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Ces 50 masques par foyer qui nous manquent, ou l’affaire du rapport enterré

Un rapport remis en mai 2019 à Santé publique France recommandait de fournir, en cas de pandémie, une boîte de 50 masques par foyer, soit un milliard d’unités au total. Dix mois plus tard et faute de stocks suffisants pour faire face au Covid-19, le gouvernement dissuade les citoyens de se couvrir le visage, y compris dans un magasin. En revanche, veuillez remettre vos exemplaires en pharmacie messieurs-dames !

« On ne peut pas dire qu’il y a eu un défaut d’anticipation de cette crise, bien au contraire », défendait la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur CNews, lundi 23 mars. Pourtant, cette semaine encore, la pénurie de masques, de tests et de réactifs pèse sur la capacité de la France à lutter correctement contre l’épidémie de coronavirus Covid-19, dont le nombre de victimes dépassera probablement les 2.000 d’ici 24 ou 48 heures.

Devant la représentation nationale, le ministre de la Santé concédait d’ailleurs mardi que des marchandises étaient encore attendues en provenance des Etats-Unis et de Chine.

De l’aveu même d’Olivier Véran, interrogé le 17 mars sur France Inter, l’Etat ne dispose alors plus que de 110 millions de masques chirurgicaux dans ses stocks stratégiques, malgré les réquisitions annoncées quatre jours plus tôt par le premier ministre.

Pis, aucun masque FFP2, plus performant, ne traîne dans ses greniers. Jusqu’en 2011, un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de FFP2 étaient entreposés en permanence à travers le pays.

Des instructions ministérielles passées à partir de 2011, sous les mandats de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, ont causé ce désarmement. L’après-H1N1 est marqué par de vives accusations de gabegie visant Roselyne Bachelot. Les gouvernements successifs mènent une politique de réduction des dépenses publiques, qui conduit l’Etat à transférer la charge des équipements de protection vers les employeurs.

Les pouvoirs publics misent sur la capacité des usines chinoises à irriguer le marché en cas de crise. Sans anticiper l’effet qu’aurait une pandémie apparaissant précisément dans ce pays !

Les responsabilités sont collectives, mais Emmanuel Macron ne peut toutefois pas se défausser sur ses prédécesseurs. Il était informé du problème. L’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, avait remis une note de cinq pages au futur candidat à la présidentielle le 5 septembre 2016.

« Le risque doit être considéré comme important »

Une alerte encore plus récente aurait pu, ou dû, amener le gouvernement à revoir sa doctrine.

Un rapport commandé par la Direction générale de la Santé (DGS) [1] en 2016 et remis à l’agence nationale de santé publique en mai 2019 établi noir sur blanc la nécessité d’équiper la population en masques.

Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France

Consultez le rapport du 20 mai 2019 intitulé « Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale »

Le groupe d’experts présidé par le Pr Jean-Paul Stahl formule plusieurs recommandations. Celles relatives aux masques sont exprimées en deuxième position, immédiatement après la question des antiviraux.

« En cas de pandémie, le besoin en masques est d’une boîte de 50 masques par foyer, à raison de 20 millions de boîtes en cas d’atteinte de 30 % de la population. » Cela équivaut donc à un milliard de masques. Le même nombre qu’il y a dix ans.

« Le risque [de pandémie] doit être considéré comme important », soulignent les scientifiques, qui alertent dès la quatrième page de leur rapport sur la nécessité de faire primer les enjeux sanitaires sur les considérations d’ordre économiques.

« Un stock peut arriver à péremption sans qu’il y ait eu besoin de l’utiliser. Cela ne remet pas en cause la nécessité d’une préparation au risque. La constitution d’un stock devrait être considérée comme le paiement d’une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser. Sa constitution ne saurait ainsi être assimilée à une dépense indue. »

« Rapidité d’intervention »

Ils ne précisent cependant pas la taille de ce stock, estimant qu’elle est « à considérer en fonction des capacités d’approvisionnement garanties par les fabricants ». Capacités qui, on l’a vu, se sont révélées pour le moins défaillantes, la production ayant été délocalisée en Asie. Ce rapport ne propose pas de modélisation médico-économique, en l’absence des données nécessaires, selon ses auteurs.

