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Marée humaine à Guingamp pour défendre le breton

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Le battement d’ailes du Conseil constitutionnel à Paris peut-il provoquer une tornade à Guingamp ? Le spectaculaire retournement de situation autour de la loi Molac a en tout cas précipité autour de 10.000 manifestant·es dans la cité de la Plomée ce samedi après-midi (entre 6.400 selon la préfecture et 15.000 selon l’organisation).

Les défenseuses et défenseurs des langues minoritaires sont passé·es par toute les émotions récemment. Si l’adoption de l’article 4 de la loi Molac, contre l’avis du gouvernement, ouvrait la voie à l’enseignement immersif dans l’enseignement public, sa censure prononcée le 21 mai par les « sages » menace l’existence même de réseaux d’écoles comme Diwan, en Bretagne.

Or, sans un apprentissage de la langue précoce et massif, le breton continuera de perdre des locuteurs jusqu’à s’éteindre, peut-être même avant la fin de ce siècle.

Dans ce contexte, l’arrivée de la Redadeg le 29 mai à Guingamp a pris une dimension revendicative encore plus affirmée qu’à l’accoutumée. Cette course créée en 2008 pour collecter des fonds et promouvoir la pratique du breton a fusionné avec la manifestation aux abords du stade de Roudorou, dont les portes ont été ouvertes par l’En Avant en signe de soutien. Des militant·es du gallo, langue parlée en Haute-Bretagne, étaient également présent·es.

Après un défilé de presque trois heures, les participant·es se sont retrouvés dans le jardin public où le groupe de musique morbihannais Lies a donné au lieu des faux-airs de festival de la Saint-Loup. Des élèves du lycée Diwan de Guingamp ont clos le rassemblement en assurant qu’ils poursuivraient le combat initié par leurs aïeux.

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À Lannion, la manif’ comme îlot de liberté

Secteur le moins touché des Côtes-d’Armor par le Covid-19, dans le département au plus faible taux d’incidence (60 pour 100.000 habitants au 15 janvier), Lannion et le Trégor basculent comme le reste de la France en couvre-feu dès 18 h, ce samedi 16 janvier. Ironie du calendrier, c’est la date qu’a cochée la Coordination nationale #StoploiSécuritéglobale pour sa première grande mobilisation de l’année.

Sous ce régime d’exception débuté il y a près d’un an, c’est bien la défense des libertés qui motive les 500 manifestant·es présent·es sous un léger crachin en ce matin de janvier (la police en a compté 400). Liberté de manifester sans être désigné comme un ennemi de l’Etat, liberté de documenter l’action des détenteurs de la force publique sans craindre des poursuites ou encore liberté de protéger sa vie privée du regard inquisiteur des drones et autres caméras de surveillance… La liste et longue et s’allonge face aux coups de boutoir du gouvernement Castex-Macron.

De la défunte loi Avia au projet de loi « Séparatisme » (ou « confortant les principes républicains », dans sa dernière acception), chaque texte soumis au Parlement alarme son lot de syndicats, associations, autorités administratives indépendantes et parfois d’instances internationales telles que les commissariats aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unis. La coordination locale compte elle-même une vingtaine d’organisations, renforcées par un groupe d’étudiant·es en journalisme de l’IUT, qui avait pris l’initiative d’un premier rassemblement le lundi 23 novembre.

Si je tire fort, il doit bouger

C’est forte de la conviction qu’un régime autoritaire s’installe insidieusement que la petite foule s’ébranle dans les rues lannionnaises, à partir du quai d’Aiguillon. Elle suit le même chemin que la retraite aux flambeaux organisée le 15 décembre, toujours réchauffée par les airs entraînants de la fanfare Waso.

Après un passage sur le parvis de la mairie, les manifestant·es atteignent celui des droits de l’homme, abrité entre la salle des Ursulines, bientôt transformée en centre de vaccination anti-Covid, et le Carré Magique, la grande salle se spectacle trégorroise privée de spectateur·ices. C’est entre ces deux institutions de la vie associative et culturelle locale que plusieurs crieuses et un crieur scandent des dizaines de petits mots accumulés depuis trois jours sur une boîte mél (voir ci-dessous).

