Peut-être vous souvenez-vous qu’au début de l’épidémie, nous étions nombreux·ses à nous lamenter sur le sort des pays africains. Le massacre n’allait-il pas être terrible, dans ces contrées dépourvues de système de santé efficace, et puis surtout d’États policiers aussi bien centralisés que ceux des pays du Nord ?
Force est de constater que ça n’a pas été le cas, bien qu’il soit difficile de comparer les chiffres car les systèmes de veille sanitaire nationaux ne sont pas équivalents. Actuellement, n’ont été recensés que 140.000 cas et 4.000 morts sur l’ensemble de ce continent d’1,3 milliards habitant·es.
Si l’on admet que les différences de comptage ne peuvent justifier à elles seules l’énorme écart de mortalité avec l’Europe ou les États-Unis (où le Covid aura fait 100.000 morts pour 300 millions d’habitant·es, soit plus d’un facteur 100 par rapport à l’Afrique), comment l’expliquer ?
Bien qu’il existe aujourd’hui de grandes mégalopoles sur le continent africain, avec de gigantesques bidonvilles, seul·es 40 % des Africain·es vivent en ville, contre 79 % des Français·es et 84 % des Brésilien·nes. Or, comme on a pu le constater au cours des derniers mois, la densité de population joue beaucoup sur la diffusion de l’épidémie…
De nombreux gouvernements africains ont par ailleurs, à l’instar du reste du monde, rendu le port du masque obligatoire, fermé les frontières et confiné tout ou partie de leur pays. Ce fut le cas en Afrique du Sud et à Dakar, la capitale du Sénégal. Le Ghana a quant à lui mis en place dès le mois d’avril un dépistage de masse et une application pour tracer les contacts des malades similaire à l’application StopCovid en France, application que nous avons déjà critiquée dans un hors-série de La Gazette.
Alors, les gouvernements africains seraient-ils plus compétents que les européens, si, avec les mêmes recettes, ils arrivent à de bien meilleurs résultats ? On peut en douter, notamment quand on sait qu’à la tête de Madagascar, le président Andry Rajoelina n’a rien à envier ni à Trump ni au professeur Raoult. Il promeut sans l’ombre d’une preuve scientifique l’efficacité de la tisane à l’Artemisia annua, au point de vouloir obliger chaque écolier malgache à en prendre, au grand dam de l’Académie de médecine du pays. Ironie de l’histoire, l’artémisinine, la molécule issue de l’Artemisia, est comme la chloroquine un traitement du paludisme.
Enfin, des explications plus triviales pourraient expliquer cette faible mortalité. D’une part, comme l’indique un récent compte rendu de l’Académie de médecine française, les climats chauds pourraient être relativement défavorables à la propagation du virus et d’autre part la population africaine est nettement plus jeune et moins touchée par l’obésité que les populations américaines et européennes. Néanmoins, l’exemple du Brésil, avec plus de 20.000 morts pour 208 millions d’habitant·es, pousse à penser que ces facteurs seuls ne suffisent pas à tout expliquer…
Aucun dispositif ne permet de ressentir la gifle vécue par un·e travailleur·euse qui décachette sa lettre de licenciement. Les statistiques du chômage, aussi impressionnantes soient-elles, euphémisent tout à fait la traduction concrète de cette « mort annoncée ». Une carte ne rend pas plus emphatique qu’un tableur de compta, mais elle représente mieux l’ampleur des dégâts. C’est là que la CGT info’com intervient.
L’ex-syndicat des typographes parisiens creuse un sillon qui lui vaut déjà d’être suivi par 130.000 internautes sur la page Facebook LuttesInvisibles. Sa revue de presse permanente se poursuit sur le site « Alerte licenciements », lancé le 25 mai. La page d’accueil affiche un compteur qui recense, au 5 juin, 21.674 destructions d’emplois effectives ou programmées depuis le 1er janvier.
Si certaines casses spectaculaires ont trouvé un écho dans les médias, comme chez La Halle (1.700 postes supprimés), Conforama (1.900), Michelin à La Roche-sur-Yon (619) et bien sûr Renault (4.600), bien d’autres défaillances d’entreprises aux conséquences non moins désastreuses pour leur région passent sous les radars.
Le distributeur de journaux Presstalis vous est peut-être plus familier ? Fondé au sortir de la Seconde Guerre mondiale sous le nom de Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), c’était un bastion du puissant Syndicat du Livre CGT. Le confinement correspond à une étape cruciale de son agonie, puisque Presstalis a déposé le bilan en avril avant d’être placé en redressement judiciaire le 15 mai. La liquidation des filières régionales entraîne la destruction de 500 emplois. La libéralisation du marché porte probablement un coup fatal à l’esprit de la loi Bichet, qui garantissait depuis 1947 une égalité de traitement entre les titres proposés dans les kiosques. Une garantie pour le pluralisme saute.
La carte de France menace de se remplir d’autant plus vite que les ordonnances Macron de 2017 facilitent le recours aux licenciements. Elles favorisent aussi le chantage puisque l’employeur peut négocier une baisse de salaires avec les syndicats en échange d’un engagement sur l’emploi. Ce qui conduit l’avocat en affaires sociales Rudy Ouakrat à citer la ministre du Travail espagnole Yolanda Diaz (IU, communiste), qui a interdit les licenciements résultant de la crise du Covid-19 au motif que « cette crise est une parenthèse ».
C’est loin d’être la première fois que les Afro-américains se révoltent aux États-Unis. Entre 1966 et 1973, le Black Panther Party (BPP) multiplie les actions. Ce mouvement non-mixte sans personnes blanches, d’inspiration marxiste-léniniste, publie en 1967 son programme en dix points qui fait toujours référence aujourd’hui.
« 7. Nous voulons un arrêt immédiat de la BRUTALITÉ POLICIÈRE et des MEURTRES de Noir·es. 10. Nous voulons des terres, du pain, des logements, l’éducation, des habits, la justice et la paix. »
Le cofondateur du BBP, Bobby Seale, affirme en 1966 l’importance de la lutte des classes :
« Dans notre perspective il s’agit d’une lutte des classes entre une classe ouvrière prolétarienne massive et la petite classe dominante, minoritaire. Les gens de la classe ouvrière de toutes les couleurs doivent s’unir contre la classe dominante oppressante et exploitante. Alors laissez-moi être à nouveau emphatique – nous croyons que notre lutte est une lutte de classes et non une lutte de races. »
Un article du Monde diplomatique datant de 1995 revient sur la répression extraordinaire mise en place contre les Panthères. En 1968, le célèbre directeur du FBI Edgar Hoover considère que le Black Panther Party est « la plus grande menace qui soit contre la sécurité interne du pays ». Cette déclaration fait suite à une note interne de 1967 appelant à « démasquer, briser, fourvoyer, discréditer, ou au moins neutraliser les activités des organisations nationalistes noires ». Les moyens déployés sont considérables : infiltrations, propagande publique, provocation de rivalités entre factions, etc.