Plus loin, les professionnels insistent sur la « rapidité d’intervention ». L’exemple de nos voisins helvètes guide leur préconisation.

« La Suisse a recommandé à ses habitants de constituer un stock de 50 masques disponibles en préventif au domicile. Pour cela, la Suisse a dû créer le marché et nouer un accord avec l’industrie pour réduire les coûts d’achat (pour le fixer à environ 7 centimes). Cette recommandation a été relativement bien suivie par la population. »

Loin d’écouter ce conseil, la France demeure en situation de pénurie plus de deux mois après la première alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le Covid-19. Bien que le pic épidémique ne soit pas encore atteint et que le bilan officiel fasse déjà état, au 26 mars, de 1.696 morts dans l’hexagone, le gouvernement demande aux Français de remettre leur stock personnel en pharmacie afin d’équiper les soignants.

Sur l’île de La Réunion, ce sont des matériels de protection périmés et parfois même moisis qui ont été livrés dans les officines par l’Agence régionale de santé.

Autre écueil identifié par les rapporteurs, le manque de coordination entre pays voisins. Leur septième principe préalable concerne en effet « le besoin d’une collaboration européenne ». C’est pourtant tout le contraire qui s’est produit, la Commission en étant toujours à l’élaboration d’un « marché public conjoint » au 26 mars, bien après que le vieux continent est devenu l’épicentre mondial de la pandémie.

Les pays asiatiques absents du rapport

Ces recommandations auraient pu être encore plus strictes, mais le rapport n’est lui-même pas dépourvu de biais.

Il s’appuie en effet sur une comparaison internationale des performances, un « benchmark », qui ne s’appuie que sur cinq pays occidentaux : le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suisse.

190520 - Avis d'experts stratégie pandémie grippale - Santé Publique France 08

Le tableau comparatif ne comporte aucun pays d’Asie, zone pourtant confrontée au premier chef par l’épidémie de Sras en 2003-2004. Aujourd’hui, les données montrent que la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, le Japon et même la Chine savent bien mieux répondre à la crise que les pays choisis par le sous-groupe d’experts.

Le compte rendu de l’audition du Pr Fabrice Carrat est en cela révélatrice. S’il estime, au regard d’un faible corpus d’études, que « peu d’éléments factuels permettent d’affirmer que le masque est une protection très efficace dans la communauté » [l’ensemble de la population, NDR], il observe aussi que « le port du masque n’est pas culturellement admis en Europe, contrairement à ce qui est observé en Asie ».

Notre prophylaxie déficiente nous mène au confinement

« L’adoption du masque diffère donc de façon très significative suivant les zones géographiques, contrairement à l’utilisation de la solution hydro-alcoolique qui est désormais mieux admise en communauté, poursuit-il. De ce fait, les recommandations devront être assorties de mesures sociales en vue d’inciter les personnes à rester à leur domicile. »

En d’autres termes, notre prophylaxie déficiente et en particulier l’absence de campagne de prévention nous mène au confinement. Avec son cortège de défaillances économiques.

Une étude portant sur ces différences culturelles rapidement balayées aurait-elle permis d’adapter nos méthodes ? Les experts insistent sur « l’impérieuse nécessité de communication et de pédagogie coordonnée, à destination du grand public ».

L’intégration de spécialistes des sciences humaines et sociales dans le groupe d’experts aurait-elle corrigé cet angle mort ? On peut l’imaginer.

Quoi qu’il en soit, il est surtout permis de douter des capacités du gouvernement à en tenir compte. Jean-Paul Stahl se demande lui-même dans Le Canard Enchaîné du 25 mars si son rapport « n’a pas servi à caler une table au ministère ». Le dogme libéral dominait toujours jusqu’au déclenchement de « la plus grave crise sanitaire qu’ait connu la France depuis un siècle ». Parole de président.

