C’est un film resté dans les cartons pendant quatre longues années. Une commande passée par Solidaires Bretagne au journaliste Gwenvaël Delanoë. Dans « Le Syndicalisme pour changer la société » – documentaire en trois parties visible ci-dessous -, plusieurs militant·es mus par les idéaux libertaires analysent l’émergence d’une structure singulière dans le paysage syndical, à l’heure du néolibéralisme triomphant.
« On voulait montrer la trahison de la social-démocratie et du syndicalisme d’accompagnement. On n’est pas si nombreux à avoir vécu ça de l’intérieur », explique d’emblée Serge Le Quéau. À 70 ans, l’ancien facteur siège depuis peu au Conseil social économique et environnemental (Cese) au nom de l’Union syndicale Solidaires. La prolongation d’une vie de lutte, essentiellement menée comme postier, du Finistère aux Côtes-d’Armor en passant par Paris. Porteur de divers mandats sous l’étiquette de la CFDT, il a vu son organisation, jadis autogestionnaire, se transformer sous l’ère Mitterrand. Jusqu’à à la rupture et la fondation de Sud PTT, en 1989.
« On pourrait encore en dire beaucoup sur les connivences entre Edmont Maire et Jacques Delors. François Ruffin a repris cette histoire dans “Faut-il faire sauter Bruxelles ?“, un fascicule sorti en 2014 », se remémore celui qui fut aussi l’un des fondateurs d’Attac dans les années 1990.
Floriane Hédé fait partie des militant·es auquel Serge Le Quéau a passé le flambeau, à La Poste comme au sein de Solidaires Côtes-d’Armor. Et qui souhaite faire vivre cette mémoire. Dans le film, elle témoigne depuis le port du Légué de la fermeture du centre de tri de Saint-Brieuc en 2012 et du mouvement des Gilets jaunes, auquel elle a participé.
Le documentaire réalisé par le journaliste Gwenvaël Delanoë aborde le retour du traitement policier des mouvements sociaux. Si la répression n’a fait que s’accentuer depuis 2019, Floriane Hédé retient une évolution positive et inattendue : « Sur les retraites, la CFDT a fait l’union jusqu’au bout ». Pas suffisant néanmoins pour l’emporter.
Rien qui n’empêche de faire circuler ce film, qui, jusqu’à sa mise en ligne la semaine dernière n’avait été vu que par quelques dizaines de privilégiés. Serge Le Quéau et Floriane Hédé aimeraient s’en servir comme support lors de débats publics. Et pourquoi pas tirer un livre des 50 heures de rushes qui dorment pour l’heure sur des disques durs ?
Et si nous nous prenions pour les jurés d’un prix cinématographique ? France Télévision et la Scam nous permettent cette expérience, grâce au concours de mini-documentaires vidéo Infracourts, pour lequel le public est appelé à voter. Nous relevons le défi.
Le comité de présélection a gardé 30 films parmi les 468 qui lui ont été adressés. Aujourd’hui, 28 restent en compétition. Tous doivent répondre à la problématique imposée : “qu’est-ce qu’on attend ?” et durer moins de 3 min 15.
Les internautes peuvent voter sur cette page jusqu’au 5 janvier pour décerner le prix du public. Le règlement indique que le lauréat recevra un contrat d’aide à l’écriture pour une forme documentaire et qu’il rencontrera des professionnels du documentaire.
Sylvain Ernault
J’ai regardé la totalité des films d’une traite, sans m’attarder ni sur le total des votes déjà attribués, ni sur les noms des auteurs et sans savoir à l’avance de quoi il en retournait.
Mon coup de cœur c’est La tente suspendue de Barthélémy Olivier. C’est le portrait de Kader, un sans-abris qui vit près de la Place de la République, à Paris, donc près du canal Saint-Martin, mais aussi du 4 étoiles Crowne Plaza.
Un bonnet vert vissé sur la tête, assis près de quelques journaux, Kader regarde les Parisiens passer, sans aigreur, a priori sans envie. Certains le saluent, discutent et plaisantent avec lui. L’homme n’est pas en colère, il est plutôt amusé par ceux qui lui ont apporté un gros matelas dont il ne fera rien. Il est surtout désabusé et n’attend plus rien de la vie.