Un peu plus loin, des acrobates déploient leurs talents et la chorale Phonétique clôt le rassemblement, entonnant « Le Pieu », qui s’impose peu à peu comme l’hymne local du mouvement. « Si je tire fort il doit bouger et si tu tires à mes côtés, c’est sûr qu’il tombe, tombe, tombe, et nous aurons la liberté. »

Au creux d’un hiver sous état d’urgence sanitaire, la manifestation est devenue à Lannion le dernier espace d’expression collective. Beaucoup craignent ici que cela ne dure plus très longtemps.

Marc Chaignon et Michèle Landhauser du groupe local d’Amnesty International à Lannion

La fanfare Waso en format XXL

Une criée publique et populaire clot la manifestation

Photo de une : Anne Giroux

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« Marre de ce gouvernement ! » Des amies organisent une criée publique à Lannion

Etudiante en année sabbatique et demandeuse d’emploi dans le domaine de l’aide à la personne, Violette et Marie ont décidé de s’investir dans la mobilisation contre la loi « Sécurité globale » et les autres textes liberticides du gouvernement Macron-Darmanin. C’est sur le marché de Lannion, ville des Côtes-d’Armor où elles traversent cette période de couvre-feu, que les deux amies sont passées d’étal en étal, une liasse de tracts dans les mains, avant la manifestation du 16 janvier 2021.

Avec d’autres copines, elles ont proposé aux client·s comme aux commerçant·s de leur transmettre un message personnel susceptible d’être scandé à la fin de la Marche des libertés programmée ce samedi. Une intiative spontanée qui complète les actions menées localement par une coordination composée d’une vingtaine de syndicats, assocations, partis de gauche et collectifs. Lannion a déjà connu un rassemblement et une marche aux flambeaux ayant rassemblé plus de 320 personnes chaque fois, depuis fin novembre.

Par le biais de cette criée, Violette et Marie escomptent surtout donner la parole à leurs pairs, âgé·es de la vingtaine, à leurs yeux sous-représenté·es dans l’espace public. Or, les restrictions de libertés décidées pendant la crise sanitaire du Coronavirus, dont certaines risquent de se pérenniser, pèsent lourd sur le moral des étudiant·es et jeunes travailleur·ses, qui aimeraient voyager, faire la fête ou tout simplement partager des moments à plusieurs.

La progression du chômage et les perspectives sombres pour l’économie accentuent le malaise d’une partie de la jeunesse, déjà confrontée à la précarité sur le marché du travail. Une jeunesse qui subit ou constate par ailleurs une répression policières de plus en plus fréquente dès qu’elle souhaite hausser le ton.

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Le scepticisme gagne du terrain devant l’absence de résultat du gouvernement face à Nokia

Privée de barnum depuis le passage de la tempête Alex, l’intersyndicale CFDT, CGT, CFE-CGC du site Nokia de Lannion s’est retranchée dans un gymnase prêté la ville, le jeudi 8 octobre, pour rendre compte des discussions portant sur le plan dit de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’absence d’avancée du gouvernement, dont les discussions avec la direction finlandaise du groupe de télécommunication n’ont commencé qu’à la fin de l’été, rend chaque jour plus concrête la suppression d’un emploi sur deux et la disparition à moyen terme de l’établissement.

« Nokia devrait revenir vers les salariés début octobre avec de nouvelles propositions », déclarait la ministre Agnès Pannier-Runacher lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 22 septembre. Deux semaines plus tard et en dépit de rumeurs relayées par la presse, le gouvernement demande aux élus du personnel d’attendre encore quinze jours avant de connaître les « avancées significatives » promises par le directeur général de Nokia France, Thierry Boisnon, en comité social et économique.

