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Rien ne permet d’affirmer que la nicotine protège du Covid-19

L’industrie du tabac fait partie des entreprises capitalises les plus meurtrières. Pour vendre leurs produits, on sait depuis longtemps que les industriels ont utilisé de nombreuses techniques de propagande : par exemple, en instrumentalisant le féminisme pour augmenter leurs ventes, en achetant des publicités cachées dans les films ou en semant le doute scientifique sur la nocivité de la cigarette.

On n’est donc pas surpris·es de voir que les cigarettiers essayent de profiter de la crise du Covid-19 pour redorer leur blason : ainsi les industriels communiquent sur le fait qu’ils cherchent actuellement un vaccin. De futurs sauveurs de l’humanité à n’en pas douter. Peut-on se permettre de critiquer la privatisation des laboratoires de recherche pour faire de la publicité à des industries aussi meurtrières ?

Et une autre information enrage le milieu antitabac : le communiqué de presse récent sur l’hypothèse que la nicotine servirait à la lutte contre le Covid-19 repris sans aucune précaution par la presse française.

200504 - L'extrême-centre et la science by Groupe JP Vernant - La Déviation
Ce n’est pas parce qu’un expert dit quelque chose que c’est forcément vrai ; cela est valable autant pour la nicotine que pour la seconde vague de l’épidémie. Lien pour le tweet ici

On souhaite rappeler à ce stade qu’il ne s’agit que d’un communiqué de presse, et qu’il s’agisse de l’hypothèse d’un neurobiologiste ou d’un boulanger ne change pas le statut de cette hypothèse : il n’y a actuellement aucun début de preuve sur le fait qu’elle puisse être vraie si ce ne sont des observations trop légères pour communiquer dessus. Cela n’a pas empêché les médias de la relayer sans précaution et il y aurait eu une ruée sur les patchs anti-nicotine dans les pharmacies.

La Gazette souhaite rappeler qu’il est prouvé que la nicotine est nocive et que, même dans le cas où elle aurait un effet positif contre le Covid-19 – ce qui est loin d’être prouvé -, le rapport bénéfices-risques a de grandes chances d’être en défaveur de la nicotine dans l’état actuel des connaissances.

200506 - Californie tabac Fonds de prévision financer la première génération sans tabac - La Déviation
Tout ce que peut signifier un dollar du tabac. Source : fiches de l’Alliance antitabac (pdf).

Un article d’Acrimed remarque justement que dans cet emballement médiatique ont été oubliées deux informations particulièrement importantes. D’abord, le fait qu’aucune étude concluante n’a été publiée et ensuite le fait que l’auteur, Jean-Pierre Changeux, a eu des liens avec l’industrie du tabac il y a une dizaine d’années. Les industriels affirment que cela n’est plus le cas aujourd’hui.

Ne cédons pas trop rapidement au complotisme sur ce sujet, néanmoins on peut quand même fortement regretter l’absence de recul des médias et cela peut avoir de graves conséquences car la cigarette tue. Il est tout à fait possible que ces informations encouragent des gens à continuer de fumer ou même à commencer à fumer, ce qui arrange bien l’industrie du tabac.

Si vous voulez arrêter de fumer et de donner de l’argent à ces entreprises destructrices, n’oubliez pas qu’il existe des sites web pour aider comme Tabac info service et des alternatives aux drogues les plus courantes. Faisons cependant attention à ne pas tomber pour autant dans la culpabilisation stérile des fumeur·euses alors qu’il existe de nombreux déterminants sociaux à la pratique tabagique.

200506 - Coût du tabac Fonds de prévision financer la première génération sans tabac - La Déviation

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Des pouvoirs exceptionnels aux excès de pouvoir, chronique de l’état d’urgence

Le 1er mai, une distribution alimentaire gratuite avait lieu à Montreuil mais s’est rapidement vue encerclée par des BRAV-M (les voltigeurs) et de nombreux véhicules de police. Ce beau monde a distribué moult contraventions pour « participation à une manifestation interdite par arrêté municipal », la manif’ étant déduite de la présence de banderoles dites « revendicatoires » (sic), accrochées autour du point de distribution.

« Sanctionner le gens pour des actions politiques relèverait-il officiellement des missions de police » s’interroge-t-on alors ? Il est vrai qu’aujourd’hui, exprimer son avis par banderole, surtout si c’est un avis de lèse-Macron, ce n’est pas sans conséquences.

Mais l’état d’urgence sanitaire, c’est bien ça : il transforme la prévention du risque en une politique disciplinaire, particulièrement profitable : un grand nombre d’ordonnances passées depuis mars ne concernent pas directement la crise sanitaire (31 en tout rapporte Bastamag) et les arrêtés préfectoraux se sont eux aussi multipliés, chacun·e y allant de son idée pour régenter.

L’état d’urgence sanitaire est loin de ne répondre qu’à un problème de santé. Il a aussi renforcé un régime politique où le pouvoir est concentré dans les mains de l’exécutif qui peut agir de manière discrétionnaire, comme l’analyse un collectif espagnol. Ceci alors même que les lois qui existaient avant la mise en place de l’état d’urgence sanitaire permettaient déjà de prendre des mesures fortes et contraignantes, tant pour la durée du travail que pour mettre en place une réponse sanitaire à la pandémie.

Les ordonnances prises pendant cet état d’urgence concernant l’augmentation du temps de travail devaient concerner des « secteurs particulièrement utiles ». Or aucun secteur n’a été jusqu’à présent déclaré particulièrement utile et l’exécutif peut garder ses ordonnances sous le coude pour une application future…

L’état d’urgence sanitaire lui-même est inséré dans le code de la santé publique, ce qui constitue un indice de sa pérennisation possible pour le juriste Paul Cassia.

D’aucun·es souhaiteraient sans doute aussi que quelques dispositions actuelles du domaine juridique puissent perdurer. Les procès par visioconférence, par exemple. L’avocat Anis Harabi nous rappelle qu’ils sont en tout cas dans la droite ligne des projets de réformes des procédures pénales des années précédentes. Et il indique que le procès à juge unique, sans témoins, avec un·e prévenu·e et un·e avocat·e à distance par téléphone ou visio (lorsque cela fonctionne), images de films un peu glauques, est possible grâce aux ordonnances d’aujourd’hui. Et ça a quand même l’air plus simple ainsi, non ?

200506 - Transformateur dans le centre de Linards - La Déviation
Un des messages recensés par des auteur·ices sur La Bogue.

Le gouvernement, via l’état d’urgence sanitaire, a réduit le rôle des institutions judiciaires à punir et enfermer. Portion congrue, mais tellement importante pour lui. Les crises sanitaires ont par le passé déjà été des occasions de favoriser des « dictatures de la commodité », qui mettent en place ce dont l’État a besoin : de quoi punir, enfermer, et aussi contrôler.

Tout ça pour que puisse continuer à se faire le jeu de l’économie, dans un monde où des sous pour l’hôpital, c’est compliqué, mais des sous pour des entreprises qui se dissimulent dans des paradis fiscaux, ça a l’air faisable.

Alors, certains s’insurgent : « la pandémie n’a rien d’une catastrophe naturelle, elle est le fruit d’un rapport social, l’économie marchande » et dénoncent un « chantage à la survie ». Aux États-Unis, d’ailleurs, où les manifestations pour reprendre le travail incluent armes et drapeaux, CrimethInc se demande « qu’est-ce qui vaut la peine de mourir ? », en observant qu’une interprétation individualiste et compétitive pourrait pousser à se dire que, plus la classe ouvrière est réduite, meilleures seront les chances de celleux qui restent.

Mais ici, tout va bien. On pourra toujours aller bosser dans un entrepôt de livraison puisqu’il y aura toujours des gentes pour consommer. Un jeu de rapidité mesurée au son de bip, stimulant non ?

Sinon, plus souple et arrangeant, le travail du clic à domicile : un travail à la tâche autorisé en France tant que la rémunération – ramenée au temps de travail -, est supérieure au salaire minimum… (comprenez l’arnaque ici, et plongez plus profond en vidéo par là et par ici).

Et si vous en avez marre et que vous voulez demander des comptes à celleux qui sont tout là-haut, sachez qu’ielles semblent préparer une parade. Une petite loi, décrite ainsi par une députée LREM : « Nous proposerons une adaptation de la législation pour effectivement protéger les maires pénalement mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de déconfinement. ». Traduction : la responsabilité pénale des décideurs publics de l’État dans la gestion du déconfinement ne pourra pas être mise en cause, ce qu’un juriste décrit comme une « Auto-amnistie préventive de la Macronie ».

