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This is not a Love Song festival, la Route du Rock comme modèle

On connaissait de Nîmes son festival au cœur d’arènes. Voici qu’il faut maintenant compter avec un nouvel rendez-vous très alléchant. This is not a Love Song, festival indé, investira la nouvelle salle Paloma du 22 au 25 mai. Son directeur Fred Jumel nous dessine l’affiche.

D’où est venue l’idée de créer ce festival ?
L’idée est née de la rencontre entre les membres de Paloma et l’association Come On People, nous étions fans des mêmes groupes et nous sommes très vite projetés sur ce que nous pourrions monter ensemble avec l’arrivée d’une nouvelle salle sur Nîmes.

Fred Jumel, directeur de Paloma, la nouvelle salle de concerts de Nîmes métropole dédié aux musiques actuelles.
Fred Jumel, directeur de Paloma, la nouvelle salle de concerts de Nîmes métropole dédié aux musiques actuelles.

Au niveau de la programmation, nous sommes séduits depuis de nombreuses années par des festivals comme le Primavera à Barcelone, La Route du Rock à Saint-Malo et aussi plus récemment par des événement comme le Pitchfork à Paris.

Nous étions cependant convaincus qu’un festival « à taille humaine » restait le meilleur moyen d’apprécier des groupes exceptionnels : pas trop loin de la scène, avec une bonne qualité acoustique, dans un environnement ludique, entre amis avec une ambiance « bon enfant ». Un festival qui ne se prend pas au sérieux, qui ne se revendique pas comme LE nouveau défricheur de « talents », mais capable de présenter autant nos nouveaux coups de cœur, curieux et insolites, que les références attendues mais néanmoins exceptionnelles de la musique Indie.

Pourquoi ce nom de This is not a Love Song ? Un hommage au groupe Public Image Limited (PiL) ?

C’est une blague, nous ne savions pas quoi mettre, nous avons établi des listes de noms tout aussi décalés les uns que les autres. Nous cherchions des titres d’albums qui nous avaient marqué, des morceaux qui font référence sans être convaincu de ce que nous listions. Puis This Is Not A Love Song est sorti, comme ça tout seul, en référence à PiL évidemment, mais aussi pour le sens que cela évoque. On a trouvé ça drôle et l’avons gardé.

Peux-tu nous présenter la programmation de ces quatre jours de festival ?

Quatre jours présentés comme une année test mais déjà ambitieuse, une programmation de rêve, originale et explosive avec du lourd et du très lourd, des groupes indé de la scène électro, hip hop, pop, rock et folk. Une touche de fraîcheur dans les festivals qui mise sur la nouvelle scène indé, avec des groupes émergents ou confirmés.

Une grande salle, un club, un patio à ciel ouvert, de la bière fraîche, un rosé pamplemousse, quelques grillades et des artistes comme Égyptian Hip Hop, Connan Mockasin, Death Grips, Animal Collective, The Intelligence, Nick Waterhouse, Amon Tobin, Birth of Joy, Miles Kane, Dinosaur Jr, Jesse Boykins III, Guards, TNGHT, Daniel Johnston, The Breeders, Fauve, La Femme et bien d’autres encore !

Un coup de cœur dans les artistes ?

Pas facile, nous sommes un collectif et chacun aura ses propres coups de cœur, ils seront tous différents, mais pour ma part ce sera Hanni El Khatib, TNGHT, Death Grips, Nick Waterhouse, The Intelligence…

Pour la construction de la programmation avoir la Villette Sonique et le Primavera le même weekend ça été un avantage ou un inconvénient ?

Nous n’avons pas choisi cette période par hasard, beaucoup de groupes sont présent en Europe fin mai et permettaient de proposer un choix affiné de ce que nous avions envie de porter. Ce n’est donc pas un inconvénient, charge à nous d’articuler la programmation artistique, la manière de la poser, de la présenter différemment, pour avoir notre propre identité et de ne pas ressembler aux autres propositions.

Des souhaits de programmation pour les années qui viennent ?

My bloody Valentine, The Cure, et … non je blague ;-)

Un scoop pour Rockfanch ?

Nous sommes en train de travailler sur un contest skate qui pourrait se dérouler sur le parvis devant Paloma en journée, ça va rouler !

