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Ammoniac et pesticides, le cocktail corsé d’un printemps confiné

Le confinement a décidément bon dos. C’est la justification trouvée par le gouvernement pour assouplir la législation sur les pesticides. Les défenseur·ses de l’environnement sonnent l’alarme contre ces pulvérisations, qui s’ajoutent au épandages de déjections animales co-responsables d’un récent pic de pollution aux particules fines.

Des Indien·nes aperçoivent pour la première fois l’Himalaya derrière leur fenêtre. Des Pékinois·es apprécient la palette de couleurs de la nature en fleurs. Des Parisien·es redécouvrent la voûte céleste. Et les populations rurales, notamment en Bretagne, toussent en imaginant ces cartes postales. Si le soudain ralentissement économique fait baisser la concentration du dioxyde d’azote dans l’air, les polluants issus de l’agriculture productiviste ont le champ libre.

Depuis le 30 mars, les nouvelles distances d’épandage des pesticides ont été quasiment abolies. Ces zones de non-traitement (ZNT) qui ulcèrent la FNSEA sont fixées à 10 m des habitations pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses depuis un arrêté du 27 décembre 2019 « relatif aux mesures de protection des personnes ». Une protection qui ne semble plus d’actualité en plein état d’urgence sanitaire.

De l’ordre du symbolique et difficilement contrôlables, ces distances peuvent en effet être réduites par arrêté préfectoral, en cas de signature d’une charte de bon voisinage entre agriculteur·ices et riverain·es. Or, « la difficulté de mener la concertation publique dans le contexte en cours de la crise de Covid-19 », rend caduque cette condition, explique candidement le ministère. Les préfectures se contenteront d’un simple engagement. La « bonne foi » suffit quand vous êtes puissant·es !

« La période n’est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes », conviennent dix-neuf organisations dont Eau & Rivières de Bretagne, l’UFC-Que Choisir ou l’Union syndicale Solidaires. Elles en tirent toutefois la conclusion inverse et demandent l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des habitations. Une campagne d’interpellation des préfets est organisée via la plateforme « Shake ton politique ».

Plus offensive, l’association Sauvegarde du Trégor observe que cette autorisation intervient dans une période où les populations rurales sont sommées de restez chez elles. Elle estime même que les préfets de Bretagne ont choisi « la peste plutôt que le choléra » (lire sur Facebook).

« Cette mesure ne s’inscrit-elle pas dans la droite ligne de la fermeture en 2018 d’une unité de fabrication de masques à Plaintel, dans l’indifférence des pouvoirs publics dont vous êtes un des représentants majeurs en Bretagne, interroge Sauvegarde du Trégor. [Voir notre article sur le sujet, NDR] Comme toujours la même politique imprévoyante et irresponsable, côté pile soutien actif à un lobby, côté face désintérêt pour un enjeu de santé publique. »

Si la chimie de synthèse fait régulièrement les gros titres, les traditionnels épandages printaniers de lisier et de fumier donnent aussi les larmes aux yeux. Littéralement. Sans même parler de leur qualités olfactives, ces déjections animales sont responsables de l’essentiel des émissions d’ammoniac (NH3) en France. Un gaz qui forme du nitrate d’ammonium par combinaison avec l’oxyde d’azote, dont les très petites particules sont nocives pour l’environnement. La Bretagne, terre d’élevage intensif, en est la première région émettrice.

200419 - Carte pollution particules fines PM2-5 du 28 mars 2020 - La Déviation
L’ouest de la France a connu un pic de pollution aux particules fines (ici PM 2.5), auxquelles contribue l’ammoniac issu du lisier et du fumier servant à amender les champs. Source : Prevair

L’observatoire régional de la qualité de l’air, Air Breizh, a enregistré un pic de pollution les 27 et 28 mars, attribué par son président Gaël Lefeuvre au chauffage domestique et à l’activité agricole.

Alors que le ballet des épandeurs ne fait que débuter, quatre organisations bretonnes montent au créneau pour demander l’encadrement de ces pratiques, arguant d’un lien éventuel entre la présence de particules fines et la hausse de la mortalité au Covid-19. L’association Respire est allée plus loin en déposant un référé liberté devant le Conseil d’Etat, mais la requête a été rejetée lundi 20 avril. La haute juridiction reconnaît malgré tout le problème puisqu’elle encourage l’Etat à « faire preuve d’une vigilance particulière […] notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes [en cas de franchissement avéré des seuils] ».

Si les scientifiques restent prudents – des études étant en cours -, la directrice de recherche à l’Inserm, Isabella Annesi-Maesano, et le docteur Thomas Bourdrel, membres du collectif Air santé climat cités par Mediapart le 13 avril (article payant), rappellent que la pollution de l’air fragilise notre système immunitaire. Et donc la capacité de notre corps à répondre à une agression inconnue. Ielles demandent aux préfets des mesures urgentes pour limiter les émissions de particules fines liées aux épandages agricoles.

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En Inde, au Mexique ou en Afrique, le coronavirus dévoile les failles des potentats

En Inde, le confinement, imposé de manière autoritaire le 24 mars 2020 en seulement quatre heures, est une crise humanitaire de grande ampleur : plus de la moitié des indien·nes sont payé·es à la journée et ont donc perdu leur unique source de revenu du jour au lendemain.

La chaîne d’approvisionnement a été coupée de manière brutale et la peur de la faim, notamment pour les plus pauvres, est omniprésente : devant les soupes populaires, on voit des queues immenses de 2.000 personnes. Le coronavirus nous rappelle les conditions horribles des bidonvilles : des familles dans 2m2 avec un unique point d’eau pour tout le bidonville…

Quant aux personnes souhaitant retourner dans leur village natal, elles ont marché quelques fois des centaines de kilomètres en étant violenté·es par la police

Au Mexique, alors que le président de gauche progressiste minimisait les risques et en appelait à Dieu le 18 mars, il a finalement décrété l’état d’urgence sanitaire le 30 mars.

Pendant ce temps, dès le 16 mars, l’armée zapatiste écrivait dans son communiqué : « face à l’absence des mauvais gouvernements, encourager tou·tes, au Mexique et dans le monde, à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur des bases scientifiques, leur permettent d’aller de l’avant et de sortir vivant·es de cette pandémie ». Elle a laissé les communautés choisir les mesures appropriées au contexte local.

Le coronavirus a d’abord touché les centres du capitalisme globalisé, en se transmettant via les voyages en avion, et la situation est en train de s’aggraver en Afrique. La prévalence de maladies comme la tuberculose ou le VIH risquent d’aggraver la sévérité des infections.