Cette Macronie s’étant déjà brutalement émancipée de la Constitution sous couvert de circonstances exceptionnelles (qui n’étaient en fait pas si exceptionnelles, comme expliqué ici), elle semble bien pouvoir nous dire « Et alors ? »

Toute ressemblance avec un présent que nous ne souhaitons pas n’est pas complètement fortuite. Cependant, le réel est pire encore.

200506 - Sur les murs de Faux-la-Montagne le 1er mai 01 - La Déviation

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La Gazette des confiné·es #13 – La nicotine, les sous de la science et notre présent

Dans cette Gazette, on découvre tout ce qu’on risque de conserver de l’état d’urgence sanitaire, on voyage à travers la France en lutte, on observe les dessous peu attrayants du financement de la recherche scientifique, on se rend compte qu’on lance des expériences de psycho sociale à l’école et on évite de se précipiter sur la nicotine, quelle que soit sa forme.

État d’urgence sanitaire : vous reprendrez bien un peu de dystopie ?

Le 1er mai, une distribution alimentaire gratuite avait lieu à Montreuil mais s’est rapidement vue encerclée par des BRAV-M (les voltigeurs) et de nombreux véhicules de police. Ce beau monde a distribué moult contraventions pour « participation à une manifestation interdite par arrêté municipal », la manif’ étant déduite de la présence de banderoles dites « revendicatoires » (sic), accrochées autour du point de distribution.

« Sanctionner le gens pour des actions politiques relèverait-il officiellement des missions de police » s’interroge-t-on alors ? Il est vrai qu’aujourd’hui, exprimer son avis par banderole, surtout si c’est un avis de lèse-Macron, ce n’est pas sans conséquences.

Mais l’état d’urgence sanitaire, c’est bien ça : il transforme la prévention du risque en une politique disciplinaire, particulièrement profitable : un grand nombre d’ordonnances passées depuis mars ne concernent pas directement la crise sanitaire (31 en tout rapporte Bastamag) et les arrêtés préfectoraux se sont eux aussi multipliés, chacun·e y allant de son idée pour régenter.

L’état d’urgence sanitaire est loin de ne répondre qu’à un problème de santé. Il a aussi renforcé un régime politique où le pouvoir est concentré dans les mains de l’exécutif qui peut agir de manière discrétionnaire, comme l’analyse un collectif espagnol. Ceci alors même que les lois qui existaient avant la mise en place de l’état d’urgence sanitaire permettaient déjà de prendre des mesures fortes et contraignantes, tant pour la durée du travail que pour mettre en place une réponse sanitaire à la pandémie.

Les ordonnances prises pendant cet état d’urgence concernant l’augmentation du temps de travail devaient concerner des « secteurs particulièrement utiles ». Or aucun secteur n’a été jusqu’à présent déclaré particulièrement utile et l’exécutif peut garder ses ordonnances sous le coude pour une application future…

L’état d’urgence sanitaire lui-même est inséré dans le code de la santé publique, ce qui constitue un indice de sa pérennisation possible pour le juriste Paul Cassia.

D’aucun·es souhaiteraient sans doute aussi que quelques dispositions actuelles du domaine juridique puissent perdurer. Les procès par visioconférence, par exemple. L’avocat Anis Harabi nous rappelle qu’ils sont en tout cas dans la droite ligne des projets de réformes des procédures pénales des années précédentes. Et il indique que le procès à juge unique, sans témoins, avec un·e prévenu·e et un·e avocat·e à distance par téléphone ou visio (lorsque cela fonctionne), images de films un peu glauques, est possible grâce aux ordonnances d’aujourd’hui. Et ça a quand même l’air plus simple ainsi, non ?

200506 - Transformateur dans le centre de Linards - La Déviation
Un des messages recensés par des auteur·ices sur La Bogue.

Le gouvernement, via l’état d’urgence sanitaire, a réduit le rôle des institutions judiciaires à punir et enfermer. Portion congrue, mais tellement importante pour lui. Les crises sanitaires ont par le passé déjà été des occasions de favoriser des « dictatures de la commodité », qui mettent en place ce dont l’État a besoin : de quoi punir, enfermer, et aussi contrôler.

Tout ça pour que puisse continuer à se faire le jeu de l’économie, dans un monde où des sous pour l’hôpital, c’est compliqué, mais des sous pour des entreprises qui se dissimulent dans des paradis fiscaux, ça a l’air faisable.

Alors, certains s’insurgent : « la pandémie n’a rien d’une catastrophe naturelle, elle est le fruit d’un rapport social, l’économie marchande » et dénoncent un « chantage à la survie ». Aux États-Unis, d’ailleurs, où les manifestations pour reprendre le travail incluent armes et drapeaux, CrimethInc se demande « qu’est-ce qui vaut la peine de mourir ? », en observant qu’une interprétation individualiste et compétitive pourrait pousser à se dire que, plus la classe ouvrière est réduite, meilleures seront les chances de celleux qui restent.

Mais ici, tout va bien. On pourra toujours aller bosser dans un entrepôt de livraison puisqu’il y aura toujours des gentes pour consommer. Un jeu de rapidité mesurée au son de bip, stimulant non ?

Sinon, plus souple et arrangeant, le travail du clic à domicile : un travail à la tâche autorisé en France tant que la rémunération – ramenée au temps de travail -, est supérieure au salaire minimum… (comprenez l’arnaque ici, et plongez plus profond en vidéo par là et par ici).

Et si vous en avez marre et que vous voulez demander des comptes à celleux qui sont tout là-haut, sachez qu’ielles semblent préparer une parade. Une petite loi, décrite ainsi par une députée LREM : « Nous proposerons une adaptation de la législation pour effectivement protéger les maires pénalement mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de déconfinement. ». Traduction : la responsabilité pénale des décideurs publics de l’État dans la gestion du déconfinement ne pourra pas être mise en cause, ce qu’un juriste décrit comme une « Auto-amnistie préventive de la Macronie ».

Cette Macronie s’étant déjà brutalement émancipée de la Constitution sous couvert de circonstances exceptionnelles (qui n’étaient en fait pas si exceptionnelles, comme expliqué ici), elle semble bien pouvoir nous dire « Et alors ? »

Toute ressemblance avec un présent que nous ne souhaitons pas n’est pas complètement fortuite. Cependant, le réel est pire encore.

200506 - Sur les murs de Faux-la-Montagne le 1er mai 02 - La Déviation

Les médias s’emballent autour d’une hypothèse qui affirme que la nicotine permettrait de lutter contre le Coronavirus

L’industrie du tabac fait partie des entreprises capitalises les plus meurtrières. Pour vendre leurs produits, on sait depuis longtemps que les industriels ont utilisé de nombreuses techniques de propagande : par exemple, en instrumentalisant le féminisme pour augmenter leurs ventes, en achetant des publicités cachées dans les films ou en semant le doute scientifique sur la nocivité de la cigarette.

On n’est donc pas surpris·es de voir que les cigarettiers essayent de profiter de la crise du Covid-19 pour redorer leur blason : ainsi les industriels communiquent sur le fait qu’ils cherchent actuellement un vaccin. De futurs sauveurs de l’humanité à n’en pas douter. Peut-on se permettre de critiquer la privatisation des laboratoires de recherche pour faire de la publicité à des industries aussi meurtrières ?

Et une autre information enrage le milieu antitabac : le communiqué de presse récent sur l’hypothèse que la nicotine servirait à la lutte contre le Covid-19 repris sans aucune précaution par la presse française.

On souhaite rappeler à ce stade qu’il ne s’agit que d’un communiqué de presse, et qu’il s’agisse de l’hypothèse d’un neurobiologiste ou d’un boulanger ne change pas le statut de cette hypothèse : il n’y a actuellement aucun début de preuve sur le fait qu’elle puisse être vraie si ce ne sont des observations trop légères pour communiquer dessus. Cela n’a pas empêché les médias de la relayer sans précaution et il y aurait eu une ruée sur les patchs anti-nicotine dans les pharmacies.

La Gazette souhaite rappeler qu’il est prouvé que la nicotine est nocive et que, même dans le cas où elle aurait un effet positif contre le Covid-19 – ce qui est loin d’être prouvé -, le rapport bénéfices-risques a de grandes chances d’être en défaveur de la nicotine dans l’état actuel des connaissances.