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The Bewitched Hands, folie rémoise

Ne jamais se fier à une pochette de CD. Tons sombres, silhouette fantomatique et couteau sanguinolent, avec leur dernier opus intitulé Vampiric Way, les six membres de The Bewitched Hands cachent bien leur jeu.

Voilà à présent trois ans que le groupe originaire de Reims a investi discrètement les scènes françaises avec une pop délicieusement joyeuse et mélodieuse. En 2009, il remportait le concours CQFD organisé par Les Inrockuptibles et commençait à se produire dans de nombreux festivals (Printemps de Bourges, Art Rock, Papillons de Nuit…).

Ce vendredi soir (19 octobre 2012), la bande de potes est de retour et joue à Nantes sur la scène du Stéréolux pour la première édition du festival Go Sound. Exceptionnellement, Baptiste Lebeau, le batteur, est absent : il vient d’être papa d’un petit Gaspard dans la journée. On espère qu’il fera partie d’un groupe aussi talentueux que son daron.

Le concert s’ouvre avec le titre Westminster, qui est également la première piste de Vampiric Way (écouter plus bas). Une longue introduction solennelle et un son majestueux d’orgue de cathédrale se fait entendre : un instant, les spectateurs novices ont dû se demander où ils avaient mis les pieds. Le ton se fait grave avant de plonger dans une euphorie de plus d’une heure. Et pour le plus grand bonheur des plus connaisseurs, les chansons de Birds and Drums, premier CD sorti en 2010, sont aussi de la partie.

The Bewitched Hands © Julien Mignot
The Bewitched Hands © Julien Mignot

En pantalon rouge et pull pailleté noir, au chant et percussions, Marianne Mérillon, très présente vocalement, est un peu la Régine Chassagne des Rémois. Car oui, j’ai oublié de vous le dire, mais la force des Bewitched Hands, c’est bien leur voix. Sur scène, les chœurs, omniprésents tout au long des disques, prennent encore plus leur importance. Les voix s’élèvent, se mêlent et le public est très vite conquis. Cette énergie vocale déployée n’est donc pas sans rappeler celle des brillants Arcade Fire.

Avec sa chemise aux imprimés langoustes (!), le chanteur Anthonin Ternant et le reste du groupe livrent un set impeccable. Tous les titres sont fait pour la scène. Pour exemples, le premier single Thank you, goodbye, it’s over est une bombe d’énergie, Boss avec sa reverb’ à des airs à la Madness et Ah! Ah! Ah! Ah! tend vers le meilleur des Beach Boys. Mention spéciale pour le rythme de The Laws of Walls qui te fait taper du pied comme jamais et Vampiric Way (la chanson) qui fait danser toute la salle.

Le groupe sera à Limoges le 24 mai. Courez les voir, ça ne peut que vous faire le plus grand bien.

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« On va de plus en plus entendre parler de Gaël Faye »

La programmatrice du Bout du Monde, Marie Clavier, nous commente l’affiche du festival, version 2013, qui se tiendra les 2, 3 et 4 août. Entre jolies prises, telles que Ska-P, Jacques Higelin ou Kool & The Gang, belles promesses comme Watcha Clan ou Gaël Faye et projets avortés, à l’image de Tracy Chapman, Dionysos et Damon Albarn. Où l’on apprend, entre les lignes, que Rokia Traoré, “l’une des plus belles voix de l’Afrique de l’Ouest”, présente le 19 juillet aux Vieilles Charrues, sera du voyage. Mais chut… Interview.

Pouvez-vous nous présenter l’affiche 2013 du festival du Bout du Monde ?

Cette année, pour sa quatorzième édition, le Bout du Monde reste fidèle à ce qu’il a toujours été : un lieu de métissage et de rencontres, un festival où se côtoient les grands noms de la scène internationale et de belles découvertes des quatre coins du monde.

Ainsi, on pourra retrouver des géants de la scène française : Jacques Higelin ou Cali, également un grand nom du blues de Chicago, le groupe Taj Mahal, les papes disco-funk de Kool & The Gang, les espagnols de Ska-P, qui reviennent à la charge suite au mouvement des Indignés, les papis du reggae d’Israël Vibration, etc.