Comme en Inde, le confinement ne semble pas adapté à la situation africaine et la solution est probablement à chercher dans l’auto-organisation des quartiers ou les traditions d’autogestion des villages comme en Kabylie plutôt que de faire confiance aux élites corrompues qui s’inquiètent de révoltes populaires. Mais il est loin d’être sûr que les décisions prises en haut lieu soient adaptées aux réalités du terrain de la pauvreté car les dirigeants (nationaux et internationaux) ne vivent pas dans le même monde…

200419 - L'Ennemi intérieur de Mathieu Rigouste aux éditions La Découverte Poche - La Déviation
Dans l’ennemi intérieur, Matthieu Rigouste montre comment les techniques policières ont été expérimentées dans les colonies françaises. Encore une fois, l’on peut craindre une répression importante en Outre-mer face aux révoltes qui se produiront peut-être à cause d’un confinement qui touche une population qui n’a pas le droit au chômage partiel, plus de 30 % des personnes travaillant dans l’économie informelle…

Mais n’allons pas croire que les personnes en Europe soient toutes des privilégiées. La situation des migrant·es en Grèce est catastrophique : un WC pour 167 personnes et une douche pour 242

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La Gazette des confiné·es #9 – Science, peurs et épandages

Comment se réapproprier la science, la lutte contre l’épidémie, mais aussi nos émotions ? Et que penser de la sortie du confinement ? Nécessaire ou irresponsable ? La gazette vous donne les dernières nouvelles sur l’épandage des pesticides, l’international tout en invitant à la réflexion collective.

À la campagne, urgence sanitaire rime avec pollution de l’air

Le confinement a décidément bon dos. C’est la justification trouvée par le gouvernement pour assouplir la législation sur les pesticides. Les défenseur·ses de l’environnement sonnent l’alarme contre ces pulvérisations, qui s’ajoutent au épandages de déjections animales co-responsables d’un récent pic de pollution aux particules fines.

Des Indien·nes aperçoivent pour la première fois l’Himalaya derrière leur fenêtre. Des Pékinois·es apprécient la palette de couleurs de la nature en fleurs. Des Parisien·es redécouvrent la voûte céleste. Et les populations rurales, notamment en Bretagne, toussent en imaginant ces cartes postales. Si le soudain ralentissement économique fait baisser la concentration du dioxyde d’azote dans l’air, les polluants issus de l’agriculture productiviste ont le champ libre.

Depuis le 30 mars, les nouvelles distances d’épandage des pesticides ont été quasiment abolies. Ces zones de non-traitement (ZNT) qui ulcèrent la FNSEA sont fixées à 10 m des habitations pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses depuis un arrêté du 27 décembre 2019 « relatif aux mesures de protection des personnes ». Une protection qui ne semble plus d’actualité en plein état d’urgence sanitaire.

De l’ordre du symbolique et difficilement contrôlables, ces distances peuvent en effet être réduites par arrêté préfectoral, en cas de signature d’une charte de bon voisinage entre agriculteur·ices et riverain·es. Or, « la difficulté de mener la concertation publique dans le contexte en cours de la crise de Covid-19 », rend caduque cette condition, explique candidement le ministère. Les préfectures se contenteront d’un simple engagement. La « bonne foi » suffit quand vous êtes puissant·es !

« La période n’est pas propice à une consultation sereine et réellement démocratique des diverses parties prenantes », conviennent dix-neuf organisations dont Eau & Rivières de Bretagne, l’UFC-Que Choisir ou l’Union syndicale Solidaires. Elles en tirent toutefois la conclusion inverse et demandent l’interdiction des épandages de pesticides à proximité des habitations. Une campagne d’interpellation des préfets est organisée via la plateforme « Shake ton politique ».

Plus offensive, l’association Sauvegarde du Trégor observe que cette autorisation intervient dans une période où les populations rurales sont sommées de restez chez elles. Elle estime même que les préfets de Bretagne ont choisi « la peste plutôt que le choléra » (lire sur Facebook).

« Cette mesure ne s’inscrit-elle pas dans la droite ligne de la fermeture en 2018 d’une unité de fabrication de masques à Plaintel, dans l’indifférence des pouvoirs publics dont vous êtes un des représentants majeurs en Bretagne, interroge Sauvegarde du Trégor. [Voir notre article sur le sujet, NDR] Comme toujours la même politique imprévoyante et irresponsable, côté pile soutien actif à un lobby, côté face désintérêt pour un enjeu de santé publique. »

Si la chimie de synthèse fait régulièrement les gros titres, les traditionnels épandages printaniers de lisier et de fumier donnent aussi les larmes aux yeux. Littéralement. Sans même parler de leur qualités olfactives, ces déjections animales sont responsables de l’essentiel des émissions d’ammoniac (NH3) en France. Un gaz qui forme du nitrate d’ammonium par combinaison avec l’oxyde d’azote, dont les très petites particules sont nocives pour l’environnement. La Bretagne, terre d’élevage intensif, en est la première région émettrice.

200419 - Carte pollution particules fines PM2-5 du 28 mars 2020 - La Déviation
L’ouest de la France a connu un pic de pollution aux particules fines (ici PM 2.5), auxquelles contribue l’ammoniac issu du lisier et du fumier servant à amender les champs. Source : Prevair

L’observatoire régional de la qualité de l’air, Air Breizh, a enregistré un pic de pollution les 27 et 28 mars, attribué par son président Gaël Lefeuvre au chauffage domestique et à l’activité agricole.

Alors que le ballet des épandeurs ne fait que débuter, quatre organisations bretonnes montent au créneau pour demander l’encadrement de ces pratiques, arguant d’un lien éventuel entre la présence de particules fines et la hausse de la mortalité au Covid-19. L’association Respire est allée plus loin en déposant un référé liberté devant le Conseil d’Etat, mais la requête a été rejetée lundi 20 avril. La haute juridiction reconnaît malgré tout le problème puisqu’elle encourage l’Etat à « faire preuve d’une vigilance particulière […] notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes [en cas de franchissement avéré des seuils] ».

Si les scientifiques restent prudents – des études étant en cours -, la directrice de recherche à l’Inserm, Isabella Annesi-Maesano, et le docteur Thomas Bourdrel, membres du collectif Air santé climat cités par Mediapart le 13 avril (article payant), rappellent que la pollution de l’air fragilise notre système immunitaire. Et donc la capacité de notre corps à répondre à une agression inconnue. Ielles demandent aux préfets des mesures urgentes pour limiter les émissions de particules fines liées aux épandages agricoles.

Quelques nouvelles internationales

En Inde, le confinement, imposé de manière autoritaire le 24 mars 2020 en seulement quatre heures, est une crise humanitaire de grande ampleur : plus de la moitié des indien·nes sont payé·es à la journée et ont donc perdu leur unique source de revenu du jour au lendemain.

La chaîne d’approvisionnement a été coupée de manière brutale et la peur de la faim, notamment pour les plus pauvres, est omniprésente : devant les soupes populaires, on voit des queues immenses de 2000 personnes. Le coronavirus nous rappelle les conditions horribles des bidonvilles : des familles dans 2m2 avec un unique point d’eau pour tout le bidonville…

Quant aux personnes souhaitant retourner dans leur village natal, elles ont marché quelques fois des centaines de kilomètres en étant violenté·es par la police

Au Mexique, alors que le président de gauche progressiste minimisait les risques et en appellait à Dieu le 18 mars, il a finalement décrété l’état d’urgence sanitaire le 30 mars.