« On ne sait pas si ce sont des annulations de postes qu’ils vont nous annoncer, si ce sont de nouvelles activités, de nouveaux projets. […] Aujourd’hui, on n’a aucune idée de ce que Nokia va mettre sur la table », déplore le délégué syndical CFDT Bernard Trémulot devant 200 collègues réunis en assemblée générale, ce jeudi, à Lannion.

En réponse, l’intersyndicale compte poursuivre ses actions, convaincue du poids des images pour maintenir l’attention des autorités sur le site de Lannion. Deux lignes semblent toutefois émerger. Après l’accrochage de 402 silhouettes sur les grilles du site le 8 septembre puis l’organisation d’un relais à vélo pour rejoindre virtuellement le siège social finlandais, le 21 septembre, certains salariés réclament des actions plus fortes, susceptibles de réduire l’activité de l’entreprise, engagée dans la bataille de la 5G.

« Rien n’a bougé depuis le mois de juillet. Pour avancer, on a quinze jours pour réagir, compte Abderrahim El Boujarfaoui. Si vous voulez vraiment que les choses bougent, il faut se bouger le cul parce que maintenant c’est le site de Lannion qui va fermer. » Le délégué syndical CGT obtient des applaudissements en proposant une occupation des locaux jusqu’à l’obtention de réponses.

« Il ne faut pas leur donner le bâton pour nous battre. Je pourrais arrêter de répondre aux astreintes, mais je sais qu’il y a des Portugais et des Indiens qui n’attendent que ça », rétorque un ingénieur.

Ce changement de ton passera d’abord par un appel à quitter le télétravail pour rejoindre les bureaux afin de reformer les collectifs éclatés depuis mi-mars, à l’occasion du confinement. Un premier pas vers des actions moins « gentilles » ? Ce 8 octobre, l’option du blocage était loin de faire l’unanimité, même si la patience commence à trouver ses limites parmi les cols blancs trégorrois.

Interview d’Abderrahim El Boujarfaoui, délégué CGT

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Éric Beynel ausculte le procès France Télécom dans « La raison des plus forts »

Conférence vidéo. L’un des porte-parole de l’Union syndicale Solidaires, Eric Beynel, a donné une conférence au centre Sainte-Anne, à Lannion, lundi 28 septembre, pour présenter « La raison des plus forts ». Ce recueil des chroniques racontant les 41 jours d’audience du procès France Télécom est sorti en juin, aux éditions de l’Atelier, six mois après la condamnation de l’entreprise et de sept ex-dirigeants pour « harcèlement moral institutionnel ».

L’établissement lannionnais aujourd’hui connu sous le nom d’Orange Labs a connu plusieurs suicides durant le plan Next, qui prévoyait le départ de 22.000 salariés à l’échelle nationale, « par la fenêtre ou par la porte », selon les mots prononcés en 2006 par le P-DG Didier Lombard devant une assemblée de cadres supérieurs. Il s’agissait de la face la plus visible d’un mal-être social très profond causé par un management brutal dans une entreprise récemment privatisée, d’abord identifié par Sud PTT et la CFE-CGC, co-fondateurs d’un observatoire d stress et des mobilités forcées.

« La raison des plus forts » est pensé comme un outil militant pour tirer les enseignements d’un procès hors-norme, à l’heure où la « start-up nation » finit de mettre à genoux le code du travail et que ses députés-managers et autres ministres-DRH semblent incapables de maîtriser la crise sanitaire du Covid-19.

« La raison des plus forts », collectif, Editions de l’Atelier, juin 2020

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[Portfolio] Nokia : la colère des lannionnais monte à Paris

Dès l’aube, les jeunes ingénieur·es télécoms tout juste recruté·es à Lannion et déjà viré·s par Nokia montent dans le TGV spécial 21.070. Le train, affrété par l’intersyndicale, affiche complet avec plus de 430 passagèr·es. Les Trégorrois·es sont rejoint·es par leurs collègues de Rennes puis de l’Essonne pour la manifestation parisienne.

