Interview audio – Rencontre avec Nicolas Pitz, un auteur bruxellois fort prometteur qui signe avec Les Jardins du Congo son premier one shot.
Dans son livre coloré et subtil il a osé évoquer, dans le même ouvrage, la souffrance des maquisards et la colonisation belge du Congo dans les années 1950, à l’heure où le pays est irrémédiablement en route vers l’indépendance.
L’histoire des Jardins du Congo
Dans les Jardins du Congo, la colonisation est vue aux travers des yeux du colon, Yvon, le grand-père de l’auteur.
Après quatre années interminables passées dans le maquis des Ardennes, Yvon n’a aucune envie de retourner vivre auprès de son père, un homme rude qui l’a mis au travail alors qu’il n’était qu’un enfant. Pour rattraper ses années de jeunesse, perdues au fond d’un bois froid et humide à lutter contre la faim, la folie et la peur, il décide de changer d’horizon et s’embarque pour le Congo belgeDe 1885 à 1908, l’état indépendant du Congo était une possession personnelle du roi Léopold II de Belgique, un territoire sur lequel il avait imposé un régime de travail forcé qui, après une vague de protestation (venant notamment des Etats-Unis et de l'Angleterre) a été annexé par la Belgique en tant que colonie..
Au nom de la lutte philanthropique contre le trafic d’esclaves, l’État belge a confié le territoire à de gros propriétaires qui, tout en y maintenant enfoncé le drapeau noir rouge jaune, exploitaient les ressources du pays. Le Congo a toujours regorgé des besoins de l’économie mondiale du moment : ivoire, caoutchouc, cuivre…
Tout comme Tintin, Yvon n’aurait pas pu parler flamand au Congo.
Seuls regrets ? Que la BD n’ait pas eu une dizaine de pages supplémentaires pour mieux approfondir le lourd passif entre le père et le fils.
Si l’ambiance sensorielle est bien retranscrite par les couleurs, le graphisme, il lui manque un peu l’aspect sonore… en effet, nous, lecteurs, lisons la BD en français… mais tout comme Tintin, Yvon n’aurait pas pu parler flamand au Congo, car il ne s’est jamais agi, dans les faits, d’une colonie bilingue.
À l’image des rapports de force existant alors en Belgique, seul le français était utilisé par l’élite, dans l’administration et pour l’enseignement. Les décrets pour appliquer le bilinguisme n’ont été pris qu’en 1957… et ne sont jamais entrés en vigueur.
Le français était LA clé pour partir dans les colonies. Yvon n’aurait sans doute pas profité de la prospérité du Congo s’il était né de l’autre côté de la frontière linguistique.
Les Jardins du Congo, Nicolas Pitz, éditions La Boîte à Bulles, 2013, 21 €.