[1] Avis d’experts relatifs à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale, Santé Publique France, 20 mai 2019, consulté en ligne le 26 mars 2020.

Illustration : Masks by Daniel Foster CC CC BY-NC-SA 2

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Alain Stéphan alerte sur le Ceta

Aligner les normes sociales, économiques, sanitaires et environnementales pour faciliter le commerce entre pays est un principe clé du libéralisme autant qu’une évidence pour la plupart des gouvernements du monde, qui s’y emploient activement depuis les années 1990 sous l’égide de l’OMC.

Dans le viseur des nouveaux accords : les « barrières non tarifaires » comme les appellations géographiques protégées ou la protection de la vie privée.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada est entré partiellement en application le 21 septembre 2017, avant même sa ratification par les parlements nationaux. Ainsi, les barrières douanières ont été levées par le Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement), mais la cour d’arbitrage, tribunal d’exception qui doit trancher les différends entre Etats et multinationales, doit attendre un peu. La France n’a pas publié de calendrier de ratification.

Les opposants au Ceta s’appuient notamment sur l’exemple de la compagnie américaine Lone Pine, dont le permis d’extraction de gaz de schiste au Québec a été révoqué en 2012 suite à un moratoire canadien. La multinationale réclame 150 M$ canadiens aux pouvoirs publics, en s’appuyant sur l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena).

Selon une étude du chercheur Scott Sinclair du Centre canadien de politiques alternatives cité par Le Devoir, le Canada a été poursuivi à 39 reprises par des entreprises étrangères, pour 60 % concernant des règles environnementales.

Comme l’Alena, le Ceta ou encore le Tafta (Union européenne – Etats-Unis) risque de remettre en cause le principe de précaution.

Le samedi 18 novembre, Attac France (Officiel) organisait une journée d’actions pour demander un référendum au gouvernement français sur la ratification du Ceta. Des militants ont fait signer une pétition à Guingamp, dont Alain Stéphan, membre du collectif Stop Tafta-Ceta-Tisa Trégor, basé à Lannion.

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Musiques transatlantiques

De même que Stromae nous rappelle que la chanson francophone n’est pas l’apanage des Français, La Déviation vous propose un tout petit tour d’horizon des artistes québécois qui valent le détour.

Si j’ai pu profiter du Festival d’été de Québec au mois de juillet, c’est parce que j’ai la chance d’habiter dans cette belle ville. Difficile donc de commenter l’actualité politique, musicale ou radiophonique française en étant si loin. Alors j’ai eu envie de vous parler des artistes de la relève francophone québécoise, ceux qui ont du succès ici, et dont les chansons mériteraient définitivement de traverser l’Atlantique.

Parce que non, il n’y a pas que les Cowboys Fringants, Cœur de Pirate, Céline ou Garou au Québec. Une flopée d’artistes talentueux se taillent peu à peu leur place.

Leur playlist se trouve en fin d’article.

Marie-Pierre Arthur

Marie-Pierre Arthur - Crédits Marianne Larochelle - La Déviation
Vous avez peut-être entendu parler de Marie-Pierre Arthur, avec sa chanson Si tu savais, extraite de l’album “Aux alentours”. L’ex-choriste, devenue interprète à part entière, s’est même faufilée dans la programmation des Vieilles Charrues l’été dernier.

Lisa Leblanc

Lisa Leblanc - Crédits Lisa Leblanc - La Déviation

Petite exception dans cette sélection québécoise, Lisa Leblanc, native de la province voisine du Nouveau-Brunswick, a elle aussi vu son premier album sortir en France. Vous ne la connaissez pas ? Mais si, sa vie “c’est d’la marde” comme le dit la chanson éponyme. Une belle voix rauque, un accent acadien à couper au couteau, et des mots anglais à la pelle.

Si vous ne comprenez pas tout, c’est normal. Sa recette folk et authentique et ses déboires sentimentaux ont charmé le public québécois en 2012, ce qui lui a valu de remporter le Félix de la révélation de l’année au gala de l’Adisq, l’équivalent des Victoires de la musique.