200506 - Californie tabac Fonds de prévision financer la première génération sans tabac - La Déviation
Tout ce que peut signifier un dollar du tabac. Source : fiches de l’Alliance antitabac (pdf).

Un article d’Acrimed remarque justement que dans cet emballement médiatique ont été oubliées deux informations particulièrement importantes. D’abord, le fait qu’aucune étude concluante n’a été publiée et ensuite le fait que l’auteur, Jean-Pierre Changeux, a eu des liens avec l’industrie du tabac il y a une dizaine d’années. Les industriels affirment que cela n’est plus le cas aujourd’hui.

Ne cédons pas trop rapidement au complotisme sur ce sujet, néanmoins on peut quand même fortement regretter l’absence de recul des médias et cela peut avoir de graves conséquences car la cigarette tue. Il est tout à fait possible que ces informations encouragent des gens à continuer de fumer ou même à commencer à fumer, ce qui arrange bien l’industrie du tabac.

Si vous voulez arrêter de fumer et de donner de l’argent à ces entreprises destructrices, n’oubliez pas qu’il existe des sites web pour aider comme Tabac info service et des alternatives aux drogues les plus courantes. Faisons cependant attention à ne pas tomber pour autant dans la culpabilisation stérile des fumeur·euses alors qu’il existe de nombreux déterminants sociaux à la pratique tabagique.

On a parcouru la nouvelle carte de France des luttes au travail

200504 - Carte des colères au travail by Covid-entraides - La Déviation
Quatre-vingt-sept conflits du travail ont été recensés sur « Colère Covid » depuis février, dont trois à La Réunion. Vingt-neuf concernent le commerce, la distribution, La Poste et les communications, 22 l’industrie, six l’agroalimentaire et aucun le bâtiment et les travaux publics.

Après la carte du déconfinement à la méthodologie aléatoire, voici celle des colères au travail, mise en ligne par des militant·es. Si celle-ci vire au rouge, c’est le patronat et le gouvernement qui pourraient tousser.

« Colère covid » est en ligne depuis le 1er mai. « Une manière de faire vivre cette date symbolique dans ces conditions particulières », expliquent ses créatrices et créateurs anonymes. Tout juste devine-t-on un lien avec la plateforme #Covid-entraide, dont nous vous parlions dès notre première Gazette des confiné·es.

Cette carte participative doit servir à recenser les luttes en cours dans le monde du travail. Des conflits ont éclaté pendant le confinement, « mais rien, à notre connaissance, ne permettait de relever le nez et de penser ce phénomène à une échelle plus large », poursuivent les internautes qui épluchent donc la presse locale pour donner de la visibilité aux grèves, droits de retraits et autres expressions du rapport de force entre le travail et le capital.

Un rapide survol de cette France en lutte nous permet de vérifier la sur-représentation des entreprises liées à la distribution et à la vente en ligne. On pense bien sûr à La Poste et à Amazon, qui ont défrayé la chronique. C’est aussi le cas des livreuses et livreurs de Deliveroo et UberEats à Lyon, parfait·es représentant·es de cette nouvelle classe ouvrière hyper-précarisés, aux salarié·es de La Redoute à Wattrelos, d’Orchestra près de Montpellier, de Fedex à Roissy ou d’Oscaro.com à Cergy-Pontoise et Argenteuil.

Les premiers de corvée du nettoyage à l’industrie

Plusieurs sociétés du secteur des déchets et de la propreté ont connu des tensions au sujet – et c’est un comble -, de l’hygiène. On le remarque chez La Pyrénéenne, dont les employé·es nettoient la gare de Toulouse, à Rimma et Urbaser Environnement, dont les éboueur·ses ramassent respectivement les poubelles à Nancy et Poitiers, ainsi que chez Atalian, sous-traitant du groupe Carrefour en Île-de-France.

Le site permet aussi de localiser rapidement quelques affaires emblématiques de la désindustrialisation du pays. Au nord de Clermont-Ferrand, les ex-Luxfer demandent la nationalisation de cette usine qui était capable de produire des bouteilles d’oxygène médicales, jusqu’à sa fermeture l’an dernier. La mobilisation a permis d’empêcher la destruction des machines et les ouvrièr·es estiment pouvoir fournir leur première bouteille en moins de deux mois. Toutefois, malgré des relais politiques et médiatiques, l’État ne bouge pas.

200506 - Fermeture de l'usine Luxfer 136 emplois sacrifiés Gerzat by Cercle 2 Feu Productions - La Déviation
Le gouvernement reste sourd face aux appels à la nationalisation de la dernière usine de bouteilles d’oxygène médicales, fermée par le groupeanglo-américain Luxfer à Gerzat (Puy-de-Dôme). Les salarié·es ont dû mettre fin à l’occupation du site à cause du confinement. Capture d’écran du clip de Cercle 2 Feu Productions, avril 2019

Près de Saint-Brieuc, les ancien·nes d’Honeywell avaient perdu tout espoir depuis leur licenciement, en 2018. La dernière ligne de montage de ce qui fut la plus grande usine de masques médicaux de France après l’épidémie de Sras en 2003 a été découpée puis envoyée à la casse. Toutefois, la crise sanitaire leur donne de nouveaux arguments. Le syndicat Solidaires Côtes-d’Armor a proposé la création d’une coopérative ouvrière se reposant sur ces travailleur·ses et leur savoir-faire. La région Bretagne a lancé une mission pour vérifier la faisabilité du projet. Une promesse de commande formulée par Emmanuel Macron a attiré quelques vautours de la finance le bec rempli d’oseille. Rien n’est fait.

Quelques fleurons industriels ont connu des refus de reprendre le travail. Des mouvements ont été suivis sur Les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, chez Renault au Mans et Valenciennes ou PSA, notamment à Sochaux. Citons aussi la grève appelée par Sud et la CGT sur le site de traitement des déchets nucléaires Orano (ex-Areva) situé à La Hague, dans la Manche, en avril.

Silence radio dans l’agri-agro

Dans le même département, une trentaine de soignant·es de l’hôpital de Guingamp ont débrayé mercredi 5 mai à l’appel de la CGT. La question des plannings tend les relations déjà dégradées par la diminution du nombre de lits. Le personnel craint « ne pas pouvoir affronter la deuxième vague de l’épidémie s’il y en avait une », rapporte Le Télégramme. Le 1er mai, 17 syndicalistes ont été verbalisés après avoir défilé en voiture entre l’établissement et un Ehpad de la ville.

Si l’heure est encore à la lutte contre le Covid-19 dans une bonne partie des centres hospitaliers du pays, un conflit social a également éclaté le mois dernier à l’hôpital psychiatrique Le Vitanier, à Lyon, contre un plan d’économies.

En revanche, un autre secteur dont l’activité a été maintenue voire augmentée depuis le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire se fait très discret. L’agroalimentaire semble laver son linge sale en famille. On compte bien des mouvements éparses chez Jacquet-Brossard, dans le Puy-de-Dôme, Vandemoortele, à Reims, Marie Surgelés à Airvault dans les Deux-Sèvres et Fromarsac, en Dordogne, mais c’est une goutte d’eau comparé au poids des abattoirs, entrepôts de stockage et autres usines de congélation qui parsèment la campagne.

Ainsi, « Colère Covid » ne recense pas la moindre action dans ce secteur en Bretagne, pourtant première région d’élevage. Les patrons le savent, les intérimaires ne se syndiquent pas. Quant au BTP, qui regroupe de très petites et moyennes entreprises, il est tout simplement absent de la carte.

Les résistances d’aujourd’hui alimenteront-elles celles de demain, comme l’espère l’équipe derrière « Colère Covid » ? En tout cas, les risques de contamination, les carottes qui se transforment en bâtons, le stress qui s’ajoute à la fatigue et tout simplement les menaces sur l’emploi risquent de former un cocktail explosif dans les prochains mois. Les responsables de tous bords seraient biens inspirés de lire le rapport d’enquête publié par l’UGICT-CGT mardi 5 mai, à partir de 34.000 réponses de salarié·es. A moins de souhaiter voir cette carte des luttes se remplir irrésistiblement.