Pendant ce temps, dès le 16 mars, l’armée zapatiste écrivait dans son communiqué : « face à l’absence des mauvais gouvernements, encourager tou·tes, au Mexique et dans le monde, à prendre les mesures sanitaires nécessaires qui, sur des bases scientifiques, leur permettent d’aller de l’avant et de sortir vivant·es de cette pandémie ». Elle a laissé les communautés choisir les mesures appropriées au contexte local.

Le coronavirus a d’abord touché les centres du capitalisme globalisé, en se transmettant via les voyages en avion, et la situation est en train de s’aggraver en Afrique. La prévalence de maladies comme la tuberculose ou le VIH risquent d’aggraver la sévérité des infections. Comme en Inde, le confinement ne semble pas adapté à la situation africaine et la solution est probablement à chercher dans l’auto-organisation des quartiers ou les traditions d’autogestion des villages comme en Kabylie plutôt que de faire confiance aux élites corrompues qui s’inquiètent de révoltes populaires. Mais il est loin d’être sûr que les décisions prises en haut lieu soient adaptées aux réalités du terrain de la pauvreté car les dirigeants (nationaux et internationaux) ne vivent pas dans le même monde…

200419 - L'Ennemi intérieur de Mathieu Rigouste aux éditions La Découverte Poche - La Déviation
Dans l’ennemi intérieur, Matthieu Rigouste montre comment les techniques policières ont été expérimentées dans les colonies françaises. Encore une fois, l’on peut craindre une répression importante en Outre-mer face aux révoltes qui se produiront peut-être à cause d’un confinement qui touche une population qui n’a pas le droit au chômage partiel, plus de 30 % des personnes travaillant dans l’économie informelle…

Mais n’allons pas croire que les personnes en Europe soient toutes des privilégiées. La situation des migrant·es en Grèce est catastrophique : un WC pour 167 personnes et une douche pour 242

Avoir peur des dystopies qui s’infiltrent dans le réel

La peur fait aujourd’hui partie de notre quotidien. Les médias assènent des chiffres de morts jour après jour qui sont difficiles à remettre en perspective sans point de comparaison. Le gouvernement communique de façon incohérente et privilégie les annonces de dernière minute, ce qui ne favorise pas la sérénité.

Nous avons peur pour nos proches et moins proches qui sont âgé·es, pour nos proches et moins proches qui sont obligé·es d’aller ou de retourner ou boulot… Nous avons peur aussi devant l’incertitude de quoi sera fait le futur.

Certain·es craignent d’ailleurs que cette période que nous vivons oriente les États dans un tournant totalitaire, comme le mentionne CrimethInc qui envisage que ce changement pourrait avoir lieu pendant la période de confinement.

200419 - Bandeau revue anarchiste Réfractions - La Déviation
Le numéro 19 de la revue anarchiste Réfractions était consacré aux peurs. Les politiques les utilisent pour nous gouverner en nous proposant de les prendre en charge à notre place mais si l’on choisit de les affronter collectivement, alors nous retrouverons de la puissance tout en créant un lien fort.

Et en effet, l’État intensifie son contrôle. Il finance l’achat de drones de surveillance dans une période où l’argent semblerait utilement dirigé vers les hôpitaux, les prisons, les structures d’aide aux plus vulnérables…

Il se penche aussi sur l’application StopCovid développée par Orange, à laquelle La Quadrature du Net oppose une série d’arguments, dont certains nous rappellent bien que des mesures prises en temps d’urgence pour cibler un phénomène spécifique peuvent par la suite étendre leur champ de contrôle bien au-delà (c’est une des caractéristiques que Raphaël Kempf attribue aux lois scélérates, dont il a récemment produit une analyse).

Camille Espedite et Anna Borrel décrivent quant à elles un processus de domination douce de l’État via la domiciliation : faire du domicile le nouveau lieu d’assujettissement, nœud modal pour le boulot (pour celleux en télétravail), la consommation (grâce à Amazon), les loisirs (via Netflix), la sociabilité (merci Zoom)…

Devant tous ces phénomènes qui semblent aujourd’hui s’accélérer, nous pouvons avoir peur, dans un « pire scénario qui serait déjà là ». Nous pouvons aussi avoir peur que nos réponses militantes, dans le contexte du Covid-19, divergent et nous divisent : CrimethInc voit deux façons de répondre qui peuvent s’opposer, entre « celles et ceux qui sont investi·es dans la résistance à tout prix et celles et ceux qui considèrent que prendre le risque de propager le virus est irresponsable si bien qu’ils et elles préfèrent une capitulation totale ».

Pouvons-nous nous proposer de prendre en compte cette peur, de la reconnaître et de nous en servir ?

Par exemple, certain·es d’entre nous avons peur devant les morts causés par Covid-19 : pouvons-nous étendre l’attention que nous portons aux conséquences de cette pandémie aux autres maladies épidémiques et pandémiques qui touchent le monde (VIH, Ebola, etc.) ?

L’idée n’est pas de nier l’importance de nos peurs et émotions actuelles, ni d’instaurer une compétition entre maladies pour un nombre de morts record (tout comme trouver qui est le ou la plus opprimé·e n’est pas pertinent). Nous pouvons en revanche donner à ces peurs et émotions une dimension politique, réfléchir à la façon dont nous pouvons, avec nos affects, transformer nos rapports au monde, au politique, à la maladie, comme le suggère Aïcha Liviana Messina.

Cela nous permet aussi d’accueillir ces peurs en nous et aussi certaines de leurs contradictions (vouloir agir de façon solidaires avec les soignant·es dans une réelle empathie avec elleux vs. souffrir de ne pas rencontrer des personnes proches et rompre le confinement pour une ou deux d’entre elles par exemple).

200419 - Reclaim Recueil de textes écoféministes choisis par Emilie Hache aux éditions Cambourakis - La Déviation
Les travaux féministes offrent des perspectives pour la façon de recréer des histoires et des alternatives, et de les partager. C’est par exemple le cas du texte de Joanna Macy dans un texte du recueil Reclaim. Le livre (en anglais) dont est issu le texte de J. Macy peut être emprunté ici.

Dans une analyse du récent recueil de textes de Donna Haraway publié en français, Laura Aristizabal Arango souligne que D. Haraway nous dit que « toute réponse [face à des temps douloureux] se fait à partir des contradictions d’une situation, c’est-à-dire en composant avec ses troubles ».

Reconnaître nos craintes et les utiliser pour ouvrir notre attention serait un moyen de rendre visible d’autres histoires, d’autres pratiques. C’est l’appel de D. Haraway qui nous propose de dévoiler de nouvelles histoires pour notre présent, des histoires qui ouvrent des brèches. C’est une démarche issue du féminisme que de proposer des histoires alternatives à notre monde, pour y ouvrir de nouvelles perspectives (comme le fait par exemple Silvia Federici dans Caliban et la Sorcière ou le résume Émilie Hache ici).

Et il semble bien que nous ayons besoin de nouvelles perspectives pour inventer comment nous voulons vivre aujourd’hui et demain, comme y appellent des articles récents (ici ou , par exemple).

Peut-être devons-nous aussi penser un temps qui ne sera pas un après mais restera un pendant la pandémie, penser une façon d’agir qui ne soit pas une dichotomie entre « résistance à tout prix » et « capitulation totale ».