Louis-Jean Cormier

Louis-Jean Cormier - Crédits Richmond Lam - La Déviation
Côté hommes, Louis-Jean Cormier. Il fait partie d’un groupe nommé Karkwa depuis 15 ans, mais s’est accordé une pause en solo. Grand bien lui en a pris. Louis-Jean a réalisé l’album acclamé de Lisa Leblanc et en a profité pour réaliser un premier disque perso, qui a lui-même remporté six trophées au dernier gala de l’Adisq. On appelle ça le talent.

Découvrez dans ma playlist Tout le monde en même temp, tiré de l’album “Le treizième étage”.

 Les sœurs Boulay

Les Sœurs Boulay - Crédits Les Soeurs Boulay - La Déviation
Les sœurs Boulay ont été les gagnantes des Francouvertes 2012. Stéphanie et Mélanie : deux voix, une guitare. C’est tout, et c’est particulièrement efficace. La blonde, la brune et le talent. Il n’y a rien à jeter dans leur album “Le poids des confettis”. J’ai choisi de mettre dans ma playlist Des shooters de fort sur ton bras. En québécois le fort signifie l’alcool fort, comme la vodka, le gin.

Comme j’aime beaucoup je recommande aussi Mappemonde ou Par le chignon du cou. Si vous suivez la logique, elles ont aussi été récompensées par deux Félix. En France on a pu les entendre au Printemps de Bourges cette année.

 Alex Nevsky

Alex Nevsky - Crédits Alex Nevsky - La Déviation

Un autre jeune homme s’illustre depuis la fin de l’été, Alex Nevsky. Un mélange de beaux mots et d’émotions colorées.

Sa chanson On leur a fait croire, issue de son second album “Himalaya mon amour”, est un vrai ver d’oreille (comprendre un refrain entêtant). Vous risquez de fredonner son ‘papapapa’ pendant un moment.

Ingrid St-Pierre

Ingrid Saint-Pierre - Crédits Ingrid Saint-Pierre - La Déviation

Ingrid St-Pierre. Sous ses airs de petite chose fragile, la demoiselle cache une grande maîtrise dans ses compositions et une jolie plume. Elle était présente à l’affiche du Festival d’été de Québec cette année.

Avec “L’escapade”, la blonde platine en est déjà à son deuxième album, dont La planque à libellules est extraite. Pour ceux qui trouveraient ça un peu lent, ça décolle à 2’45 !

 Karim Ouellet

Karim Ouellet - Crédits Karim Ouellet - La Déviation

Un dernier représentant de la gent masculine, Karim Ouellet. Je voulais le présenter parce que j’aime beaucoup sa chanson L’Amour, mais j’ai par la suite été un peu déçue, notamment par son passage au Festival d’été. Son album « FOX », inégal, vaut tout de même l’écoute.

Il est passé par Rennes pendant les Trans et a récemment fait la première partie de -M- à Bercy, ce qui devrait aider à le faire percer.

Je vous ai présenté mes chouchous, mais il y en aura d’autres la prochaine fois. Si vous êtes Parisien, peut-être aurez vous la chance de voir ces chanteurs dans des petites salles, si vous êtes en province, priez pour que les maisons de disque fassent plus de promo aux artistes de la francophonie.

Ma playlist québecoise

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Festival d’été de Québec, plein les jambes et les oreilles

Les festivals français, on connaît. Les européens, un peu, si on a la chance d’y aller. Mais on parie que vous n’êtes pas des habitués des festivals américains. Ça tombe bien, on était au Festival d’été de Québec, du 4 au 14 juillet.

Le Festival d’été de Québec s’est achevé dimanche sur la prestation de Stevie Wonder (à laquelle on a eu la flemme d’assister), après pas moins de onze jours de concerts, en plein cœur de la ville éponyme. Le FEQ, de son petit surnom, prend place sur les plaines d’Abraham, parc historique de plus de 100 hectares, à côté du parlement québécois (voir sur Google Map).