Par ailleurs, la répression s’est poursuivie devant les tribunaux. Une erreur judiciaire, sur fond de témoignages par un indicateur du FBI, envoie Geronimo Pratt, un membre influent du Black Panther Party, en prison pendant 27 ans. L’abandon des charges est prononcé deux ans après sa libération. Un autre militant, jugé coupable pour le meurtre d’un policier, est encore en prison depuis son jugement en 1982.
Soyons certain·es que, aujourd’hui aussi, les programmes contre-insurrectionnels fonctionnent à plein régime.
Des rassemblements et manifestations en mémoire d’Adama Traoré, de George Floyd et de toutes les trop nombreuses autres victimes des crimes policiers ont eu lieu ces derniers jours. Au vu des nombreux comptes rendus publiés sur les sites du réseau Mutu, il y a eu des rassemblements à Paris, Limoges, Tours, Marseille, Dijon, Toulouse, Saint-Étienne, Nantes et Rouen. À l’heure où nous écrivons, d’autres sont prévus pendant le week-end des 6 et 7 juin, notamment à Nantes, Rennes, Marseille et Tours.
Les manifestations nord-américaines consécutives au meurtre de George Floyd par la police ont participé au refleurissement des actions en France, ainsi que dans de nombreux autres pays. Aux États-Unis, après le confinement, s’opposer ainsi au gouvernement, et avec succès, est vu par CrimethInc comme un moment d’élargissement des possibles dans l’imagination collective. Les auteur·ices appellent à partager les connaissances sur le comportement à adopter dans la rue dans ces manifs, à résister aux divisions – notamment dans le jugement des pillages -, et à accroître la solidarité.
Lundi matin propose une analyse à chaud des mouvements actuels aux États-Unis, commençant par un rapide historique du mouvement Black Lives Matter. Le journal en ligne observe que ce slogan rassembleur intervient plus en tant que mot d’ordre qu’en tant qu’organisation. Sur place, la colère se mêlerait à la joie, les émeutes étant aussi des fêtes, où l’on s’organise contre un racisme systémique, en se rappelant de ne pas tomber dans une lutte symétrique et armée avec l’État.
Lundi matin interroge aussi Robert Hurley qui a assuré la traduction de quelques livres de référence. Ce dernier propose de lire les soulèvements actuels comme ceux d’un vide, dans la mesure où le monde blanc et occidental s’est formé en réprimant et excluant une partie de la population.
« Dans ce cas précis, il s’agit des Noirs. Donc lorsque les Noirs « entrent en action », c’est ce vide même qui se révèle. Je crois que c’est pour cela que l’on considère la situation comme “révolutionnaire”. »
Cette ultime Gazette commence par l’espoir d’un soulèvement fertile contre l’oppression raciste qui se perpétue de chaque côté de l’Atlantique. Et si des semaines de confinement nous avaient plus uni·es que séparé·es ? Faisons ce pari, car d’âpres combats commencent, tant contre l’immense casse sociale facilitée par les ordonnances Macron que pour faire obstacle aux grands projets inutiles et imposés qui continuent de pousser. Sans parler de l’aide aux exilé·es, scandale européen majeur refoulé sur quelques îles grecques. Avant de nous séparer, tordons le coup à l’idée selon laquelle la nicotine protégerait du Covid-19 et arrêtons-nous sur l’inattendue résistance du continent africain face au virus.
Contre les meurtres de la police, révoltons-nous
Des rassemblements et manifestations en mémoire d’Adama Traoré, de George Floyd et de toutes les trop nombreuses autres victimes des crimes policiers ont eu lieu ces derniers jours. Au vu des nombreux comptes rendus publiés sur les sites du réseau Mutu, il y a eu des rassemblements à Paris, Limoges, Tours, Marseille, Dijon, Toulouse, Saint-Étienne, Nantes et Rouen. À l’heure où nous écrivons, d’autres sont prévus pendant le week-end des 6 et 7 juin, notamment à Nantes, Rennes, Marseille et Tours.
Les manifestations nord-américaines consécutives au meurtre de George Floyd par la police ont participé au refleurissement des actions en France, ainsi que dans de nombreux autres pays. Aux États-Unis, après le confinement, s’opposer ainsi au gouvernement, et avec succès, est vu par CrimethInc comme un moment d’élargissement des possibles dans l’imagination collective. Les auteur·ices appellent à partager les connaissances sur le comportement à adopter dans la rue dans ces manifs, à résister aux divisions – notamment dans le jugement des pillages -, et à accroître la solidarité.
Lundi matin propose une analyse à chaud des mouvements actuels aux États-Unis, commençant par un rapide historique du mouvement Black Lives Matter. Le journal en ligne observe que ce slogan rassembleur intervient plus en tant que mot d’ordre qu’en tant qu’organisation. Sur place, la colère se mêlerait à la joie, les émeutes étant aussi des fêtes, où l’on s’organise contre un racisme systémique, en se rappelant de ne pas tomber dans une lutte symétrique et armée avec l’État.
Lundi matin interroge aussi Robert Hurley qui a assuré la traduction de quelques livres de référence. Ce dernier propose de lire les soulèvements actuels comme ceux d’un vide, dans la mesure où le monde blanc et occidental s’est formé en réprimant et excluant une partie de la population.
« Dans ce cas précis, il s’agit des Noirs. Donc lorsque les Noirs « entrent en action », c’est ce vide même qui se révèle. Je crois que c’est pour cela que l’on considère la situation comme “révolutionnaire”. »
Bref retour historique sur le Black Panther Party et la répression qu’il a subi
C’est loin d’être la première fois que les Afro-américains se révoltent aux États-Unis. Entre 1966 et 1973, le Black Panther Party (BPP) multiplie les actions. Ce mouvement non-mixte sans personnes blanches, d’inspiration marxiste-léniniste, publie en 1967 son programme en dix points qui fait toujours référence aujourd’hui.
