ouvrage ne sera édité qu’à 300 exemplaires au Vénézuela sans même l’accord de leurs auteurs. Ce n’est que 30 ans plus tard que les familles des auteurs rencontrent Mathias de Breyne pour lui demander de le traduire et de l’éditer en France.

Avec ses influences punk, difficile de rester à l’aise devant des images aussi puissantes que morbides. L’histoire de l’argentine du XXe siècle nous est racontée sur fond de tête de mort, de couleurs criardes, de corps déformés et d’hommes-larves (qui ressemblent plus à de grosses sauterelles qu’à des larves).

Les hommes-larves, qui représentent ici la dictature, ne sont pas sans rappeler les rhinocéros de Ionesco, qui dénonçait déjà la montée du totalitarisme avant la Seconde Guerre mondiale. Si toutefois Rhinocéros était bien ancré dans le théâtre de l’absurde, La racine de l’Ombu a quant à elle, au moins un pied dans le réel. Ce qui n’a rien de rassurant.

Le 116, centre d’art contemporain, Isabella Chiesa, Carapace, 2014

La maison d’édition Carapace est née de la volonté de valoriser le patrimoine architectural lyonnais. Depuis sa création en janvier 2013, Françoise Debuyst s’est lancé pour objectif de publier un ouvrage par mois.

C’est dans ce petit format d’une trentaine de pages que l’architecture trouve un écho simple, très grand public et abordable.

Ce septième numéro est consacré au centre d’art contemporain, Le 116, à Montreuil. Architecture qui impressionne par l’extension contemporaine de son architecte Bernard Desmoulin, sur une maison bourgeoise du XIXe siècle.

Affaire à suivre pour les amateurs d’architecture.

Les Oiseaux architectes – Le montreur d’Adzirie, Roland Shön, IIM L’Entretemps, 2009

Les éditions de L’Entretemps sont spécialisées dans les arts du spectacle. En collaboration avec l’Institut international de la marionnette, ils livrent deux textes de l’auteur Roland Shön, commentés par Jean-Luc Mattéloi.

L’ouvrage en question a permis la naissance d’une collection Interlignes dédiée à l’art de la marionnette. Entre 2009 et aujourd’hui, on s’étonne tout de même que la collection n’ait pas été alimentée au-delà.

Pourtant ce recueil de deux pièces pour marionnettes, très richement complété par les analyses de Jean-Luc Mattéoli, offre une immersion dans le travail de Roland Shön, essentielle pour les metteurs en scène et autres spécialistes des arts scéniques.

>> Page suivante : Entretien avec Christelle Moreau, cofondatrice d’Aksebo

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Les Jardins du Congo, mémoires d’un colon

Interview audio – Rencontre avec Nicolas Pitz, un auteur bruxellois fort prometteur qui signe avec Les Jardins du Congo son premier one shot.

Dans son livre coloré et subtil il a osé évoquer, dans le même ouvrage, la souffrance des maquisards et la colonisation belge du Congo dans les années 1950, à l’heure où le pays est irrémédiablement en route vers l’indépendance.

L’histoire des Jardins du Congo

Dans les Jardins du Congo, la colonisation est vue aux travers des yeux du colon, Yvon, le grand-père de l’auteur.

Après quatre années interminables passées dans le maquis des Ardennes, Yvon n’a aucune envie de retourner vivre auprès de son père, un homme rude qui l’a mis au travail alors qu’il n’était qu’un enfant. Pour rattraper ses années de jeunesse, perdues au fond d’un bois froid et humide à lutter contre la faim, la folie et la peur, il décide de changer d’horizon et s’embarque pour le Congo belgeDe 1885 à 1908, l’état indépendant du Congo était une possession personnelle du roi Léopold II de Belgique, un territoire sur lequel il avait imposé un régime de travail forcé qui, après une vague de protestation (venant notamment des Etats-Unis et de l'Angleterre) a été annexé par la Belgique en tant que colonie..

Au nom de la lutte philanthropique contre le trafic d’esclaves, l’État belge a confié le territoire à de gros propriétaires qui, tout en y maintenant enfoncé le drapeau noir rouge jaune, exploitaient les ressources du pays. Le Congo a toujours regorgé des besoins de l’économie mondiale du moment : ivoire, caoutchouc, cuivre…

Tout comme Tintin, Yvon n’aurait pas pu parler flamand au Congo.