Sous un ciel bleu dur, agité par un vent têtu, plus de 1.000 salarié·es de Nokia France manifestent entre la gare Montparnasse et les Invalides, à Paris, ce mercredi 8 juillet. Ils défendent 1.233 postes, dont 402 à Lannion, désignés pour être détruits par les dirigeants du groupe finlandais.

Mauvais signe pour l’image de marque et l’avenir de Nokia : la plupart des 200 jeunes ingénieur·es récemment recruté·es à Lannion sont de la manif’. L’ opération de com’ de l’intersyndicale capte l’attention des médias nationaux avec une bonne diffusion à l’étranger. Une gageure lorsque 195 plans similaires sont décomptés depuis début mars dans le pays.

Interrogée sur l’opportunisme de Nokia par le communiste Bruneel lors de la première séance de questions au gouvernement de Jean Castex à l’Assemblée, la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, assure être « à la manœuvre », sans apporter plus de précisions. Sur la pelouse des Invalides, les députés costarmoricains Éric Bothorel (LREM) et Marc Le Fur (LR) côtoient l’Insoumis Éric Coquerel et le trotskyste tendance LO Jean-Pierre Mercier. Deux parlementaires « pro-business » flanqués de deux habitués des camions sonos.

Les collègues grec·ques aussi ont apporté leur soutien par le biais d’une vidéo en français postée sur les réseaux sociaux. S’ils redonnent de la force, chacun sait que les discours ne suffiront pas à gripper l’engrenage qui s’est mis en action.

Jouant « le tout pour le tout », les délégué·es syndicaux promettent de mener une « politique de la terre brûlée », quitte à faire capoter les contrats 5G de l’équipementier en France. Des documents compromettants pourraient bientôt parvenir aux opérateurs.

Le premier cycle de réunions organisées en début de semaine à Paris les a convaincu·es de poursuivre sur cette voie. Surveillée par les gorilles de la sécurité, la délégation, unie, a multiplié les interruptions de séance L’Inspection du travail a d’ailleurs été saisie pour contraindre la direction à présenter le détail de son plan.

Si les syndicats comme le gouvernement constatent que la direction de Nokia reste murée dans une posture hermétique, brutale, pour ne pas dire détachée de la réalité humaine, la ministre préfère parler « l’amélioration » du PSE, tandis que les représentant·es refusent en bloc toute baisse d’effectif.

Ce plan dit de « sauvegarde de l’emploi » (PSE), porte en lui la fin des activités de recherche et développement en France. Salarié·es comme élu·es locaux en sont convaincu·es.

Gilles, syndicaliste lannionnais, est en colère.

« Personne ne comprend la stratégie de Nokia. Un PSE ça coûte très cher. S’ajoute l’impact des suppressions de postes sur la qualité et les délais de livraison de tous les produits sur lesquels on intervient. Avant Nokia était la référence : un constructeur robuste et fiable. Cette image de marque, à laquelle Nokia est très attachée, sera détériorée. C’est incompréhensible. Nokia n’a pas pu monter ce plan en quelques semaines, mais plutôt il y a six mois. À ce moment-là, l’entreprise embauchait des jeunes diplômé·es tout en prévoyant de les virer, sans traîner. En fait, nous avons affaire à des malhonnêtes qui nous servent un tissu de mensonges, d’hypocrisie et de trahison. »

Dans ce combat social, « rien ne sera pardonné » aux yeux des travailleur·ses rencontré·es par « La Déviation » le long du cortège parisien. La vague de colère des salarié·es de Nokia est à la hauteur du mur de glace de l’équipementier finlandais.

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[Portfolio] Lannion tempête contre l’ouragan Nokia

Du Nouveau parti anticapitaliste aux curés de Lannion et Perros-Guirec, des régionalistes bretons à la droite LR en passant par des écolos farouchement contre la 5G, tous se sont donnés rendez-vous samedi 4 juillet sur le quai d’Aiguillon. Le Trégor vient soutenir les salarié·es de Nokia, menacé·es de perdre leur emploi au terme d’un énième plan destructeur.