« 7. Nous voulons un arrêt immédiat de la BRUTALITÉ POLICIÈRE et des MEURTRES de Noir·es. 10. Nous voulons des terres, du pain, des logements, l’éducation, des habits, la justice et la paix. »
Le cofondateur du BBP, Bobby Seale, affirme en 1966 l’importance de la lutte des classes :
« Dans notre perspective il s’agit d’une lutte des classes entre une classe ouvrière prolétarienne massive et la petite classe dominante, minoritaire. Les gens de la classe ouvrière de toutes les couleurs doivent s’unir contre la classe dominante oppressante et exploitante. Alors laissez-moi être à nouveau emphatique – nous croyons que notre lutte est une lutte de classes et non une lutte de races. »
Un article du Monde diplomatique datant de 1995 revient sur la répression extraordinaire mise en place contre les Panthères. En 1968, le célèbre directeur du FBI Edgar Hoover considère que le Black Panther Party est « la plus grande menace qui soit contre la sécurité interne du pays ». Cette déclaration fait suite à une note interne de 1967 appelant à « démasquer, briser, fourvoyer, discréditer, ou au moins neutraliser les activités des organisations nationalistes noires ». Les moyens déployés sont considérables : infiltrations, propagande publique, provocation de rivalités entre factions, etc.
Par ailleurs, la répression s’est poursuivie devant les tribunaux. Une erreur judiciaire, sur fond de témoignages par un indicateur du FBI, envoie Geronimo Pratt, un membre influent du Black Panther Party, en prison pendant 27 ans. L’abandon des charges est prononcé deux ans après sa libération. Un autre militant, jugé coupable pour le meurtre d’un policier, est encore en prison depuis son jugement en 1982.
Soyons certain·es que, aujourd’hui aussi, les programmes contre-insurrectionnels fonctionnent à plein régime.
Cartographier les licenciements ou le nouveau travail de Sisyphe
Aucun dispositif ne permet de ressentir la gifle vécue par un·e travailleur·euse qui décachette sa lettre de licenciement. Les statistiques du chômage, aussi impressionnantes soient-elles, euphémisent tout à fait la traduction concrète de cette « mort annoncée ». Une carte ne rend pas plus emphatique qu’un tableur de compta, mais elle représente mieux l’ampleur des dégâts. C’est là que la CGT info’com intervient.
L’ex-syndicat des typographes parisiens creuse un sillon qui lui vaut déjà d’être suivi par 130.000 internautes sur la page Facebook LuttesInvisibles. Sa revue de presse permanente se poursuit sur le site « Alerte licenciements », lancé le 25 mai. La page d’accueil affiche un compteur qui recense, au 5 juin, 21.674 destructions d’emplois effectives ou programmées depuis le 1er janvier.
Si certaines casses spectaculaires ont trouvé un écho dans les médias, comme chez La Halle (1.700 postes supprimés), Conforama (1.900), Michelin à La Roche-sur-Yon (619) et bien sûr Renault (4.600), bien d’autres défaillances d’entreprises aux conséquences non moins désastreuses pour leur région passent sous les radars.
Le distributeur de journaux Presstalis vous est peut-être plus familier ? Fondé au sortir de la Seconde Guerre mondiale sous le nom de Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), c’était un bastion du puissant Syndicat du Livre CGT. Le confinement correspond à une étape cruciale de son agonie, puisque Presstalis a déposé le bilan en avril avant d’être placé en redressement judiciaire le 15 mai. La liquidation des filières régionales entraîne la destruction de 500 emplois. La libéralisation du marché porte probablement un coup fatal à l’esprit de la loi Bichet, qui garantissait depuis 1947 une égalité de traitement entre les titres proposés dans les kiosques. Une garantie pour le pluralisme saute.
La carte de France menace de se remplir d’autant plus vite que les ordonnances Macron de 2017 facilitent le recours aux licenciements. Elles favorisent aussi le chantage puisque l’employeur peut négocier une baisse de salaires avec les syndicats en échange d’un engagement sur l’emploi. Ce qui conduit l’avocat en affaires sociales Rudy Ouakrat à citer la ministre du Travail espagnole Yolanda Diaz (IU, communiste), qui a interdit les licenciements résultant de la crise du Covid-19 au motif que « cette crise est une parenthèse ».
Le Covid a, relativement, épargné l’Afrique : quelques hypothèses pour l’expliquer
Peut-être vous souvenez-vous qu’au début de l’épidémie, nous étions nombreux·ses à nous lamenter sur le sort des pays africains. Le massacre n’allait-il pas être terrible, dans ces contrées dépourvues de système de santé efficace, et puis surtout d’États policiers aussi bien centralisés que ceux des pays du Nord ?
Force est de constater que ça n’a pas été le cas, bien qu’il soit difficile de comparer les chiffres car les systèmes de veille sanitaire nationaux ne sont pas équivalents. Actuellement, n’ont été recensés que 140.000 cas et 4.000 morts sur l’ensemble de ce continent d’1,3 milliards habitant·es.
Si l’on admet que les différences de comptage ne peuvent justifier à elles seules l’énorme écart de mortalité avec l’Europe ou les États-Unis (où le Covid aura fait 100.000 morts pour 300 millions d’habitant·es, soit plus d’un facteur 100 par rapport à l’Afrique), comment l’expliquer ?
Bien qu’il existe aujourd’hui de grandes mégalopoles sur le continent africain, avec de gigantesques bidonvilles, seul·es 40 % des Africain·es vivent en ville, contre 79 % des Français·es et 84 % des Brésilien·nes. Or, comme on a pu le constater au cours des derniers mois, la densité de population joue beaucoup sur la diffusion de l’épidémie…
De nombreux gouvernements africains ont par ailleurs, à l’instar du reste du monde, rendu le port du masque obligatoire, fermé les frontières et confiné tout ou partie de leur pays. Ce fut le cas en Afrique du Sud et à Dakar, la capitale du Sénégal. Le Ghana a quant à lui mis en place dès le mois d’avril un dépistage de masse et une application pour tracer les contacts des malades similaire à l’application StopCovid en France, application que nous avons déjà critiquée dans un hors-série de La Gazette.