Seuls regrets ? Que la BD n’ait pas eu une dizaine de pages supplémentaires pour mieux approfondir le lourd passif entre le père et le fils.

Si l’ambiance sensorielle est bien retranscrite par les couleurs, le graphisme, il lui manque un peu l’aspect sonore… en effet, nous, lecteurs, lisons la BD en français… mais tout comme Tintin, Yvon n’aurait pas pu parler flamand au Congo, car il ne s’est jamais agi, dans les faits, d’une colonie bilingue.

À l’image des rapports de force existant alors en Belgique, seul le français était utilisé par l’élite, dans l’administration et pour l’enseignement. Les décrets pour appliquer le bilinguisme n’ont été pris qu’en 1957… et ne sont jamais entrés en vigueur.

Le français était LA clé pour partir dans les colonies. Yvon n’aurait sans doute pas profité de la prospérité du Congo s’il était né de l’autre côté de la frontière linguistique.

Les Jardins du Congo, Nicolas Pitz, éditions La Boîte à Bulles, 2013, 21 €.

Visitez notre dossier Angoulême 2014

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Dans les pas de Walter Mitty jusqu’en Islande

J’attendais La Vie rêvée de Walter Mitty avec tellement d’impatience que la bande originale et ses trésors nordiques n’avaient déjà plus aucun secret pour moi avant sa sortie en salles le 1er janvier. À la fois drôle et poétique, cette cinquième production de Ben Stiller est LA solution pour commencer 2014 du bon pied.

Walter Mitty (Ben Stiller) a une vie bien rangée. Voilà seize ans qu’il travaille pour le prestigieux magazine Life où il est responsable des archives photos. Salarié modeste et effacé, il n’a jamais trouvé le courage d’approcher sa collègue Cheryl (Kristen Wiig), pour qui il fond littéralement.

Sa plus grande réussite jusqu’à présent, c’est son amitié épistolaire avec Sean O’Connell (Sean Penn), un photographe mondialement connu. Il est son contact privilégié au sein du magazine et Sean a toujours loué le talent de Walter pour le traitement de ses photographies.

Dans les pas de Walter Mitty - La Déviation

Seulement un jour, tout bascule : Life cesse sa diffusion pour ne devenir qu’un site internet. Walter Mitty va alors se lancer dans la quête d’un cliché mystérieusement perdu, destiné à illustrer l’ultime couverture du journal. Lui qui a toujours réfréné ses envies d’aventures va devenir un héros digne des plus beaux reportages de Life. Finies “les déconnections” pendant lesquelles il se rêvait aventurier et super-héros. Place à la réalité. Et quelle merveilleuse réalité !

C’est sur les terres du Groenland, d’Islande et d’Afghanistan que Walter Mitty part à la recherche de Sean O’Connell. Je vous préviens, les paysages sont à tomber et vous donneront qu’une envie : remplir votre sac de 60 L (ou votre petite mallette) pour la première destination venue.

Les paysages présents à l’écran m’ont rappelé pourquoi je ne cesse de parler de ce pays avec une telle passion depuis plus de 6 ans. Seyðisfjörður, Grundarfjörður, Stykkishólmur… Toutes ces villes ont servi de décors grandeur nature pour accueillir le périple de Walter Mitty. Et quand Ben Stiller vous fait croire que Walter est au Groenland ou en Afghanistan, il n’en est rien, c’est toujours l’Islande qui crève l’écran avec la ville d’Höfn ou les sommets enneigés du parc national de Vatnajökull.

Dans les pas de Walter Mitty - La Déviation

Scénario, OK. Décors, OK. Humour, je ne reviendrai pas dessus, on peut compter sur le talent de Ben Stiller pour amuser la galerie.

Non, la cerise sur le gâteau c’est bien la bande originale du film.Personnellement, elle m’a captée de la première seconde à la dernière. Pêle-mêle, on retrouve les Islandais d’Of Monsters and Men, le groupe suédois Junip et leur chanteur José Gonzalez, mais aussi d’autres noms moins nordiques comme David Bowie, Rogue Wave, Rogue Valley.

L’une de mes scènes préférées restera sans doute le passage où l’on entend Wake Up d’Arcade Fire. Ce moment marque le saut de Walter Mitty vers de nouvelles aventures. Magique.