Les représentant·es des huit organisations syndicales du pays se serrent sur la petite estrade couverte installée devant La Poste. Plus de 3.500 regards se tournent vers ces élu·es du personnel, transformé·s en leaders de la lutte pour la survie du site et peut-être bien plus que cela.

Les cheveux blancs font de la place à Pauline Bondon, une ingérieure de 24 ans dont le rêve était « depuis toute petite, de vivre en Bretagne, près de la mer ». La jeune femme raconte le sentiment de trahison mêlé de sidération face aux manoeuvres opaques de la firme finlandaise. Avec son compagnon, elle se prépare à quitter la sous-préfecture « et ses petits commerces ».

Le ciel retient ses larmes, tandis que la manif’ s’étire sur les deux rives du Léguer. « No-kia, no-jobs, no future », « Keep Nokia Jobs in Lannion »… certaines pancartes s’écrivent dans la langue internationale des affaires. Leur portée doit traverser les frontières. Comme en d’autres temps de sinistre mémoire, la presse nationale a d’ailleurs fait le déplacement jusqu’à cette « Silicon Valley » ouverte à tous vents.

Un groupe de sonneurs et une fanfare accompagnent la procession qui remonte la rue des Augustins direction la mairie. Elle ammorce ensuite sa descente vers l’imposante bâtisse qui fait face à l’avenue Ernest-Renan. Sur son fronton, trois mots se détachent dans une calligraphie d’un autre siècle : téléphone, poste, télégraphe.

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Nokia mettra-t-il le Trégor KO ou debout ?

Un trait de plume à Helsinki peut provoquer une tempête à Lannion (Côtes-d’Armor). Plus que jamais soumise aux aléas de l’économie mondialisée, la « capitale des télécoms » s’apprête à essuyer une énième vague de suppression d’emplois. Sauf que cette fois, c’est un tsunami qui risque d’emporter 402 postes sur 772 chez Nokia et probablement bien plus dans son sillage.

« Un ingénieur qui disparaît, ce sont jusqu’à cinq emplois perdus au total », estime Benoît Dumont. Le secrétaire de l’union locale CGT est lui-même salarié de Météo France, une des entreprises historiquement installées sur le « plateau », cette zone d’activité sortie de terre à partir de rien dans les années 1960. A l’époque, l’Etat choisit cette région agricole bordée par la Manche et loin des grands centres de décision pour implanter le Centre national d’études des télécommunications (Cnet, futur Orange Labs).

Soixante ans plus tard, les élu·es ont perdu la main depuis longtemps face aux industriels et aux financiers. La fuite des compétences n’a jamais cessé depuis le rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia, validé par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron contre des promesses d’embauche en 2015. L’ambition de faire de Lannion un centre majeur dans la cybersécurité, répétée un an plus tard devant le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ne s’est jamais concrétisée. Pis, les cols blancs doivent eux-mêmes former leurs successeurs en Inde ou en Finlande et leur offrir les résultats de leur travail. Après les fonctions dites support (vente, comptabilité…), c’est la R&D qui risque d’être amputée de moitié. Le cœur même de l’activité. Alors même que 200 personnes ont été recrutées ces dernières années.

« On court derrière des choses qu’on ne maîtrise pas et qui sont contradictoires », reconnaissait le maire PS Paul Le Bihan le 23 juin sur France 3 Bretagne, le lendemain de l’annonce du plan de réorganisation en Comité social et économique (CSE). Le Trégor a toutefois conservé intacte sa capacité de mobilisation, avec 3.500 à 5.000 manifestants dans la rue ce samedi 4 juillet 2020. Près de 500 salarié·es partiront mercredi dans un TGV spécial direction Paris, pour une nouvelle démonstration de force entre Bercy et l’ambassade de Finlande. Ils retrouveront leurs collègues de Nozay dans l’Essonne, où 831 postes sur 2.900 figurent sur la liste noire de la direction. Mais si les syndicats se refusent à employer un autre mode que le conditionnel pour évoquer ce plan, à qui peuvent-ils s’adresser ?