Alors, les gouvernements africains seraient-ils plus compétents que les européens, si, avec les mêmes recettes, ils arrivent à de bien meilleurs résultats ? On peut en douter, notamment quand on sait qu’à la tête de Madagascar, le président Andry Rajoelina n’a rien à envier ni à Trump ni au professeur Raoult. Il promeut sans l’ombre d’une preuve scientifique l’efficacité de la tisane à l’Artemisia annua, au point de vouloir obliger chaque écolier malgache à en prendre, au grand dam de l’Académie de médecine du pays. Ironie de l’histoire, l’artémisinine, la molécule issue de l’Artemisia, est comme la chloroquine un traitement du paludisme.
Enfin, des explications plus triviales pourraient expliquer cette faible mortalité. D’une part, comme l’indique un récent compte rendu de l’Académie de médecine française, les climats chauds pourraient être relativement défavorables à la propagation du virus et d’autre part la population africaine est nettement plus jeune et moins touchée par l’obésité que les populations américaines et européennes. Néanmoins, l’exemple du Brésil, avec plus de 20.000 morts pour 208 millions d’habitant·es, pousse à penser que ces facteurs seuls ne suffisent pas à tout expliquer…
À Lesbos, l’accès et l’eau et à la nourriture est plus urgent que le déconfinement
Le confinement a par ailleurs accentué le contrôle des déplacements des migrant·es et stoppé l’activité des bateaux qui se portent à leur secours sur la Méditerranée. Début mai, l’un de ces bateaux a pu reprendre la mer mais les migrant·es qu’il a secouru·es n’ont pas pu être débarqué·es en Italie. D’autres bateaux italiens ont été saisis par la police pour des révisions techniques qui semblent infondées.
Il ne semble pas y avoir actuellement de cas avéré de Covid-19 dans le camp de Moria. Le gouvernement a par ailleurs commencé récemment à transférer des personnes hors de Lesbos (un peu moins de 400 début mai). Mais tout cela est loin d’être suffisant pour améliorer la situation.
« Le problème, ce n’est pas le Coronavirus, le problème c’est Moria », titrait Sabrina Lesage.
Bastamag à travers un article et Arte dans un court reportage, soulignent la situation particulièrement précaire des femmes dans le camp de Moria. Elles souffrent d’autant plus du manque de médecins, d’hygiène, de sécurité. Elles sont plus vulnérables face aux agressions et appeler la police, comme ailleurs, ne sert à rien.
Une décision « inédite » du Conseil constitutionnel profite à Total au risque de fragiliser davantage le Parlement
Faire reconnaître par les « Sages de la rue de Montpensier » que les conditions d’autorisation de la centrale au gaz de Landivisiau contrevenaient à la loi fondamentale ne suffit pas à faire échec à sa construction par Total-Direct énergie. « La raison du plus fort est toujours la meilleure », récite le Conseil constitutionnel, qui en vient à faire douter certains juristes du respect de la démocratie.
Cet article contesté porte sur les critères dont tient compte l’autorité administrative pour autoriser l’exploitation d’une installation de production d’électricité. Or, il ne prévoit aucun dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, alors même qu’il est évident qu’une telle centrale a une incidence sur l’environnement. « Le législateur a méconnu, [avant le 5 août 2013], les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement », admet le Conseil.
Victoire des opposant·es à la centrale ? Non, car un nouvel article de loi a réparé cette lacune. Bien que « les dispositions […] doivent être déclarées contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013 et conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013 […] la remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 […] aurait des conséquences manifestement excessives ». Sachant que l’autorisation de la centrale date du 10 janvier 2013 ! Vous suivez ?
Pour un subtil jeu de dates, le Conseil permet la poursuite des travaux, par ailleurs très avancés. « Ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité », conclut-il.
Les écolos nord-finistériens peuvent se sentir marris. L’association S-Eau-S ironise à propos du président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, rappelant qu’en 2015 « il frappait de son marteau l’adoption de la résolution de la Cop21 à Paris, qui engageait la France sur la voie de la réduction de son émission de gaz à effet de serre ».
« Que l’on ne s’y trompe pas, c’est peut-être une révolution, au sens propre du terme, qui s’est produite rue de Montpensier, et que le Conseil constitutionnel semble avoir assumée, écrit Julien Padovani sur son blog Droit administratifs. Partant, c’est l’ensemble du régime juridique des ordonnances qui semble être reconfiguré. »
Au détour d’une QPC, c’est rien de moins que le rôle du Parlement et l’équilibre des pouvoirs qui semblent redéfinis. « En attribuant valeur législative à l’ordonnance non ratifiée après délai d’habilitation, le Conseil constitutionnel semble pourtant procéder, au mieux à une ratification implicite, mais contra legem, au pire à une mise à l’écart du processus de ratification, contre l’esprit de la Constitution », poursuit le docteur en droit public.
Ce que Cécile Duflot traduit dans un fil Twitter par « ok ça a pas été ratifié dans les délais mais c’est la loi quand même. » L’ancienne ministre et députée Europe écologie Les Verts, visiblement en colère, estime que « ça dépossède totalement le Parlement de son pouvoir, ça dit le contraire de la Constitution et ça prive aussi les citoyens de leur capacité de contester directement des ordonnances obsolètes ». Une interprétation nuancée par le docteur en droit Arnaud Gossement, qui s’exprime lui aussi en 240 caractères.
Ce débat ultra-technique né d’un combat anti-centrale sur les rives de l’Elorn est quoi qu’il en soit d’une actualité brûlante. Car comment le gouvernement fait adopter ses lois à la chaîne en cette période d’état d’urgence sanitaire, si ce n’est justement par ordonnances ?
Il n’y a aucune preuve que la nicotine protège du Covid-19
Certains médias se sont fait l’écho d’un article d’une équipe de la Pitié-Salpêtrière publié le 24 avril par la prestigieuse Académie des sciences. On y lit que « la nicotine pourrait être suggérée comme potentiel agent préventif contre l’infection du Covid-19 » et cette phrase est justifiée par l’observation que les fumeur·ses étaient sous-représenté·es parmi les patient·es atteint·es de Covid-19.
Mais les médias n’ont pas pris les mêmes précautions de langage que l’article original, comme le relève Acrimed. La palme revient à France Inter qui titre le 22 avril, « La nicotine, une arme contre le Covid ? »
Depuis, l’information s’est diffusée et il est probable que beaucoup moins de gens n’aient été confronté·es aux développements de cette controverse scientifique. Faisons un bref état des lieux des informations publiées sur le sujet depuis le 24 avril 2020.