Donc si vous ne l’aviez pas encore compris, je vous encourage grandement à voir La Vie rêvée de Walter Mitty pour faire plus ample connaissance avec cet anti-héros parfait et irrésistible. Alors certes, on pourra reprocher à Ben Stiller de ne pas exploiter plus le côté psychologique de son personnage, mais la recette miracle fonctionne, on sort de la salle détendu, avec le sentiment d’avoir passé un très bon moment.

On reste dans la comédie légère, mais ce feel-good movie est une grande bouffée d’air frais dont je ne peux dire que du bien. Walter Mitty est incroyablement génial tout simplement.

La Vie Rêvée de Walter Mitty, de Ben Stiller, avec Ben Stiller, Kristen Wiig, Shirley MacLayne, 1 h 54, 20th Century Fox, 2014.

Bakpok - Blog de Justine Briot

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Jurés d’Infracourts : qu’est-ce qu’on attend ?

Et si nous nous prenions pour les jurés d’un prix cinématographique ? France Télévision et la Scam nous permettent cette expérience, grâce au concours de mini-documentaires vidéo Infracourts, pour lequel le public est appelé à voter. Nous relevons le défi.

Le comité de présélection a gardé 30 films parmi les 468 qui lui ont été adressés. Aujourd’hui, 28 restent en compétition. Tous doivent répondre à la problématique imposée : “qu’est-ce qu’on attend ?” et durer moins de 3 min 15.

Les internautes peuvent voter sur cette page jusqu’au 5 janvier pour décerner le prix du public. Le règlement indique que le lauréat recevra un contrat d’aide à l’écriture pour une forme documentaire et qu’il rencontrera des professionnels du documentaire.

Sylvain Ernault

J’ai regardé la totalité des films d’une traite, sans m’attarder ni sur le total des votes déjà attribués, ni sur les noms des auteurs et sans savoir à l’avance de quoi il en retournait.

Mon coup de cœur c’est La tente suspendue de Barthélémy Olivier. C’est le portrait de Kader, un sans-abris qui vit près de la Place de la République, à Paris, donc près du canal Saint-Martin, mais aussi du 4 étoiles Crowne Plaza.

Un bonnet vert vissé sur la tête, assis près de quelques journaux, Kader regarde les Parisiens passer, sans aigreur, a priori sans envie. Certains le saluent, discutent et plaisantent avec lui. L’homme n’est pas en colère, il est plutôt amusé par ceux qui lui ont apporté un gros matelas dont il ne fera rien. Il est surtout désabusé et n’attend plus rien de la vie.

Bathélémy Olivier a posé sa caméra près de Kader avec modestie, sans ajouter un mot. Il a rencontré l’humain que la ville déshumanise. Même si Kader affirme s’être lui-même exclu, on y voit processus de mise au ban que subissent ceux qui n’aiment pas les normes.

J’aime ce documentaire parce qu’il raconte une histoire actuelle, sans truchement, car on ne pourra pas dire que le film est mis en scène.

C’est le premier film du concours que j’ai visionné, je m’efforce de penser que ça n’a pas influencé mon choix.

Dans une toute autre forme, j’ai également apprécié Foi, espérance et efficacité, par l’association ACTE Cinéma.

Comme dans L’attente suspendue, les documentaristes traitent de la question du mal-logement en France, en présentant cette fois la cité du Haut-du-Lièvre, à Nancy. C’est un quartier de grandes tours qui abritent des logements sociaux depuis les années 1950.

La barre la plus impressionnante du “Haudul”, et, disons-le, la plus monstrueuse aussi, fait 400 mètres de long, compte quinze niveaux pour 917 logements. Le quartier comporte en son point central une prison, ce qui vue du ciel rend, comme vous pouvez l’imaginez, l’ensemble architectural des plus esthétiques, dans le style jardin à la française.

Le discours politique de critique sociale du documentaire est affirmé. Il s’inscrit dans un montage original. Le tout dure deux petites minutes. Ici, le temps court n’est pas un handicap. Il devient même un allié, sans pour autant faire du film un clip militant, car il appelle surtout à réfléchir.

Mon dernier vote va vers Jules (1918 -), de Julien Cabon et Marina d’Été.

Beaucoup de films traitent de la fin de vie des anciens dans cette sélection. Signe des temps moroses ? Ce n’est donc pas un sujet original. Toutefois ce film sort de l’ordinaire car son héros et personnage unique est tout à fait atypique.