« Nous, enseignant·es, sommes désolé·es que l’école rouvre dans de telles conditions »

Puisque Macron le veut, il en sera ainsi : les écoles rouvriront le 11 mai. Avec un protocole sanitaire dense, mais néanmoins épuré au cours de versions successives. Le 30 avril, le Café pédagogique notait bien que les personnels de l’Éducation nationale devaient recevoir deux masques par jour de travail… et le 3 mai, parmi l’allègement des règles sanitaires, il repère que cette distribution de masques a disparu et qu’ils ne doivent plus obligatoirement être portés en cours.

En revanche, ça ne s’allège pas pour les enfants, qui, à part rester assis à une table, ne pourront pas faire grande chose. Une tribune d’enseignant·es et d’intervenant·es à l’école n’hésite pas à qualifier les règles auxquelles les enfants seront soumis de maltraitance et à dénoncer une « expérience de psychologie sociale à grande échelle ».

Ces règles placent aussi le personnel éducatif dans une position intenable et particulièrement paradoxale : en faisant respecter les règles du protocole de sécurité, les enseignant·es, Atsem et AESH nient les besoins des enfants et des bases pédagogiques. Et s’il ne les fait pas respecter, il se met en faute.

Ce qu’il faut à l’État, ce ne sont pas des personnels de l’Éducation nationale, ce sont des matons.

200506 - C'est la guerre mais mes enfants n'iront pas au front - La Déviation
Photo de banderole choisie, avec beaucoup d’autres, par N’Autre école pour illustrer son dernier numéro, Paroles déconfinées.

Les enseignant·es sont par ailleurs bien conscient·es que le positionnement du gouvernement en faveur de la réouverture des les écoles pour des questions de justice sociale n’est que du flan : il s’agit bien plus de remettre les parents au boulot. Des argumentaires contre la réouverture des écoles sont développés et les personnels de l’Éducation nationale s’organisent aux côtés d’autres secteurs, notamment en tenant des assemblées générales interprofessionnelles à distances, qu’on peut suivre sur un réseau social bien connu (sans compte).

Et finalement, les enseignant·es s’adressent aux parents et à toustes les autres, puisque ni leur ministre ni le gouvernement n’est capable de prendre conscience de ce que signifie réellement enseigner.

« Nous vivons dans un univers bien plus riche, bien plus imprévisible : le « ?réel ? » ?! Et dans ce réel, les enfants, comme les adultes, ne respectent pas toujours les règles. Les enfants attendent avec impatience de retrouver leurs camarades. Qui peut sérieusement imaginer qu’ils seront capables, huit heures par jour, de respecter tous les gestes barrière, toutes les consignes données, toutes les mesures de protection et toutes les distances de sécurité ?? Qui peut sérieusement penser que les enfants pourront réprimer leurs envies et leurs besoins de contact, de chaleur, de câlins et d’humanité ? »

Le Coronavirus expose au grand jour le scandale du financement de la recherche scientifique par projets

C’est une information qui a vite été oubliée dans les médias, peut-être parce qu’elle donnait un peu trop raison aux gréves récentes dans l’ESR (enseignement supérieur et la recherche) : un chercheur spécialiste du coronavirus, Bruno Canard, explique qu’il n’a pas reçu assez de financements pour sa recherche sur le Coronavirus.

Pourtant, il avait – avec d’autres -, alerté la Commission européenne en 2015 sur les risques d’émergence de virus épidémiques au sein de plusieurs familles de virus, dont les flavivirus (comme l’épidémie de Zika en 2016) et les coronavirus (comme l’épidémie du Covid-19).

Pourquoi n’avait-il plus suffisamment d’argent pour que son équipe continue de travailler dans de bonnes conditions ? Parce que le sujet n’était pas à la mode, tout simplement !

200502 - Détournement visuel Crédit impôt recherche du ministère de l'Esengienement et de la Recherche supérieurs by Anes - La Déviation
L’autre scandale du financement de la recherche : le Crédit impôt recherche ou comment donner de l’argent aux entreprises sans aucune contrepartie.

Car maintenant, la recherche se finance en grande partie sur projet, c’est-à-dire que des bureaucrates, par exemple ceux de l’ANR (Agence nationale de la recherche), décident où l’argent public va être investi, dans quels projets.

Ces bureaucrates, ce sont les président·es d’universités, des instituts, etc. Iels ne font plus de recherche, iels participent au mercato des directions d’instituts et d’universités… Ainsi, le président actuel de l’ANR, Thierry Damerval, a enchaîné entre 1996 et 2020 les fonctions suivantes : conseiller du secrétaire d’État à la Recherche, directeur de la stratégie et de l’évaluation au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), conseiller technique auprès du premier ministre, directeur de l’Inserm pendant dix ans et finalement directeur de l’ANR.

Plus simplement, cette personne n’a eu que des fonctions de direction, grassement payées (plus de 190.000 euros par an à l’Inserm), depuis 1996 sans jamais toucher à la recherche depuis le début de sa carrière de bureaucrate.

Et tout ce fonctionnement coûte un argent fou : l’ANR, censée distribuer de l’argent à la recherche, pompe 9 % de son budget pour financer son propre fonctionnement, en constante progression depuis 2005. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg des appels à projets (AAP) : un rapport du syndicat Snesup-FSU estime que 90 % des financements des laboratoires (équipes de recherches) viennent d’appels à projets contre seulement 10 % de financements pérennes.

Tout cela fait que les chercheur·ses perdent un temps de plus en plus important à écrire des rapports inutiles et à chercher des financements. Dans le rapport du Comité national de la recherche scientifique de 2019 (pdf) il est écrit :

« Le temps collectif consacré à l’allocation de crédits par appels à projets compétitifs (conception des appels à projets, rédaction des projets, processus d’évaluation, contrôle projet par projet) est disproportionné, sans parler du coût économique correspondant, estimé dans certaines études comme supérieur aux montants distribués (notamment par l’ANR). »

Le mot projet est particulièrement important dans la novlangue managériale et bureaucratique, comme le rappelle le dictionnaire de la langue de bois de la Scop Le Pavé dont fait partie Franck Lepage (pdf).

Il a le grand avantage d’être éphémère : un projet de recherche ça a un but et une fin, c’est une marchandise que la hiérarchie achète aux chercheur·ses.

200506 - Anes contre ANR Le Quiz - La Déviation
Vous pouvez faire ce test pour apprendre à faire la distinction entre la langue de bois de l’ANR et sa caricature.

Ainsi, la langue de bois fait son rôle, il est beaucoup moins risqué de parler de financement par projet de la recherche que de choix par la hiérarchie des sujets de recherches. Et comme on peut le constater dans l’exemple du Coronavirus, le pilotage de la recherche par une hiérarchie incompétente est complètement inefficace pour déterminer les sujets importants pour l’avenir.

La bureaucratie universitaire normalise les comportements via l’utilisation d’indicateurs : vers une science encore plus au service de l’économie ?

Pour évaluer et contrôler les chercheur·ses, les bureaucrates utilisent leur principale arme de normalisation : les indicateurs, imposés comme neutres et objectifs aux chercheur·ses.

Dans la recherche, on parle d’indicateurs bibliométriques et ceux-ci, grossièrement, comptent le nombre de productions sous forme d’articles dans des journaux indexés des chercheur·es, ainsi que leur ré-emploi dans d’autres articles. Comme pour tout indicateur, le but des chercheur·ses n’est alors plus de découvrir des choses intéressantes pour la société mais de maximiser l’indicateur.

Cela donne de nombreux effets pervers qui sont très bien illustrés de manière humoristique dans cet article : multiplication des articles pourris, des revues prédatrices (qui font payer la publication aux chercheur·ses souhaitant améliorer leur indicateur), baisse de qualité des articles, etc.

Dans le cas du Covid-19, on peut regarder le nombre de publications sur le Coronavirus : plus de 24.000 en 2020. Quelle est la balance entre des contributions honnêtes motivées par l’urgence et des articles pourris écrits uniquement pour surfer sur un phénomène de mode ? Dur à dire mais ces dernières représentent probablement une grande partie vu l’effet de mode. Publiez sur le Coronavirus et vos indicateurs bibliométriques auront de grandes chances de bondir !

Et pendant ce temps, l’avancement des connaissances ? Il est clairement ralenti par le fait de devoir trier les articles bien faits dans cet océan de productions écrites uniquement pour faire du chiffre.