D’un âge à l’autre dans la vie confinée

Quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on trouve le temps long.

Quand on a 70 ans, on a la menace, brandie par le président du conseil scientifique puis balayée par l’exécutif, que le temps du confinement soit encore rallongé, pour sa propre sécurité. Toutefois, l’avocat en droit du travail Jacques Hardy rappelle qu’obliger les seniors à se confiner relèverait d’une mesure discriminatoire ; le droit de la santé précise clairement que le corps médical ne peut imposer des soins sans le consentement de la personne (sauf soins psychiatriques), chacun·e dispose de son propre corps et peut décider ou non de prendre des risques. Les plus grands risques étant peut-être l’ennui et la solitude.

Quand on a 90 ans, le confinement, c’est comme du temps volé aux peu d’années qui restent à parcourir.

Quand on a 15 ans et qu’on est géré par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), les temps sont durs. Comme l’explique cette tribune, de nombreux enfants, confinés chez leurs parents ou en chambres d’hôtels, ne rencontrent plus leurs éducateur·ices que par Whatsapp. Et les centres manquent de personnel, forcé·es de rester chez elleux pour garder leurs propres mômes.

200419 - Figure de la mort près d'un bac à sable by Rini - La Déviation
Dessin de Rini Templeton

Quand on a quelques jours, qu’on est né·e prématuré·e pendant le confinement, la peur des soignant·es peut priver de la présence de ses parents, du contact en peau à peau, de l’allaitement, comme raconté dans cette tribune de la présidente de SOS préma.

Du coup, même quand on a 30 ans et qu’on est en bonne santé, on se dit qu’il est peut-être temps de chercher des solutions différentes, non coercitives. Temps aussi de nous confronter aux fractures générationnelles et à notre propre peur de vieillir, et de nous demander : dans quelle société voudrions nous fêter nos 70, 80 ou 90 ans ?

Le conseil scientifique fait-il encore de la science ?

Être scientifique, ce n’est pas avoir des titres et des diplômes ; c’est avoir une méthode, des faits, et, bien souvent, des doutes.

Dans ses trois premiers rapports, le conseil scientifique s’appuyait sur une large bibliographie. Dès le quatrième, ses seules références semblent être Santé publique France et des sondages d’opinion, et ce alors que de nombreux papiers de recherches sont publiés chaque jour sur le Covid-19.

Or, la science n’est pas neutre ; le choix des données qu’un·e scientifique juge pertinente ou non est éminemment politique.

200419 - Les Nouveaux chiens degarde Gilles Balbastre et Yannick Kergoat Epicentre Films - La Déviation
Les experts, chiens de garde médiatiques, manipulent fréquemment les chiffres pour dépolitiser des questions. Attention à l’avalanche des chiffres dans les médias !

Ainsi, le conseil scientifique fait porter ses espoirs sur les tests de dépistage PCR (Polymerase chain reaction), pour déconfiner ou pour isoler les contaminé·es dans les Ehpad et prisons. Pourtant, des études mentionnent 30 % de faux négatifs[1] parmi les malades ayant des lésions pulmonaires au scanner (donc des taux de virus sans doute plus élevés que les personnes peu ou pas symptomatiques), voire plus de 50 % au premier test pour des personnes testées plusieurs fois.

De même, on n’a encore aucune donnée sur la fiabilité d’un éventuel test sérologique. Si ces examens sont utiles à l’hôpital pour prendre en charge une personne, à titre individuel, fonder ses espoirs dessus à l’échelle populationnelle, sans mentionner leurs failles pourtant bien démontrées, relève d’un idéal techniciste un peu naïf et malheureusement très répandu parmi les chercheur·euses.

Ne pas citer ses sources a d’autres conséquences.

Dans le rapport du 2 avril, le conseil scientifique estime ainsi qu’au maximum 10 ou 15 % des habitant·es des départements les plus touchés ont contracté le Covid-19, sans que l’on sache comment le calcul a été fait, les tests sérologiques n’étant pas disponibles à grande échelle.

C’est là que la lacune bibliographique se fait pesante : en effet, si les premières séries qualitatives chinoises donnaient des taux de mortalité allant parfois jusqu’à 2 %, en Islande, où le dépistage a été massif, et donc où l’on est moins passé à côté de patient·es peu ou pas symptomatiques, le taux de mortalité est de l’ordre de 0,3 % (néanmoins, la population islandaise n’est pas forcément totalement comparable à la population française).

Dans le Haut-Rhin, avec une population de 764.000 habitant·es et 548 mort·es au 12 avril, si on pense que 2 % des personnes touchées par le virus en meurent, on arrive à la conclusion que 3,6 % de la population du département a été touchée. Mais si on prend un taux de mortalité à 0,3 %, on arrive à un taux de personnes contaminées de 24 % ; si on ajoute, par exemple, 40 % de faux négatifs, on peut arriver jusqu’à 40 % de personnes contaminées, peut-être plus si on avait des données exhaustives concernant les Ehpad.

200419 - Professeur Yves Montagner conspirationnisme sur Cnews - La Déviation
On peut être prix Nobel et raconter n’importe quoi, comme l’a illustré Luc Montagnier, un des découvreurs du VIH, avec sa théorie complotiste sur la fabrication du Covid-19 dans un laboratoire chinois.

Selon la manière dont les calculs sont faits, dont les données pertinentes sont choisies, on peut conclure que l’action du gouvernement est efficace ou au contraire que le confinement a échoué. La science ne peut pas toujours fournir immédiatement des données univoques, et le doute doit parfois primer…

Les faux négatifs du test PCR viennent non pas des laboratoires mais du prélèvement lui-même : il s’agit d’enfoncer un coton tige très profondément dans les narines, ce qui est très douloureux et souvent difficile si le ou la soignant·e n’a pas l’habitude de le faire. Certain·es patient·es pourraient également n’avoir que très peu de virus dans les sécrétions nasales. Les prélèvements pulmonaires, qui consistent à injecter de l’eau dans les poumons pour récupérer le virus, sont nettement plus compliqués à réaliser.

Déconfiner ou ne pas déconfiner ?..

Telle est la question ! Si d’un côté, l’on peut critiquer avec raison Macron qui souhaite déconfiner les écoles pour remettre les parents au boulot et a choisi de consulter Raoult et Nicolas Sarkozy plutôt que le conseil scientifique pour prendre sa décision… De l’autre côté, les risques sociaux, psychologiques liés au confinement tel qu’il est mis en place aujourd’hui sont légion : inégalités accentuées, confinement dans des appartements serrés qui créent des situations dangereuses dans les familles, etc.

200419 - Impact du confinement sur les revenus d'activité selon le niveau de revenu by Ifop FJJ - La Déviation
Figure dans un rapport de l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) tirée d’un sondage IFOP qui estime que plus de 50 % des personnes les plus pauvres ont subi une perte de leurs revenus partielle ou totale suite au confinement.

Tout dépend donc de la finalité du déconfinement qui influencera la manière dont celui-ci est mis en place.

