Si le projet Quadricolor a bel et bien été enterré, c’est de ses cendres qu’est né Griefjoy, premier album flamboyant du nouveau projet du groupe niçois.
Griefjoy, nom du groupe, nom de l’album. Comme emporté par un tourbillon d’amertume et de passion, cet album confirme le succès de leur premier EP « Touch Ground », sorti en février dernier. Où déjà les prémices d’un succès voyaient le jour avec les “tubesques” Touch Ground, Taste Me et Kids Turn Around. On y retrouve un subtil mélange entre pop et électronique, dansante et sous tension. Incandescent, comme sa pochette. Lumineux comme le livret qui l’accompagne.
Un succès évident, à écouter en boucle. Des rythmes entraînants, ponctués par quelques ballades et solo de piano. De l’énergique Feel, on passe à Hold The Ties, plus calme, mais avec toujours ce rythme cadencé qui apparaît sur tout l’album et le rendent à la fois hypnotisant et accrocheur.
Tout cela complété par des titres à graduation comme Insane. De la pop à electro, de la musique sous tension à un lâché prise. Tout y est . Crimson Rose pour rêver Touch Ground pour chanter, et entre les deux, pour la mise en forme People Screwed Up. Le tout similaire aux productions de Blind Visions ainsi qu’ leurs voisins anglais de Foals.
Preuve qu’un album utilisant pour thèmes les angoisses de ses quatre jeunes fondateurs fonctionne. Bienvenue dans la nouvelle génération de l’électro. Dans la pop tribale de Griefjoy.
Notre interview de Griefjoy lors de leur concert à la Cigale, le 10 octobre
La huitième édition des Indisciplinées se tient à Lorient jusqu’au 10 novembre. Le festival accueille entre autres Christophe, Fauve, Colin Stetson, Dominique A ou encore Rone. J’ai rencontré pour l’occasion Thierry Houal, programmateur du festival.
Avant de commencer, peux-tu nous faire un rapide historique des Indisciplinées ?
C’est la huitième édition d’un festival, dont la première correspondait aux dix ans de l’association MAPL (qui gère le Manège et les Studios de répétition à Lorient). Le festival, historiquement concentré sur l’Espace Cosmao Dumanoir, a évolué peu à peu d’une programmation assez grand public vers des esthétiques plus ciblées et vers les artistes émergents tout en restant ouvert à tous les publics.
La configuration a évolué aussi avec la volonté de ne pas rester figé sur une formule trois soirs dans une grande salle avec ses trois têtes d’affiches et d’aller à la rencontre de tous les publics sur l’ensemble du territoire de l’agglomération lorientaise.
Quelle est la programmation de cette huitième édition ?
On s’étend un peu et nous investissons d’autres lieux, mais nous démarrons au Manège avec un grand nom des musiques expérimentales : Colin Stetson et un espoir tout droit venu de Manchester : MONEY qui vient de faire une première partie remarquée de Alt-J à l’Olympia.
Nous serons accueillis pour la première fois au Théâtre du Strapontin à Pont-Scorff avec un spectacle rare de Dominique A. Puis, retour au Manège pour deux soirées : l’une épique avec le hip-hop aventureux de Ghostpoet et de Young Fathers et l’autre dantesque avec les très très attendus A Place to Bury Strangers,Wall of Death et les Lorientais de Death Engine.
Ensuite nous entamerons un beau week-end avec nos traditionnelles soirées à Cosmao Dumanoir avec notamment, le vendredi 8 novembre, une soirée placée dans les mains de grands espoirs français : Fauve, Griefjoy, Superpoze et The Lanskies.
Le lendemain le samedi 9, soirée electro pop de haut niveau avec Wampire, Is Tropical, Aluna Georges et Rone. Mais aussi le dimanche 10 un après-midi en famille après le traditionnel déjeuner dominical au Théâtre du Blavet avec Panique au Bois Béton et le soir un mythe de la chanson, Christophe qui suscite beaucoup d’engouement.
Sans oublier les concerts concoctés par Jean-Baptiste Pin au Galion (Tigerbells et Cherry Bones) pour le festival Off.
Quels sont tes coups de cœurs pour cette année ?
Il y en a beaucoup, mais je dirais que j’ai une affection particulière pour Wampire et Young Fathers, mais aussi les Lorientais Death Engine et Noir Statues, vainqueur du tremplin.
Comment se construit une telle programmation ? C’est au coup de cœur ou alors tu suis plutôt les programmations de ce qu’il se passe ailleurs en même temps que vous (Festival des Inrocks par exemple) ?
Beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte. L’actualité bien sûr, et il est vrai que le festival des Inrocks mais aussi le Pitchfork aux mêmes périodes nous offrent quelques opportunités. Cela reste marginal. Cette année, deux ou trois artistes sont concernés et surtout des artistes en développement.
A contrario, nous ne pouvons pas aujourd’hui lutter sur certains autres points avec ces festivals. La très grande partie de la prog’ se fait tout de même indépendamment. Pour donner un exemple récent, l’an dernier par exemple Alt-J était programmé bien avant qu’ils soient prévus aux Inrocks. Il y a des artistes à ne pas louper et des groupes sur lesquels on insiste énormément et d’autres sur lesquels on est à l’origine d’une tournée française.
Si les groupes sont là, c’est qu’artistiquement ils présentent un intérêt.