Jules Ollivier – nous dirons Jules pour respecter la simplicité de l’homme – a 95 ans. Il se considère lui-même “dans l’antichambre de la mort”, bien qu’il ne “soit pas pressé”. Il est originaire de Gouarec, un village costarmoricain du Kreiz Breizh dont la page Wikipédia est illustrée par une photo du cimetière.

Sur la tombe de son père devant laquelle Jules va se souvenir, la croix est catholique. Mais Jules ne croit pas à l’au-delà. Il croit en revanche à l’amour, bien que le temps de chien “n’y soit pas très propice”. Chantant Carmen, il vit toujours, en quelques sortes, avec sa femme.

Cet homme singulier, toujours vif , ce “caractère breton” délivre paradoxalement face à la mort un message d’espoir, à la manière des vieux sages, dont Stéphane Hessel était l’un des plus éminents représentants. J’aime ce portrait émouvant sans être larmoyant.

Jules (1918 – ) est co-réalisé par Marina d’Eté, ancienne étudiante en journalisme de l’IUT de Lannion, c’est-à-dire l’école de laquelle je sors. Je pensais l’exclure d’office de mes coups de cœur pour conflit d’intérêt, mais comme je trouve qu’il est vraiment bon, je le laisse, tout en vous avertissant.

Justine Briot

Pour apprécier au mieux les 28 films restants en compétition, j’ai fractionné mes instants de visionnage en trois fois. Je les ai regardés dans l’ordre, sans me soucier des votes déjà obtenus et du sujet qui allait être traité.

Mon coup de cœur revient à 52 km réalisé par Nicolas Djian et Arthur Rifflet. Alors que la question des migrants revient régulièrement à la Une avec l’île de Lampeduza, ce mini-documentaire nous rappelle que dans le Pas-de-Calais, ils sont toujours autant à espérer et à attendre un départ pour l’Angleterre. La page du centre de Sangatte s’est peut-être tournée le 16 décembre 2002, mais les migrants sont toujours présents et se réfugient le long du littoral dans des abris de fortune.

Pour ce migrant syrien, son “5 étoiles” français, c’est une tente. Il passe ses journées à attendre la bonne opportunité pour gagner les terres britanniques.

Malgré le froid, les doutes et la peur, il sait qu’en Syrie ses proches comptent sur lui. “J’ai parcouru plus de 6.000 km depuis mon départ mais ce sont les 52 km les plus difficiles qu’il me reste à franchir”. Un constat implacable.

Par sa musique, ses images mais aussi son titre, c’est ce mini-documentaire qui m’a le plus touché, peut-être parce que je connais Calais et ses rues. Il me fait inévitablement penser au film Welcome de Philippe Loiret, même lieu, même espérance. Ce film en 2009 m’avait profondément touchée, il en est de même ici en un peu plus de 3 minutes.

En deuxième position, c’est ma corde artistique qui a vibrée. Place à Louise Traon et son film La pose. Un mini-documentaire tout en simplicité où Alice, modèle de nu, nous explique avec ses mots comment elle est arrivée à dévoiler son corps aux regards d’inconnus pendant de longues heures.

Pour la jeune femme, cette action permet de “revenir à une certaine naissance”. D’elle, nous ne connaîtrons que son prénom, ses formes et quelques détails de son visage. C’est à travers les statues réalisées ce jour-là par les élèves de l’atelier d’art de Rrose Sélavy qu’on peut mettre un visage sur cette voix. J’ai beaucoup aimé ce parti pris.

Autour d’elle, on entend les murmures du prof et des élèves. Les yeux vont et viennent. Comme elle le conclut si bien : “Je sens une énorme énergie, mais je ne sens pas pas un regard posé sur moi et c’est plutôt rassurant”.

Pour finir, mon dernier vote est pour l’un des premiers films que j’ai visionné : Entre elle et moi de Yann Belguet. Il est le premier a avoir retenu mon attention à la fois car il n’y a aucun mot de prononcé, mais aussi pour l’émouvante fin qu’il réserve.

À l’intérieur, assise sur différents sièges, à différents instants de la journée, une femme attend. Mais quoi ? Le mystère reste entier. Son regard est fuyant, elle semble absente et réagit peu aux bruits qui l’entourent : on comprend par certains détails qu’elle souffre d’un handicap.