Autant de grosses pointures qui côtoieront des pépites telles que les Marseillais de Watcha Clan qui symbolisent la fusion alternative entre cultures du monde et électro, jungle, des voix féminines aussi envoûtantes que marquées comme Sandra Nkaké, digne descendante de Nina Simone ou Myriam Makeba, Amparo Sanchez, ancienne chanteuse d’Amparanoïa, amie de Manu Chao, qui redonne ses lettres de noblesse à la chanson espagnole, Yasmin Levy, israélienne émouvante et charmeuse…

Côté projet spécial, Manu Dibango et Cheick Tidiane Seck présenteront un programme spécial « Hommage au Mali », projet qui fera sens au regard de la situation actuelle de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Enfin, et la liste n’est pas exhaustive, bien au contraire, il y aura une création entre le franco-congolais Ray Lema et l’Orchestre symphonique universitaire de Brest, projet jusque là inédit, qui rassemblera pour l’occasion plus de 80 musiciens sur scène !

Il y a t-il des changements par rapport à l’édition 2012 ?

Nous restons sur les mêmes bases que les années précédentes : la capacité d’accueil ne change pas, on reste à 20.000 personnes par jour, soit 60.000 en trois jours, afin de garder une taille humaine et conserver la convivialité qui caractérise l’événement ! Chacun doit être accueilli dans les meilleures conditions, les améliorations sont donc de l’ordre de l’offre faite aux festivaliers !

Cette année, on agrandit les structures de repos couvertes avec tables et bancs, on reconduit la proposition de mise à disposition de casques de protection auditive pour les enfants, on proposera aussi un bar à yaourts (avec Malo). On a noté que l’offre d’une restauration alternative a beaucoup de succès auprès de nos festivaliers (bar à soupes lancé en 2011, bar à fruits en 2009…).

Des coups de cœur dans cette programmation ?

Oui, une formation canadienne qui oscille entre afrobeat, soul, funk et jazz, The Souljazz Orchestra, un groupe qu’on voit peu en Europe et qui est le fer de lance d’un mouvement musical particulièrement brillant et inventif, basé sur une section de cuivres ravageuse, des claviers et basses vintage… ça risque d’être un grand moment. Il y a aussi le brésilien Criolo, adoubé par Caetono Veloso, ce chanteur est un ancien éducateur des rues de Sao Paolo, qui s’est mis au hip-hop pour arriver peu à peu à un slam chaloupé, inspiré des rythmiques et musiques brésiliennes (bossa, samba…). C’est très très bien produit et l’instrumentation est inventive et vraiment très belle et très variée. Le concert est donc très prometteur !

A vrai dire, nous programmons vraiment au coup de cœur, donc tous les artistes invités cette année ont fait l’objet d’un choix tout particulier et nous sommes vraiment ravis de les accueillir… c’est donc difficile de n’en retenir que quelques uns !

A la sortie du festival 2012 on avait parlé de Tracy Chapman, Dionysos ou de Damon Albarn. Était-ce seulement des rumeurs ou il y a eu des contacts ?

C’étaient des envies des organisateurs, mais cela n’a pas pu se concrétiser. Damon Albarn est un musicien qui connait très bien la scène musiques du monde, particulièrement les musiciens africains et c’était ça qui nous intéressait… mais cette année, il ne tournera qu’avec Blur ! Pour Tracy Chapman, la prise de contact était très avancée, mais elle a dû annuler toute sa tournée en Europe ! Dommage ! Nous n’abandonnerons pas et réessayerons à l’avenir ! Nous sommes assez tenaces de ce côté-là !

L’an dernier vous avez sorti Asaf Avidan avant tout le monde. Un coup de cœur à nous faire découvrir dans la programmation ?

Je pense qu’on va de plus en plus entendre parler de Gaël Faye, le MC franco-burundais, membre du groupe Milk Coffee and Sugar, il a un parcours très intéressant… déraciné du Burundi dans sa jeunesse, il a outrepassé le choc de l’exil pour en faire sa force et sa marque de fabrique. Sa musique est énergique, percutante, marquée par plusieurs cultures et les arrangements sont très réussis. En effet, il sait particulièrement bien s’entourer : Guillaume Poncelet a signé ses arrangements (Ben L’Oncle Soul, Electro Deluxe, Beat Assailant), il a collaboré avec Oxmo Puccino ou Hocus Pocus, etc.