Mais comment expliquer qu’on organise ce désastre ? Ce qui est sous le coup d’indicateurs est mesurable, quantifiable… et donc « marchandisable ». En effet, la science et la bibliométrie rapportent beaucoup aux grands éditeurs privés que sont Elsevier, Springer, Wiley Blackwell’s et Taylor & Francis.

De plus, « marchandiser » signifie aussi identifier ce qui rapporte. Pour l’argent investi, on est capables d’analyser le tout sous l’angle de l’investissement et des retours sur investissement (c’est le même processus que dans les hôpitaux publics, voir à ce sujet La Casse du Siècle, documentaire téléchargeable en ligne, notamment les chapitres deux et trois).

Et voilà que le tout s’insère dans les processus de capitalisation. La recherche publique et ses fonds publics peuvent ainsi être orientés vers les domaines les plus profitables pour les entreprises privées. Le contrôle de la recherche par le monde économique est aussi facilité.

Selon les domaines, en fonction de leurs enjeux, les ressources pourraient bien se tarir si la critique du système dominant se fait trop forte… Si toutefois cette critique n’est pas récupérée avant par le système, via par exemple du green-washing, ou des équivalents.

Parmi les produits de la recherche particulièrement « marchandisables », citons les innovations, et notamment celles qui se rattachent aisément à la société de consommation.

Les jeunes chercheur·ses qui auront produit des résultats un tant soit peu « marchandisables » pendant leurs travaux d’entrée en recherche (doctorat, post-doctorat) sont ainsi aujourd’hui incité·es à créer des start-up pour « valoriser ? » ces résultats. Entretenir un monde où tout se vend, où leur savoir devient marchandise.

Et ces innovations-marchandises, en plus de rapporter de l’argent, justifient en entier tout le système capitaliste ; en 1967, dans la société du spectacle, Guy Debord écrivait :

« Dans l’image de l’unification heureuse de la société par la consommation, la division réelle est seulement suspendue jusqu’au prochain non-accomplissement dans le consommable. Chaque produit particulier qui doit représenter l’espoir d’un raccourci fulgurant pour accéder enfin à la terre promise de la consommation totale est présenté cérémonieusement à son tour comme la singularité décisive. […] Il révèle trop tard sa pauvreté essentielle, qu’il tient naturellement de la misère de sa production. Mais déjà c’est un autre objet qui porte la justification du système et l’exigence d’être reconnu. »

200504 - L'Université saisie par le néolibéralisme by Contretemps - La Déviation
Pour aller plus loin, la revue communiste Contretemps a publié en décembre 2016 un long dossier intitulé L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances.

Ainsi, le groupe Oblomov va jusqu’à conclure dans son livre qu’il ne faut pas sauver la recherche scientifique car elle est intrinsèquement au service des dominants et du capitalisme.

Des écoféministes accusent la science moderne, rationnelle et aux dichotomies fortes (dont nature vs. culture), d’être à l’origine du désastre environnemental. Nuançons tout de même ce propos en notant les divergences entre les différents domaines scientifiques. La recherche dans les nanotechnologies est-elle vraiment similaire aux études de genre en sciences sociales ?

Et, au-delà de refuser l’opposition entre recherche fondamentale et recherche appliquée, qui sont complémentaires et produisent chacune des innovations à plus ou moins longs termes, reconnaissons aussi d’autres façons de pratiquer la recherche. Comme par exemple la recherche impliquée, ou recherche-action. Lorsqu’elle n’est pas seulement un mot-clef destiné à vendre une réponse à un appel à projets, elle propose une transformation délibérée de la réalité pendant le processus du recherche, avec une implication des chercheur·ses et un réel dialogue avec les personnes rencontrées dans cette recherche.

À propos de l’éducation, Ivan Illich disait qu’elle est un outil de production, en tant qu’institution productrice de savoir et que, passé un certain seuil, toute institution, ou outil de production, ne vise plus que son auto-reproduction et devient destructeur (voir Pédagogie et Révolution, en accès libre chez Libertalia, chapitre sur Illich).

L’institution (l’éducation) est alors confondue avec le besoin fondamental (l’éducation) ; et l’apprentissage est confondu par commodité avec la fréquentation scolaire : mesurable, quantifiable… « marchandisable ». De même qu’Illich proposait de « déscolariser la société ? » (traduction littérale du titre original de son ouvrage Deschooling Society, paru en français comme La Société sans école), pouvons-nous trouver un moyen de nous réapproprier la production et la transmission des savoirs scientifiques ?

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Elle manifestait le 1er mai à Lannion : « M. » revendique son geste dans une lettre

Une multitude de petites actions se sont égrainées ce 1er mai. Si la consigne passée par les centrales syndicales était d’envahir le web à grands renforts de vidéos et d’applications, des militant·es des causes sociales ont tenu à occuper la rue. En Bretagne, une centaine de personnes ont défilé à Douarnenez, un cortège de voitures est passé devant l’hôpital de Guingamp, drapeaux CGT au ventun rassemblement respectueux des gestes barrières s’est formé pendant le marché de Pontrieux et une vingtaine de Trégorrois·es (dix selon Ouest-France) ont marqué le coup à Lannion.

Une manifestante nous explique les raisons de sa présence

« Je suis plutôt anti-grandes messes, non croyante, mais surtout n’aimant pas la « journée de.. ». Et puis je n’ai pas attendu le confinement pour faire gaffe et soutenir les gens fragiles ! Je ne veux pas engorger les hostos, je ne traîne pas dans les rayons des magasins, en pensant à tous ces hommes, mais surtout toute ces femmes appelées en « première ligne » (caissières, infirmières, couturières, maîtresses..).

Je me confine plus ou moins, oui, sans me plier en pensant qu’on aurait pu faire mieux avec nos intelligences collectives comme d’hab’, mais dans ce contexte je ne peux – on ne peut, à mon avis – se laisser voler ce droit inaliénable, celui de manifester, qui se gagna en ces 1er mai dans le sang des travailleur·ses, des opprimé·es… Surtout pas avec une reprise déjà bien entamée de nombreux secteurs économiques ; sans parler de ceux, qui, on se demande bien pourquoi, n’ont jamais arrêté (Airbus, pour n’en citer qu’un) !

Ils veulent un déconfinement, sous contrôle, et où c’est encore l’économie qui prime. Tout comme cela explique le délai avant ce confinement total, alors que l’OMS tirait dès janvier la sonnette d’alarme ; mais, comme pour Tchernobyl, la France devait peut-être « être épargnée »…

On ne leur cédera pas ce plaisir moutonneux de leur laisser rênes et de leur faire confiance, tandis qu’ils continuent à passer des lois qui font payer leurs erreurs aux « petits » (mais costauds et nombreux !) avant tout. Déni de démocratie que ces mesures prises unilatéralement comme les jours de congés supprimés chez celleux qui n’ont pas chômé. « Si les travailleur·ses et les postièr·es sont bons pour aller en masse travailler, s’iels sont bons pour qu’on leur supprime jusqu’à dix jours de RTT ou de congés alors iels doivent avoir le droit de manifester le 1er mai. »

Ce confinement n’a pas été le même pour tout le monde : on pense aux femmes et enfants subissant des violences, aux mal (pas)-logé·es, aux prisonnièr·es à l’isolement et sans protection, aux personnes enfermées dans les centres de rétention administrative (CRA) en grève de la faim, et puis… « plus une place en réanimation dans le 93 » et – entre autres – une enfant de cinq ans vraisemblablement blessée par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) dans une cité où les droits étendus des policiers rendent les bavures fréquentes, tandis que les plus riches ont retrouvé les maisons secondaires, parfois même les îles privées.

Sinon les « cadeaux d’État » aux entreprises sont bien relancés – 300 milliards d’euros prêtés (garantis), notamment aux plus grandes boites, Fnac, Darty, Air France, etc. Mais ne parlons pas de nationalisation, houla !, même en temps de « guerre ».

200502 - Capture d'écran reportage Montreuil 1er mai répression by Taha Bouhafs pour Là-bas si j'y suis - La Déviation
Le 1er Mai, des policiers ont verbalisé une action de solidarité à Montreuil et il y a eu des interpellations à Paris. Image : Taha Bouhafs pour Là-bas si j’y suis.

D’où vient tout cet argent, alors que seulement 260 millions d’euros ont été débloqués pour l’hôpital en début de crise. On n’a pas la mémoire courte et l’an dernier une information avait fuité : un projet d’économie de 960 millions d’euros sur les hôpitaux était projeté par notre gouvernement.