Alors que la même séquence semblait se dessiner à nouveau un sourire vient éclairer son visage. Une belle déclaration d’amour et de tendresse d’un frère pour sa sœur.

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Flamboyants Griefjoy

Si le projet Quadricolor a bel et bien été enterré, c’est de ses cendres qu’est né Griefjoy, premier album flamboyant du nouveau projet du groupe niçois.

Griefjoy, nom du groupe, nom de l’album. Comme emporté par un tourbillon d’amertume et de passion, cet album confirme le succès de leur premier EP « Touch Ground », sorti en février dernier. Où déjà les prémices d’un succès voyaient le jour avec les “tubesques” Touch Ground, Taste Me  et Kids Turn Around. On y retrouve un subtil mélange  entre pop et électronique, dansante et sous tension. Incandescent, comme sa pochette. Lumineux comme le livret qui l’accompagne.

Pochette album Griefjoy - La DéviationUn succès évident, à écouter en boucle. Des rythmes entraînants, ponctués par quelques ballades et solo de piano. De l’énergique Feel, on passe à Hold The Ties, plus calme, mais avec toujours ce rythme cadencé qui apparaît sur tout l’album et le rendent à la fois hypnotisant et accrocheur.

Tout cela complété par des titres à graduation comme Insane. De la pop à electro, de la musique sous tension à un lâché prise. Tout y est . Crimson Rose pour rêver Touch Ground pour chanter, et entre les deux, pour la mise en forme People Screwed Up. Le tout similaire aux productions de Blind Visions ainsi qu’ leurs voisins anglais de Foals.

Preuve qu’un album utilisant pour thèmes les angoisses de ses quatre jeunes fondateurs fonctionne.  Bienvenue dans la nouvelle génération de l’électro. Dans la pop tribale de Griefjoy.

Notre interview de Griefjoy lors de leur concert à la Cigale, le 10 octobre

GRIEFJOY à la Cigale - La Déviation

La playlist de Griefjoy

Retrouvez Griefjoy sur Facebook et sur Twitter.

Talents Frais - Cultivateur de nouveaux talents

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Random Access Memories, un mashup entre Albator et du disco

rock-fanch-banniere-miniLe nouvel album des Daft Punk Random Access Memories était l’un des albums les plus attendus de l’année. Attendu est un mot faible d’ailleurs, fantasmé serait plus approprié. Huit ans que les fans attendent le successeur de Human After All, huit ans !

L’impatience était d’autant plus énorme que les chroniqueurs des sites web qui ont eu l’occasion d’écouter le CD sont pour la plupart clairs : “C’est l’album de l’année”. Avant de sortir, l’album est déjà un mythe. Un teaser d’une trentaine de secondes au festival Coachella dévoile le premier extrait de l’album : Get Lucky. On y voit Pharrell Williams (NERD), le très chic Nile Rodgers, ainsi que nos deux robots préférés à la section rythmique (c’est un remake de Robot Rock non ?). Alors que vaut-il cet album après ce boucan ?

J’ai envie de dire “tout ça pour ça !”. Attention je ne dis pas que l’album est mauvais, non. Juste qu’il n’est pas si exceptionnel que ça. Certes les invités font rêver : Gonzales, Nile Rodgers, Pharrell Williams, Panda Bear (Animal Collective) ou encore Julian Casablancas. Mais mince, pourquoi sous-utiliser tout ce petit monde ? Le cas-ablancas par tout y est… Sauf la folie des Animal qui fait tout leur charme. C’est dommage, on aurait bien aimé voir les Daft bousiller les oreilles de leurs auditeurs à la Radiohead, genre “on s’en fout, on est les Daft Punk, on a fait nos preuves et maintenant on fait ce qu’on veut en changeant de tempo toutes les deux secondes”.

daftpunk_saintlaurentPour le reste de l’album RAS. On apprend juste que les Daft Punk savent faire dans le slow robotique (Within, The Game of Love et Touch), qu’ils veulent faire revenir le funk et les costumes à paillettes à la mode (Beyond, Lose Yourself to Dance et Get Lucky) Mais non, au lieu de ça on a affaire à une chanson très plan plan. Signalons quand même deux titres épiques Giorgio by Moroder et Contact, où on a réellement le droit à des montées d’adrénaline électro rock digne de ce nom.