Si on déconfine pour permettre aux gens de retourner au travail et de continuer à faire marcher la machine économique, alors il faut être clair : nos vies valent plus que leurs profits !

En revanche, si on le fait pour soulager les plus pauvres, les plus précaires en leur permettant de sortir, de permettre la solidarité de se mettre en place, alors c’est une urgence vitale !

Mais comment réagir alors aux appels de précaires à avoir le droit de travailler pour gagner de l’argent, comme cette pétition de salarié es d’Amazon qui regrette l’action en justice de Solidaires contre Amazon dont nous vous parlions dans la Gazette numéro 8 ? Doit-on y voir une négation de la domination liée à l’aliénation ou tout simplement un appel à l’aide de personnes obligées de mettre en danger leurs vies pour continuer à survivre dans ce monde capitaliste sans pitié ?

Sans indépendance vis-à-vis de l’argent, il paraît compliqué de proposer d’arrêter l’économie comme horizon politique.

Et comment ne pas parler des risques de surveillance généralisée ou de catégorisation de la population liées au déconfinement possible dont nous avons déjà parlé dans notre septième Gazette : passeports selon nos données sanitaires, drones, robots policiers, etc. ?

Mais de quel déconfinement parle-t-on exactement ?

De nombreux·es scientifiques nous préviennent que nous devrons vivre avec l’épidémie pendant très longtemps (nous vous avions déjà parlé de l’article de Terrestres à ce sujet et on a peur d’une seconde vague en Chine actuellement) et qu’il faudra continuer à maintenir des mesures strictes de distanciation sociale.

Tout cela dépend fortement de deux choses que nous n’avons actuellement pas assez : des informations précises sur le virus et des outils pratiques pour limiter la diffusion du virus.

200419 - Estimation covid-19 Île-de-France selon différentes mesures by Inserm - La Déviation
Figure d’un rapport de l’Inserm modélisant le nombre de cas en Île-de-France selon différentes mesures (pas de confinement du tout en gris, confinement prolongé en turquoise foncé, confinement levé fin avril avec différentes modalités pour les autres couleurs). La Gazette tient à rappeler que les modélisations ne sont pas fiables à 100 % et qu’il faut les utiliser avec précaution.

Les informations qui nous permettraient d’y voir plus clair sont par exemple : le taux de mortalité exact du virus (par exemple pour avoir une idée du nombre de personnes infectées selon le nombre de morts), la durée moyenne pendant laquelle on est immunisé·e (par exemple pour savoir si il y a des risques de vagues régulières de coronavirus, voir cette interview d’une chercheuse du CNRS à ce sujet), la rapidité de mutation du virus (par exemple pour savoir s’il sera comme la grippe saisonnière dont une nouvelle souche apparaît tous les ans), le taux de reproduction du virus c’est-à-dire le nombre de personnes moyennes contaminées par une autre (c’est sur ce chiffre que se basent les différentes modélisations que l’on voit dans les médias or celui-ci étant encore imprécis, cela rend toute modélisation douteuse), etc.

Les outils pratiques pour limiter la diffusion du virus dont nous avons besoin sont des masques, une maîtrise collective des gestes barrières et des tests. Plus on aura de masques et plus on maîtrisera les gestes barrières, plus on baissera le taux de contamination et moins l’on aura besoin d’une distanciation sociale stricte.

Pour faire des masques, Streetpress recense plusieurs ressources. Plus on aura de tests, plus on pourra détecter les personnes asymptomatiques qui propagent le virus et les informer pour qu’elles limitent leurs contacts le temps d’être guéri comme le montre l’exemple allemand, voir à ce sujet l’analyse du groupe Jean-Pierre Vernant qui estime que les tests permettent de limiter les morts d’un facteur de 1,7 de manière très empirique.

Si le mouvement émancipateur veut être écouté, réfléchissons collectivement à proposer une façon d’organiser la société qui permette de limiter la mortalité liée à la pandémie tout en préservant les libertés et en n’accentuant pas les inégalités. Ne pensons pas uniquement l’après-confinement mais aussi le pendant car cela risque de durer !

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Amazon joue la provoc’ avant son procès en appel mardi 21 avril

Même CNN en a parlé ! L’ordonnance de référé rendue mardi par le tribunal de Nanterre contraint Amazon France à réduire drastiquement ses activités tant qu’une évaluation des risques de contamination au covid-19 n’est pas menée en association avec les syndicats. Les dirigeants de la firme ont fermé les six entrepôts sur le champ, mais demandent à bénéficier du chômage partiel versé par l’Etat. Une provocation supplémentaire, alors que le procès en appel est fixé pour mardi 21 avril.

Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat. En l’occurence Solidaires.

200417 - Amazon España por dentro vue d'ensemble by Álvaro Ibáñez CC BY 2.0 - La Déviation

L’inspection du travail s’était contentée d’une mise en demeure à partir du 3 avril concernant quatre sites où l’absence de matériel de prévention et de mesures de distanciation entraînaient un risque de contagion des travailleur·ses. Nous vous en parlions dans notre sixième numéro. Affaire classée cinq jours plus tard pour trois d’entre eux. Aux yeux du ministère, mais pas de la justice !

La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.

Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.

« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »

Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.

Les salaires seront maintenus à 100 % durant ces cinq jours, mais la firme qui emploie environ 10.000 personnes dans le pays, dont un tiers en intérim envisage de les subventionner grâce au chômage partiel. Une demande qui ne manquerait pas d’audace pour une multinationale suspectée de dissimuler des milliards au fisc. Les syndicats de l’entreprise contestent cette demande d’aide auprès de l’Etat, alors que le cours d’Amazon explose en bourse.

Sur France Info, le directeur général d’Amazon France prend une posture de victime, tout en agitant la carte du chantage à l’emploi.

200417 - Carte implantation Amazon en France rapport Attac Solidaires 2019 - La Déviation
L’implantation d’Amazon en France a été cartographiée par Attac et l’Union syndicale Solidaires dans un rapport su l’impunité fiscale, sociale et environnementale de la firme, mis en ligne en novembre 2019. Cliquez sur l’image pour y accéder

Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ».

Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.

Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.

Addendum du 18 avril 2020

La procédure en appel sera jugée mardi 21 avril devant la cour d’appel de Versailles.

Dans un communiqué commun, les syndicats Sud Commerce, CFDT et CGT demandent l’ouverture rapide de négociations. Parmi leurs revendications, on compte la mise en place d’un observatoire national des cas avérés ou suspectés de covid, la réduction de l’activité et des effectifs et bien sûr une consultation des élu·es sur les mesures à mettre en place pour prévenir les risques.

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Sous-traitants et illuminations nucléaires

EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.

C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.

Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.

Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.

Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.

Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !

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Le Défenseur des droits réclame la libération des sans-papiers embastillé·es

Lieux sordides qui témoignent de la politique répressive menée par les gouvernements successifs en matière d’immigration, les centres de rétention administrative sont des foyers majeurs d’infection au covid-19. Ulcéré·es, les sans-papiers retenus se révoltent. Le Défenseur des droits demande leur libération et questionne l’existence de ces CRA, alors qu’aucune expulsion ne peut être envisagée.

Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.

Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.