Le bracelet à puce du festival, et le macaron, qui ne sert à rien sinon à te faire clignoter le téton avec une LED rouge.
Le bracelet à puce du festival, et le macaron, qui ne sert à rien sinon à te faire clignoter le téton avec une LED rouge.

Lors de la conférence de presse-bilan qui s’est tenue lundi, les organisateurs ont annoncé une édition déficitaire, pour la toute première fois. Dix-mille laissez-passer n’ont pas été vendus, mais 140 000 personnes en ont quand même pris plein les oreilles entre le 4 et le 14 juillet.

Les onze jours debout, à marcher et sauter, il faut les tenir sur la durée. Mais le FEQ finit tôt, généralement avant minuit, ce qui facilite la tâche. Par contre, pas de camping prévu, les hôtels se frottent les mains. Côté orga, le pass – un bracelet à puce – et la fouille très sommaire, où on ne cherche en gros que la bière, rendent l’entrée très fluide. Le laissez-passer coûtait 80 dollars (soit un peu moins de 60 euros) cette année. Même si ça fait moins de 10$ par jour, les Québécois trouvent que c’est vraiment très cher, mais surtout que le prix a tendance à augmenter énormément d’une année sur l’autre.

La scène principale « Bell », au bord du fleuve Saint-Laurent, est taillée pour le rock et l’electro de masse. Les programmateurs n’osent clairement pas y inviter des artistes aux répertoires un peu moins fédérateurs.

Les groupes de moins grande envergure doivent se contenter du Parc de la Francophonie, plus intime, mais qui montre vite ses limites de capacité, du fait qu’il soit clôturé pour l’évènement. Il faut sinon s’aventurer en basse-ville de Québec, dans l’intimité des petites salles partenaires.

La typologie du spectateur : ado, les cheveux longs, la casquette à l’envers.

Le public québécois, un peu statique, est prêt à se laisser conquérir si on y met les arguments. Mais il ne faut pas s’attendre à des pogos dans la foule, et le slam se fait au compte-goutte, même avec les groupes les plus rock.

La typologie du spectateur du FEQ : ado, les cheveux longs, la casquette à l’envers et le T-shirt sans manche pour les garçons, les shorts très très courts et pas beaucoup de tissus pour les filles (un peu la norme ici). Le festival est sinon très familial.

 La scène Bell, avec le Saint-Laurent à l'arrière, et la ville voisine de Lévis au fond. Crédits Renaud Philippe.
La scène Bell, avec le Saint-Laurent à l’arrière, et la ville voisine de Lévis au fond. Crédits Renaud Philippe.

On peut souligner quelques faits notoires : on n’a pas vu un drapeau breton (!), les toilettes restent étonnamment hygiéniques après huit jours de festival (et c’est quand même bien sympa).

Le bénévolat est ici particulier, les vendeurs de bière ou de shots de whisky en tenue sexy se déplacent dans la foule pendant les concerts et se font des salaires grâce aux pourboires.

Le cartable-chaise, l'atout senior du FEQ.
Le cartable-chaise, l’atout senior du FEQ.

On peut aussi se procurer du « fort » comme on appelle ça ici (gin, vodka, rhum), ou même acheter des bouteilles de vin au bistro officiel, et pourtant, on croise peu de festivaliers très imbibés.

Enfin, pour parler tendance, on pallie l’interdiction des tabourets sur le site avec une nouvelle arme, le cartable qui devient une assise avec dossier ! Le vieux Québécois adore.

Côté prog : de tout. Et de partout. Alors on a fait une mini mini sélection. Notamment le jeudi 11 juillet, l’une des soirées electro de la dizaine, probablement celle où il y a eu le plus de monde et le plus de décibels.

On a raté le talentueux Madeon à cause de la file d’attente. Dommage.

Martin Solveig : une vraie déception. Martin aime beaucoup ce qu’il fait. Tant mieux pour lui. Il s’adresse à la foule en anglais (au Québec…) ou dans un français teinté d’accent américain ridicule. Il mixe du Daft Punk (pour l’originalité on repassera), le groupe Fun… et tes propres compos à succès mec ?