Florian, ingénieur de recherche 5G chez Nokia à Lannion

Pauline, ingénieure en électronique numérique recrutée en 2018 par Nokia à Lannion

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C’était notre dernière Gazette…

Nos portes sont maintenant grandes ouvertes et le rideau sur l’écran peut tomber.

Après 17 numéros, notre Gazette s’arrête pour une durée indéterminée (des fois qu’on se re-retrouve confiné·es). Nous espérons avoir défriché quelques questions d’actualité, mené vers d’autres lectures et pourquoi pas donné l’envie d’écrire vous aussi pour documenter l’époque et nos sensations, jour après jour, dans cette période si imprévisible.

Vous nous lirez probablement sous d’autres formats grâce aux modos du réseau Mutu (du moins si on ne les a pas trop fatigué·es). Merci à elleux, qui permettent à ces sites d’information anticapitalistes d’exister.

Merci aux photographes, dessinatrices et dessinateurs qui ont accepté de céder gracieusement leurs illustrations pour la cause, avec chaque fois une grande célérité.

Merci à vous qui avez pris le temps de nous écrire, notre boîte reste d’ailleurs ouverte (gazette.des.confine.es[@]protonmail.com). Bye bye !

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Il n’y a aucune preuve que la nicotine protège du Covid-19

Certains médias se sont fait l’écho d’un article d’une équipe de la Pitié-Salpêtrière publié le 24 avril par la prestigieuse Académie des sciences. On y lit que « la nicotine pourrait être suggérée comme potentiel agent préventif contre l’infection du Covid-19 » et cette phrase est justifiée par l’observation que les fumeur·ses étaient sous-représenté·es parmi les patient·es atteint·es de Covid-19.

Mais les médias n’ont pas pris les mêmes précautions de langage que l’article original, comme le relève Acrimed. La palme revient à France Inter qui titre le 22 avril, « La nicotine, une arme contre le Covid ? »

Depuis, l’information s’est diffusée et il est probable que beaucoup moins de gens n’aient été confronté·es aux développements de cette controverse scientifique. Faisons un bref état des lieux des informations publiées sur le sujet depuis le 24 avril 2020.

Dès le 27 avril, l’Inserm publie une note qui nuance les résultats de l’article du 24 avril. « Se tourner vers la cigarette pour prévenir le développement de la maladie n’est pas indiqué et l’arrêt du tabac chez les patients présentant des comorbidités est une priorité », tranche-t-elle.

Le 11 mai, l’OMS publie une note qui affirme, sans citer aucune source, que « les fumeur·ses risquent davantage de contracter une forme sévère de la Covid-19 que les non-fumeur·ses ».

Le 12 mai, un article étudie les liens entre le fait de fumer et le fait de développer une forme grave de la maladie parmi les personnes atteintes de Covid-19. L’étude conclut que les fumeur·ses ont 1,91 fois plus de risques de développer une forme sévère que les non-fumeur·ses.

Alors comment savoir qui a raison ? Tout cela illustre bien que les mécanismes de la recherche scientifique ne sont pas évidents à comprendre. Dans des domaines comme la médecine, différents articles ont régulièrement des résultats contradictoires et cela n’implique pas que l’un ou l’autre de ces articles soit faux. C’est seulement quand il semble y avoir une nette tendance dans un sens que l’on peut réellement conclure. Il existe d’ailleurs alors des outils statistiques pour établir si les tendances observées dans tous ces articles forment bien significativement une tendance majoritaire.

La recherche se construit sur le temps long contrairement aux actualités qui périment extrêmement vite. D’où un cocktail parfois explosif quand des articles de presse reprennent des articles scientifiques récents : on a pu le voir pour l’hydroxychloroquine à multiples reprises, on le voit ici pour la nicotine.