Le 12 avril, au CRA de Vincennes (Val-de-Marne), des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.

Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».

200417 - Mur par mur nous détruirons les Cra A bas les Cra- La Déviation
Le site abaslescra.noblogs.org propose des ressources et analyses pour lutter contre les Cra.

On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…

Le tribunal administratif de Paris a reconnu mercredi 15 avril les carences des autorités dans la gestion du CRA Vincennes. Seulement, il n’a ordonné qu’une fermeture de ce centre pendant quatorze jours, entraînant des transferts vers Mesnil-Amelot.

Addendum du samedi 18 avril

Le Défenseur des droits a réitéré sa recommandation de fermer les centres de rétention administrative et de libérer tous les sans-papiers.

Dans un communiqué publié le samedi 18 avril, Jacques Toubon explique avoir interrogé le ministre de l’Intérieur au sujet de la pertinence et de la légalité de ces lieux de privation de liberté, « alors que les perspectives d’éloignement de ces personnes avaient disparu à court terme du fait de la fermeture des frontières ». Il s’appuie notamment sur les derniers constats de la rapporteuses générale des lieux de privation de liberté.

Il observe aussi que « le choix des autorités de reporter les placements en rétention vers le centre du Mesnil-Amelot apparaît comme une option dangereuse pour la santé des personnes retenues comme des personnels qui y travaillent ».

Pour plus d’infos, on vous invite à consulter le suivi détaillé sur Paris-luttes.

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D’autres histoires à partir de nos corps

Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.

Et ils sont violentés s’ils contreviennent aux règles édictées. Ces corps sont des territoires où les politiques s’expriment : barrières individuelles contre une propagation, pions des flux économiques, externalités d’un système carcéral qui veut conserver sa maîtrise hégémonique.

Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.

Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.

Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.

Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.

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Programme chargé pour les révolutionnaires

Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il faudra lutter encore plus pour la détruire !

On peut craindre des manifestations interdites pour « raisons sanitaires » pendant encore longtemps surtout vu que les services de renseignement s’inquiètent d’un embrasement. Il va falloir réfléchir à comment continuer à se révolter, à lutter.

D’autant plus que la situation d’une crise non prévue par le capitalisme ouvre le champ des possibles révolutionnaires et contre-révolutionnaires : d’un côté l’émancipation, de l’autre l’extrême droite qui vient et la surveillance généralisée (comme le montre ce reportage glaçant en Chine diffusée par Arte).

Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6).

Il y a de quoi faire !

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La Gazette des confiné·es #8 – Révoltes, perspectives et travail

Contre quoi faudra-t-il lutter et comment le ferons-nous dans les prochaines semaines et mois ? Comment limiter l’influence du pouvoir politique sur nos propres corps ? C’est par des questions ouvertes que la gazette commence et vous apporte ensuite les dernières nouvelles. Des révoltes éclatent dans les centres de rétention administrative, les sous-traitants du nucléaire bossent pour EDF comme si de rien n’était, l’été s’assombrit pour les intermittent·es et Amazon subit un sérieux revers.

Il faudra lutter un peu plus…

Le Medef et le gouvernement se lâchent en petites phrases pour préparer les esprits à des attaques d’envergure contre le code du travail. Contre la musique du « travailler plus pour sauver l’économie », il va falloir lutter encore plus pour la détruire !

On peut craindre des manifestations interdites pour « raisons sanitaires » pendant encore longtemps surtout vu que les services de renseignement s’inquiètent d’un embrasement. Il va falloir réfléchir à comment continuer à se révolter, à lutter. D’autant plus que la situation d’une crise non prévue par le capitalisme ouvre le champ des possibles révolutionnaires et contre-révolutionnaires : d’un côté l’émancipation, de l’autre l’extrême droite qui vient et la surveillance généralisée (comme le montre ce reportage glaçant en Chine diffusée par Arte).

Les pistes envisagées à la fin du long article de Jérôme Baschet dans Lundi Matin sont les suivantes : amplifier la colère légitime (notamment vis-à-vis de la situation de l’hôpital public), profiter du temps du confinement pour réfléchir à des modèles alternatifs (stratégie de L’An 01 mais seulement applicable pour les privilégié·es du confinement), ne pas redémarrer l’économie (stratégies de blocages, de ZAD), multiplier les initiatives d’auto-organisation et d’entraides locales (on en a parlé dans la gazette numéro 6). Il y a de quoi faire !

200417 - CQFD Janvier 2020 Vos grèves seront exaucées - La Déviation
Espérons que la prédiction de la Une du numéro de janvier 2020 de CQFD se réalise !

D’autres histoires à partir de nos corps

Le gouvernement, dans cette gestion de la crise sanitaire, s’attache particulièrement à gérer nos corps. Certains corps vont être sommés de ne plus sortir de chez eux tandis que d’autres sont forcés de servir les flux économiques qui « doivent » être maintenus dans des conditions plus que critiquables.

Et ils sont violentés s’ils contreviennent aux règles édictées. Ces corps sont des territoires où les politiques s’expriment : barrières individuelles contre une propagation, pions des flux économiques, externalités d’un système carcéral qui veut conserver sa maîtrise hégémonique.

200417 - Triptych Left Panel 1981 by Francis Bacon - La Déviation
Panneau gauche d’un triptyque fait en 1981 par Francis Bacon qui anticipait deux policiers à cheval allant verbaliser une personne qui ne respecte pas le confinement.

Sur les corps des femmes se matérialise aujourd’hui de façon accentuée la violence du système patriarcal, notamment pour les femmes confinées avec des partenaires violents. Nous pouvons dire que leur interdire de fuir est une violence supplémentaire que l’on peut signaler.

Dans nos corps se matérialise aussi l’incompréhension de la situation présente : nombre d’entre nous ont des règles chamboulées, décalées, retardées. Bien sûr, des explications biologiques existent et sont cohérentes pour cela.

Cependant, souhaitons-nous accepter tout cela ? Nous pouvons nous donner des outils pour modifier ces emprises sur nos corps. On nous enjoint à prendre soin de nous et de nos proches : mais la guérison et le soin, ce sont aussi des processus de transformation politique.

Collectivement, proposons de nouvelles histoires, qui guérissent, à partir de nos vécus et de ceux que les autres partagent avec nous.

Révoltes aux CRA de Mesnil-Amelot et de Vincennes

Le 11 avril au soir, les sans-papiers détenu·es dans le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot occupent la cour du bâtiment et bloquent la promenade pour protester contre leurs conditions de détention, notamment après qu’une personne porteuse du coronavirus est temporairement enfermée dans le centre, risquant de contaminer nombre de prisonnièr·es.

Les détenu·es (ainsi que les policièr·es du centre) ne disposent ni de masque, ni de gel hydro-alcoolique. La répression policière s’abat sur le CRA le lendemain matin, et plusieurs détenu·es sont déporté·es vers d’autres centres en France, menaçant d’y répandre l’épidémie.

Le 12 avril, au CRA de Vincennes, des affrontements éclatent entre sans-papiers et policièr·es, ces dernièr·es refusant le transport d’un détenu malade à l’hôpital ; les détenu·es obtiennent finalement gain de cause.