Tiësto, tête d’affiche du jeudi 11 juillet

Wolfgang Gartner enchaîne, se coulant dans la masse electro-club, faisant « la job » de façon efficace.

Vient Tiësto, le Néerlandais tête d’affiche de la soirée, se contente du minimum d’échanges avec son public, mais personne n’a vraiment l’air de s’en soucier.

Habitué des soirées à Ibiza, le DJ livre un gros show boum-boum, avec de la pyrotechnie tout le long, avant un feu d’artifice final impressionnant, qui explique en partie les 250.000 dollars de sa prestation. Merci pour la cécité temporaire et l’acouphène !

Parmi les artistes français, on comptait Zaz (non merci, on n’a pas quitté la France pour ça), mais aussi -M-. La presse québécoise lui a reproché d’avoir trop peu joué ses dernières chansons et de se reposer sur ses lauriers musicaux.

On pense au contraire qu’il a eu la meilleure stratégie, face à un public pas forcément conquis (comme il peut l’être en France), en se basant sur ses classiques, en se faisant pédagogue et en usant de beaucoup d’instrumentaux et d’improvisations pour faire bouger les plaines.

On dit le public québécois policé, -M- le rend polisson

On dit le public québécois policé, -M- le rend polisson, « hum tu m’excites ! » Et ça marche. Dans la province, pourtant bastion féministe, les filles reprennent en chœur « macho macho j’adore ».

Si tu le pousses un peu, le public québécois se laisse même aller à quelques mouvements de bras.
Si tu le pousses un peu, le public québécois se laisse même aller à quelques mouvements de bras.

Tête d’affiche très attendue, le 8 juillet, Bruno Mars, en bon américain, se déplace avec une équipe de 80 personnes et fait le show.

Chemise léopard et déhanché langoureux, il enchaîne les succès radio, passant du reggae aux influences seventies, avant de dégainer l’atout charme ultime : le piano.

Bruno fait la cour à sa cour. Le public est, sans surprise, majoritairement composé de jeunes filles en fleurs aux cris suraigus. Il gratifie cette foule hormonée de plusieurs « Koubec je t’aime, bisou ».

On a beau avoir dépassé l’adolescence, on se laisse prendre au jeu. On salue les courageux parents accompagnateurs.

On pourra regretter un Bruno Mars un poil trop sûr de son effet. Lorsqu’il entonne When I was your man, chanson sur le thème très très original d’un amour perdu, il explique que « c’est dur de chanter ça ce soir ». Quelque chose nous dit qu’il le raconte tous les soirs…

Parce qu’il y en avait aussi pour un public plus mûr, la chanteuse Emmylou Harris, accompagnée de Rodney Crowell, le charisme tranquille, la voix parfaitement maîtrisée, a apporté une touche country folk au festival.

Les fans, moins nombreux ce mardi soir-là, n’en ont pas moins été en communion avec l’artiste à la tignasse blanche immaculée, qui se fait très rare en Europe. Les petits avantages de l’Amérique.

On a aussi vu Ellie Goulding, géniale, MGMT, ça sentait le joint comme jamais et c’était mou, Cœur de pirate, les Black Keys, les Trois Accords, le meilleur concert décrète la groupie en nous, Karim Ouellet, mouais, Cafeïne, ouais, Weezer, énergique !

Ne reste plus qu’à se reposer un peu avant le prochain festival de Québec. Celui des bières, en août !

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Une semaine sur les ondes #4 – 9 juin

L’international domine cette chronique dominicale. Les émetteurs d’ondes courtes s’éteignent les uns après les autres, le changement de nom de Radio Canada provoque un débat national, tandis que des reporters risquent leur vie en Syrie. C’est une nouvelle semaine sur les ondes.

À la une

Savez-vous que l’hymne nord-coréen nous traverse tous les jours. Il est dans l’air, insaisissable, à moins de posséder un poste radio qui reçoit les ondes courtes.