Je suis dégoutée face au pseudo mea-culpa de Macron : « Nos soignant·es qui se battent aujourd’hui pour sauver des vies se sont hier battu·es, souvent, pour sauver l’hôpital, notre médecine » Waw ! Alors que les CRS étaient envoyés face aux hospitaliers, comme aux autres, depuis un an qu’iels se battaient, criant à la pénurie « L’État compte les sous, on va compter les morts » (slogan de décembre 2019).

Pouvons-nous nous contenter de quelques applaudissement face à la souffrance, au surmenage, aux tentatives de joindre les deux bouts de ce qui a été un jour gagné mais depuis, toujours détruit : un bon système de santé, assez de lits et de matériel, en mutualisant les coûts ?

Les raisons ne manquent pas et les habitudes de contrôle et de soumissions se prennent si vite… Comme l’habitude des drones au-dessus de la tête pour les Niçois·es entre autres. Que dire aussi de cette nature bafouée dans ce système néolibéral, qui ne peut, elle, être confinée, et qui nous promet des catastrophes, face auxquelles nos inégalités ne feront que se creuser !

Alors je ne vais pas leur faire cadeau de 135 €, comme j’ai tenté de ne pas le faire pendant ces nombreuses manifs interdites (une habitude ces derniers temps), mais non, je ne juge pas, mais je ne « fête » pas ce 1er mai sur mon ordi ou mon balcon (j’en ai pas… de balcon). M. »

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Psychiatrie, addictologie en temps de Covid-19

Comme nous le racontions dans nos précédents numéros, le confinement a des conséquences psychologiques majeures.

Les services de psychiatrie constatent un afflux de nouveaux·elles patient·es, atteint·es d’angoisses ou de bouffées délirantes. Ce message de soutien publié sur Paris-Luttes Info au tout début du confinement le rappelait déjà, la situation est également difficile pour toutes les personnes déjà « psychiatrisées ».

Dans cette tribune d’une psychiatre-addictologue, on apprend que l’accueil des patient·es a été bouleversé dans de nombreux centres ; les personnes addictes à des substances se sont retrouvées à faire des sevrages chez elles, seules ; des AAH (allocations adulte handicapé) ont cessé d’être versées ; des solutions de logement d’urgence ont dû être trouvées, entraînant parfois des ruptures de suivi.

Malgré le confinement et le pseudo-déconfinement qui se préparent, n’oublions pas de prêter attention à nos voisin·es, à nos proches, et même aux personnes que nous croisons dans la rue.

Illustration : dessin publié dans le quatrième numéro de Sans remède, un journal alimenté par des vécus et des points de vue sur le système psychiatrique. Leur site internet étant mort, on peut retrouver les numéros un à quatre ici et le numéro cinq là (pdf).

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Sept conseils pour corser le travail des services de renseignement

Une mise sur écoute est vite arrivée, comme le montre l’enquête de Mediapart et Reporterre sur les moyens gigantesques mobilisés par l’Etat pour protéger le projet Cigeo des antinucléaires, à Bure. Que vous soyez militant·e, journaliste ou simplement sensible à la protection des données, voici quelques conseils que vous pourrez consolider par une visite sur le site du Réseau d’autodéfense juridique collective.

Enlevez les batteries des téléphones portables (ou encore mieux, ne les prenez pas et ne les éteignez pas pour éviter de changer votre profil de connexion).

Effacez vos textos (une garde à vue est si vite arrivée…), voire emmenez un téléphone que vous n’utilisez que pour ça, avec seulement les numéros dont vous avez besoin.

Faîtes gaffe à ce que vous dîtes au téléphone. À partir du 11 mai, si vous pouvez vous voir en vrai, mieux vaut dire les choses en face à face et ne prenez pas vos téléphones en sortant si cela est possible.

Si vous voulez vous organiser en ligne, on vous encourage à consulter ces pratiques de base comme le recommande un article de l’Atelier – médias libres :

Utilisez une messagerie sécurisée (Riseup, Protonmail etc.) et apprenez à crypter vos mèls. Évitez de donner des infos sensibles via Facebook (voir notamment la brochure Face à Facebook), Gmail ou autre…

Pour les recherches « à risque » sur le web, utilisez Tor, qui garantit votre anonymat.

Chiffrez vos données sensibles sur votre ordinateur.

Installez Linux sur votre PC. Les dernières versions de Windows sont pleines de failles bien pratiques pour l’espionnage… Même si vous utilisez quelques astuces pour vous en prémunir, il est vraisemblable que des infos partent quand même sur leurs serveurs…. Vous pouvez aussi utiliser une session temporaire comme Tails.

200502 - Guide numérique d'utilisation de Tor by Guide Boum - La Déviation
Présentation du fonctionnement de Tor dans le très complet (et très long) guide d’autodéfense numérique.
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Starlink d’Elon Musk ou la colonisation de l’espace relancée par le privé

Aujourd’hui, il y a environ 5.000 satellites artificiels d’après le Bureau des Affaires Spatiales de l’Onu (en anglais) en orbite autour de la Terre. Le projet Starlink du constructeur aérospatial américain SpaceX prévoit d’en envoyer à lui seul 42.000 pour son projet démentiel consistant à fournir un internet à grande vitesse partout dans le monde. Un budget prévisionnel de 10 milliards de dollars lui est alloué…

L’article de Jonathan Bourguignon dans Lundi matin revient sur les origines hippies des mouvements de hacker·euses libertarien·nes de la Silicon Valley. Ainsi, dans l’imaginaire start-up, la connexion au réseau internet concrétiserait l’interconnexion mentale rêvée par les hippies. Et Elon Musk, avec le projet SpaceX, apporterait la libération et l’éveil aux populations opprimées par des gouvernements qui censurent internet (Wikipédia était interdit en Turquie jusque très récemment et est bloqué en Chine depuis mai 2019 par exemple).

Mais cette fable libertarienne ne peut convaincre que les gens qui se voilent la face sur la réalité des Gafam dont le seul but est le profit et qui n’hésitent pas à investir dans la reconnaissance faciale et dans la surveillance de masse. Et il ne faut pas oublier que le réseau de l’interconnexion s’appuie sur une infrastructure destructrice de l’environnement et que des gens luttent contre celle-ci, comme en Aveyron, à l’Amassada, où l’on propose de trancher le filet / réseau dans un tract contre les éoliennes industrielles (pdf).

200502 - Image site web Histoire des débris spatiaux RIGB - La Déviation
Image tirée de l’histoire des débris spatiaux (en anglais).

Quant à l’utilité d’Internet pour éveiller les consciences, un article publié sur Paris-Luttes info rappelle que 34 % du trafic sur Internet vient de la consultation de VoD (vidéos à la demande : Netflix, Amazon Prime, etc..) et que 27 % vient de la consultation de vidéos pornographiques.

De plus, les débris spatiaux posent le risque du Syndrome de Kessler qui prévoit que si trop d’objets sont en orbites autour de la Terre alors les collisions créeront tellement de débris qu’il sera impossible d’envoyer des objets dans l’espace. Ainsi, envoyer autant de satellites en orbites, SpaceLink n’étant pas le seul car Amazon prévoit d’en envoyer 3200 et OneWeb 5200, pourrait faire dégénérer la situation.

La solution d’après les agences spatiales ? Mettre encore plus d’objets en orbites, mais cette fois-ci des nettoyeurs de débris ! Il serait peut-être plus simple et efficace d’interdire Starlink et de penser l’espace comme un commun

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A Bure, des moyens dignes de l’antiterrorisme pour fliquer les anti-nucléaires

Reporterre et Médiapart ont publié une enquête très détaillée sur les moyens déployés par la justice pour enquêter à Bure. Quand on touche au nucléaire, l’Etat français ne recule devant rien pour réprimer les opposants, cela s’est vérifié de nombreuses fois tout le long de l’histoire du mouvement anti-nucléaire français.

On a confirmation dès la première partie de l’enquête que si vous êtes passé·es à Bure lors d’un événement collectif en 2018, votre numéro a été enregistré par un « IMSI-catcher ». Si vous avez vécu à Bure, vous avez même très probablement été la cible d’écoutes téléphoniques.

