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“Découvrir Claire a été un petit miracle”

C’est dans la galerie d’expo du Quartz que je rencontre Nicolas Guiot. Quelques minutes seul à seul dans cette grande pièce pour partager une première bière d’après-compétition, un étage sous le tumulte de la soirée privée où le jeune réalisateur belge aurait pourtant toute sa place. Lors de la cérémonie de clôture du Film court de Brest, il vient d’aller chercher le prix du meilleur premier film pour Le Cri du Homard et le prix d’interprétation de son actrice Claire Thoumelou. Un nouveau succès mérité en festival pour son drame psychologique sur la guerre, présélectionné pour Cannes 2013.

On a senti que vous étiez très touché quand vous êtes monté à deux reprises sur scène, dont la première fois pour le prix d’interprétation décerné à la jeune Claire Thoumelou.

Effectivement, le prix d’interprétation m’a particulièrement touché. C’est la première fois d’abord qu’on a un prix d’interprétation. J’ai toujours considéré que le film reposait en grande partie sur les comédiens même si il y a beaucoup de travail par ailleurs, mais c’est un film de comédiens. Et surtout Claire, la petite qui avait sept ans sur le tournage. On me dit souvent qu’elle est formidable, mais j’ai l’impression qu’elle paye un peu le fait d’être un enfant et que les jurys ont du mal à primer un enfant. Ont du mal à considéré ça comme un travail. Alors qu’elle a travaillé et elle joue effectivement.

Claire Thoumelou, Le Cri du Homard
Claire Thoumelou, prix d’interprétation à Brest pour son rôle de Natalia, petite fille russe qui retrouve son frère à jamais traumatisé par la guerre. Crédits Offshore

Comment avez-vous trouvé Claire Thoumelou ? Avait-elle tourné avant et va-t-elle tourner de nouveau ?

Claire c’est une histoire très particulière puisque j’avais une autre petite comédienne prévue, qui nous a lâché pour diverses raisons une semaine avant le tournage. On n’avait pas de plan B. On a casté en urgence sept-huit petites filles, dont Claire, donc je l’ai découverte six jours avant le tournage et ça a été un petit miracle parce qu’elle est même mieux que celle qui était prévue au départ. Elle n’avait jamais fait de cinéma et je pense qu’elle n’a pas de projet en court pour le moment, mais je crois qu’elle a très bien compris comment ça se passait, comment on jouait, comment on se comportait devant une caméra.

L’histoire du film Le Cri du homard ce sont des retrouvailles familiales russes, qui se déroulent en France. Tout tourne autour du grand frère, qui rentre de la guerre en Tchétchénie et de la petite sœur. Comment vous est venue cette idée ?

L’écriture de scénario est venue d’un docu que j’ai vu sur Arte, qui parlait de ces jeunes soldats russes qui revenaient de Tchétchénie, qui étaient complètement détruits (Les Corbeaux blancs, NDLR). Après le fond m’intéresse, fondamentalement la thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse. Il se trouve que c’était russe parce que c’est parti de cette histoire-là. Et puis je voulais ancrer le film dans une réalité identifiable, en tout cas quelque chose très réaliste. Et la guerre de Tchétchénie était une des guerres contemporaines qui s’étaient passées pas très loin de chez nous. Mais au-delà de ça c’était vraiment la thématique de l’impossible reconversion, l’impossible réadaptation de ces gamins quand ils reviennent de là, après ce qu’ils ont subi et infligé puisque je pense qu’ils ont tous fait des choses abominables, comme quasiment n’importe quel être humain pourrait le faire dans certaines circonstances, si on leur permet de le faire.

“La thématique du silence, du trauma, de l’impossibilité de raconter ce qu’on a pu vivre dans des cas aussi extrêmes m’intéresse.”

Famille russe - Le Cri du homard
La famille russe de nouveau rassemblée pour un repas sous tension. Crédits Offshore.

Vous en tant que réalisateur, d’où venez-vous ? Qu’est-ce que vous aviez fait avant ce premier film et quels sont vos projets ?

Moi au départ, ça fait longtemps que je voulais réaliser. Mais j’ai étudié la philosophie et puis je voulais rentrer dans une école de cinéma qui s’appelle l’Insas à Bruxelles, où je n’ai pas été pris, du coup de je me suis retrouvé à faire un master à l’université en écriture de scénario. Et après ça mon but c’était de rentrer absolument dans ce milieu, en tout cas d’intégrer ce milieu et j’ai fait beaucoup de petits boulots, beaucoup de régie, qui est un boulot très ingrat, mais un boulot très intéressant par ailleurs parce qu’on est très clairement dans la réalité du cinéma. On est loin des théories universitaires etcétéra, on est vraiment sur le terrain, on voit ce que c’est de faire un film. Et puis j’ai fondé ma boîte de production qui s’appelle Ultime Razzia Productions avec deux amis, pour nous produire nous-mêmes au départ et voilà. Ça a pris du temps, mais je suis arrivé à ce que je voulais faire au départ, c’est à dire réaliser, mais je continue à produire par ailleurs.

Le Cri du homard, c’est un film qui a muri pendant combien de mois où d’années avant d’être diffusé pour la première fois ?

C’est un projet qui a muri très longtemps, puisque j’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans. Je l’avais laissé de côté parce que je me disais que c’était trop compliqué pour un premier film. Et puis j’y suis revenu parce que ça me taraudait et je l’ai compliqué d’ailleurs, parce qu’au départ il faisait quinze pages, puis c’est devenu un film de quinze-trente-cinq pages ; une page c’est une minute en général dans un scénario. Et puis je me suis dit, “allons-y, tant pis”. En sachant que c’était quand même risqué, le pari était assez risqué, j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs, puisque je me produisais moi-même au départ, mais j’ai eu la chance de tomber sur des co-producteurs qui y ont cru aussi et on y est arrivés, mais c’est vrai que c’était assez casse-gueule et après coup j’ai eu quelques sueurs froides quand j’y repense parce que c’était un projet assez compliqué.