Le 11 mai, l’OMS publie une note qui affirme, sans citer aucune source, que « les fumeur·ses risquent davantage de contracter une forme sévère de la Covid-19 que les non-fumeur·ses ».
Alors comment savoir qui a raison ? Tout cela illustre bien que les mécanismes de la recherche scientifique ne sont pas évidents à comprendre. Dans des domaines comme la médecine, différents articles ont régulièrement des résultats contradictoires et cela n’implique pas que l’un ou l’autre de ces articles soit faux. C’est seulement quand il semble y avoir une nette tendance dans un sens que l’on peut réellement conclure. Il existe d’ailleurs alors des outils statistiques pour établir si les tendances observées dans tous ces articles forment bien significativement une tendance majoritaire.
La recherche se construit sur le temps long contrairement aux actualités qui périment extrêmement vite. D’où un cocktail parfois explosif quand des articles de presse reprennent des articles scientifiques récents : on a pu le voir pour l’hydroxychloroquine à multiples reprises, on le voit ici pour la nicotine.
De plus, dans ce cadre, il est compliqué de conclure définitivement tant les facteurs de risques potentiels sont imbriqués les uns dans les autres : tabac, hypertension, diabète, etc. Il est extrêmement complexe de passer d’une corrélation statistique à un effet de causalité comme le rappelle ce très complet article de The Conversation sur les liens entre Nicotine et Covid-19. Par ailleurs, le simple fait que les patient·es qui meurent du Covid sont en moyenne plus âgé·es, et que la cigarette raccourcit la durée de vie, peut entraîner certains biais statistiques.
Nos portes sont maintenant grandes ouvertes et le rideau sur l’écran peut tomber.
Après 17 numéros, notre Gazette s’arrête pour une durée indéterminée (des fois qu’on se re-retrouve confiné·es). Nous espérons avoir défriché quelques questions d’actualité, mené vers d’autres lectures et pourquoi pas donné l’envie d’écrire vous aussi pour documenter l’époque et nos sensations, jour après jour, dans cette période si imprévisible.
Vous nous lirez probablement sous d’autres formats grâce aux modos du réseau Mutu (du moins si on ne les a pas trop fatigué·es). Merci à elleux, qui permettent à ces sites d’information anticapitalistes d’exister. Merci aux photographes, dessinatrices et dessinateurs qui ont accepté de céder gracieusement leurs illustrations pour la cause, avec chaque fois une grande célérité. Merci à vous qui avez pris le temps de nous écrire, notre boîte reste d’ailleurs ouverte (gazette.des.confine.es[@]protonmail.com). Bye bye !
Une proposition de loi du 19 mai suggère un petit changement dans le code de l’éducation. Un changement minime, puisque cette proposition de loi est constituée d’un unique article, de deux lignes.
« Au deuxième alinéa de l’article L 131 ?2 du code de l’éducation, après le mot : “est”, il est inséré le mot : “obligatoirement”. »
Mais qu’est-ce que ce deuxième alinéa de l’article L 131-2 ? C’est celui qui dit, avec l’ajout de ce petit mot : « Dans le cadre du service public de l’enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance est obligatoirement organisé pour, notamment : […] ».
Avec un obligatoirement en plus, il s’agit donc de systématiser l’usage du numérique dans l’enseignement à distance, de l’école à l’université. La proposition de loi émane de la députée LR Frédérique Meunier. Elle met en avant quelques avantages qui justifieraient cet enseignement distanciel obligatoire. Par exemple, si des élèves sont malades, ou se retrouvent bloqué·es dans les transports en commun, si l’instruction se fait à la maison ou encore si les parents ne peuvent payer à leur enfants un logement proche de leur fac, etc.
Ces justifications soulèvent de nombreux problèmes et semblent surtout symptomatiques d’une façon de considérer les apprentissages. Si l’éducation nationale appelle à une différenciation des apprentissages afin de s’adapter aux besoins et niveaux hétérogènes des élèves en classe, c’est ici une individualisation forte qui apparaît. L’idéologie méritocratique fait des dégâts chez certain·es profs qui mettent en avant l’avantage de l’enseignement à distance pour certain·es élèves qui ne seraient alors pas ralenti·es par la classe (comme par exemple dans des commentaires de ce débat sur le site Néoprofs).
D’autant plus qu’il a déjà été bien signalé que l’accès à internet est très hétérogène entre élèves, et dépend notamment de la situation sociale. Une enquête menée par des chercheurs et des chercheuses d’Aix-Marseille Université pendant le confinement confirme ces inégalités, sur un ensemble de 6.000 réponses, et décrit aussi celles entre profs. Inégalités entre les profs qui connaissent bien les arcanes d’internet et de l’informatique et celleux qui ont dû utiliser l’ordinateur d’un·e conjoint·e pour travailler. Ou inégalités entre celleux qui ont du mal avec les PDF et celleux qui sont à l’aise avec divers formats numériques et sont mis en avant, comme Cyril et Nicolas, cités par Stanislas Dehaene ou interrogés par le Café pédagogique…
On peut se poser aussi la question du droit à la déconnexion dont l’étendue actuelle est expliquée dans cette fiche. D’abord pour les profs, dont on imagine qu’iels devraient alors obligatoirement faire cours dans la journée et assurer l’enseignement numérique à distance en dehors de leur cours. Mais aussi pour les élèves, qui devraient suivre les cours même malades ou bloqué·es dans les transports en commun. Dans quelle mesure cette obligation d’enseignement à distance empiétera-t-elle sur des moments qui ne devraient pas être travaillés ? Sur la vie de la famille des élèves absent·es pour lesquel·les les parents devront aussi probablement assurer le suivi de l’enseignement à distance ?
Cette proposition de loi pourrait être un essai pour ensuite accentuer la part du numérique et du distanciel dans l’enseignement. Il semblerait en tout cas que l’institution souhaite se donner des moyens d’évaluer l’apport du numérique… en profitant des évaluations communes nationales de CP, CE1, sixième et seconde, à la rentrée 2020. Ces évaluations avaient été critiquées lors de leur mise en place par exemple par le Snes ou par Sud éducation. Ces syndicats relevaient notamment que les tests avaient été imposés d’en haut, qu’ils ne prenaient en compte qu’un point de vue quantitatif et qu’ils avaient pour ambition de comprendre comment améliorer la réussite des élèves alors qu’aucune mesure concrète n’était prévue ensuite…
Le Conseil scientifique de l’Éducation nationale propose d’utiliser ces évaluations (pdf, p16) pour savoir dans quelle mesure le confinement a eu un effet sur l’acquisition des savoirs par les élèves, ce qui « permettrait d’évaluer rétrospectivement l’efficacité des outils et des efforts déployés ».