Le 25 mars, la demande de fermeture des CRA pour circonstances exceptionnelles déposée par plusieurs associations dont le Gisti devant le Conseil d’État avait été rejetée. Le ministre de l’Intérieur soutenait alors que « la condition d’urgence n’[était] pas remplie et que ne [pouvait] être retenue aucune carence de l’autorité publique de nature à constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, dès lors que les mesures de rétention actuellement en cours sont nécessaires et proportionnées, que des mesures de prévention ont été prises et que l’accès aux soins en rétention est garanti ».

On voit ce qu’il en est dans la réalité des faits…

200417 - Mur par mur nous détruirons les Cra A bas les Cra- La Déviation
Le site abaslescra.noblogs.org propose des ressources et analyses pour lutter contre les CRA.

Pour plus d’infos, on vous invite à consulter le suivi détaillé sur Paris-luttes.

Sous-traitants et illuminations nucléaires

EDF s’est vanté en début de confinement de réussir à faire tourner les centrales nucléaires avec une petite fraction de ses salarié·es. Or, les salarié·es d’EDF ne sont que des cadres : toutes les opérations de manipulation sur ses sites sont assurées par des sous-traitants.

C’est donc oublier que le monde de la production énergétique nucléaire ne se restreint pas à un contrôle depuis une salle couverte digne d’un film de science-fiction. Les installations nucléaires nécessitent aussi un entretien, qu’il soit celui, basique, du nettoyage, ou celui moins classique des opérations à réaliser sur les tranches (c’est à dire les réacteurs) comme les arrêts qui permettent de renouveler le combustible.

200417 - Dans les servitudes nucléaires Revue Z by Damien Rondeau - La Déviation
Dessin de Damien Rondeau pour illustrer l’enquête parue dans la Revue Z en 2012 sur les sous-traitants du nucléaire.

Lorsqu’on a que des salarié·es qui peuvent travailler à distance, il devient bien plus simple d’afficher des chiffres de télé-travail élevés. Les salarié·es des sous-traitants, quant à eux, sont pour pas mal au boulot.

Les syndicats continuent à réclamer des conditions de travail conformes aux mesures sanitaires, dénoncent une ambiance anxiogène, et s’inquiètent d’une communication imprécise. Les salarié·es partent parfois en « grand déplacement » d’une centrale à l’autre sans être testé·es et sans savoir si du boulot est disponible là-bas plutôt qu’ici.

Et c’est le contexte choisit par le gouvernement pour publier un décret accordant un délai supplémentaire à l’EPR de Flammanville, pour lequel les retards et dépassements de budget sont déjà bien nombreux. Plus localement, la préfecture de la Meuse a autorisé le 10 avril l’Andra à capturer et recenser des amphibiens dans le cadre du projet d’enfouissement Cigéo.

Pour finir sur une note joyeuse : de très jolies illuminations sont apparemment prévues pour l’anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl (c’est le 26 avril, préparez-vous) !

Amazon : le tribunal de Nanterre fait un carton chez les salarié·es

« Première victoire syndicale » jubile Solidaires mardi 14 avril. L’Union syndicale fait plier Amazon France devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Le risque d’attraper le covid-19 dans les entrepôts de la firme justifie la réduction drastique de ses activités. La décision est relayée par CNN.

Les critiques répétées de Muriel Pénicaud à l’endroit du géant du commerce en ligne ne disaient rien qui vaille. Ce n’est toutefois pas l’action de ses services qui contraint Amazon à réduire la voilure, mais l’assignation en référé d’un syndicat.

200417 - Amazon España por dentro vue d'ensemble by Álvaro Ibáñez CC BY 2.0 - La Déviation

L’inspection du travail s’était contentée d’une mise en demeure à partir du 3 avril concernant quatre sites où l’absence de matériel de prévention et de mesures de distanciation entraînaient un risque de contagion des travailleur·ses. Nous vous en parlions dans notre sixième numéro. Affaire classée cinq jours plus tard pour trois d’entre eux. Aux yeux du ministère, mais pas de la justice !

La juge Pascale Loué-Williaume observe dans l’ordonnance que nous nous sommes procuré·es (à partir de la page 9) que les représentant·es des salarié·es n’ont pas été associé·es à l’évaluation des risques, en ce qui concerne le portique d’entrée ou l’utilisation des vestiaires.

Au sujet des transporteurs, « il n’est toujours pas justifié des protocoles de sécurité prévus par le code du travail ». Le risque de contamination par le biais des chariots automoteurs sur les quais de livraison n’a pas été suffisamment évalué. Pas plus que celui lié à la manipulation des cartons. Sur le site nordiste de Lauwin-Planque, des « non-respects » ponctuels des mesures de distanciation ont été relevées et partout les formations dispensées tout comme la prise en compte des risques psycho-sociaux sont insuffisantes.

« Il y a lieu […] d’ordonner […] à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distributions. »

Pour s’assurer d’être entendue, la première vice-présidente du tribunal assortit sa décision d’une astreinte d’un million d’euros par jour et par infraction constatée. Une somme qui doit être rapportée aux 4,5 milliards de chiffres d’affaires déclarés en 2018 sur le territoire. Conséquence, la multinationale ferme ses entrepôts jusqu’au lundi 20 avril, minimum.

Les salaires seront maintenus à 100 % durant ces cinq jours, mais la firme qui emploie environ 10.000 personnes dans le pays, dont un tiers en intérim envisage de les subventionner grâce au chômage partiel. Une demande qui ne manquerait pas d’audace pour une multinationale suspectée de dissimuler des milliards au fisc. Sur France Info, le directeur général d’Amazon France prend une posture de victime, tout en agitant la carte du chantage à l’emploi.

200417 - Carte implantation Amazon en France rapport Attac Solidaires 2019 - La Déviation
L’implantation d’Amazon en France a été cartographiée par Attac et l’Union syndicale Solidaires dans un rapport su l’impunité fiscale, sociale et environnementale de la firme, mis en ligne en novembre 2019. Cliquez sur l’image pour y accéder

Solidaires espère que ce jugement permettra de donner raison aux salarié·es qui ont tenté d’user de leur droit de retrait. Et même qu’il « ouvre la voie à d’autres actions ». Dans ce dossier éminemment politique, le juge d’appel peut néanmoins revenir sur cette décision dans les prochains jours, par exemple si Amazon arrive à fournir les pièces manquantes à son dossier.

Le tribunal des référés de Paris avait rendu le 9 avril une décision similaire, dans l’affaire qui oppose Sud-PTT et la direction de La Poste. Le groupe doit « recenser les activités essentielles et non essentielles à la vie de la nation » et associer le personnel à une évaluation des risques liés à l’épidémie.

Les intermittent·es fragilisé·es

La culture n’aura jamais semblé aussi accessible. De nombreux contenus sont désormais disponibles en ligne, temporairement ou pendant toute la durée du confinement : collections de musées (Giacometti, Louvre), expositions (Frida Kahlo…), musique (Opéra de Paris…), littérature ou encore théâtre (par exemple le Théâtre des Amandiers…).