Bref, on sort avec une demi molle de ce Random Access Memories, plus basé sur l’organique que l’électronique et où les seules manifestations des Daft Punk sont des voix vocodées immondes. Par pitié les gars, arrêtez ça, ou si l’un d’entre vous a subi une trachéotomie dites-le, je serai sans doute plus compatissant. Les deux furies épiques Contact et Giorgio by Moroder sauvent un album d’un duo qu’on a connu plus inspiré. Cet album est surtout un mashup entre Albator (pour les mélodies futuristes) et du disco, des styles à la mode il y a – au bas mot – trente ans.

Par moment, je n’ai pas eu l’impression de chroniquer le même Random Access Memories que les autres journalistes, sur lequel ils s’astiquent. À croire qu’ils étaient obligés, selon un contrat de treize pages en anglais, de dire du bien de l’album. Ce Random Access Memories est loin de ce que Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo peuvent faire, parce que ce groupe reste (qu’on l’aime ou pas) le duo électro le plus connu du monde, celui qui a réussi à faire naître des vocations dans ce genre musical en France, qui est pour le meilleur ou le pire, l’une des scènes les plus en vue de l’électro mondiale.

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L’art de Catherine Meurisse

Connaissez-vous Catherine Meurisse ? Non ? Allez un petit effort… Vous avez peut-être déjà croisé son nom dans les pages de Charlie Hebdo et d’autres titres car elle est dessinatrice de presse. Parallèlement, elle réalise des publications en solo ou en collaboration, à l’image de l’édition anniversaire 2010 du Petit Larousse, en illustrant des mots de la langue française. 

En 2008, elle fut saluée par ses pairs pour Mes hommes de lettres, une bande dessinée qui met en scène les grands noms de la littérature française avec une certaine dose d’humour. EN mars 2012, elle est revenue avec un nouvel opus toujours autant bourré de talent. Cette fois-ci le bébé se prénomme Le pont des Arts et revient sur les relations parfois amicales, passionnées ou tumultueuses, qu’ont pu entretenir peintres et écrivains français à travers différentes époques.

Le pont des Arts © Catherine Meurisse

C’est ainsi qu’au fil de ces 110 pages, nous sommes amenés à croiser un Charles Baudelaire en pleine visite guidée nous apprenant la différence entre un chef-d’œuvre et une croûte, plus loin nous saurons enfin pourquoi le vol de La Joconde a fait gagner un poème à Guillaume Appolinaire. Marcel Proust, Pablo Picasso, Denis Diderot, et j’en passe, sont également du voyage.

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Divertissante et enrichissante, cette BD ne se veut pas élitiste, loin de là, c’est justement un moyen efficace de s’instruire pour éviter les biographies fleuves de grandes figures françaises ou la file d’attente devant le musée.

Catherine Meurisse, tout en gardant son style, a reproduit avec soin de nombreux tableaux (Le bain turc d’Ingres, Impression, soleil levant de Claude Monet, Un enterrement à Ornans de Gustave Courbet). L’idéal est de lire l’une des dix histoires présentes et de pianoter ensuite sur son ordinateur le nom des œuvres rencontrées au cours de sa lecture pour en savoir plus, les comparer avec les traits de la dessinatrice.

À la fin de la bande dessinée vous trouverez également un index des personnalités citées pour ne pas se perdre durant la visite. Le pont des Arts, un véritable concentré d’anecdotes pour enfin briller au Trivial Pursuit et remporter ce fichu camembert marron.

Le Pont des Arts, Catherine Meurisse, Éditions Sarbacane, 2012, 19,90 €.

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Irrésistible Breton

Inséré dans l’autoradio, un disque égraine ses pistes au fur et à mesure du voyage. Un mélange parfait entre rap, électro, rock et d’autres styles.  « Tu connais ? Ça vient de sortir… » Réponse négative. Ni une, ni deux je saute vers la boîte à gants pour en sortir une mince pochette cartonnée sur laquelle se dressent, derrière de la verdure, des barres d’immeubles. Ce CD de onze pistes intitulé Other People’s Problems est donc réalisé par Breton. Mais qui sont-ils donc ?

Non, le groupe Breton n’a aucun rapport avec le pays des galettes et du cidre, n’en déplaise aux bretons pur beurre. Si les cinq membres du collectif ont choisi ce patronyme, c’est avant tout parce qu’ils sont passionnés d’art et de surréalisme. Et  si vous remuez un peu vos méninges, qui est le père de ce mouvement et a écrit les différents Manifestes du surréalisme ? Le français André Breton. CQFD.