On apprend dans la deuxième partie de l’enquête que la gendarmerie a une unité spécifique, avec un écusson, qui comptait au moins cinq officiers de police judiciaire (OPJ) à plein temps entre 2018 et 2019. Le salaire de ces officiers combiné au prix des écoutes est estimé à plus d’un million d’euros (fourchette basse), soit vingt fois le coût des détériorations justifiant ces enquêtes. De nombreux·ses avocat·es trouvent les sommes dépensées complètement disproportionnées.

200502 - Capture vidéo vidéo Mediapart Sezin Topyu by Mediapart - La Déviation
Dans un entretien à Mediapart, Sezin Topçu explique comment les autorités françaises utilisent les sciences sociales pour choisir leurs stratégies de communications afin de marginaliser le mouvement anti-nucléaire.

Finalement, l’Etat n’a pas hésité à mettre sur écoute et à perquisitionner l’avocat et militant anti-nucléaire Etienne Ambroselli, contrevenant ainsi aux droits élémentaires de la défense.

Pour conclure, laissons la parole à celles et ceux qui connaissent le mieux la répression de Bure, c’est-à-dire les personnes qui la subissent. Elles décrivent la justice à Bar-Le-Duc comme un système mafieux qui ne dit pas son nom.

Pendant ce temps, surfant sur la vague écologique, la propagande nucléaire prétend que l’énergie nucléaire serait une solution contre le réchauffement climatique. Cette offensive est notamment menée par le très influent Jean-Marc Jancovici. Les arguments écologiques pour défendre le nucléaire – un comble – sont réfutés par le réseau Sortir du nucléaire dans un argumentaire solide (pdf) même si l’on peut déplorer, comme dans beaucoup de publications antinucléaires, l’absence de critique des énergies renouvelables.

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Eric Raoult a démontré une chose : le manque de culture scientifique des médias

Nous avons choisi après deux articles dans les Gazettes des confiné·es #3 et #5 de ne plus participer à la médiatisation des stupidités de Didier Raoult et de ne plus parler de chloroquine avant l’arrivée d’informations sérieuses quant à son efficacité.

Mais nous n’oublierons pas celles et ceux qui ont mis en avant la chloroquine contre toutes précautions alors que, dès le début, l’on savait que les études concernant la chloroquine n’étaient ni fiables ni concluantes. Notre troisième numéro date du 26 mars et cet article de l’Union communiste libertaire a été publié quatre jours plus tard, entre autres exemples.

Il semble de plus en plus se confirmer que les personnes ayant mis en avant la chloroquine ont participé indirectement à la surmortalité du coronavirus car cette molécule aurait plus d’effets délétères que bénéfiques. Attendons encore un peu avant de conclure quoi que ce soit.

Une certitude, on ne joue pas au hasard avec les médicaments comme le rappelle cet article qui fourmille d’exemples d’erreurs de traitements découverts par des essais cliniques sérieux. Ainsi, des prescriptions pour l’infarctus du myocarde, avant d’être vérifiées par des essais cliniques, auraient tué environ 60.000 personnes. En ce qui concerne les essais cliniques pour le coronavirus Sras-cov2, la surmédiatisation de la chloroquine les ralentit car de nombreux·ses patient·es refusent de participer aux essais cliniques qui ne leur garantissent pas d’être traité·es avec de la chloroquine. Ce ralentissement de la recherche peut aussi coûter des vies car si un traitement est bénéfique ou délétère, on le découvrira moins rapidement.

Parmi les gens qui ont participé à la foire médiatique autour de Raoult et de la chloroquine, on peut citer la quasi-totalité des médias dominants (tels que Le Point, Le Monde, Le Figaro), de nombreux pseudo-experts (comme Idriss Aberkane ridiculisé dans des vidéos humoristiques ou Michel Onfray), ainsi que des politiques de tous les bords comme Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.

Il nous semble, même s’il faudrait une enquête approfondie pour le confirmer, que ce sont les réseaux populistes d’extrême-droite qui ont le plus surfé sur la chloroquine comme Valeurs Actuelles en France et bien entendu l’« alt-right » américaine, rangée derrière Donald Trump.

En ce moment, on n’a encore aucune certitude concernant les traitements même si des études commencent à paraître, par exemple sur le Tocilizumab pour lutter contre la tempête de cytokines ou sur le Remdesivir publiée le 29 avril. Ces articles scientifiques doivent être relus – celui sur le Tocilizumab n’est même pas encore paru, il n’y a qu’un communiqué de presse -, reproduits et confirmés par d’autres essais pour que leurs résultats soient considérés comme vérifiés. Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure actuelle, il n’y a aucun traitement miracle : par exemple, d’après les études que l’on cite, le Tocilizumab ne serait utile que sur les cas graves et le Remdesivir n’aurait qu’un effet très léger et elles sont beaucoup trop récentes pour s’appuyer dessus. Gardons en tête qu’un traitement, ce n’est pas tout ou rien : pour le Covid-19, il ne s’agira probablement que d’une légère amélioration des probabilités de survie.

Nous sommes conscient·es qu’il est extrêmement compliqué de se plonger dans la littérature scientifique sans formation et d’arriver à trier les informations selon leurs fiabilités. De nombreuses personnes se sont fourvoyées notamment à cause de l’avalanche d’articles et d’informations sur la chloroquine. Comment éviter cela sans aller vers une confiscation de la parole par des expert·es ?

La Gazette mise sur l’éducation populaire, la vérification des sources – nous intégrons systématiquement des hyperliens pour que vous puissiez vérifier nos affirmations – et la relecture collective. Les discussions et débats évitent de se laisser intoxiquer comme on peut l’être seul·e devant son écran. Alors croisez les sources, débattez et doutez des informations que vous lisez !

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Carte de France du déconfinement : un peu plus d’amateurisme pseudo-scientifique

Le 11 mai, le gouvernement prévoit de déconfiner partiellement le pays, avec d’une part des règles qui s’appliqueront partout comme l’interdiction de se déplacer à plus de 100 km de son domicile, et d’autre part des règles qui varieront selon le département, notamment la réouverture des écoles dont nous évaluions le rapport bénéfice risque dans notre précédent numéro.

Une carte du déconfinement est donc élaborée, à la manière des alertes météo. Elle peut changer quotidiennement jusqu’au 7 mai, date à laquelle elle sera fixée pour la semaine du 11 mai, avant d’être ensuite mise à jour une fois par semaine. Promesse de confusion et d’anxiété pour les habitant·es et garantie d’occuper l’agenda médiatique pour les autres. Les rédactions apprécient ces documents prêts à mâcher, à partir desquels leurs polémistes maison peuvent deviser des heures durant. Le gouvernement escomptait afficher son volontarisme, mais s’est pris les pieds dans le tapis.

La première polémique n’a en effet pas tardé. Les agences régionales de santé (ARS) de Corse et du Centre reconnaissent que des départements ont été inclus à tort dans les zones rouges dès la première livraison de la carte. Or, cela signifie pour un territoire que les libertés y seront plus sévèrement limitées.

Cela concerne notamment la Haute-Corse, le Lot (à peine 16 mort·es du Covid, une personne en réanimation) et le Cher (129 mort·es, trois personnes en réanimation). Le critère retenu est en effet le ratio entre le nombre de personnes dépistées et le nombre de venues aux urgences.

Or, ce critère est sans doute influencé tout autant par la propagation de l’épidémie que par la propension des gens à venir aux urgences pour des symptômes mineurs (et donc notamment de la disponibilité des médecins traitants, de l’angoisse générée par l’épidémie…), de la politique de l’hôpital concernant les tests de dépistages, mais aussi du nombre de personnes ayant d’autres affections…

Depuis ces critiques, la carte a été rectifiée, mais le mal est fait. C’est une nouvelle preuve d’amateurisme !

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Le gouvernement trie les « fake news » sur son site : qui se sent morveux se mouche

Sur bien des domaines, l’épidémie de coronavirus permet aux dirigeant·es d’avancer leurs pions. En matière de droit du travail, comme nous l’avons déjà vu, mais aussi de contrôle de l’information. La sélection d’articles de presse publiée sur le site officiel d’un gouvernement profondément falsificateur traduit plus une volonté de désamorcer les critiques qu’une reconnaissance du travail journalistique.

« La crise du Covid-19 favorise la propagation de fake news. Plus que jamais, il est nécessaire de se fier à des sources d’informations sûres et vérifiées. » Ce constat est d’une grande banalité, mais la suite nous a étonné·es. « C’est pourquoi le site du gouvernement propose désormais un espace dédié. » Dans son tweet publié le 30 avril, la porte-parle du gouvernement Sibeth Ndiaye fait la promotion d’une revue de presse officielle, jusqu’ici passée inaperçue.