Comment s’organise le festival pour trouver des têtes d’affiche. Vous voyagez beaucoup ?

Nous nous rendons à beaucoup festivals : Printemps de Bourges, Transmusicales, Babel Med, et surtout, nous écoutons énormément d’albums et suivons de très près l’actualité discographique. Nous sommes aussi sensibles aux conseils, ou recommandations diverses et variées qu’on peut recevoir, cela va du mail de festivalier à la discussion autour d’un café avec des amis. A vrai dire, nous ne nous limitons pas du tout et ne nous interdisons rien !

Pouvez vous nous parler des créations de cette année avec Ray Lema et Lyannaj notamment. Comment se sont mises en place ces rencontres ?

En ce qui concerne le projet avec Ray Lema, il a été présenté en 2009 au Brésil, à l’occasion de l’année de la France au Brésil. Son répertoire a été arrangé pour l’Orchestre de Sao Paolo. Plusieurs années après, nous avons rencontré sa manageuse qui nous a parlé du projet incidemment… Ray Lema, installé en France, souhaitait vraiment monter ce programme avec un orchestre français. En parallèle, nous sommes très sensibles aux initiatives locales et à ceux qui font bouger la Bretagne… c’est le cas de l’Orchestre Universitaire de Brest, dirigé par Jean-Philippe Brun, que nous connaissons bien et qui est très actif par chez nous. Nous avions aussi l’envie de faire jouer un symphonique sur la scène du festival depuis très longtemps ! Toutes les conditions étaient donc rassemblées pour prendre ce pari un peu fou !

La création Lyannaj-Névé est née de la rencontre entre des musiciens bretons, dont Hervé Le Lu et des musiciens Guadeloupéens. Ils ont décidé de fusionner les cultures du fest-noz et du lewoz pour une album.

Vous connaissez des festivals découvertes de world music à l’instar des festivals rock et électro qui ont les Transmusicales par exemple ?

Babel Med à Marseille !

J’avoue que j’ai pas tout compris au niveau de l’artiste “fantôme” du vendredi, c’est une affaire d’exclu par un gros festival, c’est ça ?

Oui, en fait, ce qu’on peut dire, c’est que c’est une des plus belles voix de l’Afrique de l’ouest ; elle sort un nouvel album et a beaucoup d’actu. Effectivement, un festival voisin ne souhaite pas que nous communiquions dessus avant le 20 juillet. Il souhaitait une exclusivité, nous avons réussi à la faire sauter à la condition de ne pas dévoiler le nom avant fin juillet. Nous déplorons ce genre de procédé, mais il était important pour nous de présenter cette artiste cet été, nous avons du nous incliner. No comment !

Est ce qu’un tremplin pourrait voir le jour à Crozon pour le Bout du Monde ?

Par forcément, cela implique une logistique particulière… Par contre, dans le cadre du soutien de la Fondation Orange, un vote va être mis en place autour de la thématique « voix du monde ». Plusieurs artistes seront en compétition et seront soumis au vote en ligne par les festivaliers. L’artiste retenu se verra offrir 5.000 € de soutien pour la création et la diffusion de sa musique.

Concernant les trois derniers noms de l’affiche. Ils seront annoncés quand ?

Quand nous aurons finalisé la programmation ! Nous souhaitions attendre un peu pour annoncer et valider certains artistes, car nous avions des envies et des projets mais souhaitions les voir en live avant de les programmer… ça ne tardera pas !

Des souhaits de programmation pour les années à venir ?

En 2012, le groupe américain Pink Martini avait dû annuler sa venue… on aimerait beaucoup les voir revenir pour une tournée européenne, qui pourquoi pas, passerait par la presqu’île de Crozon ? Et puis, Tracy Chapman, qui représente vraiment l’artiste qui plairait à tous nos festivaliers, sans exception… mais nous sommes tenaces et patients ! L’espoir est permis !