Pour construire la programmation, au-delà des aspects financiers et promotionnels, on aime tous les groupes présents et s’ils sont là c’est qu’artistiquement ils présentent un intérêt de ce point de vue-là. C’est très important d’essayer d’être original et faire découvrir des artistes rares sur scène…
Nous essayons de nous positionner en amont de l’actualité : proposer des concerts que le public n’aura pas vus sur les festivals en été ou dans les salles au printemps précédent. Il arrive très fréquemment de faire l’impasse sur un groupe très porteur ou qu’on adore pour ces raisons et de miser plutôt sur de futures pépites.
Thierry, tu es aussi programmateur pour la salle du Manège. Comment vient la décision de mettre un groupe à l’affiche des Indisciplinées plutôt qu’à un concert au Manège ?
On essaye d’être cohérents entre les deux lieux, voire les trois, puisque pour la diffusion nous avons un troisième espace aux Studios. Sur le festival, clairement, nous programmons surtout les artistes étrangers ou les artistes que nous ne pourrions pas faire sur une saison classique du Manège.
Nous pouvons nous permettre des “gros” artistes, mais aussi des beaucoup plus petits qui ne font que les festivals hors Paris. De l’autre coté, la renommée des Indisciplinées rejaillit sur le Manège, à la fois en termes d’exposition, de vivacité et d’appel d’air pour le public. Le festival permet de faire passer à grande échelle un discours tourné vers l’émergence et le développement d’artistes qui est notre quotidien à MAPL, à la fois sur la diffusion, l’accompagnement et l’ensemble du projet.
Cette année deux monstres de la chanson française (Christophe et Dominique A) viennent en solo dans des lieux plus intimes (Théâtre du Strapontin et Grand Théâtre), ça fait deux grosses prises dans des concerts qui se veulent unique… Ça doit forcément faire plaisir, non ?
Je suis un grand fan depuis toujours de Dominique A et il n’était jamais venu sur les Indisciplinées. C’est donc une grande joie de l’accueillir, qui plus est sur un projet comme Y Revenir.
Christophe, c’est un honneur. Il a un parcours assez exceptionnel et ce qui le prouve ce sont les retours que l’on a déjà. Je n’ai jamais entendu autant de réactions enthousiastes sur un artiste programmé au festival et ce de la part de toutes les générations.
On retrouve un tremplin à l’affiche au Manège, il te semble important de valoriser la scène locale ?
Nous le voyons comme un vecteur pour mettre l’accent sur notre scène locale. On peut le voir comme un énième tremplin, mais cela resta aujourd’hui plus que jamais une opportunité réelle pour les groupes de se produire dans des conditions professionnelles.
Aucune différence dans l’accueil entre un groupe débutant et un groupe réputé.
Nous ne faisons d’ailleurs aucune différence dans l’accueil entre un groupe débutant et un groupe réputé. Nous repérons aussi régulièrement des artistes que nous ne connaissons pas.
Les Indisciplinées se déroulent dans divers lieux à Lorient (Manège, Espace Cosmao Du Manoir et Grand Théâtre), ainsi que dans les localités environnantes (Pont-Scorff et Inzinzac Lochrist). Le festival doit rayonner sur tout le bassin lorientais selon toi ?
Complètement, il est essentiel de créer un dynamisme et d’engager des partenariats cohérents avec les autres structures du territoire, de créer du lien autour du festival et d’aller à la rencontre de tous les publics et de ne pas se cantonner à proposer des concerts dans une salle dans la ville-centre.
On retrouve aussi divers styles musicaux (rock, rap, électro…) mais aussi un spectacle pour enfants, c’est important d’inclure tous les publics dans le festival ?
Le festival est identifié sur “pop électro, hip-hop rock”, mais c’est une définition de principe, et en réalité aucun style n’est exclu. Il y a cette année le retour du metal, non parce que c’est la mode, mais parce qu’il y a une vraie scène française pleine d’audace et d’énergie et d’inventivité.
Et spectacle pour enfant, et bien oui les musiques actuelles concernent tout le monde. Les Stones ont 70 ans, le hip-hop 35 ans. Au festival il y a des grands-parents, des parents et donc forcément des enfants. Que l’on puisse proposer des spectacles (création d’artistes du pays de Lorient et spectacle proposé en partenariat avec Les Salles Mômes et le Trio..s, Soul Béton puise dans les musiques urbaines et décrit un univers contemporain) qui correspondent sociologiquement à tout un pan de la population est important. Le succès de ces après-midis en est la preuve.
Peux-tu aussi nous parler du blog “Les Résidents” le blog qui regroupe divers webzines (Bikini Mag, Les Imposteurs…) sur le thème des Indisciplinées ?
L’idée de ce blog est de rassembler les initiatives pertinentes et de qualité, d’entités et personnes prescriptrices en Bretagne pour offrir une surface d’expression communautaire autour du festival qui ne soit pas lisse. De gagner ainsi en épaisseur en proposant un regard critique et esthétique réel en complète autonomie.
Un rêve pour les années à venir en termes de programmation ?
Beaucoup trop. Mais puisqu’on rêve, c’est surtout d’être un jour un passage obligé pour les artistes en devenir…
Un scoop pour Rockfanch ?
Fauve évidemment, très attendu, présentera pour une des premières fois dans l’ouest des morceaux de son prochain album