Malgré un travail aux sources scientifiques multiples et indiquées, ces Recommandations pédagogiques pour accompagner le confinement et sa sortie manquent ici un point essentiel de la démarche scientifique : la prise en compte des facteurs confondants. Évaluer l’impact du confinement sur la scolarité ne permettra pas nécessairement d’en conclure sur l’efficacité des outils numériques puisque de nombreux autres facteurs entrent en jeu (accès à internet, apprentissages collectifs vs. individuels, impact psychologique du confinement, etc.), que le Conseil scientifique de l’Éducation nationale ne mentionne pas.
Notons aussi que ce même Conseil scientifique se fend d’un magnifique « ce n’est pas l’outil écran qui est problématique, son caractère bénéfique ou problématique dépend intégralement du contenu pédagogique et de l’usage qui en est fait ». Or, si, les outils peuvent être problématiques : on vous avait à ce propos déjà parlés d’Ivan Illich et de son approche de l’outil. Pour lui, lorsqu’un outil, passé un certain seuil, ne vise plus que son auto-reproduction, il devient destructeur. Où en est-on en ce qui concerne le numérique éducatif, soutenu par un ensemble d’acteurs autres qu’éducatifs (voir d’ailleurs notre autre papier à ce sujet), pour lesquels le développement et la reproduction de ces outils sont source de capitalisation financière, quel que soit leur usage ?
Pas facile d’être au lycée sous Macron ! Pour la troisième année consécutive, la plateforme Parcoursup va stresser de nombreux·ses lycéen·nes pendant de longs mois le temps qu’elle fasse son sale boulot d’orientation.
Le 19 mai, les premiers résultats sont tombés et il faudra attendre un peu avant que des études statistiques précises soient publiées même si le Groupe Jean-Pierre Vernant a déjà commencé. Il estime via les données parcellaires fournies par le ministère que seulement 54 % des bachelièr·es ont reçu une offre et que seulement 13 % ont obtenu leur premier choix.
Dans la droite ligne des réformes récentes, on annule les épreuves écrites du bac qu’on souhaitait de toute manière remplacer autant que possible par le contrôle continu et on poursuit le tri social !
Un article publié en 2019 par Lundi matin analysait bien les enjeux de Parcoursup. Une des conséquences les plus évidentes étant d’autoriser la sélection pour compenser l’augmentation démographique sans créer de nouvelles universités. On peut cependant noter d’autres avantages que tire le gouvernement de Parcoursup : l’effet d’angoisse généré par la « mise en attente » fait accepter avec soulagement une formation pour laquelle le ou la candidat·e n’a ni affinité ni appétence. D’autre part, l’algorithme dépossède les jeunes adultes de leur autonomie et simultanément les rend responsables de leur position sociale.
En continuant à utiliser Parcoursup après les échecs des années précédentes [3], le gouvernement se rend directement responsable de souffrances psychologiques de masse : ainsi du 25 mai au 15 juillet, les candidat·es ne recevant toujours pas de propositions auront un délai d’uniquement trois jours pour répondre à toute nouvelle proposition qui peut arriver à tout moment. Si vous voulez avoir un peu de temps pour réfléchir à votre avenir et vous déconnecter d’internet pendant l’été, Parcoursup est votre ennemi. Un article payant du Monde corrobore ces souffrances : sentiment d’impuissance, angoisse, poids cognitif et affectif…
Et cette année, en plus de Parcoursup, le baccalauréat et le confinement ont déjà stressé les lycéen·nes. Ainsi les élèves de première viennent tout juste d’apprendre que l’oral du bac de français est annulé, après un long moment de stress. De même que pour les autres épreuves, la notation sera celle du contrôle continu sur les deux premiers trimestres. Si vous espériez vous rattraper lors des exams finaux ou lors du 3e trimestre, le ministère de l’Éducation nationale n’en a rien à faire. Ou bien si, il annonce dans sa grande mansuétude que les rattrapages seront maintenus…
strong>Des travaux de recherche divers ont été menés sur le Covid-19 et sa propagation depuis le début de l’épidémie, avec des outils de modélisation mathématique notamment.
Un article (en anglais) publié au tout début du confinement indique que pour éviter l’embolisation des services de réanimation, il faudrait recourir à des confinements itératifs, plus ou moins drastiques, pendant de nombreuses années, alors qu’une deuxième vague, puis une troisième, une quatrième, etc. de la maladie s’enchaîneraient…
Un article plus récent, issu du travail d’un groupe de recherche en France, liste de son côté plusieurs conditions à remplir pour contrôler l’épidémie, comme ne pas doubler les contacts infectieux après le 11 mai.
Parmi les inconnues des modèles actuels figure un chiffre clef : quel pourcentage de la population a déjà eu le Covid, et est-elle désormais immunisée ? Ou même, serait-il possible que des exposition à d’autres virus proches par le passé aient permis à des individu·es de développer des anticorps actifs contre le virus du Covid-19 (ce qu’on nomme l’immunité croisée) ? C’est en effet ce que suggèrent des études récentes, encore non relues et évaluées par les pairs, l’une conduite en Allemagne et l’autre aux États-Unis (les deux études sont en anglais, sous forme d’article scientifique). Notons bien que dans ces deux études, les auteur·ices avertissent qu’iels ont pris en compte peu de sujets (86 dans la première et 40 dans la seconde).
La baisse du nombre de morts et de patient·es en réanimation, même après la fin du confinement, semblerait pour le moment donner raison aux perspectives optimistes (comme celle de l’immunité croisée) ; néanmoins, il ne faut pas oublier que si nous sommes plus libres de nos mouvements, la plupart des activités réunissant du monde (manifs, universités, bars, etc.) ne reprendront pas avant le 2 ou le 22 juin, et nous appliquons encore des mesures de précaution, ce qui limite la propagation de l’épidémie. Nul·le ne peut prédire ce qui se passera quand les mesures du post-confinement se relâcheront et il est encore un peu tôt pour connaître précisément les effets du déconfinement sur la propagation du Covid-19, notamment à cause du décalage temporel entre la contamination et l’admission en réanimation des cas graves.