Découvrez la programmation du festival du Bout du Monde en un seul coup d’œil ici.

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Les chants marins de Paimpol sur papier glacé

Un festival est éphémère. C’est sa définition. Procurer des émotions avec unité de lieu, de temps. À ce titre, le festival du Chant de Marin remplit pleinement sa tâche. Il célèbre les arts – la musique en premier lieu – autour du port de Paimpol, tous les deux ans. Est-il vain de prolonger l’événement ? Réponse sans emballement.

L’objet débattu c’est un livre, paru cet été. Un album souvenir sur le festival paimpolais, publié par les Rennais de Planète Rêvée éditions, à initiative des organisateurs. Ceux-ci ont confié le projet à Luc Rodaro, photographe-écrivain, installé à Perros-Guirec, autre port costarmoricain. Festival qui soit dit en passant avait fait l’objet d’un dossier sur Report Ouest l’été dernier.

Alors que nous photographions sans pouvoir feuilleter nos souvenirs, l’ouvrage est admirable. Trombinoscope de marins, vrais ou déguisés, clichés de concerts, couleurs du port animé par des centaines de groupes et 130 000 visiteurs, l’ambiance amicale, familiale même, du rendez-vous estival est très bien retranscrite. Jour après jour, de l’arrivée des voiliers le jeudi aux spectacles du dimanche, en passant par les concerts de Moriarty, Carlos Núñez, Dan ar Braz & Cie.

Festival du chant de marin de Paimpol, Planète Rêvée éditions - page des pirates. Crédits Luc Rodaro, Sylvain Ernault

Les têtes d’affiche, parlons-en. Elles attirent de plus en plus de monde tous les deux ans. Elles font rayonner le festival, mais n’en sont pas son âme. Simple Minds, Marianne Faithfull ou Johnny Clegg ont chacun fait vibrer Paimpol, sans voler la vedette au port et ses dizaines d’autres concerts, à cette atmosphère générale de gaité, ou alors juste temporairement. Il n’est d’ailleurs pas question de les épargner. Sinéad O’Connor ? “Affable en coulisses, un peu linéaire sur scène“. Sergent Garcia ? “Catégorie caprice de diva“. Le ton demeure toutefois fort peu grinçant.

Si les photos attirent l’œil, les textes le retienne. Interviews et anecdotes se succèdent au fil des pages. L’ouvrage prolonge le plaisir par l’enseignement. Il répond aux interrogations sur les rayures des chandails marins, liste les superstitions liées aux animaux à bord et rappelle les destinations lointaines et glacées des pêcheurs de morue bretons.

Bien que ce ne soit pas l’ouvrage de la consécration pour le festival, il contentera les festivaliers pressés de plonger dans l’édition 2013. Consacré presque exclusivement aux dernières festivités, il laisse le loisir aux prochains rédacteurs de sonder les origines du rendez-vous paimpolais. Le feuilleton tourmenté de 20 années de labeur associatif mérite cet approfondissement.

La biennale est bien entamée. Le prochain festival arrive à grands pas. Le festivalier devrait tout de même feuilleter pendant longtemps l’ouvrage. Et ce malgré son format.

Car notre regret tient tant dans la taille de l’album que dans son cartonnage. Une couverture rigide et quelques centimètres au garrot le séparent de la catégorie des beaux-livres. Un caractère plus affirmé dans la bibliothèque et les photos prenaient une autre dimension. Elles se seraient en plus dégagées de ces titres et légendes en surimpression. Un peu plus aéré, le livre se serait davantage prêté au plaisir de la contemplation.

Références

Le festival du Chant de Marin de Paimpol, Luc Rodaro, Planète Rêvée éditions, 19,80 €

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Nos petits plaisirs musicaux honteux

La musique mainstream est abondamment conchiée. Jugés sans valeur, sans message, sans âme, les refrains populaires provoquent généralement le dédain de l’intelligentsia. Le rédacteur en chef adjoint du magazine GQ, ancien chroniqueur musical pour Libération, Emmanuel Poncet, prend le contrepied des critiques. Non sans pertinence.