De plus, dans ce cadre, il est compliqué de conclure définitivement tant les facteurs de risques potentiels sont imbriqués les uns dans les autres : tabac, hypertension, diabète, etc. Il est extrêmement complexe de passer d’une corrélation statistique à un effet de causalité comme le rappelle ce très complet article de The Conversation sur les liens entre Nicotine et Covid-19. Par ailleurs, le simple fait que les patient·es qui meurent du Covid sont en moyenne plus âgé·es, et que la cigarette raccourcit la durée de vie, peut entraîner certains biais statistiques.

On peut rappeler cependant, comme nous le faisions dans un article de La Gazette des confiné·es #13 sur le même sujet, que les liens entre nicotine et Covid-19 ne sont pas clairs, mais que les effets négatifs du tabac sur la santé sont, eux, prouvés de longue date.

Dès les premiers articles sur le sujet, de nombreuses associations ont demandé à la presse et aux politiques de faire preuve de prudence, sans trouver beaucoup de relais. C’est le cas par exemple de l’Association interentreprises pour la santé au travail du Vaucluse.

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Une décision « inédite » du Conseil constitutionnel profite à Total au risque de fragiliser davantage le Parlement

Faire reconnaître par les « Sages de la rue de Montpensier » que les conditions d’autorisation de la centrale au gaz de Landivisiau contrevenaient à la loi fondamentale ne suffit pas à faire échec à sa construction par Total-Direct énergie. « La raison du plus fort est toujours la meilleure », récite le Conseil constitutionnel, qui en vient à faire douter certains juristes du respect de la démocratie.

Saisi par l’association Force 5 par le biais d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le « Conscons » s’est prononcé jeudi 28 mai sur la conformité de l’article L.311-5 du code de l’énergie avec la Charte de l’environnement, texte à valeur constitutionnelle.

Cet article contesté porte sur les critères dont tient compte l’autorité administrative pour autoriser l’exploitation d’une installation de production d’électricité. Or, il ne prévoit aucun dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, alors même qu’il est évident qu’une telle centrale a une incidence sur l’environnement. « Le législateur a méconnu, [avant le 5 août 2013], les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement », admet le Conseil.

Victoire des opposant·es à la centrale ? Non, car un nouvel article de loi a réparé cette lacune. Bien que « les dispositions […] doivent être déclarées contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013 et conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013 […] la remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 […] aurait des conséquences manifestement excessives ». Sachant que l’autorisation de la centrale date du 10 janvier 2013 ! Vous suivez ?

200605 - Capture d'écran clip SAS Armatures centrale gaz Landivisiau - La Déviation
En dépit de procédures restant à être examinées par le Conseil d’Etat, la centrale au gaz de Landivisiau, près de Brest, est largement sortie de terre. Une vidéo publiée par un fabricant d’armatures permet de prendre conscience de l’emprise foncière du chantier.

Pour un subtil jeu de dates, le Conseil permet la poursuite des travaux, par ailleurs très avancés. « Ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité », conclut-il.

Les écolos nord-finistériens peuvent se sentir marris. L’association S-Eau-S ironise à propos du président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, rappelant qu’en 2015 « il frappait de son marteau l’adoption de la résolution de la Cop21 à Paris, qui engageait la France sur la voie de la réduction de son émission de gaz à effet de serre ».

Un porte-parole de Force 5 soupçonne même des pressions politiques et économiques. Si cette accusation de corruption reste à démontrer, la décision n’en fait pas moins hausser les sourcils aux juristes.

« Que l’on ne s’y trompe pas, c’est peut-être une révolution, au sens propre du terme, qui s’est produite rue de Montpensier, et que le Conseil constitutionnel semble avoir assumée, écrit Julien Padovani sur son blog Droit administratifs. Partant, c’est l’ensemble du régime juridique des ordonnances qui semble être reconfiguré. »

Au détour d’une QPC, c’est rien de moins que le rôle du Parlement et l’équilibre des pouvoirs qui semblent redéfinis. « En attribuant valeur législative à l’ordonnance non ratifiée après délai d’habilitation, le Conseil constitutionnel semble pourtant procéder, au mieux à une ratification implicite, mais contra legem, au pire à une mise à l’écart du processus de ratification, contre l’esprit de la Constitution », poursuit le docteur en droit public.