Par ailleurs, comme le souligne une récente synthèse de l’Académie de médecine, la diffusion du virus semble notablement diminuée par la hausse des températures (ce qui expliquerait notamment pourquoi l’Afrique est peu impactée jusqu’à maintenant), faisant craindre un rebond de la pandémie, non pendant l’été, mais au cours de l’automne ou de l’hiver…
D’autre part, certain·es commencent à s’interroger : avons-nous vécu une première vague ou une deuxième vague depuis mars ? En Italie, la secrétaire générale de la fédération des médecins généralistes de Lombardie remarquait que, dans la région de Bergame, on avait constaté un taux élevé de pneumonies et bronchites inexpliquées, dont certains cas mortels vers octobre 2019. Octobre 2019 soit plusieurs mois avant l’arrivée « officielle » de la pandémie en Europe en février 2020. On ne saura jamais s’il s’agissait des premiers cas européens, le diagnostic de pneumonie au Covid-19 ne pouvant se faire que sur une PCR (qui n’était pas disponible à l’époque, puisqu’on ne connaissait pas encore l’existence du virus) ou sur un scanner (qui en pratique n’est que rarement réalisé pour une pneumonie classique, une simple radiographie de thorax étant suffisante, plus rapide et moins coûteuse).
Les doutes subsistent donc en de nombreux endroits. Comme pourraient le dire des chercheur·ses, ici, il nous faut plus de travaux afin d’étayer les différentes hypothèses. De notre côté, dans le doute, sortons masqué·es.
*Ce groupe de recherche a fait l’effort de publier des rapports sur son travail en français, avec une visée didactique en ce qui concerne le fonctionnement des modèles mathématiques épidémiologiques : voir la rubrique « Notes » de son site internet entre autres.
Les articles scientifiques qui arrangent le pouvoir ne tardent jamais à se retrouver placardés dans la presse mainstream. Le dernier en date est un article de statistiques (en anglais) supposé prouver que les municipales n’ont pas eu d’impact sur la diffusion du Covid, à partir des chiffres de participation. Le Monde, Le Parisien, RTL, 20 minutes, l’Express et biens d’autres y ont consacré un article.
Mais comment les auteurs de cette article arrivent-ils à cette conclusion ? Ils remarquent statistiquement que, parmi les départements les plus atteints, ceux dans lesquels la participation a été haute n’auraient pas eu plus d’hospitalisations après l’élection que les autres départements.
Mais, outre le fait qu’il soit assez hasardeux de comparer des données venant d’hôpitaux différents alors qu’au début de la crise du Covid-19 chaque établissement faisait un peu « à sa sauce », hospitalisant ou non les malades selon le nombre de lits disponibles ou des critères de gravité non standardisés, il ne faut pas oublier que la participation aux municipales est liée à des paramètres qui influencent eux-même la propagation de l’infection.
Ainsi, dans les quartiers les plus pauvres, moins de personnes se déplacent pour aller voter, et c’est aussi dans ces quartiers que le virus a fait le plus de dégâts car d’une part les personnes continuaient à aller travailler, et d’autre part la prévalence de l’obésité et des maladies métaboliques (diabète, etc.) y est plus forte. De quoi effacer une éventuelle corrélation entre diffusion du virus et élection.
Enfin, l’article note tout de même que l’abstention a bondi de 18,8 points entre 2014 et 2020… sans se demander un instant ce qui se serait passé si les bureaux de vote avaient été aussi remplis que d’habitude, ni si le résultat des élections pourrait s’en trouver substantiellement modifié.
La science n’est pas toujours impartiale, et ne répond qu’aux questions qu’elle veut bien se poser…
Le gouvernement donne un chèque de 50 € par vélo utilisable pour acheter des pièces indispensables du vélo et/ou payer un·e réparateur·ice de vélo pour la main d’œuvre. La Gazette a testé comment ça marche et vous conseille d’en profiter pour financer les ateliers vélo d’auto-réparation locaux ! Vous aurez malheureusement besoin d’un téléphone portable et d’une pièce d’identité car on n’arrête pas le flicage…
Première étape : se préinscrire sur le site de coup de pouce Vélo. Un numéro de téléphone est indispensable et vous devez donner à ce moment votre identité.
Deuxième étape : prenez rendez-vous avec votre atelier de réparation solidaire favori. On peut consulter le site de L’Heureux cyclage qui propose une superbe carte des ateliers participatifs et solidaires. Demandez en passant si vous pouvez utiliser le coup de pouce vélo à cet atelier.
Troisième étape : allez à votre rendez-vous et réparez votre vélo avec l’aide des personnes présentes. Développez en passant votre « vélonomie » c’est-à-dire votre autonomie dans l’entretien et la réparation de votre vélo.
Quatrième étape : pour payer l’adhésion (si vous n’êtes pas déjà adhérent·e), les pièces et la main-d’oeuvre, utilisez votre chèque en donnant le numéro de dossier à l’atelier. Iels prendront en photo votre vélo pour assurer que vous n’utilisez pas deux chèques pour le même vélo à deux endroits différents et noteront votre nom. Vous recevrez alors par SMS un code de confirmation que vous devez donner à la personne gérant l’atelier et c’est ensuite fini !
Notons le problème suivant : vous ne pouvez utiliser votre chèque qu’en une fois et seulement jusqu’à décembre : cela n’est pas très pratique si vous voulez faire plusieurs petites réparations ou acheter des pièces à un endroit différent de là où vous voulez réparer votre vélo. Et sachez que vous ne pourrez pas utiliser votre chèque pour acheter des casques, gilets, lumières amovibles ou antivols.
Parmi la flopée de tribunes sur le « monde d’après » qui remplissent les pages opinion des journaux, l’une d’elles n’était pas prévue au programme. Près de 500 journalistes se lèvent contre l’omerta qui règne sur les questions agroalimentaires en Bretagne. Adressée au président de région, elle pointe en creux les trusts qui asservissent les agriculteurs, le rôle d’auxiliaire de police assumé par le FNSEA mais aussi les chefferies qui plient devant l’adversité.