Jeudi 19 juillet, le groupe américain LMFAO monte sur la scène Kerouac du festival des Vieilles Charrues. Il est minuit passé de trente minutes quand Sky Blu et Red Floo entament les premières paroles de Party Rock. Malgré les sarcasmes qui ont animé les discussions du camping toute la journée, malgré les avertissements des Inrocks, des dizaines de milliers de festivaliers rentrent en transe au même moment.

On reconnaît dans la foule les plus prompts à blâmer la programmation d’un groupe dont les initiales signifient “Rire à s’en taper le cul par terre” en français. Curieux et peut-être même contents d’être là, quoiqu’un peu honteux.

Ce récit (presque imaginé) montre à quel point certains morceaux, même affublés de tous les vices, font partie d’une culture commune partagée au moins par toute une génération. Paradoxalement, ces jeunes, qui dansent sur une musique simpliste aux paroles débiles, ont une culture musicale bien plus étendue que leurs parents.

Statistiques de Party Rock de LMFAO sur Youtube
Répartition géographique des visiteurs de la vidéo Party Rock sur Youtube.

Notons, et ce n’est pas un détail, que le clip de Party Rock a été vu quatre-cent-soixante millions sept-cent-cinquante-quatre mille seize (460 754 016) fois sur Youtube au 13 juillet 2012. La carte issue des statistiques de la plateforme vidéo (ci-contre) suffit à nous convaincre de la viralité du clip à l’échelle planétaire. Dans “Mainstream“, Frédéric Martel avait déjà montré comment les États-Unis continuent d’imposer leur pop music à la planète.

Mais pourquoi ça marche ?

Qu’est-ce qui nous marque autant dans ces tuyaux creux ? L’auteur apporte des éléments pour répondre à cette question qui le taraude. Des scientifiques ont ainsi identifié les ingrédients pour qu’un morceau face recette : une louche de phrases musicales longues et détaillées, une pincée de voix mâles récurrentes sans oublier une cuillère à soupe de changements de ton multiples.

Certaines pistes remontent à l’enfance, voire à l’état fœtal. Les battements sourds du cœur associés aux voix parentales ne créent-elles pas la musique primitive entendue dans le cocon du bien-être originel ? Quant aux lallations du petit enfant, ne trouvent-elles pas un écho dans le titre Freed From Desire de Gala ?

Ce tube d’eurodance sorti en 1996 faisait un carton dans les cours d’école. En suivant la démonstration d’Emmanuel Poncet, doit-on lui imputer le succès d’Ilona Mitrecey ou René la Taupe ?

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Les premiers stimuli sonores perçus au stade de fœtus ne quitteront jamais notre inconscient. Crédits Jim Moran

Des tubes aux tunes

La conviction d’Emmanuel Poncet, c’est que du temps des tubes, nous sommes passés à l’ère des tunes, ces aires entêtants, destinés à être consommés sur nos appendices digitaux des années 2000.

Les tubes (ou les tunes) rythment nos vies. Des morceaux complets ou plus souvent des phrases sonores, ils colonisent les bandes originales de films et de jeux vidéo, les génériques télévisés ou nos sonneries de portables. Vecteurs de publicité plus puissants qu’un spot télé, mais aussi plus insidieux, ils servent au commerce et s’éloignent de l’art.

Malgré ce constat, l’auteur confesse dans son livre regarder en cachette une vidéo d’I Gotta Feeling des Black Eyed Peas de façon obsessionnelle. Avouons-le, nous mêmes jetons un œil de temps à autre sur un clip de LMFAO, Abba ou Michael Jackson. À peu près pour les mêmes raisons que le journaliste de GQ invoquent. Fascinés d’observer le même phénomène que des milliers de personnes réparties dans le monde au même moment sur Internet. Rassurés par des sensations enfantines. C’est la force d’attraction inouïe d’un tube, révélateur d’une mondialisation culturelle aussi inquiétante qu’envoûtante.

Références

Éloge des tubes, Emmanuel Poncet, Nil, avril 2012, 18 € 50.

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Bikini mag, le bien ficelé

Scandale moral dans l’après-guerre pudibonde, le bikini était une bombe d’indécence et de vulgarité. Soixante-cinq ans plus tard, les bouts de tissus se muent en magazine, qui sans créer l’effroi, souffle un vent de fraîcheur dans le paysage médiatique breton.