200605 - Manifestation contre la centrale au gaz de Landivisiau le 20 mai 2017 by Hubert Person - La Déviation
Une partie des habitant·es s’est découvert une sensibilité écolo dans cette ville finistérienne jusqu’ici surtout connue pour sa base aéronautique navale. Cinq cent personnes ont manifesté le 20 mai 2017, à l’appel de l’association Landivisiau doit dire non à la centrale, dont le site propose une riche documentation. Crédits : Hubert Person

Ce que Cécile Duflot traduit dans un fil Twitter par « ok ça a pas été ratifié dans les délais mais c’est la loi quand même. » L’ancienne ministre et députée Europe écologie Les Verts, visiblement en colère, estime que « ça dépossède totalement le Parlement de son pouvoir, ça dit le contraire de la Constitution et ça prive aussi les citoyens de leur capacité de contester directement des ordonnances obsolètes ». Une interprétation nuancée par le docteur en droit Arnaud Gossement, qui s’exprime lui aussi en 240 caractères.

Ce débat ultra-technique né d’un combat anti-centrale sur les rives de l’Elorn est quoi qu’il en soit d’une actualité brûlante. Car comment le gouvernement fait adopter ses lois à la chaîne en cette période d’état d’urgence sanitaire, si ce n’est justement par ordonnances ?

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À Lesbos, l’accès et l’eau et à la nourriture est plus urgent que le déconfinement

La situation dans le camp de Moria, sur l’île de Lesbos, en Grèce, était déjà catastrophique avant le confinement. CQFD alertait dans son numéro d’avril sur les incendies, les violences fascistes et la répression menée par le gouvernement conservateur grec.

Au début du confinement, la militante de l’ONG Mare liberum, Sabrina Lesage rappelait sur son blog Mediapart que le camp prévu pour accueillit 3.000 personnes en hébergeait en fait 20.000, dans des conditions d’hygiène abominables.

Le confinement a par ailleurs accentué le contrôle des déplacements des migrant·es et stoppé l’activité des bateaux qui se portent à leur secours sur la Méditerranée. Début mai, l’un de ces bateaux a pu reprendre la mer mais les migrant·es qu’il a secouru·es n’ont pas pu être débarqué·es en Italie. D’autres bateaux italiens ont été saisis par la police pour des révisions techniques qui semblent infondées.

Il ne semble pas y avoir actuellement de cas avéré de Covid-19 dans le camp de Moria. Le gouvernement a par ailleurs commencé récemment à transférer des personnes hors de Lesbos (un peu moins de 400 début mai). Mais tout cela est loin d’être suffisant pour améliorer la situation.

À Moria, une partie des migrant·es se sont organisé·es entre elleux en une Moria Corona Awareness Team. Celle-ci a, entre autres, lancé la couture de masques et écrit une lettre à l’Union Européenne dans laquelle est listé ce dont les migrant·es ont besoin sur l’île : l’eau courante (elle n’est pas accessible plus de quatre heures par jour en ce moment), une gestion des déchets, de la nourriture, la sécurité, une éducation…

200605 - Manifestation contre la politique d'immigration du gouvernement français à Lyon by ev Licence Unsplash - La Déviation
La Marche des Solidarités appelle à une journée de manifestation pour les sans-papiers, en France, le 20 juin. Crédits EV

« Le problème, ce n’est pas le Coronavirus, le problème c’est Moria », titrait Sabrina Lesage.

Bastamag à travers un article et Arte dans un court reportage, soulignent la situation particulièrement précaire des femmes dans le camp de Moria. Elles souffrent d’autant plus du manque de médecins, d’hygiène, de sécurité. Elles sont plus vulnérables face aux agressions et appeler la police, comme ailleurs, ne sert à rien.

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