Bathélémy Olivier a posé sa caméra près de Kader avec modestie, sans ajouter un mot. Il a rencontré l’humain que la ville déshumanise. Même si Kader affirme s’être lui-même exclu, on y voit processus de mise au ban que subissent ceux qui n’aiment pas les normes.
J’aime ce documentaire parce qu’il raconte une histoire actuelle, sans truchement, car on ne pourra pas dire que le film est mis en scène.
C’est le premier film du concours que j’ai visionné, je m’efforce de penser que ça n’a pas influencé mon choix.
Dans une toute autre forme, j’ai également apprécié Foi, espérance et efficacité, par l’association ACTE Cinéma.
Comme dans L’attente suspendue, les documentaristes traitent de la question du mal-logement en France, en présentant cette fois la cité du Haut-du-Lièvre, à Nancy. C’est un quartier de grandes tours qui abritent des logements sociaux depuis les années 1950.
La barre la plus impressionnante du “Haudul”, et, disons-le, la plus monstrueuse aussi, fait 400 mètres de long, compte quinze niveaux pour 917 logements. Le quartier comporte en son point central une prison, ce qui vue du ciel rend, comme vous pouvez l’imaginez, l’ensemble architectural des plus esthétiques, dans le style jardin à la française.
Le discours politique de critique sociale du documentaire est affirmé. Il s’inscrit dans un montage original. Le tout dure deux petites minutes. Ici, le temps court n’est pas un handicap. Il devient même un allié, sans pour autant faire du film un clip militant, car il appelle surtout à réfléchir.
Mon dernier vote va vers Jules (1918 -), de Julien Cabon et Marina d’Été.
Beaucoup de films traitent de la fin de vie des anciens dans cette sélection. Signe des temps moroses ? Ce n’est donc pas un sujet original. Toutefois ce film sort de l’ordinaire car son héros et personnage unique est tout à fait atypique.
Jules Ollivier – nous dirons Jules pour respecter la simplicité de l’homme – a 95 ans. Il se considère lui-même “dans l’antichambre de la mort”, bien qu’il ne “soit pas pressé”. Il est originaire de Gouarec, un village costarmoricain du Kreiz Breizh dont la page Wikipédia est illustrée par une photo du cimetière.
Sur la tombe de son père devant laquelle Jules va se souvenir, la croix est catholique. Mais Jules ne croit pas à l’au-delà. Il croit en revanche à l’amour, bien que le temps de chien “n’y soit pas très propice”. Chantant Carmen, il vit toujours, en quelques sortes, avec sa femme.
Cet homme singulier, toujours vif , ce “caractère breton” délivre paradoxalement face à la mort un message d’espoir, à la manière des vieux sages, dont Stéphane Hessel était l’un des plus éminents représentants. J’aime ce portrait émouvant sans être larmoyant.
Jules (1918 – ) est co-réalisé par Marina d’Eté, ancienne étudiante en journalisme de l’IUT de Lannion, c’est-à-dire l’école de laquelle je sors. Je pensais l’exclure d’office de mes coups de cœur pour conflit d’intérêt, mais comme je trouve qu’il est vraiment bon, je le laisse, tout en vous avertissant.
Justine Briot
Pour apprécier au mieux les 28 films restants en compétition, j’ai fractionné mes instants de visionnage en trois fois. Je les ai regardés dans l’ordre, sans me soucier des votes déjà obtenus et du sujet qui allait être traité.
Mon coup de cœur revient à 52 km réalisé par Nicolas Djian et Arthur Rifflet. Alors que la question des migrants revient régulièrement à la Une avec l’île de Lampeduza, ce mini-documentaire nous rappelle que dans le Pas-de-Calais, ils sont toujours autant à espérer et à attendre un départ pour l’Angleterre. La page du centre de Sangatte s’est peut-être tournée le 16 décembre 2002, mais les migrants sont toujours présents et se réfugient le long du littoral dans des abris de fortune.
Pour ce migrant syrien, son “5 étoiles” français, c’est une tente. Il passe ses journées à attendre la bonne opportunité pour gagner les terres britanniques.