La page « désinfox coronavirus » recense jusqu’au 2 mai seize pages de liens vers Libération, 20 Minutes, l’AFP, France Info et Le Monde. Les articles nous promettent d’apprendre « pourquoi l’OMS ne recommande pas le port du masque à toute la population ? », si « la commande de drones du ministère de l’Intérieur est bien liée au contrôle du confinement ? » ou encore que « non, Emmanuel et Brigitte Macron ne font pas de Jet-Ski pendant le confinement ».

Un paragraphe en petits caractères précise que « sont référencés sur cette page les articles des médias français, depuis le 15 avril, disposant d’une rubrique « fact checking » depuis au moins 2 ans ; d’une équipe fact checking spécialisée ; et d’un accès gratuit au contenu. » Des critères arbitraires qui éliminent Mediapart ou Médiacités, dont l’indépendance éditoriale repose sur le choix du payant. La presse régionale, dépourvue de tels services, n’a pas non plus le droit de cité.

Loin de se réjouir d’une telle reconnaissance, plusieurs journalistes des rédactions concernées perçoivent le piège que représente une assimilation aussi directe au pouvoir. Chez Libération, Laurent Joffrin lui-même assure que la rédaction qu’il dirige a été mise devant le fait accompli. Sans demander la suppression de cette page, il souhaite que les internautes en soient avertis. Sûr de son fait, le Service d’information du gouvernement (SIG) propose au contraire de le contacter, « afin que les articles de votre rédaction soient recensés ».

Libé est d’ailleurs bien placé pour pointer les inévitables biais d’un tel exercice puisque son enquête sur la dissimulation de la pénurie de masques qui met gravement en cause l’exécutif (payant) ne figure pas dans les articles conseillés par le gouvernement. Pas plus qu’un article du service Checknews qui montre que le ministère de l’Intérieur a prétendu à tort que le vélo de loisir était interdit pendant le confinement.

Nous n’épiloguerons pas sur la définition du « fact-checking » et des « fake news », nous en avons déjà parlé dans La Gazette #10, et elles ont été longuement décortiquées par Frédéric Lordon dans un billet aux airs de pamphlet contre Les Décodeurs publié en janvier 2018. Rappelez-vous des gommettes de couleur attribuées par le « journal de référence » à ses concurrents. Disons simplement que la vérification des faits, un des fondements de l’éthique journalistique, nous anime tout autant pour écrire cette présente Gazette que des titres prétendument « neutres » ou « objectifs ».

200502 - Capture d'écran du Decodex concernant Rebellyon by Le Monde - La Déviation
Le Décodex du journal Le Monde accordait des notes en couleurs aux sites d’information ce qui a créé un tollé, Fakir étant classé orange par exemple, et les couleurs ont disparu depuis.

En revanche, nous ferons deux remarques.

La première, c’est que ce gouvernement soudain épris de vérité ne cesse d’entraver la liberté de la presse. C’est à la demande d’Emmanuel Macron qu’a été promulguée la loi sur le secret des affaires, consolidant le mur érigé par les multinationales pour se protéger des citoyen·es. Tout comme la loi anti-« fake news », qui élargit les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ainsi que des plateformes numériques, en bonnes auxiliaires de la censure.

Le Secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O a précisé les intentions du pouvoir dans une interview donnée à Reuters en juin 2019.

« Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : “Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements.” […] S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout. »

Dans le même temps, un nombre record de reporters ont été blessés par les forces de l’ordre lors de manifestations sociales. Le collectif Reporters en colère en a recensé 25 pour la seule journée du 5 décembre 2020, après que le Syndicat national des journalistes (SNJ) en a compté « près de 200 molestés, blessés, intimidés, empêchés de travailler par des policiers des gendarmes, des magistrats », en un an de Gilets jaunes. Les plus subversifs étant même placés en garde à vue ou convoqués devant la DGSI.

La seconde remarque, c’est que la communication étatique s’insinue désormais dans chaque pores du débat public. Sans parler des relais serviles qui nichent dans les rédactions (lire à ce sujet le communiqué acide du SNJ France TV sur le 20 Heures de France 2), les encarts dans la presse, les spots télé et radio et plus insidieusement les bannières des géants du capitalisme numérique nous ramènent immanquablement vers les consignes gouvernementales.

200502 - Rediction vers la communication gouvernementale sur le coronavirus par Twitter - La Déviation
Quoi que vous cherchiez sur le coronavirus en ligne, les géants du capitalisme numérique vous dirigeront en premier lieu vers le site du gouvernement.

N’êtes-vous pas avertis par Twitter au moindre clic sur le hashtag Covid-19 que pour « connaître les faits, de l’information et des recommandations sont disponibles sur le site officiel du Gouvernement (sic) » ? Une foire aux questions préparée par le gouvernement ne s’affiche-t-elle pas tout en haut sur Google lorsque vous interrogez le moteur de recherche à propos du coronavirus ? Facebook ne vous conseille-t-il pas d’« écouter les consignes de votre gouvernement » quand vous tapez le mot-clé « Sras-cov2 » dans la barre de recherche ?

S’agit-il de se racheter une conduite après avoir accumulé des millions grâce un business de la désinformation ? Ou bien de proposer ses services à l’Etat, dans le contrôle de l’information et des populations ?

Le gouvernement remballe son projet sous la pression

Mise à jour du 5 mai 2020

Interrogé lors des questions au gouvernement, le ministre de la Culture, Franck Riester, annonce mardi 5 mai le retrait du service « Désinfox coronavirus » sur le site du gouvernement.

Les sociétés de journalistes de 32 médias ont protesté par le biais d’une tribune intitulée « L’Etat n’est pas l’arbitre de l’information », dimanche. Le Syndicat national des journalistes a annoncé lundi le dépôt d’un référé-suspension devant le Conseil d’Etat.

A l’instar de Clément Viktorovict, d’aucuns estiment que la mise en ligne d’un article par Les Décodeurs du Monde démontant une fausse affirmation d’Olivier Véran a précipité la mort de ce service. Le gouvernement étant pris au piège de sa propre communication.

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L’autonomie alimentaire est nécessaire pour sortir du capitalisme

Comme nous l’avions écrit dans un article précédent, la décroissance de l’activité économique nécessaire écologiquement parlant ne peut être mise en place sans penser aux plus précaires qui ont besoin de leurs emplois pour survivre.

On retrouve régulièrement cette tension dans l’histoire des luttes écologiques comme en témoigne ce communiqué de presse de la CGT consécutif à la fermeture de la centrale de Fessenheim.

Le manque d’autonomie limite notre force de proposition, notre force de persuasion et même notre capacité à imaginer la possibilité d’une sortie du capitalisme. Pour renforcer le mouvement anticapitaliste, le collectif Laisse béton propose de multiplier les zones d’autonomie définitives (Zad) et de les relier afin qu’elles se soutiennent.

Mais comment construire ces zones d’autonomie ? Certain·es regardent du côté des coopératives intégrales, s’inspirant de celle de Catalogne qui compte plus de 2.000 membres. Elles proposent un socle de coordination et crée des outils collectifs pour de nombreux projets autonomes. Parmi les nombreuses alternatives, on peut aussi citer la coopération intégrale du Berry ou les communautés Longo Maï.

D’autres regardent vers l’Amérique du Sud, où il y a de nombreuses expériences de réappropriation de terres. Le Mouvement des sans-terre au Brésil compte aujourd’hui 1,5 millions de membres et est sévèrement réprimé. Mille sept cent vingt-deux militant·es ont été assassiné·es entre sa création, en 1985, et 2017. Ce mouvement exproprie des terres de grands propriétaires pour que des familles de paysan·nes s’y installent, crée des écoles et est organisé selon des principes de démocratie participative.

Mais attention, il y a plusieurs façons de parler de l’autonomie alimentaire : nous ne souhaitons assurément pas la même que des industriels bretons pratiquant l’agriculture intensive qui demandent la suppression de normes environnementales et qui traitent les écologistes de « terroristes alimentaires »… De la même façon, le local n’est pas forcément bon : il peut être identitaire ou émancipateur.

Illustration : Le site utopies-concrètes propose une carte des alternatives et une carte du réseau des sites internet de collectifs et d’informations (attention, page longue à charger).

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