Distribué depuis avril 2011 en Bretagne administrative, Bikini est un nouveau bimestriel très mini. Oui, mais il est gratuit ! Noyé parmi toutes sortes de publications publicitaires et/ou institutionnelles sur les présentoirs des cafèts universitaires et des bars associatifs, Bikini ne mérite pas de boire la tasse. Car malgré sa taille de prospectus pour opérateur mobile, le magazine n’utilise pas des formules creuses pour amadouer le client. Voyons plutôt.

“Rendez-vous en aire inconnue”

En cinquante-six pages hautes en couleurs, Bikini nous envoie loin des sentiers battus. Avec un dossier sur “la plouc culture” de la jeunesse du Kreiz Breizh, une rencontre avec un raëlien et un reportage sur la gestion des chiottes rennaises, la rédac’ n’y est pas allée de main morte dès son premier numéro. Sous couvert de franche rigolade, les articles sont fouillés et les témoignages nombreux. Un militant anti-sectes analyse la présence des organisations pseudo-religieuses dans la péninsule, le rappeur rural MC Circulaire témoigne de la vitalité des campagnes, le responsable propreté de la ville de Rennes décrit le quotidien de ses cuvettes préférées… Il n’en reste pas moins difficile de placer, au détour d’une discussion entre amis, que vous connaissez la proportion des boxes individuels dans le parc des toilettes publiques de la ville. Tentez le coup, vous verrez bien !

Parce que Manau comme représentant du rap breton, ça suffit maintenant.
Parce que Manau comme représentant du rap breton, ça suffit maintenant.

La lubie des journalistes pour les questions incongrues se poursuit dans le numéro deux. Comment vit une aire d’autoroute la nuit ? Qui choisit la programmation musicale des supermarchés ? Respectivement, ce sont Julien Marchand – directeur de la publication et ancien élève de l’IUT de Lannion – et Régis Delanoë – un habitué des pages de So Foot -, qui lèvent les interrogations que nous n’avions pas. C’est de l’enquête de proximité et il fallait y penser !

Le gratuit version haut de gamme

Même si Bikini n’est pas un simple agenda culturel, il demeure un magazine classé dans la catégorie “presse magazine régionale gratuite d’information culturelle & spectacles” au côtés du Cri de l’Ormeau briochin ou du Black Pepper nantais, la plus-value journalistique en plus. Ce qui fait la différence.

Fidèle à sa thématique, le numéro de juin est d’ailleurs consacré en grande partie aux festivals musicaux de l’été, côté scène, coulisse, fosse et comptoir. Outre les conseils de groupes à écouter et de nourritures à fuir, le magazine propose un très bon article sur l’aïeul des Vieilles Charrures, le Festival Elixir. Un flashback dans les années 80 pour se rappeler qu’avant Bruce Sprinsteen à Kerampuilh, il y eut Jimmy Cliff à Saint-Pabu.

Au fil des pages, la personnalité du mag’ s’affirme. Plutôt Sexy Sushi que Nolwen Leroy, Philippe Katerine que Yannick Noah, pour une fois les rédacteurs n’oublient pas de donner leur avis. Sans non plus aller à contre-courant, l’équipe exprime ses choix et multiplie les portraits. Ça fait zizir.

Pour couvrir la saison des festivals, Bikini sévira tout l’été sur Internet. Ce qui nous fait penser à So Ouest, que la concurrence sera rude dans les algecos-presse.

    Les finistériens n'ont pas attendus Christian Troadec pour écouter du rock dans la poussière.
Les finistériens n’ont pas attendus Christian Troadec pour écouter du rock dans la poussière.

A l’image de Tracks sur Arte, Bikini est parfois trash, souvent fun, pop, hype et beaucoup de termes anglais à la fois. Les “18-35 ans” apprécieront ce concept, de mémoire inédit en Bretagne. Vivant uniquement de la publicité, Bikini compte sur un maximum de retours des lecteurs pour convaincre et fidéliser les annonceurs. Espérons donc que les bretons se ruent sur Bikini pour que vive l’impertinence sur papier glacé.

Faites-vous un avis, consultez les versions numériques des deux premiers numéros.

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