Malgré le froid, les doutes et la peur, il sait qu’en Syrie ses proches comptent sur lui. “J’ai parcouru plus de 6.000 km depuis mon départ mais ce sont les 52 km les plus difficiles qu’il me reste à franchir”. Un constat implacable.
Par sa musique, ses images mais aussi son titre, c’est ce mini-documentaire qui m’a le plus touché, peut-être parce que je connais Calais et ses rues. Il me fait inévitablement penser au film Welcome de Philippe Loiret, même lieu, même espérance. Ce film en 2009 m’avait profondément touchée, il en est de même ici en un peu plus de 3 minutes.
En deuxième position, c’est ma corde artistique qui a vibrée. Place à Louise Traon et son film La pose. Un mini-documentaire tout en simplicité où Alice, modèle de nu, nous explique avec ses mots comment elle est arrivée à dévoiler son corps aux regards d’inconnus pendant de longues heures.
Pour la jeune femme, cette action permet de “revenir à une certaine naissance”. D’elle, nous ne connaîtrons que son prénom, ses formes et quelques détails de son visage. C’est à travers les statues réalisées ce jour-là par les élèves de l’atelier d’art de Rrose Sélavy qu’on peut mettre un visage sur cette voix. J’ai beaucoup aimé ce parti pris.
Autour d’elle, on entend les murmures du prof et des élèves. Les yeux vont et viennent. Comme elle le conclut si bien : “Je sens une énorme énergie, mais je ne sens pas pas un regard posé sur moi et c’est plutôt rassurant”.
Pour finir, mon dernier vote est pour l’un des premiers films que j’ai visionné : Entre elle et moi de Yann Belguet. Il est le premier a avoir retenu mon attention à la fois car il n’y a aucun mot de prononcé, mais aussi pour l’émouvante fin qu’il réserve.
À l’intérieur, assise sur différents sièges, à différents instants de la journée, une femme attend. Mais quoi ? Le mystère reste entier. Son regard est fuyant, elle semble absente et réagit peu aux bruits qui l’entourent : on comprend par certains détails qu’elle souffre d’un handicap.
Alors que la même séquence semblait se dessiner à nouveau un sourire vient éclairer son visage. Une belle déclaration d’amour et de tendresse d’un frère pour sa sœur.
J’aurais préféré vous parler des archives de la radio, de leur usage ou du péril qui les guette. Comme j’aurais préféré vous parler des 50 ans de France Inter, célébrés à travers des pastilles sonores, un blog et un livre. J’aurais même préféré vous parler d’économie, de chiffres manipulés et du marché du streaming. Hélas, cette semaine est d’abord à marquer d’une pierre noire, après l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, reporters de RFI en mission au nord du Mali.
28 juillet : journée de vote sans incident à Kidal
(01:32)
Dans cette double semaine sur les ondes, vous apprendrez que des mythes s’effondrent du côté d’Europe 1 et de CBS, vous découvrirez que les radios destinées aux enfants renaissent grâce à internet, vous saurez pour quel documentaire France Culture a remporté un nouveau prix international, vous plongerez dans le bain bouillonnant de l’univers de la radio.
La foisonnante actualité de cette rentrée sur les ondes ne doit pas nous empêcher de prendre le temps d’écouter. Et de lire. Le 19 septembre est paru chez Buchet Chastel “Captain Teacher”, le récit d’une aventure hors du commun qui s’est déroulée en Afghanistan.
Raphaël Krafft, que l’on a connu à vélo pendant la dernière campagne présidentielles, a intégré l’armée française en décembre 2009. Un engagement pris dans le seul but de créer une radio communautaire à Subobi, au sud de Kaboul. Ce projet, piloté par la grande muette, a malheureusement fait long feu.
Dans cette revue de presse hebdomadaire, vous écouterez également un hommage à Gilles Verlant, des témoignages d’artisans de la presse alternative ; vous découvrirez une radio associative des Pyrénées-Atlantiques tournée vers la culture, une webradio consacrée aux cours de l’or et quelques pépites dénichées sur la toile. De ce qui fait le plus de bruit dans ce petit monde, à ce qui passe (presque) inaperçu sur l’écran des sonomètres.