Ces “Bretons” non français sont en réalité originaires de la banlieue nord de Londres et sont menés par Roman Kappak, homme aux multiples talents, qui accumule les rôles d’auteur, de compositeur, de multi instrumentiste, de chanteur et de réalisateur.

Breton-groupe

Other People’s Problems est sorti le 26 mars sous le label FatCap. Le disque a été enregistré entre Londres et l’Islande, dans les studios des nordiques Sigur Ros. Auparavant, nos jeunes anglais avaient déjà sorti plusieurs maxis, dont Blanket Rule EP  (janvier), salué par les tout jeunes fans et les critiques.

Pour ces derniers, le premier disque de Breton est déjà « la révélation du printemps ». Ils n’ont en même temps pas tort, car l’éclectisme du disque offre un métissage musical, où l’on glisse de piste en piste avec délice.

Hypnotiques ou bien dansants, tous les morceaux sont efficaces et font penser à certains instants à des soupçons de Bloc Party, Foals ou The Streets. Coup de cœur cependant pour les titres Pacemaker (rap, rock et électro sont sublimés par des cordes), Jostle (très dynamique) et le terrible Wood and Plastic.

Faites vous une idée du potentiel créatif (musiques et images) de Breton en écoutant InterferenceEdward The Confessor (ci-dessus) et The Commission. Alors, séduits ?

Breton se produit à Paris, vendredi 10 mai, lors du nouveau festival électro Mervellous Island, dans le Bois de Vincennes.

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Bright Moments, un instant lumineux

Dans la famille talentueux mais discret, je demande Kelly Pratt. En février dernier, cet américain sortait son premier album Natives accompagné de son tout jeune groupe Bright Moments. Il n’en est pourtant pas à ces premières gammes.

Multi-instrumentiste, Kelly Pratt peut vous jouer de la trompette, de la flûte, du bugle, du tuba ou encore du cor d’harmonie, histoire de mettre de l’ambiance durant une soirée entre potes, ou plus, c’est à voir. Ainsi en 2007 et 2008, il a collaboré avec Arcade Fire lors de leur tournée mondiale pour promouvoir Neon Bible, le second opus des Canadiens.

Pour compléter son carnet d’adresses, on peut également citer Émilie Simon, Coldplay, Harlem Shakes ou encore Herman Düne. Des noms sympathiques sur les lignes d’un CV.

Bright-Moments

Depuis 2006, il fait également régulièrement équipe avec Zach Condon, le leader du groupe folk américain Beirut. À la première écoute de Natives, on ne peut d’ailleurs s’empêcher de faire un rapprochement en terme de son avec ces derniers : des sonorités d’Europe de l’est sont présentes sur certaines pistes.

bright-moments-nativesCependant, Bright Moments ne peut être réduit à une simple copie de Beirut. Là où Zach teinte ses chansons de mélancolie et de paroles graves, Kelly et son groupe de Brooklyn mettent le cap vers l’optimisme et des lendemains heureux. En voiture, en vélo, en bateau à moteur ou à voile ou en avion, le voyage est au bout de ces dix pistes au noms évocateurs (Travelling Light, Tourists, The Sailor, Travelers…).

Une invitation au voyage

L’album s’ouvre sur les applaudissements de Tourists, un son entraînant, morceau idéal pour sillonner les routes de campagne, tout comme Travelling lights, un peu plus tard sur l’album. Milwaukee Protocol et Travelers, véritables hymnes à l’été, nous transportent en terres slaves entre fanfares et cuivres. Avec ses tonalités électro, le titre Behind the Gun, très accrocheur, est l’ovni réussi du disque.

Mention pour les deux interludes, Ghost Dance I et II, doux, poétiques et rêveurs. Drifters, la piste numéro cinq au tempo plus lent est d’une élégance rare. Lightning se veut régressif avec l’utilisation d’instruments jouets avant d’atteindre The Sailor, titre profond à l’image de l’ensemble de l’album : éclectique.

Paru sous le label Luaka Bop durant l’hiver dernier, il n’est pas trop tard pour faire l’acquisition de Natives. Le beau temps tarde, alors autant le faire venir dans nos têtes par ce mélange de pop, de folk et d’influences balkaniques. Une envie de liberté, de grands espaces à l’approche de l’été ? Bonne pioche !

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