« Pour le respect de la liberté d’informer sur l’agroalimentaire », tel est le titre de la lettre ouverte publiée lundi 25 mai par Mediapart. Le président PS du conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, et ses vice-présidents chargés de la culture, de l’agriculture et de les langues de Bretagne sont destinataires de ce courrier cosigné au 30 mai par 450 journalistes.
La démarche est rare dans cette profession fragmentée, d’autant plus qu’elle associe des plumes de médias locaux et nationaux. A de rares exceptions près, les noms connus du grand public s’abstiennent de tout soutien, tandis que nombre de pigistes prennent le risque de se griller auprès des employeurs.
L’initiative revient d’ailleurs à de jeunes journalistes de Bretagne, déjà confronté·es au mur dressé par les industriels et parfois même à des intimidations. C’est la révélation d’une série de pressions subies par l’autrice de la bande dessinée « Algues vertes : l’histoire interdite » qui a servi d’étincelle.
Ses 46.000 exemplaires écoulés la placent en position confortable pour apporter la contradiction aux tenants du « modèle agricole breton ». A condition ne pouvoir s’exprimer ! Ainsi, le Salon du livre de Quintin l’a rayée de sa liste d’invités. Sa présidente était candidate aux municipales en compagnie de Jean-Paul Hamon, salarié de la chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor (FDSEA) et du fils du « député des cochons » (LR) Marc Le Fur. Une pure coïncidence épinglée par Le Canard enchaîné.
Le chef de l’exécutif et ses vice-présidents se défendent de toute intervention directe, ce qui est d’ailleurs fort probable tant la longueur de la laisse semble intériorisée par les acteurs qui dépendent de subventions publiques. Cette ultime preuve d’auto-censure n’en déclenche pas moins l’initiative des journalistes, soutenue par les trois premiers syndicats de la profession ainsi que plusieurs clubs de la presse dont celui de Bretagne.
Il est trop tôt pour qualifier cette affaire de tournant, mais incontestablement les langues se délient. Des journalistes de France 3, Ouest-France et Le Télégramme conviennent publiquement « qu’il est difficile d’informer correctement sur l’agroalimentaire », que « des articles sont censurés et des sujets pas abordés de peur de fâcher les annonceurs ». Mais censurés par qui, si ce ne sont les hiérarchies ?
Si la région peut facilement répondre aux demandes plutôt sages qui lui sont formulées – ce à quoi elle s’emploie d’ailleurs en gardant probablement un œil sur le calendrier électoral -, le plus dur reste à venir : dévoiler les dessous d’un système qui exploite la terre et les travailleur·ses. Mettre à nu ses circuits de financement, ses réseaux politiques et ses arrangements avec le droit du travail.
Fervente porte-étendard du productivisme depuis l’après-guerre, la FNSEA n’a pas l’intention de rendre les armes. Fière d’avoir installé dans le débat l’idée que les journalistes se livreraient à un « agribashing », elle a obtenu du gouvernement la création d’observatoires départementaux pilotés par les préfets et même la création d’une cellule de gendarmerie nommée Demeter chargée de la surveillance des « menaces émanant de groupuscules hostiles à certains secteurs d’activité agricole ». Celle-ci amalgame explicitement les actions d’associations antispécistes comme L214 ou DxE aux vols d’engins, dans une pure logique de criminalisation du militantisme.
Pas question de laisser filmer impunément des cochons cannibales, des fois que les images du JT coupent la faim à quelques consommateur·ices devant leur plateau de charcuterie ! Et tant pis si cela répond au droit d’être informé des citoyen·nes !
La liste des pays dirigés par un chef d’extrême droite s’allonge : Brésil, États-Unis, Hongrie, Inde, Russie, Israël, Pologne, Turquie… Mais on ne peut se contenter de regarder ces victoires électorales pour visualiser l’avancée de l’extrême droite. Face à une remise en question du régime politique actuellement dominant, le néolibéralisme*, c’est tout le bloc bourgeois dominant qui se rapproche de positions extrémistes sur l’immigration, la sécurité, etc.
Pendant la crise du Covid-19, l’extrême droite institutionnelle et médiatique s’est rangée unanimement derrière le populisme d’Eric Raoult, chantre de l’hydroxychloroquine ; Valeurs actuelles y a consacré une cinquantaine d’articles, Gilbert Collard a eu plus de 500.000 vues dans une vidéo complotiste à ce sujet et Marine Le Pen a défendu également ce médicament.
Pourtant, il est tout à fait possible que cette défense d’Eric Raoult ne soit pas retenue contre l’extrême droite : elle est loin d’être la seule à l’avoir fait et elle a suivi un large mouvement populaire extrêmement présent sur les réseaux sociaux, comme l’affirme une enquête de France Info. Mais est-ce que l’extrême droite s’est rangée derrière l’hydroxychloroquine par opportunisme politique ou a-t-elle suffisamment d’influence sur les réseaux sociaux pour avoir contribué à l’essor de ce mouvement ?
Car l’influence culturelle de l’extrême droite se ressent sur la toile : elle compte de nombreux médias assez consultés même s’il est difficile de se fier aux statistiques d’audience sur internet tant elles peuvent être manipulées. L’ouverture d’un nouveau média d’extrême droite comme celui d’Onfray, évolution logique de sa trajectoire de radicalisation, fait la une de nombreux journaux…
Mais l’extrême droite n’est pas seulement médiatique ou politique, elle s’appuie sur des militant·es de terrain organisé·es en groupes fascistes extrêmement dangereux. Récemment, on peut parler de l’attaque de radio associative près de Saint-Étienne et d’un local associatif à Montpellier.
Si en France les derniers meurtres commis par l’extrême droite remontent à plusieurs années (Clément Méric en 2013 et Hervé Rybarczyk en 2011), de l’autre côté du Rhin, une recrudescence inquiétante des agressions, attentats et assassinats (avec préméditation) commis par des néo-nazis contre des personnes d’origine extra-européenne ou des élu·es favorables aux migrant·es, a défrayé l’actualité ces derniers mois.
De nombreux groupes antifascistes font un travail de fond remarquable pour identifier ces militant·es, trouver leurs lieux de rassemblements, les liens qu’iels ont entre elleux. Un exemple : un groupe antifasciste lyonnais vient de publier une enquête détaillée sur le nouveau local fasciste à Lyon, Terra Nostra, qui s’est ouvert sur les cendres du Bastion social, organisation fasciste interdite par l’État en 2019.