Cette soudaine manne de libre accès ne doit pourtant pas nous faire oublier que les artisan·nes de la culture, et notamment du monde du spectacle, déjà précaires, sont fragilisé·es par le confinement.

200417 - Spectacles reportés Théâtre des Amandiers Nanterre - La Déviation
La liste des annulations s’allonge au théâtre des Amandiers de Nanterre. Le site web propose en revanche des captations. Accédez-y en cliquant sur l’image

Pour bénéficier de leurs indemnités sur les périodes où iels ne travaillent pas, les intermittent·es du spectacle doivent faire un minimum de 507 heures (ou recevoir au moins 43 cachets) en 365 jours.

Le gouvernement a fait un premier pas en banalisant toute la période du confinement (à partir du 15 mars), qui ne comptera donc pas dans les 365 jours. De plus, les intermittent·es qui arrivent en fin de droits verront ceux-ci prolongés jusqu’à la fin du confinement. La déclaration mensuelle auprès de Pôle emploi reste d’ailleurs de rigueur.

Néanmoins, nombre de spectacles ont été annulés à partir du 4 mars, date des premières restrictions de rassemblement ; par ailleurs, la liste des événements annulés (Aucard de Tours, etc.) jusqu’à mi-juillet est longue, faisant non seulement disparaître des contrats mais aussi les bénéfices escomptés des répétitions menées au cours des derniers mois.

Un premier décret publié le 14 avril est jugé très incomplet par la CGT Spectacle, qui réclame une facilitation du recours à l’activité partielle pour les personnes en CDD d’usage, notamment. Une pétition qui anticipe une longue période de vaches maigres demande la prolongation des droits un an après la date de reprise, pour tous les artistes, technicien·nes et intermittent·es.

Sur ce dossier comme sur d’autres – pensons aux pigistes, nous vous vous parlions dans notre cinquième gazette -, l’attentisme du ministère inquiète. Franck Riester n’a fait qu’ajouter à la cacophonie en déclarant jeudi 16 avril sur France Inter que les « petits festivals » pourraient se tenir à partir du 11 mai. On se pince, quand on sait que les hôtels et restos garderont portes closes et surtout que les scientifiques craignent une « seconde vague ».

Dans l’attente d’une probable interdiction de tous les événements estivaux, les organisateur·ices peuvent théoriquement poursuivre leur travail et leurs dépenses, mais c’est bien pour une annulation qu’iels optent majoritairement. Une option qui, en l’absence d’arrêté les sécurisant financièrement, remet en cause leur pérennité, dans un secteur très soumis aux aléas.

Dans ces conditions, le plan spécifique du ministre de la Culture dont l’annonce est prévue dans quinze jours promet de susciter d’instances manœuvres en coulisses.

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Évacuation de Zad pendant le confinement

Ce qui est pratique quand on est un État qui met en confinement toute sa population, c’est qu’on peut ne pas respecter ses propres règles.

C’est ce qui s’est passé en Vendée lors de l’évacuation, ce mercredi 8 avril vers 20 h, de la Zad de la Dune, installée pour lutter contre un projet de port de plaisance destructeur (la mairie affirme que les lieux étaient vide et que ce n’était pas légalement une expulsion). Dans leur communiqué, les zadistes parlent de 70 habitant·es de Brétignolles aidé·es par les services techniques municipaux brûlant leurs cabanes…

La gazette envoie tout son soutien à la vingtaine de zadistes évacué·es et abandonné·es dans la rue en fin de soirée par la police en pleine crise sanitaire.

200411 - Zad de la Dune expulsée et brûlée à Bretignolles-sur-mer en Vendée le 8 avril 2020 2 - La Déviation
La Zad de la Dune en Vendée a été expulsée le 8 avril au soir par un important dispositif policier. Des habitant·es de la charmante cité de Bretignolles ont ensuite brûlé les cabanes et brutalisé les animaux, selon les témoignages des zadien·nes.

Nous aurons besoin des Zad plus que jamais pour lutter contre tous les projets imposés, inutiles et destructeurs qui se préparent avec la relance économique dont le capitalisme va avoir besoin (en Chine, le gouvernement lance des plans d’investissements massifs). Alors préparons nous !

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Industrialisation et coronavirus

Et si la pandémie en cours avait été causée par la société industrielle dans laquelle nous vivons ?

Un article du Monde diplomatique rappelle que la transmission des virus des animaux vers les humains est favorisée par la destruction des habitats des espèces, comme la déforestation, en prenant de multiples exemples antérieurs à la pandémie actuelle : ébola, maladie de Lyme, etc.

De plus, les zones détruites sont souvent utilisées pour faire de l’élevage industriel qui offre les « conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels ».

Mais ne tombons pas pour autant dans l’excès en prétendant que le virus est une vengeance contre notre société car cela nous orienterait vers un éco-fascisme destructeur.

Tout cela n’empêche pas l’agrobusiness de continuer comme si de rien n’était : alors que quasiment tout le monde est confiné, des transports de veaux à travers l’Europe dans des conditions scandaleuses sont maintenus comme le dénonce l’association L214 !

200410 - Capture d'écran vidéo Le transport des veaux Irlande France Pays-Bas by L214 01 - La Déviation

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Amazon : des dons au goût amer

Les soignant·es du Kremlin-Bicêtre et d’ailleurs ne goûteront probablement pas plus la com’ des multinationales que celle de l’Elysée.

Tandis que certain·es se rendent compte des conséquences des attaques infligées au système de santé, qui en est réduit à servir de plateforme de publicité pour les différentes entreprises se lançant dans la philanthropie, ou que d’autres se souviennent qu’il existe une plateforme de « crowdfunding » efficace, l’impôt, d’autres encore ne perdent pas de vue leurs intérêts.

191114 - Manifestation hôpital Lannion Tout droits réservés Sylvain Ernault - La Déviation
Les manifestations du personnel soignant se succèdent depuis des années, le plus souvent dans une indifférence polie des médias comme des pouvoirs publics. Ici devant l’hôpital de Lannion à l’automne 2019.

Amazon (13 milliard d’euros de bénéfice en 2019), dont le dirigeant, Jeff Bezos est la personne la plus riche du monde, a fait appel aux dons publics pour… payer des congés maladie à ses salarié·es qui tomberaient malades.

Les syndicats français préféraient éviter les chambres de réa. Solidaires, se bat sur le terrain judiciaire pour obtenir la fermeture de six sites. Le tribunal judiciaire de Nanterre se prononcera mardi 14 avril. Onze dossiers de salarié·es souhaitant faire valoir leur droit de retrait ont par ailleurs été transmis aux prud’hommes, indique Laurent Degousée, co-secrétaire de Sud Commerce.

La CGT de Douai a assigné l’entreprise en référé pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

La CFDT a déclenché une grève mercredi, quelques jours après les mises en demeure prononcées par l’inspection du travail, dont nous vous parlions dans notre précédent numéro.

Quant à l’ultimatum de Muriel Pénicaud, lancé le 5 avril et arrivant à échéance le 8, il ne semble pas avoir le moins du monde perturbé les petites affaires de la firme de Seattle.

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