Voice of Korea (j’en reparlerai prochainement), Iran French Radio, Radio Chine Internationale, mais aussi Radio Prague, la BBC, la Deutsche Welle, NHK World, Radio Prague et bien d’autres* diffusent des programmes en langue française grâce à des antennes gigantesques qui se trouvent parfois à des milliers de kilomètres des auditeurs. Les ondes courtes véhiculent autant la propagande que des informations vitales, dans des zones désertiques ou en guerre par exemple.

Sauf que celles qui ont connu leur heure de gloire pendant la guerre froide sont aujourd’hui en voie de disparition. Les réductions de coûts et les changements de stratégies ont eu raison de Radio Bulgaria, Radio Canada International et Radio Netherlands Worldwide ces derniers mois. L’épée de Damoclès plane aussi au-dessus de RFI.

Alexis Ipatovtsev l’avait regretté en janvier sur France Culture.

Le site Syntone vient de publier une interview passionnante de Thomas Witherspoon, fondateur et directeur de l’ONG Ears To Our World. Le radioamateur reste optimiste quant à l’avenir des ondes courtes. Il souligne qu’on “commence à utiliser les ondes courtes pour transmettre des données numériques vers des pays privés d’internet libre, comme la Chine”.

* Vous trouverez ici un annuaire des radios internationales qui proposent des programmes en langue française.

Hot news

Les noctambules français seront-ils bientôt désorientés ? Ceux qui ont l’habitude d’écouter les programmes de la nuit sur France Info connaissent les journaux de Radio Canada, qui sont diffusés comme ceux de la RTS et de la RTBF. Or, l’indicatif changera bientôt.

Les différentes chaînes francophones uniformiseront bientôt leur nom pour officiellement, donner une image plus dynamique au groupe. Les noms des radios et des télés commenceront par “Ici”. Arrêt sur Images relevait cette information vendredi. Le spot explicatif ne suffit pas à convaincre.

L’idée, qui coûte 400.000 $ rien qu’en dépenses de communication fait presque l’unanimité contre elle. Gouvernement, syndicats et auditeurs se rebiffent. Beaucoup craignent que ce soit une façon de mettre de côté le caractère national du diffuseur, dans un pays où la question de l’indépendance du Québecoise reste posée.

On l’a appris cette semaine, des Assises de la radio se tiendront “à l’automne prochain“. C’est ce qu’a annoncée la ministre de la culture Aurélie Filippetti lors des Assises de l’audiovisuel, au Grand Palais, à Paris. Ces assises devraient confronter les professionnels historiques de la radio, aux nouveaux venus de l’ère numérique.

Radio Campus Paris (93.9 FM, de 17 h 30 à 5 h 30) a fêté ses quinze ans, lundi, au cours d’une émission spéciale (à écouter ici). Laurent David des Inrocks a interviewé Felix Paties, le président de la radio étudiante. Preuve de l’intérêt des jeunes pour la radio, les propositions de bénévolat affluent.

Et puis le journaliste d’Europe 1 Didier François, grand reporter, habitué des zones de guerre a été enlevé par des hommes en armes en Syrie, jeudi. Il était en compagnie du photographe Édouard Elias et d’un assistant et traducteur. Le Quai d’Orsay n’a pas de nouvelles du groupe.

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Didier François d’Europe 1 et Edouard Elias, journaliste indépendant, ont été enlevés jeudi en Syrie. DR

Michel Puech propose un portrait des deux français sur son blog. Leur travail relève de l’intérêt international. Comme leurs confrères américains, italiens et d’autres nationalités, ils doivent être libérés.

Décalage

Parmi les dizaines de Tumblr qui passent sur mon écran chaque semaine, “J’ai un physique de radio” m’a évidemment tapé dans l’œil pour son nom. Et parce que les journalistes aussi ont de l’autodérision.

Quand quelqu’un débouche une bouteille pour un pot - "J'ai un physique de radio"
Quand quelqu’un débouche une bouteille pour un pot – Tumblr “J’ai un physique de radio”

Restez connectés et à la semaine prochaine !

Le flux radio

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