“J’ai écrit la toute première version il y a cinq ou six ans.”

Mais ça s’est extrêmement bien passé, ça a été beaucoup de préparation, quasiment un an de casting, de recherche de comédiens, des années pour des recherches de financement et beaucoup de post-production aussi. On a passé quasiment six mois en montage, pas à temps plein, mais par intermittence. Pendant six mois on a réécrit complètement le film au montage, ça a été un gros gros boulot oui.

Les festivals c’est un grand moyen de se faire connaître du public, la télévision aussi. Comment ça se déroule de ce côté-là ?

Alors à ce niveau-là ça se passait assez bien. Moi en étant producteur je m’étais fixé dès le départ la limite de trente minutes, parce que je savais qu’au-delà de trente minutes c’est juste inexploitable. On passe à un format de moyen métrage qui est quasiment inexploité et pour lequel il n’y a quasiment pas de festival. On est à trente minutes, tout juste. Après ça se passe plutôt bien jusqu’à présent, c’est à dire qu’on a déjà eu quelques prix et on a RTBF, qui est une chaîne belge, qui l’a acheté et TV5 Monde. Donc ça se passe plutôt bien étant donné la durée.

Et les projets, vous ne m’avez pas dit, sur quoi vous travaillez…

En tant que réalisateurs ? Je n’ai rien pour le moment. Là j’ai des projets en tant que producteur, mais je n’ai pas encore de projet concret en tant que réalisateur. Mais on vient de le terminer, enfin on l’a terminé au mois d’avril, c’est un peu récent.

Trailer du Cri du Homard

Le Cri du homard, Nicolas Guiot, avec Claire Thoumelou et Anton Kouzemin, 30 minutes, Belgique-France, Ultime Razzia Productions, 2012, César du meilleur court-métrage 2013.

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Les Tonnerres… et la pluie !

Une Fée mise à l’eau, de drôles d’oiseaux indonésiens, 3 gros Russes, un peu de lait ribot et surtout… la pluie, la pluie, la pluie. Résumé d’une première journée bien remplie aux Tonnerres de Brest 2012.

Ça avait pourtant bien commencé. Pas une goutte, pas un grain pour accueillir le maire François Cuillandre et ses invités. La ministre Marylise Lebranchu, le président du Conseil général Pierre Maille, le navigateur Olivier de Kersauson : tout ce beau monde s’était donné rendez-vous sur La Recouvrance pour un heureux événement.

Une mise à l’eau… au sec.

Fee de l'aulne - Tonnerres
La mise à l’eau de la Fée de l’Aulne a donné le coup d’envoi des Tonnerres 2012.

La renaissance de la Fée de l’Aulne, gabare de bois restaurée par les chantiers du Guip. A 11h50, la coque touche l’eau, sous les applaudissement des premiers visiteurs. Il y avait du monde pour accompagner la belle dans le petit bain (celui du port), autant sur les quais qu’en mer…

Direction ensuite l’embarcadère, pour une balade en mer. Les cornes de brume des bateaux s’effacent peu à peu pour laisser place aux sifflements des oiseaux indonésiens… Ils prennent corps avec les danseurs de gamelan, îlot d’exotisme entre les viviers brestois et le village russe.

La Russie, justement, il faut la gagner. Pas moyen de rejoindre les poupées russes rapidement, si ce n’est en se jetant à l’eau dans le cinquième bassin du port. Sous une pluie coriace on se lance donc à la conquête des quais sibériens. Là, les trois gros Russes vous feront face. Ils ne s’appellent pas Sergeï, Dimitri et Piotr mais Sedov, Krusentern et Saint-Petersbourg. 329 mètres de long à eux trois. Si la Russie n’est plus la première puissance mondiale, à Brest c’est bien elle qui rassemble les trois plus gros bâtiments des Tonnerres.

Brise-glace et quatre-mâts

Les "trois gros russes" - Tonnerres
Les “trois gros Russes” : le Sedov, le Krusenstern
et le Saint-Petersbourg.

Le brise-glace Saint-Petersbourg, un monstre de fer jaune et vert à large gueule. Aujourd’hui on en profite : seuls les plus téméraires ont bravé la pluie, et le pont inférieur est presque désert. Vous y rencontrerez le capitaine, yeux aussi bleus que la mer du golfe de Finlande, terrain de jeu habituel du géant des Tonnerres. Mais attention, les visiteurs sont cantonnés au pont, le reste du bateau étant “strictly forbidden”.

A côté de la bête de fer, des princes de bois. Le Sedov et le Krusenstern, deux quatre-mâts majestueux. Là encore seuls les ponts sont accessibles, et gare aux glissades sous temps maussade. On notera quand même que si vous tentez de vous introduire dans les cales, on pourrait vous confier la corvée de patates.

Après une douche monumentale, l’appel des chaussons douillets à la maison se fait sentir. Un dernier détour par le stand Terre et mer… On y déguste légumes, lait bien d’chez nous et lichouseries… De retour au centre névralgique du port, la scène Grand large, on se laisse embarquer par les ritournelles des joyeux Goristes… Un dernier verre de Santa Rosa, ça c’est Brestoa !

Goristes - Tonnerres de Brest
Réchauffer les cœurs, les Goristes savent le faire !

 

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